Isaac II Ange

Isaac II Ange (en grec byzantin : Ισαάκιος Βʹ Άγγελος) (1156-1204) est un empereur byzantin de 1185 à 1195 et de 1203 à 1204, fils d'Andronic Doukas Ange et d'Euphrosyne Kastamonites. C'est un arrière-petit-fils d'Alexis Ier Comnène.

Isaac II Ange
Empereur byzantin

Isaac II Ange, manuscrit, Zonaras (gr. 122, fol. 293r) de la Bibliothèque Estense, Modène, seconde moitié du XVe siècle.
Règne
-
9 ans, 6 mois et 27 jours
-
6 mois et 10 jours
Période Ange
Précédé par Andronic Ier Comnène
Alexis III Ange
Co-empereur Alexis IV Ange (1203-1204)
Suivi de Alexis III Ange
Nicolas Kanabos
Biographie
Naissance septembre 1156
Décès (47 ans)
Père Andronic Ange
Mère Euphrosyne Kastamonides
Épouse Herina
Marguerite de Hongrie
Descendance Alexis IV Ange
Irène
Euphrosyne
Jean Ange
Manuel Ange

Accession au trône

Le meurtre d'Étienne Hagiochristophoritès par Isaac Ange dans : Passages d'outremer.

Le , alors que Thessalonique est attaquée par les Siciliens, une voyante aurait affirmé à son cousin Andronic Ier Comnène, alors empereur, qu'Isaac devait lui succéder au trône. Isaac tue Étienne Hagiochristophoritès chargé de l'arrêter, court à Sainte-Sophie puis harangue la population. Mécontente de l'empereur, la population proclame Isaac basileus et marche sur le Grand Palais. Andronic s'enfuit, mais rattrapé, il est emprisonné puis exécuté.

Cependant Isaac II ne peut accomplir avec succès la tâche qui l'attend. L'empire est rongé de l'intérieur, l'œuvre des premiers Comnène a commencé à péricliter en à peine 5 ans et Isaac confirme cette chute. Le nouvel empereur, contrairement à ses prédécesseurs, n'a pas de vue d'ensemble de la crise que traverse l'empire ni de remède global pour y faire face.

Administration intérieure

Sur le plan intérieur, Isaac II se montre incapable d'empêcher la désintégration de l'Empire et d'enrayer l'essor de l'aristocratie féodale, de plus en plus rebelle. Le basileus altère les monnaies, augmente les impôts, paye mal les fonctionnaires qui se rétribuent donc sur le peuple.

Il confie l'administration du trésor à son oncle maternel, Théodore Kastamonitis, excellent financier mais exacteur impitoyable. À sa mort, Isaac II le remplace par des hommes inadaptés à la situation de crise de l'Empire, achevant de ruiner le trésor impérial.

Politique extérieure

Durant tout son règne Isaac II Ange doit combattre sur le front des Balkans où les Serbes progressent de manière inquiétante aux dépens de l'Empire et où les Bulgares se révoltent contre la fin du régime fiscal hérité du règne de Basile II et constituent avec les Valaques en un État indépendant (1187). Mais un des événements les plus importants du premier règne d'Isaac est la troisième croisade mené par Frédéric Barberousse.

Guerre contre les Normands

Dès son avènement, Isaac II combat les Normands, qui avaient comme projet d'envahir l'Empire sous Andronic Ier Comnène ; l'avènement d'un nouveau basileus n'a pas arrêté leur politique belliciste. Le nouvel empereur nomme rapidement le stratège Alexis Branas au commandement suprême des forces militaires. Celui-ci remporte des succès contre les troupes siciliennes du roi normand Guillaume II de Sicile, notamment lors de la bataille du fleuve Strymon ; elles sont repoussées et forcées de conclure la paix.

Révolte des Bulgares

La mauvaise administration d'Isaac II Ange entraîne la multiplication des révoltes. Un impôt extraordinaire levé sur les troupeaux pour financer le mariage d'Isaac II avec une princesse hongroise est l'occasion d'une révolte des bergers valaques. Cette insurrection s'étend à toute la Bulgarie. La révolte est dirigée par deux boyards, Pierre IV de Bulgarie et Ivan Asen Ier.

Leurs demandes sont repoussées par Isaac II Ange. Bulgares et Valaques décident donc de s'allier. La nouvelle confédération fait alliance avec les Coumans et le joupan serbe Stefan Nemanja. Pendant les années 1186-1187 Isaac parvient à limiter le développement de la révolte, empêchant les Valacho-Bulgares de s'établir en Thrace, avec l'aide du stratège Alexis Branas, mais ne peut mater la révolte.

Peu après la tentative d'usurpation d'Alexis Branas, les Valaques et les Bulgares pillent et envahissent la Thrace. Il faut qu'Isaac II Ange entre en campagne en 1188 pour les en chasser. Selon les termes d’un traité de paix, il leur octroie le pays situé entre le Danube et les Balkans. La Bulgarie redevient à nouveau un pays dangereux pour l'Empire, près de deux siècles après son presque anéantissement par Basile II.

Néanmoins Isaac II Ange, désireux de restaurer la puissance de l'Empire dans les Balkans, lance une offensive contre les Bulgares peu après celle lancée avec succès contre les Serbes en 1190. Mais cette nouvelle attaque n'a pas la même fortune. En 1191, le basileus va assiéger Tarnovo, mais une invasion subite des Coumans le force à battre en retraite et il subit une grande déroute en repassant les Balkans. Mais ce qui empêche Isaac II de repartir à l'offensive, c'est la révolte de Constantin Ange, gouverneur de Philippopolis, qui est proclamé empereur par ses soldats (1193) ; il est cependant arrêté à Andrinople et on lui crève les yeux.

Les Asen profitent de ces événements pour passer les Balkans et ravager la Thrace, battant deux généraux impériaux près d'Arcadiopolis (1194-1195). L'empereur manquant de troupes passe tout l'hiver à lever une armée et demande à son gendre le roi de Hongrie des secours. Il finit par partir en campagne au printemps de 1195, mais c'est pour être renversé par une conspiration mené par son propre frère Alexis III Ange.

Guerre contre les Serbes de Stefan Nemanja

Après la mort de Manuel Ier Comnène en 1180 les Serbes se considèrent dégagés de leurs promesses envers Byzance et Stefan Nemanja reprend sa marche d’invasion. Il soutient opportunément la révolte valacho-bulgare pour se faire de nouveaux alliés dans sa lutte contre Constantinople. En 1187, il réussit à s'emparer de la place de Niš et cherche à s'offrir un débouché sur la mer Adriatique en occupant la Dioclée en Dalmatie jusqu'aux bouches de Kotor. Pour arrêter les Serbes, Isaac II Ange doit s'allier avec le roi Béla III de Hongrie, dont il épouse la fille Marguerite de Hongrie en 1185 et avec qui il conclut une alliance dirigée contre les Serbes et les Bulgares.

Cependant en 1190, peu après que la croisade allemande eut quitté le territoire byzantin, Isaac II Ange projette de reconquérir les Balkans. Il dirige une expédition contre Stefan Nemanja et le bat sur la Morava. Cette défaite oblige le chef serbe à signer un traité par lequel il s'engage à restituer ses dernières conquêtes, tout en lui garantissant les anciennes. Le deuxième fils du joupan serbe épouse une nièce du basileus et est créé sébastokrator.

Croisade de Frédéric Barberousse (1188-1190)

C'est le , à la suite de la prise de Jérusalem par Saladin le , que Frédéric Barberousse décide de prendre la croix à Mayence. Frédéric, comme ses prédécesseurs, doit passer par l'Empire byzantin s'il veut atteindre la Terre sainte. Il choisit la voie diplomatique pour arriver à ses fins. Après des échanges d'ambassades un accord est signé en entre l'empereur Barberousse du Saint-Empire romain germanique et Isaac II Ange. Cet accord autorise les armées germaniques à traverser le territoire byzantin à condition qu'elles s'abstiennent de toute violence. Malheureusement cette croisade qui n'aurait dû causer aucun problème a des conséquences très néfastes pour l'Empire à cause d'une mauvaise décision d'Isaac II.

Traîtrise d'Isaac II

Barberousse habillé en croisé eut à se battre contre Isaac II pour aller en terre Sainte

En effet, peu après le départ de l'armée germanique, Isaac II change d'avis pour une raison inconnue et signe avec Saladin un traité d'alliance par lequel il s'engage à détruire l'armée des croisés.

À son arrivée en territoire byzantin, Frédéric Barberousse est pris au dépourvu, les routes qu'il doit emprunter sont bloquées par l'armée impériale et les convois de vivres arrêtés ; il apprend de plus que ses ambassadeurs à Constantinople ont été faits prisonniers.

Une pareille traîtrise enrage l'empereur germanique qui se met en rapport avec tous les ennemis de Constantinople. Stefan Nemanja en profite pour capturer de nouvelles forteresses à l'Empire byzantin. Très vite, le conflit entre les deux empereurs devient militaire et les forces germaniques forcent le passage de Trajan gardé par l'armée impériale. Des lettres pleines de récriminations sont échangées et Frédéric ravage la Thrace, déclarant qu'il n'arrêterait le conflit qu'en cas de libération de ses ambassadeurs. Finalement le gouverneur de Philippopolis, Nicétas Choniatès, informe le basileus de la situation et ce dernier, après plusieurs échanges d'ambassades, accepte de libérer les deux ambassadeurs ().

Mais le conflit n'en est pas fini pour autant, car les ambassadeurs libérés mettent Frédéric Barberousse au courant de l'accord signé entre Saladin et Isaac II, des prédications haineuses du patriarche et du mauvais traitement qui leur a été infligé. L'empereur germanique se considère donc en état d'hostilité avec l'Empire et après une bataille sanglante entre ses forces et l'armée byzantine à Didymotique, marche sur Andrinople qu'il atteint le . En les Allemands sont presque aux portes de Constantinople et occupent la plupart des places fortes de Thrace et de Macédoine orientale après avoir incendié Berrhoé et Philippopolis.

Compromis

Isaac II Ange, se sentant perdu, tente de tromper l'ennemi en faisant traîner les négociations en longueur. Finalement les deux empereurs signent le traité d'Andrinople () par lequel le basileus s'engage à faire passer en Asie Frédéric Barberousse et son armée à Sestos et à Gallipoli, à leur assurer des vivres, à payer une indemnité aux deux ambassadeurs qui ont été retenus captifs et à ne pas punir ceux qui ont aidé les Allemands. C'est une capitulation totale.

Les croisés franchissent donc l'Hellespont (21-) et traversent l'Asie mineure, non sans qu'Isaac II ne prévienne Saladin de leurs mouvements. Les Allemands attaquent le sultan d'Iconium Kılıç Arslan Ier qui est battu et s'avancent vers la Terre sainte. L'arrivée de Frédéric Barberousse excite la terreur dans le monde musulman mais ce dernier meurt au passage du Selef le . Après cet événement l'armée germanique se disperse.

Conséquence

La conséquence directe en Occident de l'animosité entre Frédéric Barberousse et Isaac II Ange est la confirmation de l'hypothèse selon laquelle le principal obstacle à la croisade est l'Empire byzantin. Cela fait partie des nombreuses autres causes qui aboutiront à la prise de Constantinople par les Latins en 1204.

Mouvements séparatistes

Depuis le règne d'Andronic Ier Comnène les tentatives de sécession voire d'usurpation ont été nombreuses et l'avènement du nouvel empereur est loin de les arrêter. Cependant seulement trois hommes sont vraiment dangereux pour Isaac II.

Défection d'Alexis Branas (1187)

Le basileus doit lutter contre son stratège Alexis Branas, qui, après avoir vaincu les Bulgares, se fait proclamer empereur par ses soldats et établit un blocus devant Constantinople. La situation d'Isaac II est désespérée lorsqu'arrive un chevalier franc, Conrad de Montferrat, beau-frère du basileus, de passage à Constantinople, sur le chemin de Jérusalem. La charge des cavaliers francs permet la victoire d'Isaac II. Conrad de Montferrat tue lui-même Alexis Branas au cours d'un duel à la lance.

À Chypre (1186)

Peu après le traité de paix signé avec le bulgare Ivan Asen Ier, Isaac II Ange doit lutter contre le mouvement séparatiste d'Isaac Doukas Comnène. Le basileus envoie une flotte contre Chypre, où se trouve celui-ci, mais la flotte impériale subit un désastre face à la flotte sicilienne envoyée par Guillaume II de Sicile pour secourir Isaac Doukas Comnène. L'amiral normand vainqueur, Margaritus de Brindisi, reçoit en fief du roi de Sicile les territoires conquis en 1185 qu'il possède encore et reste en possession de Zante et de Céphalonie.

En Asie mineure

En Asie mineure, Isaac II Ange ne peut venir à bout du séparatiste Théodore Mancaphas qui se crée un territoire comprenant la Lydie et Philadelphie. Pour l'en déloger l'empereur fait appel au duc des Thracésiens, Basile Vatatzès, qui le chasse. Théodore Mancaphas se réfugie auprès du sultan d'Iconium. Il obtient de ce dernier des troupes avec lesquelles il ravage les provinces byzantines. Isaac II finit par obtenir avec de l'argent que Théodore Mancaphas lui soit livré, mais cet épisode en dit long sur l'impuissance de l'empereur et la désagrégation progressive de l'Empire.

Fin du règne

Le , Isaac II Ange est détrôné et aveuglé par son frère Alexis III Ange. Son fils, le futur Alexis IV Ange, se réfugie à Venise et demande l'aide de la république de Venise. Profitant de l'occasion, le doge de Venise Enrico Dandolo détourne la quatrième croisade sur Constantinople et le rétablit Isaac II Ange sur le trône impérial associé avec Alexis IV Ange.

Son second règne sera de courte durée : l'occupation des Francs et la politique menée par Alexis IV Ange suscitent le mécontentement de la population, et une révolte conduite par Alexis V Doukas Murzuphle éclate causant la déchéance d'Isaac II Ange et d'Alexis IV Ange le . Isaac II Ange meurt peu après à la nouvelle de l'arrestation de son fils par Alexis V Doukas Murzuphle[1].

Bilan

Excepté pour la deuxième partie de son règne durant lequel son pouvoir est surtout symbolique, le règne d'Isaac II Ange constitue une catastrophe pour l'Empire byzantin, qui perd définitivement les Balkans avec la révolte des Bulgares et la progression des Serbes. Après deux siècles d'unité, les Balkans redeviennent une mosaïque d'États dangereux pour l'Empire byzantin. L'intégrité de l'Empire est donc gravement menacée.

De surcroît, les mouvements d'usurpation ou séparatistes se révèlent de plus en plus dangereux pour Constantinople et illustrent une impuissance grandissante du basileus.

Sa brouille avec Frédéric Barberousse, probablement sa plus grosse faute politique, entraîne une guerre ouverte entre les deux empereurs qui se termine par une véritable capitulation d'Isaac II Ange. Cet événement a été un des facteurs qui entraînent l'animosité entre l'Empire germanique et l'Empire byzantin et plus largement entre l'Occident et Constantinople, et qui conduit à la prise de Constantinople en 1204.

Notes et références

  1. Rodolphe Guilland, Études Byzantines : « La destinée des empereurs de Byzance », PUF, Paris, 1959, p. 30 : selon Nicétas Choniatès « Il fut pris d'un violent tremblement à la suite duquel il entra en agonie. il était dans sa 50e année ».

Voir aussi

Bibliographie

  • Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, Albin Michel, coll. L'évolution de l'humanité, Paris, 1946, (ISBN 2-226-05719-6).

Liens externes

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