Protectorat français au Maroc

Le Protectorat français au Maroc[N 2] (en arabe : حماية فرنسا في المغرب, Ḥimāyat Faransā fi-l-Maḡrib) est le protectorat qui est exercé par la France dans l'Empire chérifien. Il faisait partie de l'Afrique française du Nord, avec l'Algérie française et le Protectorat français de Tunisie, et plus largement de l'Empire colonial français.

Protectorat français au Maroc
(ar) الحماية الفرنسية في المغرب
Ḥimāyat Faransā fi-l-Maḡrib

19121956


Drapeau d'Empire Chérifien[1]

Blason
Carte de 1912; le protectorat français au Maroc est indiqué en vert clair et les colonies françaises en vert foncé.
Informations générales
Statut Empire chérifien et protectorat français
Capitale Rabat
Langue(s) Berbère, arabe et français
Religion Islam, judaïsme, catholicisme
Monnaie Franc marocain et Rial marocain
Histoire et événements
Traité de Fès
1934 Achèvement de la « pacification »
Présentation du Manifeste de l'indépendance
Discours du trône du sultan Sidi Mohammed (futur roi Mohammed V) annonçant l'arrivée de l'indépendance[N 1]
Abrogation du protectorat entre le Maroc et la France

Entités précédentes :

Entités suivantes :

Il est mis en place par le Traité de Fès conclu à Fès, le , entre le Sultan Moulay Hafid et la Troisième République française[2], sultan du Maroc [2]. La fin de ce protectorat, dont l'arrivée fut annoncée au Maroc par le sultan Sidi Mohammed ben Youssef  futur roi Mohammed V  lors de son discours du trône du [3] (date retenue pour la Fête nationale de l'indépendance), fut actée avec la Quatrième République française le [3].

Parallèlement, fut instauré un protectorat espagnol au Maroc[N 2] à compter du 27 novembre 1912, sur la base d'une convention de Madrid 1912, et le retour à la souveraineté du Maroc fut officiellement reconnu par l'Espagne près d'un mois après la France, le 7 avril 1956.

Histoire

Avant le protectorat (1844-1912)

À partir de 1844, plusieurs épisodes se succèdent impliquant le Maroc, la France et les puissances européennes. Ils se soldent par la tenue de la conférence d'Algésiras en 1906 qui place le Maroc sous observation internationale, qui a eu lieu à la suite de la première crise marocaine qui a commencé en 1905. La conférence a commencé le 16 janvier en 1906 et toutes les grandes puissances européennes y étaient représentées. Cette conférence avait pour seul but de décider ce qui devait être fait en ce qui concerne le Maroc, l'un des rares pays africains n'ayant pas été pris en charge par une puissance européenne[4].

Conflit franco-marocain de 1844

Les premières tensions entre la France et le Maroc remontent à 1840, à la suite du soutien que les Marocains accordaient à Abd el-Kader dans sa lutte contre l'avancée française en Algérie. Ces tensions sont au sommet en 1843, quand les forces françaises poursuivent une colonne de combattants d'Abd el-Kader à l'intérieur du territoire marocain. La construction d'un fort français à Maghnia, une localité considérée par les Marocains comme faisant partie de leur territoire, attise les tensions et une première escarmouche a lieu en mai 1844, quand le fort est attaqué par des guerriers tribaux qui sont finalement repoussés.

Face aux tensions, le gouverneur-général Thomas Robert Bugeaud insiste face aux Marocains sur la nécessité de la démarcation de la frontière entre le Maroc et les possessions françaises d'Algérie et de l'arrêt de leur soutien à Abd el-Kader. Les Marocains ne donnant suite aux requêtes françaises, le gouvernement du roi Louis-Philippe décide de procéder à une démonstration de force en envoyant une flotte de guerre, commandée par le prince de Joinville, bombarder Tanger le 6 août 1844, avant de mettre le cap sur Mogador.

La flotte du prince de Joinville arrive en vue de Mogador le 10 août mais ne peut reprendre les opérations que cinq jours plus tard en raison d'une forte tempête. Le 15 août au matin, les défenses de la ville et de l'île de Mogador sont neutralisées et la cité est occupée. Entretemps sur terre, les Marocains subissent une défaite cinglante à Isly.

À la suite de la défaite marocaine, le traité de Tanger est signé un mois plus tard, le 10 septembre 1844. Le Maroc reconnaît la présence française en Algérie et cesse tout soutien officiel à Abd el-Kader  déclaré hors-la-loi au Maroc et en Algérie  et entérine le tracé de sa frontière avec l'Algérie. Mogador est évacuée le 16 septembre et les frontières entre le Maroc et les possessions françaises d'Algérie sont définitivement fixées par le traité de Lalla Maghnia, signé entre les représentants des deux parties le 18 mars 1845.

Conférence de Madrid (1880)

Conférence demandée par le sultan Hassan Ier afin de redonner un point de vue sur les pays qui ont des particularités dans le Maroc mais qui a fini par donner encore plus de caractéristiques pour la France et l'Espagne.

Conquête des confins algéro-marocains (1890-1901)

Pacte de Carthagène (1907)

Le 16 mai 1907, l'Espagne s'aligne à l'Entente cordiale par le biais du pacte de Carthagène (es). L'Espagne rejoint ainsi le camp anglo-français contre les ambitions allemandes au Maroc, tandis que les trois pays reconnaissent leurs intérêts respectifs et leurs sphères d'influence[5].

Traité de Fès (1912)

Le mouvement de protestation qui éclate à Fès suite à l'établissement du protectorat est écrasé dans le sang par l'armée française[6].

Pacification du Maroc (1912-1934)

Paul Deschanel, président de la Chambre des députés et spécialiste des questions coloniales, conversant avec le résident général au Maroc, Hubert Lyautey (Casablanca, 1914).

Après les révoltes urbaines, c'est au tour des tribus rurales de lutter contre l'armée française. L'insurrection du Rif conduite par Abdelkrim el-Khattabi proclame la république. L'historien Pierre Vermeren souligne qu'il faut « vingt-deux ans de guerre pour soumettre l'ensemble des tribus berbères à l'autorité du sultan désormais défendue par le protectorat[6]. »

Promulgation du Dahir berbère (1930)

En mai 1930, la France impose au sultan Mohammed Ben Youssef le « dahir berbère ». Celui-ci précise que les tribus berbères doivent dorénavant se soumettre au droit pénal émit par les juridictions françaises, ce qui est vécu par une large partie de la population comme une tentative de la France de briser la nation marocaine.

Révolution du Roi et du Peuple (1953-1955)

La tension est très forte dès la fin de l'année 1952, qui voit se dérouler les Émeutes des 7 et 8 décembre 1952 à Casablanca, causant de cent à trois cent morts selon les historiens[7],[8]. Les libéraux du Maroc, rassemblés autour du quotidien Maroc-Presse d'Antoine Mazzella et Jacques Lemaigre Dubreuil dénoncent alors la répression qui suit, notamment lors de l'exil forcé du sultan du Maroc.

Le début de la révolution algérienne contraint la France à rechercher un compromis avec les nationalistes marocains pour éviter un embrasement régional. Lors de la conférence d'Aix-les-Bains en aout 1955, les représentants marocains négocient le retour du roi, alors exilé par la France à Madagascar, et la prochaine indépendance du pays. Dans la même période est annoncée la création d'une Armée du libération du Maghreb (ALM), regroupant des combattants marocains et algériens, avec pour objectif « la réalisation totale de l'indépendance pour les pays du Maghreb arabe ». Cette annonce accentue les craintes de Paris et la contraint à accélérer le processus d'indépendance du Maroc afin de sauvegarder sa propre autorité en Algérie[6].

Déclaration de La Celle-Saint-Cloud (6 novembre 1955)

Une entrevue à La Celle Saint-Cloud le 6 novembre 1955 entre le sultan Mohammed ben Youssef, parvenu en France le 31 octobre, et Antoine Pinay donne lieu à un communiqué concernant la formation d'un nouvel État marocain chargé de conduire des négociations destinées à « faire accéder le Maroc au statut d'État indépendant uni à la France par les liens permanents d'une interdépendance librement consentie et définie ». Le processus de transition vers l'indépendance officielle du Maroc est ainsi mis en place. Les accords signés mettent fin à l'exil de Ben Youssef et déclarent son retour au pouvoir (il avait été remplacé sur le trône par son oncle, Mohammed Ben Arafa)[9],[10].

Institutions

Régime politique

Selon The American Journal of International Law, « le traité ne remet pas en cause l'existence indépendante du Maroc, au sens où il n'est pas annexé en tant que province ou que département. Son existence territoriale doit être maintenue, la souveraineté du sultan doit être protégée et ses droits reconnus, mais d'un point de vue international, le Maroc perd son indépendance et son égalité avec d'autres nations »[11]. Selon la Cour internationale de justice, il s'agit d'un « accord de nature contractuelle » entre les deux pays, qui ne remet pas en question la souveraineté du Maroc[12].

Dans les faits, le pouvoir exécutif est incarné par le résident général, représentant de la France, qui dispose d'une assez large liberté de manœuvre. Le sultan et le Makhzen sont maintenus comme éléments symboliques de l'Empire chérifien, l'autorité réelle étant exercée par le résident et ses fonctionnaires et officiers (contrôleurs civils et militaires). À la suite du départ de Lyautey en 1925, la résidence devient néanmoins sensible aux pressions exercées par les puissants groupes d'influence coloniaux, représentés par les patrons de la grande industrie et par les Chambres françaises d'agriculture du Maroc.

Démographie

Éducation

L'éducation est essentiellement réservée aux enfants des notables et seule une très petite minorité d'enfants issus des milieux populaires y accèdent. Dans les années 1930, le Maroc ne compte qu'une vingtaine de bacheliers par an[6].

Économie

Notes et références

Notes

  1. Le 18 novembre est devenu au Maroc, de manière officielle, l’anniversaire de l’indépendance.
  2. Il était officiellement nommé Protectorat français dans l'Empire chérifien dans le traité de Fès, publié quelques mois après dans le premier bulletin officiel du pays, qui avait pour en-tête : « Empire chérifien : Protectorat de la République française au Maroc »

Références

  1. Moulay Youssef et Charles de Beaupoil de Saint-Aulaire, « Dahir du 9 moharrem 1334 (17 novembre 1915) portant description du nouveau drapeau de l'empire », Bulletin officiel de l'Empire chérifien : Protectorat de la République française au Maroc, Rabat, vol. 4, no 162, , p. 838 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  2. Moulay Hafid et Eugène Regnault, « TRAITÉ conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'Organisation du Protectorat Français dans l'Empire Chérifien », Bulletin officiel de l'Empire chérifien : Protectorat de la République française au Maroc, Rabat, vol. 1, no 1, , p. 1-2 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  3. André de Laubadère, « Le statut international du Maroc depuis 1955 », Annuaire français de droit international, Paris, CNRS, vol. 2, , p. 126 (lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) « La conférence d'Algésiras de 1906 ».
  5. William L. Langer (en), « Tribulations of Empire: The Mediterranean Problem », Foreign Affairs, New York, Council on Foreign Relations, vol. 15, no 4, , p. 650 (DOI 10.2307/20028808).
  6. Saïd Bouamama, Figures de la révolution africaine, La Découverte, , p. 238
  7. "L'impossible contrôle d'une ville coloniale ?Casablanca, décembre 1952" par Jim House, dans la revue Genèses en 2012 
  8. "Les balles du 14 juillet 1953: Le massacre policier oublié de nationalistes algériens à Paris" par Daniel KUPFERSTEIN aux EditionsLa Découverte, 2017
  9. Bernard Droz, Histoire de la décolonisation au XXe siècle, Éditions Points, , 386 p. (ISBN 978-2-7578-1217-4), p. 194
  10. Guy Pervillé, De l'Empire français à la décolonisation, Hachette, , 255 p. (ISBN 2-01-015762-1), p. 152-153
  11. The American Journal of International Law, p. 701.
  12. (en) « Case concerning rights of national of the United States of America in Morocco », dans Giuliana Ziccardi Capaldo (préparé par), Repertory of Decisions of the International Court of Justice (1947-1992), Dordrecht, Martinus Nijhoff Publishers, , 633 p. (lire en ligne), p. 453.

Annexes

Articles connexes

Francophone

  • Ahmed Zouggari, « Le système d'enseignement sous le protectorat français et espagnol », dans 50 ans de développement humain au Maroc et perspectives 2025, (lire en ligne [PDF]), p. 453-469 — Contribution sur le thème « Systèmes éducatifs, savoir, technologies et innovation », apportée dans le cadre d'un projet d'étude et de réflexion évoqué par le roi Mohammed VI dans son « discours du 20 août 2003 » et ayant conduit à la rédaction d'un rapport général à l'occasion du cinquantenaire de l'Indépendance.
  • « Le Maroc à l'heure française », dans Michel Abitbol, Histoire du Maroc, Paris, Perrin, [détail de l’édition], p. 413-536.
  • « L'avènement d'un nouveau Maroc sous le protectorat », dans Pierre Vermeren, Histoire du Maroc depuis l'indépendance, Paris, La Découverte, coll. « Repères/Histoire » (no 346), (réimpr. 2006) (1re éd. 2002), 125 p. (ISBN 978-2-7071-6499-5 et 2707164992, OCLC 660132868, présentation en ligne), p. 7-19.
  • Bénédicte Florin, « Expériences urbaines et architecturales et discours afférents dans le domaine de l'habitat social au Maroc sous le Protectorat (1912-1956) », Les Cahiers d'EMAM, no 20, , p. 59-70 (lire en ligne).
  • Adnan Sebti, « Affaire d'État : Comment le Maroc a perdu son indépendance », Zamane, Casablanca, nos 10-11, , p. 8-14 [chapeau en ligne].
  • Mohammed Germouni (préf. Michel Rousset), Le Protectorat français au Maroc : Un nouveau regard, Paris, L'Harmattan, coll. « Histoire et perspectives méditerranéennes », , 491 p. (ISBN 978-2-343-07223-4, OCLC 927416231) [aperçu en ligne].
  • Daniel Rivet, Le Maroc de Lyautey à Mohammed V : le double visage du protectorat, Denoël, 1999.

Anglophone

Liens externes

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