Robert McNamara

Robert Strange McNamara, né le à San Francisco (Californie) et mort le à Washington[1], est un homme d'affaires et un homme politique américain, secrétaire à la Défense de 1961 à 1968 sous les présidences Kennedy et Johnson et pendant la guerre du Viêt Nam, puis président de la Banque mondiale de 1968 à 1981.

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Robert McNamara
Fonctions
5e président de la Banque mondiale

(13 ans et 2 mois)
Prédécesseur George David Woods
Successeur Alden W. Clausen
8e secrétaire à la Défense des États-Unis

(7 ans, 1 mois et 8 jours)
Président John F. Kennedy
Lyndon B. Johnson
Gouvernement Administration Kennedy
Administration Johnson
Prédécesseur Thomas S. Gates, Jr.
Successeur Clark Clifford
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance San Francisco (Californie, États-Unis)
Date de décès
Lieu de décès Washington (D.C., États-Unis)
Nationalité Américaine
Parti politique Parti républicain (jusqu'en 1978)
Parti démocrate (à partir de 1978)
Diplômé de Université de Californie à Berkeley
Harvard Business School
Religion Presbytérianisme

Liste des secrétaires à la Défense des États-Unis

McNamara est le secrétaire de la Défense resté le plus longtemps en fonction, pendant 2 595 jours.

Biographie

Robert McNamara est diplômé de l'université de Berkeley en économie, mathématiques et philosophie[1]. Il poursuit une formation en management à partir de 1937 au sein de la Harvard Business School, acquérant ainsi des techniques de gestion devenues caractéristiques de son modèle de conduite.

Armée de l'Air

Après être rapidement monté en grade au sein de la hiérarchie militaire, Robert McNamara participe, sous les ordres du général LeMay, à la guerre contre le Japon et est considéré comme l'un des initiateurs, en 1945, du largage de bombes incendiaires sur l'archipel (100 000 morts en une nuit à Tokyo et 67 villes en grande partie détruites). Il quitte l'armée en 1946 avec le grade de lieutenant-colonel et obtient la Legion of Merit.

Il commence une nouvelle carrière la même année dans la Ford Motor Company.

Ford

En , McNamara, considéré comme l'un des plus importants gestionnaires du pays[1], devient, à l'âge de 44 ans, le premier président de la Ford Motor Company à ne pas être un membre de la famille.

Secrétaire à la Défense

Après seulement cinq semaines à la direction de Ford, il est appelé au gouvernement par le président John F. Kennedy et devient alors secrétaire à la Défense des États-Unis[1]. On compte sur ses talents de gestionnaire pour maîtriser les militaires. Il fut donc aux côtés du président pour faire face à la crise des missiles de Cuba en 1962. Il s'oppose notamment aux militaires qui comme le général LeMay souhaitent profiter de la supériorité nucléaire américaine pour attaquer l'URSS. Reconstituant les forces conventionnelles des forces armées des États-Unis, il s'oppose à une défense antimissile balistique coûteuse et s'appuie sur la stratégie de la destruction mutuelle assurée afin d'assurer la dissuasion envers l'URSS.

C'est surtout durant la guerre du Viêt Nam que son rôle fut particulièrement important[1], d'abord sous Kennedy (1961-1963), puis sous Johnson (1963-1968). Celle-ci lui demande beaucoup de temps et d'énergie au ministère de la Défense des États-Unis. En 1964, il organise les incidents du golfe de Tonkin : les États-Unis simulent une attaque en mer contre leurs navires et en font porter la responsabilité aux Nord-vietnamiens, permettant de justifier leur entrée en guerre[2]. Sous Kennedy, il programme un retrait progressif des instructeurs militaires américains. Sous Johnson, il s'oppose aux militaires qui veulent sans cesse envoyer plus d'hommes ; dans ses entretiens avec le président, il cherche à désengager l'armée américaine. Mais cette position est contraire à celle du président Lyndon B. Johnson, qui souhaite prolonger une forte présence militaire au Viêt Nam. Son rôle durant la guerre du Viêt Nam reste controversé, puisque c'est sous son mandat qu'eurent lieu l'emploi de l'agent orange et l'opération Rolling Thunder. De plus en plus controversé et doutant de plus en plus de la politique militaire américaine au Viêt Nam, McNamara remet sa démission en 1968.

En 1971, la publication par le Washington Post et le New York Times des Pentagon Papers, grâce à une fuite orchestrée par Daniel Ellsberg, montre que, dès 1966, le président Johnson et son secrétaire à la Défense savaient que la guerre du Viêt Nam ne pouvait pas être gagnée. Cette publication contribua, avec l'offensive du Têt, en , à faire basculer l'opinion américaine en faveur d'un retrait de l'armée américaine du Viêt Nam.

Président de la Banque mondiale

Il est nommé président de la Banque mondiale par le président Johnson[1] en 1968.

Selon lui, un lien direct existe entre la sécurité militaire et le développement économique. La guerre est une conséquence de l'augmentation des écarts de revenus entre les pays industrialisés et ceux en voie de développement.

L'une de ses premières actions en tant que président est de demander aux directeurs une liste de tous les projets qui doivent être entrepris, indépendamment des contraintes financières, politiques ou économiques. Cette liste est utilisée comme base de son premier plan de prêt sur cinq ans et, en , il propose aux gouverneurs (c'est-à-dire aux représentants de chaque pays membre), lors des réunions annuelles, de doubler le volume des prêts pendant les cinq années à venir. Le second plan quinquennal de McNamara, présenté en 1973, envisage une augmentation des prêts de 40 % par rapport au premier. Les engagements de la banque sont passés d'environ 1 milliard USD en 1968 à plus de 12 milliards USD en 1981[1]. Il quitte la Banque mondiale en 1981, année où son épouse Marge décède[1]. Il reste seul avec ses trois enfants.

Il se montre favorable au soutien économique à la dictature militaire brésilienne, malgré les réticences de certains cadres de l'institution qui constataient que cette politique renforçait les grands propriétaires et augmentait les inégalités[3].

Mea culpa

Il écrit en 1983 dans un article de Foreign affairs[4] : « les armes nucléaires n'ont aucune espèce de but militaire. Elles sont totalement inutiles, sauf pour dissuader l'adversaire de les employer. (...) C'était déjà mon opinion au début des années 1960.  » Vers la fin de sa vie, en visite à Hanoï à l'invitation d'anciens dirigeants nord-vietnamiens, il comprit et réalisa (après discussions avec ses hôtes) que la guerre du Viêt Nam était une guerre d'indépendance et non une guerre idéologique, comme le pensait la politique américaine de l'époque[5]. En 1995, dans son livre The Tragedy and Lessons of Vietnam, il affirme que les décideurs américains au niveau fédéral « se sont trompés, terriblement trompés »[trad 1] en s'entêtant à poursuivre la guerre au Viêt Nam[6].

Dans le documentaire d'Errol Morris (The Fog of War, 2003), McNamara revient sur le bombardement incendiaire de Tokyo en . Il révèle l'aveu de son chef Curtis LeMay : « Si nous avions perdu la guerre, nous aurions tous été poursuivis comme des criminels de guerre », et confirme : « Lui et moi, nous nous comportions comme des criminels de guerre »[7].

Critiques

Dans son livre The Tragedy and Lessons of Vietnam, publié en français en 1995 sous le titre La Tragédie et les leçons du Viêt Nam[1], Robert McNamara écrit : « Je n'avais jamais été en Indochine. Je n'en connaissais ni l'histoire, ni la langue, ni la culture, ni les valeurs. Mes collègues et moi décidions du destin d'une région dont nous ignorions tout ». À propos de cet aveu d'incompétence, Serge Halimi, directeur du Monde diplomatique, relève ironiquement dans son essai politique Le Grand Bond en arrière (2004) qu'« une science aussi exceptionnellement myope débouchant toujours sur une récompense, Robert McNamara devint ensuite directeur de la Banque mondiale ».

Anecdotes

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Robert McNamara vint à Paris avec le président Kennedy ; le 1er juin 1961, il fut reçu à dîner à Matignon par le Premier ministre Michel Debré ; Mme Debré s'aperçut le lendemain que les couverts en vermeil dont McNamara s'était servi avaient disparu et les lui réclama ; celui-ci les restitua en disant qu'il avait l'habitude de prendre les couverts des maisons où il dînait en souvenir pour ses enfants[8].

En 1972, alors qu'il se rendait à Martha's Vineyard à bord d'un ferry, un homme le reconnut et tenta de le jeter à l'eau. Bien des années plus tard, l'homme confia à un journaliste écrivant sur McNamara qu'il avait agi ainsi afin de demander des « explications » sur le Viêt Nam à l'ancien secrétaire à la Défense. Malgré cela, McNamara refusa de poursuivre son agresseur.

Il est aussi représenté à la fin du jeu vidéo : Metal Gear Solid 3: Snake Eater et également dans Call of Duty: Black Ops.

Il siège dans les années 1990 au conseil d’administration du Washington Post[9].

Œuvres

  • Robert McNamara, Plaidoyer - Prévenir la guerre nucléaire, Paris, Hachette, 1988. (ISBN 2010130588)
  • (en) Robert McNamara, The Tragedy and Lessons of Vietnam, Time Books, 414 p[6] (publié en français en 1995 sous le titre La Tragédie et les leçons du Viêt Nam[1])
  • Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, chapitre « Du mensonge en politique. Réflexion sur les documents du Pentagone » 1969. McNamara est cité pour son action visant à déterminer les causes des erreurs de l'administration américaine dans la guerre du Vietnam
  • The Fog of War, documentaire d'Errol Morris, sorti en 2003 (Oscar du meilleur documentaire en 2004), sur sa vie au cœur de la Guerre froide et surtout de la guerre du Viêt Nam.

Au cinéma

Notes et références

Notes

  1. « were wrong, terribly wrong ».

Références

  1. AFP et Reuters, « Le faucon devenu colombe - Décès de Robert McNamara », Le Devoir, (lire en ligne, consulté le ).
  2. https://www.monde-diplomatique.fr/IMG/png/faux-drapeaux.png.
  3. Eric Toussaint, « Brésil : 55 ans après le renversement du président démocratique Joao Goulart, le nouveau président d'extrême-droite, Jair Bolsonaro a ordonné une célébration du coup d'État militaire de 1964 », sur CADTM, .
  4. Cité par Michel Tatu, « Dès 1961, M. McNamara jugeait les armes nucléaires « totalement inutiles » », Le Monde, .
  5. TV ARTE, 28 juillet 2010.
  6. (en) « Going nearly all the way with LBJ », The Economist, (lire en ligne, consulté le ).
  7. Michael Tomasky, « Michael Tomasky on the legacy of former US defence secretary Robert McNamara », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne).
  8. Judith Perrignon, « Médecin de campagnes », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  9. Martin A. Lee, « Le complexe militaro-médiatique », sur Le Monde diplomatique, .

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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