Guerre du Pacifique

La guerre du Pacifique comprend les campagnes menées à partir de 1941 dans la zone Asie-Pacifique, dans le cadre de l'affrontement entre les Alliés et l'Empire du Japon. La politique expansionniste du Japon visait l'ensemble de la région. Cette guerre englobe l'ensemble des opérations militaires menées sur les fronts est-asiatique et océanien de la Seconde Guerre mondiale (théâtres du Pacifique central, du Pacifique Sud-Ouest, d'Asie du Sud-Est, de la seconde guerre sino-japonaise et de la guerre soviéto-japonaise).

Pour un article plus général, voir Seconde Guerre mondiale.

Cet article concerne la guerre menée par le Japon à partir de 1941 en Extrême-Orient. Pour les autres significations, voir Guerre du Pacifique (homonymie).

Guerre du Pacifique
Soldats américains aux Philippines, un Zero japonais, reddition de soldats britanniques lors de la bataille de Singapour, le cuirassé Iowa et le bombardement nucléaire de Nagasaki.
Informations générales
Date
(3 ans, 8 mois et 26 jours)
Lieu Asie de l'Est, Asie du Sud-Est, sous-continent indien, Océanie, océan Pacifique, océan Indien.
Issue
Changements territoriaux
Belligérants
Alliés[note 1]

États-Unis

Empire britannique

Australie
Nouvelle-Zélande
Canada
Pays-Bas

 République de Chine
Parti communiste chinois
Mexique
Union soviétique (1945)
Mongolie (1945)
France libre
 France (1945)

Việt Minh

GPR Corée
Axe[note 2]

Japon
Thaïlande
Allemagne


Commandants
Franklin D. Roosevelt
Harry Truman
Robert L. Ghormley
Ernest King
Douglas MacArthur
Chester Nimitz
Raymond Spruance
Joseph Stilwell
Alexander Vandegrift
Winston Churchill
Clement Attlee
Claude Auchinleck
Bruce Fraser
Louis Mountbatten
Arthur Percival
Archibald Wavell
Aung San
John Curtin
Thomas Blamey
Karel Doorman
Hein ter Poorten
Tchang Kaï-chek
Alexandre Vassilievski Rodion Malinovski
Eugène Mordant
Ho Chi Minh
Hirohito
Hideki Tojo
Masaharu Honma
Masakazu Kawabe
Heitarō Kimura
Nobutake Kondō
Osami Nagano
Chūichi Nagumo
Shōji Nishimura
Jisaburō Ozawa
Hajime Sugiyama
Ibō Takahashi
Hisaichi Terauchi
Tomoyuki Yamashita
Isoroku Yamamoto
Plaek Pibulsonggram
Charun Rattanakun Seriroengrit
Pertes
environ 400 000 militaires
(pertes chinoises non incluses).

106 000 morts,
248 000 blessés.
plusieurs centaines de milliers de soldats et guérilleros morts.
18 000 morts (dont 12 000 morts en captivité),
12 000 blessés.
86 000 morts, blessés ou disparus.
21 000 morts,
31 000 blessés.
17 000 morts
(dont 7 000 morts en captivité), 14 000 blessés.
9 400 morts
(dont 8 500 morts en captivité).
environ 5 000 morts dont environ 3 000 militaires indochinois.
environ 1 000 morts (dont 500 morts en captivité).
environ 600 morts.

environ 8 000 000 de civils (pertes chinoises non incluses).[4]
env. 1 750 000 militaires (pertes en Chine non incluses).

1 740 000 morts.
environ 5 000 morts, disparus ou blessés.
environ 2 600 morts, disparus ou blessés.

environ 960 000 civils.

Seconde Guerre mondiale

Batailles

Batailles et opérations de la Guerre du Pacifique
Japon :

Pacifique central :

Pacifique du sud-ouest :

Asie du sud-est :


Guerre sino-japonaise


Front d'Europe de l’Ouest


Front d'Europe de l’Est


Bataille de l'Atlantique


Campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée


Théâtre américain

Le terme de guerre du Pacifique est généralement employé en Occident pour désigner cet ensemble de conflits, bien que tous les pays concernés n'aient pas été bordés par l'océan Pacifique et que les combats ne se soient pas limités aux opérations navales[5]. Du point de vue de l'Empire du Japon, cette extension de la guerre sino-japonaise fut officiellement appelée guerre de la Grande Asie orientale (大東亜戦争, Dai tōa sensō). Après la guerre, le terme de guerre de Quinze Ans (十五年戦争, Jūgonen Sensō) est entré en usage au Japon, faisant remonter le conflit à l'Invasion japonaise de la Mandchourie en 1931.

L'extension du conflit à partir de sa base continentale en Chine et en Indochine débute en décembre 1941, à partir de l'entrée en guerre officielle de l'Empire du Japon contre les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Australie. Les Japonais connaissent des succès fulgurants au début du conflit et s'emparent de vastes territoires mais sont lentement repoussés par la supériorité industrielle américaine. Le théâtre asiatique de la Seconde Guerre mondiale se distingue du théâtre européen par le rôle capital joué par les marines de guerre dans le dénouement du conflit. En revanche, les crimes de guerre du Japon Shōwa n'ont rien à envier à ceux de l'Allemagne. Ce conflit eut d'importantes conséquences en affaiblissant les puissances coloniales européennes qui connaîtront toutes la phase de décolonisation après la guerre. La guerre se termine avec la capitulation sans conditions du Japon le .

Prélude

Rivalité entre le Japon et la Chine

Les racines de la seconde guerre sino-japonaise remontent à la fin du XIXe siècle avec une Chine en plein chaos politique et un Japon en voie de modernisation rapide. Ce dernier s'empare de Taïwan en 1895 puis de la Corée en 1910 tout en étendant son influence économique en Chine et plus particulièrement en Mandchourie. Dans le même temps, la Chine se fragmente en factions autonomes du fait de la faiblesse du gouvernement central. Cette situation favorise l'expansion japonaise. Cependant, le généralissime Tchang Kaï-chek et son Kuomintang parviennent à rassembler tant bien que mal les différents gouvernements locaux. Ce renforcement inquiète les Japonais qui organisent l'incident de Mukden en 1931 pour justifier l'invasion de la Mandchourie et la mise en place d'un gouvernement fantoche, le Mandchoukuo dirigé par Puyi, le dernier empereur de la dynastie Qing. Les agressions japonaises provoquèrent la colère des membres de la Société des Nations que le Japon quitta en 1933.

À partir de ce moment, l'influence du Parti communiste chinois augmente fortement et celui-ci s'empare de vastes territoires dans le Sud-Est du pays. Considérant qu'il représente une plus grande menace que les Japonais, Tchang Kaï-chek lance une série d'offensives pour le déloger. Profitant du chaos grandissant, les Japonais interviennent à Shanghai en 1932[6].

Au Japon, les répercussions de la Grande Dépression et une série de coups d'État entraînent la chute du gouvernement civil et la prise de contrôle par les militaires. Cependant, le haut-commandement militaire n'exerce qu'un contrôle limité sur les différents corps d'armées qui agissent parfois en fonction de leurs propres intérêts aux dépens de l'intérêt national. L'empereur Hirohito jouit d'un statut quasi divin mais intervient peu dans les affaires militaires et se contente de donner les grandes lignes de la politique japonaise.

La Seconde Guerre sino-japonaise

En 1936, l'ancien seigneur de guerre Zhang Xueliang sequestre Tchang Kaï-chek pour le forcer à négocier avec les communistes en vue de former un front uni contre les Japonais. Peu après, le , l'incident du pont Marco-Polo sert de prétexte à l'attaque de la Chine par l'empire du Japon. Les nationalistes et les communistes se regroupent au sein du deuxième front uni chinois mais continuent d'agir séparément et ce rassemblement ne met pas fin aux escarmouches entre les deux camps. Les Japonais progressent rapidement mais s'aliènent les opinions publiques occidentales principalement après le massacre de Nankin et l'incident du Panay. Cependant, l'immensité du territoire, le manque de ressource, la violence de l'occupant qui empêche l'implantation de gouvernements locaux et l'exploitation des ressources font que la progression japonaise s'arrête à partir de 1938 et la bataille de Wuhan.

En 1939, les forces japonaises testent les défenses soviétiques dans l'Extrême-Orient russe à partir de la Mandchourie mais sont vigoureusement repoussées lors de la bataille de Halhin Gol par les unités soviétiques et mongoles menées par Gueorgui Joukov. Cela dissuade le Japon de poursuivre son expansion vers le nord, et le pousse à repousser plutôt les limites de l'Empire vers les îles du Pacifique et l'Asie du Sud-Est. Une paix instable s'instaura entre les deux pays jusqu'en 1945.

En , le Japon profite de la défaite de la France en Europe pour envahir l'Indochine française. L'administration coloniale française, fidèle au gouvernement de Vichy, accepte de laisser transiter par l'Indochine les troupes japonaises, qui lui laissent en échange la maîtrise du territoire jusqu'au .

Le mois suivant, la Thaïlande attaque à son tour les possessions françaises en Indochine, et déclenche une guerre franco-thaïlandaise dans laquelle le Japon se pose alors en médiateur pour obtenir un cessez-le-feu, afin de ménager ses relations avec la Thaïlande et obtenir une alliance militaire avec ce pays. Le , le Japon entre dans le pacte tripartite, l'acte fondateur de l'Axe Rome-Berlin-Tokyo.

En 1941, le conflit en Chine est complètement bloqué. Bien que le Japon contrôle une grande partie du Nord et du Centre de la Chine, le Kuomintang s'est retiré vers l'intérieur du territoire et a implanté sa capitale provisoire à Chongqing. Cependant, le contrôle japonais reste limité aux grandes villes et aux principales voies de transport. Ce qui permet l'intensification de la guerre de guérilla menée par les communistes. Pour s'assurer le contrôle du territoire, le Japon met en place plusieurs gouvernements de collaboration mais la violente politique d'occupation japonaise décrédibilise ces administrations considérées par la population comme des outils de propagande et rend leur autorité très limitée.

Tensions entre le Japon et les puissances occidentales

La dégradation des relations avec les puissances occidentales, plus particulièrement les États-Unis, s'est poursuivie tout au long des années 1930. En 1941, la Chine reçoit le soutien américain par l'intermédiaire de la loi Prêt-Bail. Le , les États-Unis et les Pays-Bas imposent un embargo total sur le pétrole et l'acier à destination du Japon. Ils entendent ainsi stopper les actions expansionnistes du Japon. Le gouvernement et les nationalistes japonais considèrent cette décision comme une agression car le pays importe 80 % de son pétrole, sans lequel il lui est impossible de faire la guerre.

Devant choisir entre abandonner les territoires chinois, durement acquis, et s'emparer des ressources qui lui manquent par la force, le Quartier général impérial choisit la guerre, malgré certaines voix au Japon doutant que l'Empire ait la capacité de battre la puissance américaine à moyen terme. C'est le cas notamment de l'amiral Isoroku Yamamoto, qui connaît bien les États-Unis où il a vécu, et qui appelle à la prudence[7]. Tout en sachant que le rapport de force en matière de capacité industrielle leur est défavorable, la caste dirigeante politico-militaire choisit la fuite en avant vers l'agression[7].

L'objectif principal des Japonais est constitué par les colonies des Pays-Bas et celles du Royaume-Uni en Asie du Sud-Est, riches en pétrole, en minerai et en caoutchouc. Néanmoins, les proches relations de ces deux pays avec les États-Unis, et la certitude que ces derniers ne laisseront pas le Japon dominer l'Asie imposent de neutraliser sa flotte de guerre[8],[9]. On peut donc distinguer deux directions d'expansion :

Une offensive vers l'est avec :

Une offensive vers le sud avec :

Une fois ces conquêtes achevées, la stratégie deviendra défensive, et le Japon espère pouvoir s'implanter solidement dans ces nouveaux territoires, en attendant victorieusement la paix.

En novembre 1941, les plans d'attaque sont pratiquement achevés. Cependant, les négociations avec les États-Unis ne sont pas suspendues, et le quartier général japonais considère que si un accord acceptable est trouvé, les attaques seront annulées même si l'ordre en avait déjà été donné.

L'Allemagne, qui souhaitait que le Japon dirige ses forces contre l'URSS plutôt que contre les États-Unis, n'est pas parvenue à convaincre son allié[7]. Des opérations en Asie au moyen de sous-marins ou de croiseurs auxiliaires des membres européens de l'Axe, le Troisième Reich et l'Italie fasciste, restèrent marginales. On peut par exemple citer les attaques allemandes sur Nauru, ou la bataille entre le croiseur léger australien Sydney et le croiseur auxiliaire allemand Kormoran.

Opérations militaires

1941-1942

Carte de l'avancée japonaise dans le Pacifique de 1937 à 1942.
L'USS Arizona brûla durant deux jours après avoir été touché par une bombe japonaise lors de l'attaque de Pearl Harbor.

Au matin du 7[note 3] , les Japonais débarquent en Malaisie, en Thaïlande[10]. Simultanément (à une heure près), le Japon lance une attaque surprise sur la principale base navale américaine dans le Pacifique située à Pearl Harbor dans l'archipel d'Hawaii. L'opération est menée par six porte-avions japonais et met hors de combat huit cuirassés. Malgré ce succès, la victoire japonaise est à relativiser, car ni les porte-avions américains (aucun n'était présent), ni les infrastructures maritimes (réservoirs de carburant et installations portuaires) ne sont endommagés. De plus, six cuirassés seront renfloués et renvoyés au combat avant la fin de la guerre. Mais, sur le moment, le rapport des forces est clairement en faveur du Japon, qui peut mener ses opérations aéronavales en Asie du Sud-Est sans craindre une intervention américaine.

Au moment de l'attaque, les États-Unis n'étaient officiellement en guerre avec aucun pays dans le monde[note 4]. Les membres du comité America First manifestaient avec véhémence pour garder l'Amérique à l'écart du conflit européen. Malgré cela, le président Roosevelt usait de son influence pour faire passer des lois visant à s'opposer à l'expansion de l'Allemagne comme la loi Prêt-Bail. L'attaque japonaise mit fin à toute opposition à la guerre. Le , les États-Unis déclarent la guerre au Japon, bientôt suivis par le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Australie. Le , l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste déclarent la guerre aux États-Unis.

Dans les jours qui suivent l'attaque de Pearl Harbor, le Japon attaque dans toutes les directions. Hong Kong tombe en moins de 17 jours, et la bataille se déplace aux Philippines. Dans le même temps, les îles américaines de Guam et de Wake sont bombardées et prises.

Forces navales des protagonistes début 1942 dans le Pacifique ( pour le Royaume-Uni et les Pays-Bas)
Équipement principauxMarine impériale japonaiseUS NavyRoyal NavyMarine royale néerlandaise
Navires de ligne1131
Porte-avions1141
Croiseurs4020173
Destroyers1258067
Sous-marins755515

Les Occidentaux sont incapables de résister à la poussée japonaise. Les Britanniques disposent d'importantes forces à Singapour et en Malaisie, mais les meilleures unités ont été envoyées en Europe ou en Afrique du Nord. En Malaisie, les Japonais progressent rapidement dans des zones jugées infranchissables par les Britanniques et ceux-ci doivent se replier à Singapour. Le HMS Repulse et le fleuron de la Royal Navy, le HMS Prince of Wales, sont coulés en moins de deux heures par les avions japonais le , ce qui laisse Singapour sans cuirassés pour la protéger. La ville est assiégée à la fin du mois de janvier 1942 et doit se rendre le  : 130 000 soldats sont faits prisonniers[11].

Soldats japonais fêtant leur victoire à Bataan dans les Philippines en avril 1942.

À la suite de la Déclaration des Nations unies (première utilisation officielle du terme de Nations unies) du , les Alliés forment l'ABDA ou American-British-Dutch-Australian Command qui devient le commandement suprême des forces alliées en Asie du Sud-Est. Sa direction est confiée au Britannique Archibald Wavell. La force ainsi créée est importante mais les unités sont dispersées, depuis la Birmanie jusqu'au nord de l'Australie, en passant par les Philippines. Elle ne parvient pas à ralentir la progression fulgurante des forces japonaises, qui attaquent Bornéo et ses riches champs pétrolifères, puis Sumatra et Java et leurs vastes ressources naturelles. Dans une tentative désespérée pour enrayer l'invasion de Java, l'ABDA subit une cuisante défaite lors de la bataille de la mer de Java à la fin de . À la suite de ce désastre, l'ABDA cesse d'exister. Profitant de la disparition de l'aviation alliée, le Japon lance une série de bombardements moralement dévastateurs (mais militairement insignifiants) sur le Nord de l'Australie. De plus, les Japonais ont entamé l'invasion des îles Salomon, en vue d'isoler l'Australie des États-Unis. Fin mars, les Indes orientales néerlandaises sont tombées aux mains des Japonais.

Les premiers débarquements aux Philippines, alors sous protection américaine, ont lieu dès le . Manille tombe le , et les 120 000 soldats philippins et américains se retranchent dans les fortifications de Corregidor et de Bataan. Sur ordre du président Roosevelt, le général Douglas MacArthur quitte Corregidor en direction de l'Australie pour y prendre le contrôle des forces alliées dans la zone. Les derniers défenseurs américains se rendent en mai.

Les assauts japonais en Birmanie forcent les Britanniques à abandonner Rangoun et à se replier jusqu'à la frontière avec l'Inde. Cette avancée japonaise prive Tchang Kaï-chek du ravitaillement allié transitant par la route de Birmanie. En mars et en avril, une puissante flotte japonaise pénètre dans l'océan Indien et lance une série de raids aériens sur l'île de Ceylan. La flotte britannique envoyée pour l'intercepter ne parvient pas à prendre l'avantage, et de nombreux cargos sont coulés ainsi que le porte-avions HMS Hermes. Néanmoins, le débarquement craint par les Britanniques ne se réalise pas, et les Japonais ne seront plus jamais en mesure de rééditer une telle opération.

Au printemps 1942, le Japon a atteint la plus grande partie de ses objectifs initiaux. Il s'est emparé de territoires immenses et de richesses considérables, au prix de pertes assez légères. Le moral des Alliés est au plus bas, du fait des défaites successives et des importantes pertes. Le haut-commandement japonais s'attend donc à pouvoir entamer des négociations de paix. Cependant, la résistance des Australiens et des Néerlandais au Timor, et surtout l'audacieux raid de Doolittle qui, le , parvient à larguer quelques bombes sur le Japon, montrent que les Alliés ne sont pas décidés à se rendre. Le raid de Doolittle, bien qu'insignifiant du point de vue militaire, montre que le Japon n'est pas à l'abri. Jusqu'alors, les stratèges japonais hésitaient entre attaquer l'Australie au sud ou en direction d'Hawaï vers l'est. Le raid convainc les Japonais d'étendre leur zone de contrôle vers l'est.

Explosion sur le Lexington lors de la bataille de la mer de Corail.
Le Hiryu peu avant son naufrage, le 5 juin 1942.

Pour étendre cette zone, les Japonais continuent alors leurs opérations vers le sud. Depuis l'île de Rabaul, conquise dès janvier, ils planifient l'attaque de Port Moresby en Nouvelle-Guinée et des Îles Salomon, pour en faire des bases d'opérations avancée en vue d'isoler l'Australie des États-Unis. Cependant, les cryptanalystes américains sont parvenus à déchifrer les codes secrets japonais et une flotte de combat est formée, menée par deux porte-avions, le Lexington et le Yorktown, sous le commandement de l'amiral Frank J. Fletcher. En face, les Japonais alignent deux porte-avions lourds le Zuikaku et le Shokaku, ainsi que le porte-avions léger Shoho, sous le commandement de l'amiral Takeo Takagi.

La bataille de la mer de Corail qui s'ensuit est la première bataille navale où les deux flottes ne se sont jamais aperçues, et où seuls les avions furent utilisés pour attaquer les forces adverses. Les Américains perdent le Lexington, et le Yorktown est gravement endommagé, tandis que les Japonais déplorent la perte du Shoho, et que le Shokaku est endommagé. Les pertes sont équivalentes, et les deux camps revendiquent la victoire. Cependant, l'invasion de Port Moresby est repoussée, et alors que le Yorktown sera rapidement réparé et pourra participer à la bataille de Midway, les deux groupes aéronavals japonais ne seront pas reconstitués à temps. Cependant, les Japonais disposent de huit porte-avions contre seulement trois pour les Américains, et leurs équipages et pilotes sont bien plus expérimentés.

Pour anéantir la flotte américaine et en particulier ses porte-avions, l'amiral Isoroku Yamamoto planifie une opération contre l'atoll de Midway. Une attaque de diversion sera menée en direction des îles Aléoutiennes, tandis que le gros de la flotte et ses quatre porte-avions lourds l'Akagi, le Soryu, le Kaga et le Hiryu approchera de Midway en vue d'y organiser un débarquement. L'île devra abriter ensuite une importante base aérienne, offrant au Japon le contrôle du Pacifique central. Mais, cette fois encore, les messages secrets japonais sont décodés, et l'amiral Chester Nimitz rassemble ses trois derniers porte-avions l'Enterprise, le Hornet et le Yorktown, rapidement réparé des dégâts subis lors de la bataille de la mer de Corail, et les place en embuscade de la flotte japonaise.

Comme prévu, la flotte japonaise arrive à proximité de Midway au matin du . L'amiral Chūichi Nagumo ordonne le bombardement aérien de l'île. L'aviation américaine présente sur l'île est détruite, tandis que la flotte japonaise n'est pas touchée. En revanche, la flotte américaine est repérée par les avions de reconnaissance, ce qui surprend Nagumo, qui hésite sur la marche à suivre. Les premiers assauts américains sont facilement repoussés, mais une escadrille de Dauntless surprend les Japonais au pire moment, et en quelques minutes, l'Akagi, le Soryu et le Kaga sont mortellement touchés. Les appareils de l'Hiryu coulent le Yorktown mais le dernier porte-avions japonais est détruit à son tour. La flotte japonaise a été anéantie, et contrairement aux États-Unis, le Japon est incapable de remplacer ses unités perdues. La bataille de Midway est le tournant de la guerre dans le Pacifique, car elle arrête définitivement l'expansion japonaise.

Marines américains au repos lors de la bataille de Guadalcanal, novembre 1942.

Le triomphe de Midway modifie considérablement la stratégie américaine. La priorité étant donnée au théâtre d'opération européen, la tactique américaine dans le Pacifique était de contenir le Japon. Ainsi, aucune offensive n'était prévue avant 1943. Plutôt que d'attaquer Rabaul, très bien défendue, les Américains décident de reprendre les îles Salomon. Le , ils débarquent sur l'île de Guadalcanal, mais la flotte américaine est mise en pièces à la bataille de l'île de Savo. Une véritable guerre d'usure commence alors, lorsque les Japonais décident d'envoyer des renforts sur l'île. La bataille sur terre se déroule dans des conditions épouvantables, au cœur d'une jungle épaisse. Sur mer, la confrontation est tout aussi violente, les batailles des Salomon orientales et des îles Santa-Cruz entrainent de lourdes pertes dans les deux camps. Les Japonais défendent l'île avec acharnement mais leur logistique est incapable de les soutenir, et ils doivent évacuer l'île en . C'est durant cette bataille qu'apparaît le Tokyo Express, surnom donné par les Américains aux destroyers japonais qui ravitaillaient les unités japonaises durant la nuit.

Dans le même temps, les Japonais, qui n'avaient pas réussi à débarquer à Port Moresby tentent de prendre la ville en traversant l'île le long de la piste Kokoda. La piste serpente dans des territoires presque inexplorés, dans un climat et un relief extrêmes. L'offensive japonaise progresse difficilement au cours de l'été, puis se révèle incapable d'atteindre la côte.

1943

Évolution de 1943 à 1945.

Au début de l'année 1943, le Japon, bien que blessé, dispose encore d'un vaste empire, gorgé de richesses. Cependant, les faiblesses japonaises deviennent de plus en plus patentes. Les pilotes font défaut et l'industrie est incapable de remplacer appareils et porte-avions perdus en 1942. Elle n'a d'autre choix que de reconvertir des coques de cuirassés, rendus obsolètes par l'aviation, en porte-avions avec tous les inconvénients que cela implique. Dans le même temps, l'industrie américaine tourne à plein régime, et même si elle doit approvisionner deux théâtres d'opérations, elle fournit la classe de porte-avions Essex, bien supérieure à ce que peuvent réaliser les Japonais. De même, les nouveaux chasseurs américains, comme le Corsair ou le Hellcat, utilisés avec les bonnes tactiques de combat aérien (profiter de leur vitesse supérieure et éviter le combat tournoyant) vont balayer l'aviation japonaise, composée d'appareils comme le Zéro, désormais déclassés par des adversaires dont la rapidité mettait en évidence leur talon d'Achille, un faible blindage. Le , un an exactement après le raid de Doolittle sur le Japon, le commandant en chef de l'armée japonaise, l'amiral Isoroku Yamamoto, est tué lorsque son appareil est abattu par des chasseurs américains P-38 au-dessus de l'île de Bougainville dans l'archipel de Salomon. Le Japon perd ainsi un de ses meilleurs officiers supérieurs.

Pour dégager définitivement l'Australie de la menace japonaise, l'amiral Nimitz planifie l'opération Cartwheel dont l'objectif est la reconquête des îles Salomon, pour isoler la puissante base de Rabaul. La progression américaine est très lente, du fait d'une résistance fanatique des Japonais qui défendent chaque île jusqu'au dernier homme, de la rudesse du climat et du relief et de l'étirement des lignes de communication et de ravitaillement. L'île de Nouvelle-Géorgie tombe le , mais les combats sur Bougainville dureront jusqu'à la capitulation japonaise. Néanmoins, Rabaul est isolé, sa garnison de 100 000 hommes y restera jusqu'à la fin de la guerre car les Américains n'ont aucune intention de prendre la ville, désormais inoffensive. Dans le même temps, les îles Aléoutiennes, occupées par les Japonais depuis , sont libérées durant l'été 1943.

Les Américains hésitent à présent entre deux stratégies pour se rapprocher du Japon et le contraindre à se rendre. L'amiral Chester Nimitz plaide pour une avancée à travers la Micronésie en capturant successivement les îles Gilbert, Marshall, Carolines, Mariannes et Bonin, dernière étape avant le Japon. De l'autre côté, le général Douglas MacArthur veut passer par le Nord de la Nouvelle-Guinée, les Moluques, puis les Philippines. Les planificateurs américains se prononcent en faveur de Nimitz, mais la puissance américaine est telle que les deux routes seront empruntées simultanément. En novembre, la reconquête des îles Gilbert commence, mais la résistance japonaise y est féroce. Pour la prise du minuscule atoll de Tarawa, 1 000 soldats américains sont tués et seuls 16 soldats japonais sont faits prisonniers sur une garnison de 4 200 hommes. Ces pertes scandalisent l'opinion publique américaine; par contre cette bataille permit de perfectionner les tactiques de débarquement. Une stratégie du saute-mouton est mise en œuvre isolant des îles abritant des bases japonaises, qui sont contournées par des débarquements effectués sur d'autres cibles.

Soldats australiens et américains débarquant en Nouvelle-Guinée, juillet 1943.

Sur le front de Birmanie, les Japonais sont arrivés aux portes de l'Inde mais sont bloqués sur les contreforts des monts Naga. Le ravitaillement n'arrive que très lentement, malgré la sanglante construction de la voie ferrée Siam-Birmanie. De plus, la destruction de la flotte japonaise à Midway rend impossible tout soutien aéronaval à l'avancée japonaise. La situation des Britanniques n'est pas pour autant favorable. Gandhi lance son mouvement Quit India et des émeutes paralysent les réseaux de transports, nécessitant une forte présence britannique. De plus, ce front est jugé secondaire par rapport à l'Europe, et les unités indiennes sont envoyés en Afrique du Nord. Malgré tout, les Britanniques lancent des offensives de petite envergure dans le nord de la Birmanie, avec peu de succès. Dans le même temps, ils mettent en place des unités de commandos parfaitement entrainés au combat dans la jungle, les Chindits, pour harceler les arrières japonais. Si les résultats militaires sont discutables, l'action a un effet considérable sur le moral des soldats. Finalement le retour de la mousson ,au milieu de l'été, met fin aux opérations militaires. Une combinaison de facteurs militaires, administratifs et naturels provoquent une immense famine au Bengale, qui fera plus de deux millions de morts.

Soldats chinois lors de la bataille de Changde en novembre 1943.

En Chine, le conflit est bloqué depuis 1938. Quelques affrontements majeurs ont lieu comme à Changsha, dans le Hubei et à Changde mais aucun n'est décisif. De manière générale, les hostilités sont rares, du fait de nombreux accords, tacites ou officieux, entre Japonais et Chinois. Néanmoins, l'occupation japonaise se traduit par de très nombreuses exactions, comme lors de l'application de la Politique des Trois Tout en 1942. Pour ravitailler la Chine, le général américain Joseph Stilwell met en place un pont aérien entre l'Assam en Inde et Kunming en Chine. La route, surnommée the Hump (la bosse) par les aviateurs, franchit l'Himalaya et permit de transférer plus de 600 000 tonnes de matériel avant la fin de la guerre.

En , le Japon organise la conférence de la Grande Asie orientale dont l'objectif est la réorganisation de l'Asie avec la création de gouvernements locaux alliés du Japon. Bien que cette conférence ait avant tout eu un rôle de propagande, elle montre également une évolution dans la pensée des dirigeants japonais. Voyant les défaites s'accumuler, ils considèrent que des relations basées sur la coopération plutôt que sur l'asservissement seraient plus efficaces pour fédérer les peuples asiatiques contre les colonisateurs européens. Cependant, cette conception entre en contradiction avec la volonté du Quartier général impérial[12]. De plus, cette évolution arrive trop tard pour influer sur le cours de la guerre.

1944

L'un des paradoxes les plus flagrants dans la stratégie japonaise est la faiblesse de sa logistique. Le Japon est un état insulaire avec peu de ressources naturelles, dépendant énormément des importations en ce qui concerne le pétrole ou les produits alimentaires. La doctrine japonaise purement offensive ne cadrait pas avec l'activité purement défensive de l'escorte de convois. Ainsi, le Japon se lança dans la construction de monstres cuirassés comme le Yamato, tout en négligeant la construction d'escorteurs, indispensables pour rapatrier en sécurité les matières premières en métropole. Le résultat fut désastreux, car les antiques contre-torpilleurs japonais ne purent lutter contre les sous-marins américains, qui coulèrent 90 % de la flotte de commerce japonaise. Les sous-marins américains ont réussi là où les U-Boote allemands ont échoué : asphyxier un pays. Au printemps 1944, la flotte japonaise est ainsi redéployée à Bornéo à proximité des puits de pétrole, mais l'île est dépourvue des infrastructures nécessaires à l'entretien d'une telle marine de guerre.

Contournant Rabaul, les Américains prennent les îles de l'Amirauté. Parallèlement, les troupes de MacArthur remontent lentement la côte nord de la Nouvelle-Guinée et entrent dans les anciennes colonies hollandaises, en débarquant à Aitape et à Hollandia en avril 1944. La reconquête des îles Marshall montre que les leçons de Tarawa ont été tirées, car les pertes sont bien plus faibles malgré la plus forte garnison japonaise. De leur côté, les Japonais réalisent que les défenses placées immédiatement sur le littoral sont trop vulnérables aux bombardements côtiers et lors des batailles suivantes, leur défense en profondeur sera bien plus difficile à percer. Dans les Marshall, les Américains appliquent la stratégie du saute-mouton. Les îles principales sont capturées pour y installer une base aérienne qui interdit la zone aux Japonais et condamne les garnisons situées sur les îles alentour à pourrir sur place.

Débarquement à Saipan.

Une fois les îles Marshall et les Carolines prises, l'attention américaine se tourne vers les îles Mariannes. Celles-ci se trouvent à moins de 2 500 km des côtes japonaises, ce qui en fait une base parfaite pour les bombardiers lourds B-29 venant tout juste d'entrer en service. Saipan est la première île à tomber, le , après un mois de combat. La chute de Saipan entraîne la démission du gouvernement de Hideki Tōjō et affaiblit la position des militaires. À la suite de la perte de Saipan, la marine japonaise organise une opération navale avec une importante flotte composée de neuf porte-avions et des plus puissants cuirassés au monde, le Yamato et le Musashi. Cependant, la flotte américaine possède 15 porte-avions, dont l'aviation embarquée est largement supérieure à celle des Japonais. Avant même le début de la bataille de la mer des Philippines, deux porte-avions japonais sont envoyés par le fond par des sous-marins américains. Le sort des armes fut tellement à sens unique que les pilotes américains surnommèrent cette bataille The Great Marianas Turkey Shoot (le grand tir aux pigeons des Mariannes). Les pertes ne pourront jamais être remplacées et par la suite les porte-avions japonais ne seront plus utilisés que comme appât ou pour faire diversion. Libérés de la menace japonaise, les Américains envahissent Tinian et y implantent la plus grande base aérienne au monde ; à la fin de la guerre, elle accueille près de mille bombardiers et 50 000 personnels au sol. Guam est également libéré en août. En septembre, les Marines débarquent à Peleliu. Les Japonais y appliquent la nouvelle tactique de défense en profondeur, ce qui entraine plus de deux mois de combats acharnés. Le tiers des soldats américains est mis hors de combat (morts ou blessé), tandis que la garnison japonaise est annihilée.

Le Bunker Hill vient d'être touché par deux kamikazes le 11 mai 1945.

Au sud, après une étape dans les Moluques, MacArthur approche des Philippines. Leur prise couperait le Japon de ses conquêtes les plus importantes en Indonésie et en Malaisie. Néanmoins, Nimitz milite pour une attaque de Formose qui permettrait également de couper les voies maritimes entre le Japon et ses possessions, mais en ferait aussi une base avancée à moins de trois heures du Japon et de la Chine. Mais, le bouillant MacArthur fait appel à des considérations politiques. Les Philippines étaient un protectorat américain et MacArthur veut respecter la promesse qu'il s'était faite de revenir en quittant précipitamment l'archipel deux ans plus tôt. L'état-major américain décide de frapper au cœur des Philippines et organise un immense débarquement sur l'île de Leyte, dont l'envergure dépasse celle du débarquement de Normandie. Pour contrer cette attaque, les Japonais tentent d'éloigner le gros de la flotte américaine en l'appâtant avec ses derniers porte-avions dépourvus du moindre appareil pour qu'une seconde flotte de cuirassés détruise la flottille de débarquement laissée sans protection. Le commandant américain William F. Halsey tombe dans le piège, mais les Japonais ne parviennent pas à exploiter leur supériorité, et doivent se replier. La bataille du golfe de Leyte, la plus grande bataille navale de l'histoire, se solde par la destruction de la moitié du tonnage engagé du côté japonais et la perte des derniers porte-avions. La première attaque suicide des kamikazes a lieu lors de cette bataille. Les pertes causées par les 2 500 kamikazes qui s'abattront sur les navires alliés jusqu'à la fin de la guerre seront très rapidement compensées par la puissante industrie américaine, d'autant plus que, l'effet de surprise passé, les attaques réussies sur les grands navires se font plus rares. D'un point de vue strictement militaire, les résultats sont meilleurs que si le pilote avait la moindre chance de s'en sortir mais ces attaques horrifient les marins américains, qui commencent à se demander quel sera le prix de la conquête du Japon.

L'équipage du Zuikaku salue le drapeau avant de quitter le navire, 25 octobre 1944.

En novembre, le président Roosevelt est réélu pour un quatrième mandat sans grande surprise, compte tenu de la guerre. Après la prise de Leyte, les Américains débarquent à Mindoro et sur l'île principale de Luçon et approchent de la capitale Manille.

Sur le front birman, les Japonais déclenchent une vaste offensive en janvier 1944. Leur attaque s'épuise rapidement, du fait de l'étirement excessif des lignes de ravitaillement. Lors des batailles d'Imphal et de Kohima, les unités japonaises épuisées sont vigoureusement repoussées, et doivent se retirer au début de l'été. À la fin de l'année, le Nord de la Birmanie est libéré, dont la ville stratégique de Myitkyina. La route de Birmanie est rouverte au début de l'année 1945.

En Chine, l'année est marquée par l'opération Ichi-Go qui permet aux Japonais de s'emparer de vastes portions de territoires en Chine centrale et méridionale. Les forces chinoises s'effondrent face à la plus grande offensive en Chine depuis plusieurs années. L'un des objectifs japonais était la destruction des bases aériennes qui, au début de l'année, étaient les seules suffisamment proches du Japon. Cependant, les Américains vont abandonner leurs bases en Chine, trop difficiles à approvisionner, et se redéploient dans les îles Mariannes tout juste conquises et encore plus proches du Japon.

1945

Au début de l'année, les possessions japonaises restent impressionnantes, et les riches régions de Malaisie et d'Indonésie lui appartiennent toujours. Cependant, le pays est à genoux, sa marine de guerre est à l'agonie après la perte de ses porte-avions. L'aviation japonaise, invincible au début de la guerre, n'est plus que l'ombre d'elle-même, ses appareils dépassés, menés par des pilotes inexpérimentés, n'ont d'autre utilité que comme kamikazes. Les bombardiers américains B-29 basés aux Mariannes commencent à anéantir les villes et les industries japonaises, sans rencontrer de véritable opposition.

B-29 larguant leurs bombes au-dessus de Tokyo au début de l'année 1945.

Aux Philippines, le général Tomoyuki Yamashita veut abandonner Manille, qu'il juge indéfendable, mais le contre-amiral Iwabuchi Sanji refuse et se retranche dans la ville avec 15 000 hommes. La bataille de Manille dure tout le mois de février, et cause la mort de près de 100 000 civils, la plupart massacrés par les Japonais. Les débris des unités japonaises se dispersent dans les jungles où ils mènent une guerre de guérilla contre les Américains et les Philippins. La reconquête des Philippines ne s'achèvera qu'avec la capitulation japonaise. 96 % des 350 000 soldats japonais dans l'archipel seront tués.

La libération de Bornéo est la dernière campagne d'envergure sur le théâtre du Pacifique. Les forces, principalement australiennes, débarquent au nord et à l'est de l'île en mai. Critiquée après la guerre car considérée comme inutile, la prise de Bornéo prive le Japon d'importantes ressources en pétrole, et isole un peu plus ses possessions en Indonésie et en Malaisie.

En Birmanie, les Britanniques poursuivent leur progression le long de l'Irrawaddy et Mandalay tombe le . Le chef de l'État fantoche de Birmanie, Ba Maw, se retourne contre les Japonais, dont les lignes craquent de partout. Rangoun est finalement prise en mai 1945. Une opération est envisagée pour reprendre la Malaisie, mais la capitulation japonaise arrive avant sa mise en œuvre.

Soldats britanniques près de Mandalay en Birmanie, janvier 1945.

Pendant que MacArthur reconquiert les Philippines, la marine américaine poursuit sa route des atolls. La prise d'Iwo Jima, à mi-chemin entre les Mariannes et le Japon, permettrait de recueillir les appareils endommagés, et de doter les escadrilles de bombardement d'une escorte qui leur fait défaut. La bataille d'Iwo Jima commence le , mais il faut plus d'un mois aux Américains pour nettoyer l'île de 21 km2 de sa garnison de 21 000 hommes. Après la prise d'Iwo Jima, le chemin du Japon passe obligatoirement par Okinawa qui pourra servir de base de départ pour un débarquement amphibie sur les îles principales.

L'invasion d'Okinawa, le 1er avril (dimanche de Pâques), surpasse toutes les opérations antérieures dans le Pacifique. La flotte américaine de 17 porte-avions reçoit le renfort des quatre porte-avions britanniques que la destruction de la flotte allemande a permis de libérer. Les Japonais envoient près d'un millier de kamikazes tout au long de la bataille. Plusieurs porte-avions sont endommagés et quelques navires plus petits sont coulés, mais la flotte américaine reste intacte. L'opération Ten-Gō lancée le est une opération suicide qui entraîne la perte du Yamato, le plus grand cuirassé de l'histoire, qui succombe sous les coups de l'aéronavale américaine. Après cette bataille la flotte japonaise a purement cessé d'exister, tout comme l'aviation, qui perd 7 800 appareils lors de la prise des îles Ryūkyū. Dans le même temps, la conquête d'Okinawa se poursuit, dans un bain de sang. Le , 200 000 Japonais dont une moitié de civils sont morts.

L'usage du lance-flammes était souvent nécessaire pour venir à bout de derniers défenseurs japonais, Okinawa, juin 1945.

La prise d'Okinawa et d'Iwo Jima a coûté la vie à plus de 25 000 Américains et le Japon ne semble toujours pas prêt à se rendre. Les stratèges sont donc forcés de planifier l'invasion des îles principales de l'archipel japonais. L'opération Downfall comportera deux débarquements d'une ampleur jamais vue, l'un en octobre sur Kyūshū et l'autre au printemps 1946 sur Honshū avec des pertes estimées, selon l'évaluation la plus pessimiste, à près de 800 000 morts chez les Américains et plus de 10 millions chez les Japonais[13]. Le nouveau président Harry Truman (Roosevelt est mort le 12 avril ) refuse de sacrifier autant de soldats pour une guerre virtuellement gagnée.

En effet, la prise des Mariannes et l'installation d'une immense base aérienne à Tinian puis la prise d'Iwo Jima permettent aux Américains de mener des opérations de bombardement stratégique particulièrement destructrices. À partir du printemps 1945, l'usage à grande échelle des B-29 et des bombes incendiaires font des ravages dans les villes japonaises à forte densité de population et aux habitations de bois. De plus, à la différence de l'Allemagne, le Japon n'était pas préparé à être bombardé. Les abris sont rares, la défense anti-aérienne et les chasseurs japonais sont incapables de protéger les villes. Le résultat est désastreux, dans la nuit du 9 au , le bombardement de Tokyo tue 100 000 personnes. La ville brûle pendant trois semaines. À la fin de la guerre, 500 000 Japonais ont été tués et 5 millions sont sans logement à cause des bombardements qui ont détruit 40 % des zones urbaines du pays. De plus, la flotte étant détruite, les cuirassés américains participent à la destruction des villes côtières. Lors de l'opération Famine, les voies navigables et les côtes sont minées empêchant le transport de fret provoquant un début de famine. Pour aggraver la situation, l'URSS a dénoncé le le pacte de neutralité entre les deux pays présageant d'une prochaine entrée en guerre.

Champignon nucléaire au-dessus de Nagasaki, 9 août 1945.
MacArthur signe les actes de capitulation du Japon le 2 septembre 1945.

Lors de la conférence de Potsdam en , les Alliés demandent la capitulation sans conditions du Japon qui devra abandonner toutes ses conquêtes depuis 1895, désarmer ses unités militaires et accepter une occupation militaire. La réception de cette déclaration divise le gouvernement japonais entre les civils prêts à l'accepter et les militaires qui pensent que l'Amérique offrira des conditions plus favorables pour éviter un sanglant débarquement au Japon. Le , le Premier ministre Kantarō Suzuki utilise le terme ambigu de mokusatsu pour qualifier l'ultimatum et cherche une voie diplomatique avec les Soviétiques. Les Américains considèrent cette réponse comme un refus. Le président Truman décide alors d'utiliser une arme révolutionnaire dont le test vient de réussir au Nouveau-Mexique. Les 6 et , les villes d'Hiroshima et de Nagasaki subissent les premiers bombardements nucléaires qui font 150 000 morts. Le , l'URSS déclare la guerre au Japon et pulvérise les unités japonaises de Mandchourie. Malgré le double choc des bombardements atomiques et de l'attaque soviétique, une partie des militaires continue de refuser la capitulation. L'empereur Hirohito demande la tenue d'une conférence dans la nuit du 9 au dans laquelle il accepte les conditions imposées par les Alliés à condition que la monarchie soit maintenue. Les Américains acceptent et le , l'empereur s'adresse à la nation pour signifier la capitulation du Japon et la fin de la guerre. Les actes de capitulation du Japon furent officiellement signés le 2 septembre sur le pont du cuirassé Missouri dans la baie de Tokyo.

À cette date, les forces armées japonaises comptabilisaient 6 983 000 militaires dont 5 525 000 dans l'armée de terre sans compter les milices et le personnel civil tandis que les pertes militaires furent estimées à 1 402 153 militaires signalés morts ou disparus en action ; en , 76 960 militaires étaient encore signalés comme disparus et, à quelques exceptions près, présumés morts[14].

Conséquences

Parade militaire américaine à proximité du palais impérial, 9 mars 1946.

La guerre dans le Pacifique eut des conséquences importantes et durables. La première est la destruction de la puissance militaire et économique du Japon. Ce dernier perd toutes ses conquêtes depuis 1895 et ne conserve que les îles de l'archipel japonais. Le pays est militairement occupé et mis sous tutelle et Douglas MacArthur devient gouverneur militaire du Japon. Il doit assurer la direction d'un pays exsangue après huit ans de guerre, relancer l'économie, rapatrier les millions de Japonais d'Asie ainsi que démocratiser et démilitariser la société. L'Armée impériale japonaise est dissoute et la constitution de 1947 précise que le pays renonce définitivement à la guerre. Cependant, la guerre froide et la guerre de Corée pousseront le Japon à se doter d'une force d'autodéfense. Le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient, équivalent du Tribunal de Nuremberg pour l'Europe est chargé de juger les crimes de guerre du Japon Shōwa mais plusieurs personnalités, dont l'empereur Hirohito ou les scientifiques de la sinistre Unité 731, ne seront pas inquiétés. Le complexe militaro-industriel japonais est démantelé et les Américains libéralisent l'économie en réformant les Zaibatsu autrefois contrôlés par l'état. Une réforme agraire est lancée mais elle ne peut empêcher la malnutrition qui sévit en 1945-1946.

La société japonaise est bouleversée par l'occupation. Elle doit absorber les centaines de milliers de rapatriés des anciennes colonies. Le droit de vote est accordé aux femmes, la liberté de la presse est instaurée, la police politique (Tokkō) et la noblesse japonaise (à l'exception de la famille impériale) sont abolies. L'arrivée de la culture occidentale dans un pays autrefois fermé et aux traditions bien ancrées provoque un profond choc culturel qui se traduit par des changements dans l'habillement, l'alimentation ou la musique. L'occupation prend fin en 1952 et le pays entame une période de croissance spectaculaire connue sous le nom de miracle économique japonais.

L'autre conséquence majeure de la guerre dans le Pacifique est l'affaiblissement des puissances coloniales. En 1939, toute l'Asie, à l'exception de la Chine, de la Thaïlande et bien sûr du Japon est colonisée. Les victoires japonaises mettent à mal l'image d'invincibilité des puissances européennes. De plus, les Japonais s'étaient appuyés sur les mouvements nationalistes en Inde ou en Birmanie pour mieux contrôler l'exploitation des richesses des territoires conquis. D'un autre côté, les mouvements indépendantistes comme le Việt Minh en Indochine firent leurs premières armes, politiquement parlant, contre l'occupant japonais (il n'y eut cependant pas de combats et les Japonais tentèrent une dernière manœuvre en octroyant l'indépendance au Viet Minh). Les idées révolutionnaires et indépendantistes rendirent impossible la reprise en main des anciennes colonies par les Européens à la fin de la guerre. Si la transition vers l'indépendance se fit sans grande violence du côté britannique en Malaisie et en Inde, elle se transforma en guerre en Indochine et en Indonésie.

En Chine, la fin de la guerre et de la menace japonaise met fin à la fragile trêve entre les nationalistes et les communistes. Ces derniers ont considérablement accru leur force durant la guerre et contrôlent maintenant une grande partie du Nord-Est de la Chine. Soutenus par l'Union soviétique et profitant de l'importante quantité de matériels abandonnés par les Japonais, les communistes reprennent l'offensive en . Les tactiques de guérilla épuisent les nationalistes approvisionnés par les États-Unis. Tchang Kaï-chek remporte plusieurs succès mais les défections se multiplient et la corruption galopante décourage les alliés américains. À la suite de plusieurs défaites en 1948, les communistes s'emparent de Pékin et progressent rapidement dans le Centre du pays. Le , Mao Zedong proclame la République populaire de Chine tandis que les nationalistes se réfugient sur l'île de Taïwan.

L'invasion soviétique de la Mandchourie entraine la division de la Corée, colonie japonaise depuis 1910, en deux zones d'influence, soviétique au nord et américaine au sud. La montée des tensions entre les deux superpuissances entraine la création de deux États idéologiquement opposés. La guerre de Corée qui s'ensuit provoque la mort de 3 millions de personnes et la partition définitive de la péninsule entre la Corée du Sud et la Corée du Nord.

Le statut des îles Kouriles occupées par l'Union soviétique en 1945 reste un sujet de friction entre le Japon et la Russie.

Crimes de guerre

En raison du grand degré de souffrance causé par l’armée japonaise au cours des années 1930 et 40, elle est souvent comparée à l’armée du Troisième Reich au cours de la période 1933-1945. L’historien Chalmers Johnson a écrit que :

« Établir lequel des deux agresseurs de l’Axe, l’Allemagne ou le Japon, fut au cours de la Seconde Guerre mondiale le plus brutal à l’égard des peuples qu’ils martyrisèrent est dénué de sens. Les Allemands ont tué six millions de Juifs et 20 millions de Russes (c'est-à-dire de citoyens soviétiques) ; les Japonais ont massacré pas moins de 30 millions de Philippins, Malais, Vietnamiens, Cambodgiens, Indonésiens et Birmans, dont au moins 23 millions étaient ethniquement chinois. Ces deux pays ont pillé les pays qu’ils ont conquis à une échelle monumentale, encore que le Japon a volé plus, et sur une plus longue période, que les nazis. Les deux conquérants ont réduit en esclavage des millions de personnes et les ont exploitées comme main d’œuvre forcée — et, dans le cas des Japonais, comme prostituées (de force) pour les troupes du front. Si vous étiez un prisonnier de guerre nazi aux mains du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande ou du Canada (mais pas de la Russie), vos chances de ne pas survivre à la guerre s’élevaient à 4 % ; en comparaison, le taux de mortalité pour les prisonniers de guerre aux mains des Japonais approchait les 30 %[15]. »

Soldat japonais s'exerçant à la baïonnette sur le cadavre d'un soldat chinois.

Les raisons d'une telle violence sont à chercher dans l'histoire et dans la culture japonaise. À partir du tournant du XXe siècle, le nationalisme japonais s'est durci. Selon la doctrine du hakkō ichi'u, la race japonaise est supérieure aux autres et par conséquent le Japon a le droit de dominer l'Asie. L'adoption du shintoïsme d'État selon lequel l'empereur du Japon est d'ascendance divine permet d'asseoir la supériorité de la nation sur les autres. La militarisation de la société commence avec le rescrit impérial aux soldats et aux marins rédigé en 1882 appelant les militaires à une fidélité absolue envers l'empereur.

Les premières victimes de cette idéologie sont les Coréens dont le pays devient une colonie japonaise en 1910. Les Japonais tentent de détruire la culture coréenne et déportent plus de 400 000 Coréens au Japon comme main d'œuvre forcée. Le Mandchoukuo connait le même sort et doit subir une occupation brutale. Près de 10 millions de Chinois sont exploités dans les différentes industries du pays dans des conditions souvent dramatiques[16]. La haine des Chinois était particulièrement vive chez les Japonais, la propagande les présentait comme des « êtres inférieurs » ou des bêtes. La guerre sino-japonaise fut par conséquent particulièrement atroce et le massacre de Nankin en est certainement l'exemple le plus connu. Après la rude bataille de Shanghai, les Japonais entrent dans Nankin alors capitale de la Chine. Les massacres vont durer trois mois au cours desquels 300 000 Chinois sont tués dans des conditions particulièrement choquantes sans que le commandement intervienne. De même, lors de l'application de la politique des Trois Tout Tue tout, brûle tout, pille tout »), 2,7 millions de civils perdent la vie. Afin de limiter les nombreux viols commis par les soldats japonais et réduire la propagation des maladies vénériennes, plus de 200 000 femmes, désignées par l'euphémisme femmes de réconfort sont contraintes de se prostituer.

L'Australien Leonard Siffleet, capturé en Nouvelle-Guinée, est photographié quelques secondes avant son exécution par décapitation.

Pour tenter de vaincre la résistance chinoise, le Japon eut recours à des armes chimiques et bactériologiques comme lors de la bataille de Changde. On estime que 500 000 Chinois sont morts de maladies comme la peste bubonique ou le choléra délibérément utilisées par les Japonais[17]. Les recherches sur ces armes biologiques étaient réalisée au sein de l'Unité 731 dirigée par Shirō Ishii. Semblables à celles effectuées par les nazis, les expérimentations exposaient les cobayes humains souvent chinois à des souffrances indicibles pour des résultats scientifiques contestables. L'unité 731 et les autres centres de recherche sont responsables de plusieurs milliers de morts dont des prisonniers de guerre américains[18] pourtant Shirō Ishii parviendra à monnayer les résultats de ses recherches avec les États-Unis en échange d'une totale impunité.

Si les peuples asiatiques furent les principales victimes des exactions japonaises, les prisonniers de guerre occidentaux connurent des traitements similaires. Selon le code du Bushido, la reddition est le déshonneur suprême. Par conséquent les prisonniers de guerre perdaient tout droit à un traitement convenable. Plus de 10 000 Américains moururent lors de la marche de la mort de Bataan aux Philippines de même que 100 000 hommes dont 16 000 soldats du Commonwealth lors de la construction de la voie ferrée de la mort en Birmanie. Les Hell ships (navires de l'enfer) utilisés par les Japonais pour déplacer les prisonniers dans des conditions épouvantables n'avaient aucun signalement et étaient attaqués par les sous-marins ou l'aviation alliée, sans qu'on puisse deviner leur réelle fonction. On rapporte également des cas d'anthropophagie, étape ultime de la déshumanisation de l'adversaire, sur des prisonniers ou des civils sans que l'on puisse accuser la faim d'en être responsable.

Bien que non comparables avec ceux des Japonais, les Alliés ont commis des crimes de guerre lors de la guerre. Les prisonniers de guerre japonais étaient souvent maltraités en représailles des actions de l'armée japonaise, particulièrement en Chine. De même, la propagande américaine rappelait les traitements inhumains infligés aux soldats alliés qui se rendaient. Sachant que les Japonais seraient sans pitié avec eux, les soldats américains hésitaient à faire quartier aux troupes qui se rendaient. D'autant plus qu'ils craignaient toujours une reddition feinte qui se transformerait en attaque suicide. Le sentiment antijaponais exacerbé par la propagande fit que la mutilation des cadavres japonais devint une chose courante parmi les unités combattantes. Pour l'historien Niall Ferguson, « Les troupes alliées voyaient souvent les Japonais de la même manière que les Allemands considéraient les Russes, comme des untermensch »[19]. Les autres accusations contre les Américains concernent le bombardement à grande échelle de zones urbaines, essentiellement civiles, au Japon et en particulier les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki.

Historiographie

De la même manière qu'en Europe les crimes de guerre de l'Armée rouge furent occultés jusqu'au début de la guerre froide et les crimes de guerre nazis en Union soviétique après le déclenchement de celle-ci, au Japon et aux États-Unis les crimes japonais furent occultés en réaction à la prise de pouvoir par les communistes en Chine. Le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient censé juger les crimes de guerre japonais fut critiqué pour l'absence d'un certain nombre de responsables en particulier celle de l'empereur du Japon et de la famille impériale, l'impunité offerte permettant de faciliter l'occupation du pays par les Américains. L'empereur fut dès lors présenté comme un spectateur impuissant marginalisé par les militaires. De même, certains sujets sensibles comme l'Unité 731 ou les femmes de réconfort ne furent pas abordés. Par la suite, plusieurs accusés purent mener une carrière politique comme Nobusuke Kishi ou Mamoru Shigemitsu sans que leurs actes passés posent problème. Ces décisions firent que le peuple japonais ne put pas prendre la pleine mesure des crimes commis en son nom par l'empire du Japon. Ainsi, à la différence de l'Europe où la négation de la Shoah est un acte répréhensible, le révisionnisme devint la norme au Japon où les manuels d'histoire furent purgés de toutes références aux crimes de guerre. Le terme d'« invasion » de la Chine est remplacé par le mot « avance » et le massacre de Nankin est traité comme une anecdote. Le maire de Nagasaki fut par exemple victime d'une tentative d'assassinat après avoir évoqué la responsabilité personnelle de l'empereur dans la conduite de la guerre.

La question du révisionnisme japonais continue d'empoisonner les relations entre le Japon et ses voisins. En effet, le Japon n'a jamais présenté ses excuses pour des actes précis et s'est contenté d'émettre « son sentiment de profond remords » pour les crimes japonais[20]. L'empereur Hirohito voulut exprimer des regrets à propos des années de guerre dès 1952 mais Shigeru Yoshida, premier ministre de 1946 à 1947 puis de 1948 à 1954 l'en empêcha[21],[22]. Ainsi, aucun homme politique japonais n'a réalisé de geste équivalent à celui de Willy Brandt à Varsovie et les dérapages sont nombreux comme les visites officielles au sanctuaire Yasukuni où sont honorés les âmes des soldats morts dont celles des criminels de guerre ou lorsque le premier ministre Shinzō Abe avance que l'esclavage sexuel n'a jamais existé[23]. Ce refus de reconnaitre ses crimes est certainement lié à la peur de devoir réaliser de nouvelles indemnisations et de devoir porter le fardeau d'une culpabilité éternelle à la manière de l'Allemagne et de son passé nazi. Parallèlement, le Japon a réussi à apparaître en Occident comme une victime de la guerre du fait des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Ainsi, le bombardement d'Hiroshima est commémoré chaque année tandis que les crimes japonais restent encore très largement méconnus dans les opinions publiques occidentales.

Notes et références

Notes

  1. Liste complète des nations ayant combattu du côté allié lors de la guerre du Pacifique : La France libre fournit aux Alliés des bases navales, et le renfort des Forces navales françaises libres dans le Pacifique. Les troupes du gouvernement de Vichy combattirent brièvement les Thaïlandais en 1940 (soutenus par les Japonais). Néanmoins, l'administration locale resta en place et collabora avec l'occupant japonais entre 1940 et 1945. Des combats opposèrent en mars 1945 les Japonais aux troupes françaises, qui avaient reconnu l'autorité du GPRF. On peut également citer les nombreux mouvements de résistance qui s'opposèrent aux Japonais dans les territoires occupés comme l'Armée rouge chinoise en Chine, la MPAJA (Malayan People Anti-Japanese Army) en Malaisie, le Hukbalahap aux Philippines ou le Việt Minh en Indochine.
  2. Liste complète des nations ayant combattu du côté de l'Axe lors de la guerre du Pacifique : L'Allemagne mène plusieurs raids dans les eaux australiennes dès 1940 à l'aide de sous-marins et de croiseurs auxiliaires.
  3. Bien que déclenchées à des dates différentes, les attaques sont simultanées (à une heure près) car elles ont lieu de part et d'autre de la ligne de changement de date.
  4. Le soutien américain à la Grande-Bretagne se traduit par la mise en place de convois pour protéger le ravitaillement avec le Royaume-Uni. Des accrochages ont alors lieu entre les destroyers américains et les sous-marins allemands.

Références

  1. « Chinese People Contribute to WWII » (consulté le ).
  2. John William Dower, War Without Mercy: Race and Power in the Pacific War, Pantheon, 1987.
  3. « Vietnam needs to remember famine of 1945 », mailman.anu.edu.au (consulté le ).
  4. Plus de 17 millions de civils chinois tués (1937-45)[1] ; autour de 4 millions de morts de civils dans les Indes orientales néerlandaises[2]; 2 millions de civils indochinois[3]; autour de 1.5 million de civils tués dans les Indes britanniques; 0.5 à un million de morts de civils philippins; et des centaines de milliers de morts issus de Birmanie, Malaisie et d’autres pays du Pacifique[2].
  5. L'historiographie anglo-saxonne utilise parfois le terme de Asia-Pacific War, soit « guerre du Pacifique » ; cf. Williamson Murray, Allan R. Millett, A War to be Won: Fighting the Second World War, Harvard University Press, 2001, p. 143. L'expression « guerre du Pacifique » est cependant la plus courante dans toutes les langues occidentales.
  6. (en) « World War II: 1930–1937 » (consulté le ).
  7. Pierre Le Vigan, « Une autre lecture de la guerre du Pacifique », La Nouvelle Revue d'histoire, no 88, janvier-février 2017, p. 28-29.
  8. Peattie & Evans, Kaigun.
  9. Willmott, Barrier and the Javelin, Annapolis: Naval Institute Press, 1983.
  10. La guerre du Pacifique (26 décembre 1941)- Journal Les Actualités Mondiales.
  11. (en) « Remembering 1942, The fall of Singapore, 15 February 1942 », awm.gov.au (consulté le ).
  12. Smith, Changing Visions of East Asia, p. 19-24.
  13. Frank 1999, p. 340.
  14. (en) « CHAPTER V DEMOBILIZATION AND DISARMAMENT OF THE JAPANESE ARMED FORCES » (version du 15 avril 2008 sur l'Internet Archive), sur history.army.mil.
  15. Johnson, Looting of Asia, LRB • Chalmers Johnson • The Looting of Asia.
  16. Zhifen Ju, Japan's atrocities of conscripting and abusing north China draftees after the outbreak of the Pacific war, 2002.
  17. Daniel Barenblatt, A Plague upon Humanity, 2004, p. XII, 173.
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