Soufrière (Guadeloupe)

La Soufrière, surnommée « vié madanm la » en créole guadeloupéen, littéralement « la vieille dame » en français, est un volcan en activité situé sur le territoire de la commune de Saint-Claude en Guadeloupe, dans le parc national de la Guadeloupe et la réserve de biosphère de l'archipel de la Guadeloupe, dans le sud de l'île de Basse-Terre. La commune de Basse-Terre, chef-lieu du département et région d'outre-mer, se trouve à une dizaine de kilomètres au sud-ouest et les chutes du Carbet sur son flanc est. C’est le seul volcan actif de l’île, actuellement à l’état de repos éruptif.

Pour les articles homonymes, voir Soufrière.

Soufrière

Vue du sommet de la Soufrière constitué d'un dôme de lave hérissé d'aiguilles.
Géographie
Altitude 1 467 m[1],[2],[3]
Massif Basse-Terre
Coordonnées 16° 02′ 38″ nord, 61° 39′ 48″ ouest[1],[2],[3]
Administration
Pays France
Département et région d'outre-mer Guadeloupe
Commune Saint-Claude
Ascension
Voie la plus facile D11 puis sentier de randonnée
Géologie
Âge 200 000 à 100 000 ans[3]
Roches Andésite, basalte, dacite, rhyolite[3]
Type Volcan de subduction
Morphologie Stratovolcan
Activité Actif
Dernière éruption -
Code GVP 360060
Observatoire Observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe
Géolocalisation sur la carte : Guadeloupe
Géolocalisation sur la carte : Petites Antilles

La Soufrière fait partie d’un ensemble volcanique comprenant plusieurs bouches éruptives qui, en plus du dôme de lave principal, a formé plusieurs autres dômes, cônes (Morne Carmichaël, la Citerne, etc.) et cratères ; des sources chaudes et zones de fumerolles sont apparues au niveau des zones les plus actives.

Géographie

Situation, topographie

Le sommet de la Soufrière avec des fumerolles s'échappant d'un gouffre sur la droite.

Le sommet de la Soufrière, appelé La Découverte, culmine à une altitude de 1 467 mètres[3],[2] ; c'est le plus haut sommet de la Guadeloupe et plus largement des petites Antilles[3]. Ce dôme de lave prend la forme d’un cône tronqué de 900 mètres de diamètre à sa base. Il n’y a pas de véritable cratère mais plusieurs bouches éruptives, des gouffres d’où s’échappent des vapeurs sulfureuses et des entailles profondes. Le paysage est rocheux et chaotique, quasi lunaire, hérissé de pitons. Il est souvent recouvert de brumes. Plusieurs pistes balisées parcourent le sommet volcanique.

Entourant la bouche éruptive principale, d'autres structures se sont formées au cours d'éruptions. Il s'agit de dômes de lave (le Morne Amic, le Morne Dongo, la Madeleine), de cônes volcaniques (le Morne Carmichaël, la Citerne, l'Échelle, la Grande Découverte, le Gros Fougas, le Morne Lenglet) et de petits cratères sur le dôme principal (Amic, gouffres Dupuis et Tarissan, cratère Napoléon)[4].

La Soufrière est un volcan actif de type péléen  explosif à nuées ardentes , donc très dangereux, et de formation récente (100 000 à 200 000 ans)[3]. Son activité actuelle est marquée par des fumerolles, des vapeurs sulfureuses et des sources chaudes sur différents points du sommet. Il est le seul à être actif en Guadeloupe depuis les dernières 10 000 années.

Climat

Le climat au sommet du volcan est frais (15 à 22 °C), brumeux et parfois venteux[5]. Les précipitations mesurées peuvent atteindre une hauteur de 12 000 millimètres par an[6].

Faune et flore

La végétation sur les flancs de la Soufrière est remarquable pour sa biodiversité. Elle s'étage sur trois niveaux :

  • la forêt tropicale dense jusqu'à 1 100 mètres ;
  • les maquis humides denses, entre 1 100 et 1 400 mètres, composés d'arbustes ne dépassant pas deux mètres de hauteur (entre autres, Schefflera attenuata, Clusia mangle, Miconia coriacea) ;
  • les prairies sommitales d'où émergent des bromeliaceae : Guzmania plumieri omniprésent, et surtout Pitcairnia bifrons, espèce pionnière présente jusqu'au bord des bouches éruptives.

Cette flore a été singulièrement décrite dans l'ouvrage Une excursion à La Soufrière, du botaniste Henri Stehlé et son épouse Madeleine Stehlé, en 1958[7].

Du côté faunistique, le volcan de la Soufrière est l'habitat d'une araignée endémique de l'île : Holothele sulfurensis, qui se rencontre à une altitude comprise entre 700 et 1 465 m.

Histoire

Photographie du piton du Sud de la Soufrière, au début du XXe siècle, extrait de La Guadeloupe pittoresque : les volcans, les rivières du sud, les étangs (pl. V).

Avant l'observatoire

La dernière éruption magmatique explosive de la Soufrière date du XVe siècle[3],[8] ou peut-être d'autour de 1530 avec plus ou moins 30 ans d'incertitude[9].

La première description de la Soufrière est le fait du père Jacques Du Tertre dans L'Histoire générale des Antilles habitées par les François paru en 1667-1671[10].

En 1797, une éruption phréatique d’importance eut lieu. Il ne peut être exclu que cette éruption-là ait été elle aussi celle d’une nappe captive et non d’une nappe phréatique, c’est-à-dire mise à la pression atmosphérique. Une éruption phréatique mineure a lieu en 1956, la première depuis la création de l'observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe en 1950[8].

Éruption de 1976

La dernière éruption de la Soufrière date de 1976[3] ; il s'agissait d'une éruption phréatique. Elle a conduit à l’évacuation de la partie sud de la Basse-Terre ainsi que de la préfecture, soit 73 600 personnes sur trois mois et demi[3]. Aucun mort n'a été déploré. À partir de 1975, un certain nombre de tremblements de terre (16 000 séismes et 26 explosions sont répertoriés de 1975 à 1977[11]) ont alerté les sismographes de l'observatoire volcanologique. Ces secousses sont allées en s’intensifiant dans le courant de l’année 1976. Dès , le préfet fut averti des dangers potentiels et de la nécessité de mettre en place un plan d’évacuation. La première explosion eut lieu le . Les séismes ont très probablement réactivé une série de failles colmatées par de vieux matériaux (argiles et roches magmatiques). Cette crise de tremblements de terre fut la cause vraisemblable de la baisse brutale de la pression accumulée à l’intérieur d'une nappe captive chauffée, telle une cocotte minute, par les gaz échappés du magma profond, provoquant la pulvérisation de roches, et la sortie de coulées de boues (lahar), de gaz acides et de vapeurs d’eau. 25 000 personnes du sud de Basse-Terre évacuèrent spontanément la zone pour se réfugier vers la Grande-Terre, hors d'atteinte. L’activité volcanique continua encore quelques mois après cette éruption, avec d'autres coulées de boues et émissions de cendres. Le , un important lahar dévale la vallée de la rivière du Carbet sur 3,5 km de longueur. Il a 30 à 50 mètres de largeur et une épaisseur de 15 à 20 mètres. Un second dévale la rivière du Galion le . Le , l'évacuation totale et obligatoire du sud de Basse-Terre fut ordonnée. Elle dura jusqu’au .

Le réalisateur Werner Herzog parcourut la ville déserte de Basse-Terre durant l'évacuation totale et décrivit la situation et l'attente de la catastrophe avec le court métrage La Soufrière.

Une polémique très médiatisée éclata entre les scientifiques Claude Allègre et Haroun Tazieff sur la nécessité de l’évacuation[12]. Claude Allègre préconisa l’évacuation de la population, affirmant catégoriquement qu'avec l'hypothèse de l'intrusion magmatique, l’éruption serait grave, alors qu'Haroun Tazieff soutint que l’éruption était sans danger, toutes les analyses d’échantillons prélevés sur le volcan établissant qu’il n’y avait pas de montée de magma frais et qu'il s'agissait uniquement d'un phénomène phréatique. Le préfet décida tout de même l’évacuation mais l’éruption ne fit d’autres dommages que matériels.

Activité depuis 1992

À partir de 1992 et surtout depuis 2018[13],[14], l'activité sismique sous la Soufrière s'intensifie, les séismes étant à la fois plus nombreux et plus puissants[15],[13],[16]. Plusieurs épisodes sismiques durant de quelques heures à quelques jours se succèdent au fil des mois et durant lesquels plusieurs dizaines à plusieurs centaines de secousses peuvent survenir[15], la plupart à une magnitude inférieure à 1[14] mais pouvant aller jusqu'à 4,1 le , la plus puissante secousse de la Soufrière depuis la crise éruptive de 1976[13]. Les hypocentres qui peuvent être détectés entre 0,1 kilomètre et 7 kilomètres de profondeur le sont en majorité à environ 2,5 à 3 kilomètres de la surface[15],[14],[13].

Ces secousses, associées à un gonflement du sommet du volcan et à une augmentation du flux de chaleur interne et de l'activité des fumerolles, sont interprétées comme l'arrivée de gaz volcaniques qui perturbent la circulation des eaux hydrothermales souterraines mais non à une arrivée de magma qui provoquerait des phénomènes similaires mais d'une autre ampleur (séismes plus profonds, anomalie thermique plus marquée, gonflement plus étendu du volcan)[13],[16]. Une éruption volcanique magmatique, bien que très difficile à prévoir dans le temps, ne serait ainsi pas d'actualité[13].

Activités

Évaluation et prévention des risques

Un abri en béton en cas d'intempéries au sommet de la Soufrière.

L’observation de la Soufrière débuta en 1950 avec la création du laboratoire de physique du globe à Saint-Claude, dépendant de l’institut de physique du globe de Paris. Deux sismographes furent installés immédiatement. C’est grâce à cet observatoire que l’éruption phréatique de 1976 fut détectée à l’avance.

En 1989, un observatoire plus moderne fut construit sur la commune de Gourbeyre, à neuf kilomètres au sud-ouest de la Soufrière : l'observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe. Ses missions sont :

  • la surveillance de l’activité volcanique de la Soufrière ;
  • la surveillance de la sismicité régionale ;
  • la participation à des travaux de recherche ;
  • l’information préventive sur les risques sismiques et volcaniques.

Ascension

Ascension de la Soufrière

L’accès au sommet de la Soufrière est possible via des circuits de randonnée pédestre. Certains secteurs au sommet restent interdits en raison de gaz acides et toxiques. L'ascension est relativement facile, mais certaines précautions restent nécessaires[17].

Le départ classique se fait à partir des « Bains Jaunes » (altitude 950 mètres), puis il faut prendre la « trace du Pas du Roy ». L'accès direct en voiture au parking de la « Savane à Mulets » (altitude 1 140 mètres) n'est plus possible depuis le séisme des Saintes du qui a entrainé l’éboulement d’un flanc du piton Tarade[17].

Notes et références

  1. « Carte IGN classique » sur Géoportail.
  2. (en) « Soufrière Guadeloupe », sur volcano.si.edu/ (consulté le )
  3. (fr) François Girault, Philippe Bouysse et Jean-Philippe Rançon, Volcans vus de l'espace, Paris, Nathan, , 192 p. (ISBN 2-09-260829-0), p. 48 à 50
  4. (en) « Synonymes et sous-éléments », sur http://www.volcano.si.edu, Global Volcanism Program, Smithsonian Institution (consulté le )
  5. « La Soufrière », sur Parc national de la Guadeloupe (consulté le )
  6. Nathalie Bleuse et Charles Mandar, Météo-France Service météorologique de la Guadeloupe, « Le régime pluviométrique de la Guadeloupe », La Météorologie, 8e série, no 4, , p. 15 (lire en ligne)
  7. Henri Stehlé et Madeline Stehlé, Une excursion à La Soufrière, Paris, P. Lechevalier ; Basse-Terre, Impr. Artra, , 86 p.
  8. (en) « Histoire éruptive », Global Volcanism Program (consulté le )
  9. (en) Georges Boudon, Jean-Christophe Komorowski, Benoît Villemant et Michel Semet, « A new scenario for the last magmatic eruption of La Soufrière of Guadeloupe (Lesser Antilles) in 1530 A.D. Evidence from stratigraphy radiocarbon dating and magmatic evolution of erupted products », Journal of Volcanology and Geothermal Research, vol. 178, , p. 474-490 (DOI 10.1016/j.jvolgeores.2008.03.006, lire en ligne)
  10. La Soufrière de la Guadeloupe : nature, paysage et territoire dans la littérature antillaise (XVe-XXe siècles), par Catherine Benoit, dans « Le voyage inachevé... à Joël Bonnemaison », textes réunis et présentés par Dominique Guillaud, Maorie Seysset et Annie Walter, Paris, éditions de l'ORSTOM : PRODIG [Pôle de recherche sur l'organisation et la diffusion de l'information géographique], 1998, 775 p. (ISBN 2-7099-1424-7) (ORSTOM) (ISBN 2-901560-35-0) (PRODIG)
  11. François Beauducel, « Surveillance volcanologique : de la mesure instrumentale au modèle prédictif », conférence au Bureau des longitudes, 1er juin 2011
  12. À propos de la polémique de Soufrière 1976..., rappel des faits et point de vue personnel sur les événements qui ont marqué la Guadeloupe et la communauté volcanologique par le Dr François Beauducel, directeur et responsable scientifique de l'Observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe [2001-2007], août 2006 (mise à jour juillet 2009). Sur le site ipgp.fr
  13. « L’activité volcanique de la Soufrière révèle 275 séismes en avril », RCI, (lire en ligne, consulté le )
  14. « 466 séismes sous la Soufrière en Guadeloupe, depuis le 4 mars », France-Antilles, (lire en ligne, consulté le )
  15. « La Soufrière : une cicatrisation qui fait frémir », La Première, (lire en ligne, consulté le )
  16. « La Soufrière Volcano, Guadeloupe - Activité récente » (consulté le )
  17. Visite touristique sur la Soufrière de Guadeloupe, par Dominique Gibert, 2 juin 2007, sur le site volcanum.geosciences.univ-rennes1.fr

Annexes

Bibliographie

  • La Guadeloupe : Basse-terre, la Soufrière, Pointe-à-Pitre : Histoire, description, catastrophe du 8 février, Paris, Aubert et Cie, (OCLC 900539529, SUDOC 183233492)
  • André Salles (liste non exhaustive), Photographies réalisées lors de ses voyages aux Antilles en 1894-1895, 1898-1899 et en 1904,  :
  • (en) Preliminary scientific report of the I.P.G. team research on the Soufriere volcano (Guadeloupe) crisis of 1975-1976 Rapport scientifique préliminaire de l'I.P.G. recherche en équipe sur la crise du volcan Soufrière (Guadeloupe) de 1975-1976 »], Paris, Institut de Physique du Globe, , 158 p. (OCLC 25334301)
  • Michel P. Semet, L'Éruption volcanique du xvie siècle de la Soufrière de la Guadeloupe : mélanges de magmas et dynamise éruptif, Paris, Institut national des sciences de l'univers, coll. « Bulletin PIRPSEV » (no 60), , 63 p. (OCLC 461767731)
  • Michel Feuillard, La Soufrière de la Guadeloupe : un volcan et un peuple, vol. 1, Pointe-à-Pitre, Éd. Jasor, (ISBN 978-2-912594-81-5, OCLC 758347481)
  • (en) David E. Jessop, Séverine Moune, Roberto Moretti, Dominique Gibert, Jean-Christophe Komorowski et al., « A multi-decadal view of the heat and mass budget of a volcano in unrest: La Soufrière de Guadeloupe (French West Indies) », Bulletin of Volcanology, vol. 83, , article no 16 (DOI 10.1007/s00445-021-01439-2)

Vidéographie

Articles connexes

Liens externes

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