Abbatiale Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Saverne

L'abbatiale Saint-Jean-Baptiste est église paroissiale, anciennement abbatiale, situé à Saint-Jean-Saverne, dans le département français du Bas-Rhin. Construite en style roman tardif dans le troisième quart du XIIe siècle pour les moniales de l’abbaye de Saint-Jean-Saverne, elle présente alors un aspect similaire à celui contemporain, à ceci près qu’il n’y a pas de tour, la nef ouvrant directement sur l’extérieur par une façade à l’italienne. De fait, l’église semble avoir été construite d’un seul jet et n’avoir connu aucune modification majeure jusqu’à la fin des années 1720, lorsque la nef est rehaussée et la façade masquée par l’édification d’un clocher-porche. À la suite de la Révolution française et de la disparition conséquente du couvent, l’église est rachetée par un collectif de citoyens afin de devenir la nouvelle église paroissiale du village. Classée Monument historique en 1840, l’église fait par la suite l’objet d’importants travaux de restauration au cours du XIXe siècle. Les plus importants de ceux-ci consistent en l’érection de contreforts en 1874, l’affaissement du terrain menaçant de faire effondrer les murs.

Abbatiale Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Saverne

Abbatiale Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Saverne
Présentation
Culte Catholique romain
Dédicataire saint Jean-Baptiste
Type Église paroissiale
Rattachement Archidiocèse de Strasbourg
Début de la construction Troisième quart du XIIe siècle
Fin des travaux Troisième quart du XIIe siècle
Autres campagnes de travaux 1726-1733
Style dominant Roman tardif
Protection  Classé MH (1840, église)
Géographie
Pays France
Département Bas-Rhin
Collectivité territoriale Collectivité européenne d’Alsace
Commune Saint-Jean-Saverne
Coordonnées 48° 46′ 19″ nord, 7° 21′ 49″ est
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Alsace
Géolocalisation sur la carte : Bas-Rhin

Outre son intérêt architectural, l’église contient également plusieurs éléments mobiliers remarquables, notamment un ensemble de tapisseries du XVIe siècle, ainsi que les ferrures romanes d’origine de la porte principale.

Localisation

L’église est située dans le Bas-Rhin, dans la commune de Saint-Jean-Saverne. Elle est implantée sur une terrasse au pied du mont Saint-Michel, à l’extrémité orientale du cœur du village qu’elle domine[1].

Histoire

La date de construction de l’église n’est pas établie avec certitude. Un document du évoque en effet la consécration par l’évêque Étienne de Bar d’une église dédiée à saint Jean-Baptiste à la suite de sa restauration. Cette date, longtemps considérée comme liée à l’abbatiale actuelle, a été remise en cause par l’historiographie postérieure, qui tend à rattacher le document à l’oratoire du couvent, désormais disparu[2]. L’un des arguments avancé pour invalider la date de 1127 est que les caractéristiques stylistiques de l’édifice le situent à une date plus tardive, vers 1150-1160[3]. Cette construction est probablement en lien avec l’établissement sur le site d’une communauté de moniales à une date indéterminée du XIIe siècle[2].

Ravagée une première fois pendant la guerre des Paysans de 1525, l’abbaye est encore pillée à plusieurs reprises les décennies suivantes, puis plus ou moins abandonnée à partir de 1580[2].

Au début du XVIIIe siècle, l’abbaye et la localité sont en grande partie ruinées, mais le rétablissement de la paix dans la région permet le retour des moniales. Celles-ci font reconstruire et restaurer les bâtiments conventuels entre 1729 et 1732 par le tailleur de pierre Michel Meng. L’église se voit notamment doter en cette occasion d’un clocher-porche, tandis que les murs de la nef centrale sont rehaussés[2].

À la Révolution, les religieuses se réfugient à Saverne et la municipalité fait main basse sur les bâtiments conventuels. Ceux-ci sont vendus en 1796 au titre des biens nationaux, la commune conservant toutefois l’église, qui remplace l’ancienne église paroissiale[2].

L'édifice est classé au titre des monuments historiques en 1840 et fait dans la foulée l’objet d’une importante campagne de restauration conduisant à la reconstruction complète des travaux orientales[2],[4]. L’affaissement du terrain du côté sud au cours du XIXe siècle entraîne des problèmes structurels qui nécessitent de consolider l’édifice en 1874. C’est à ce moment que Charles Winkler fait construire les contreforts du mur sud de la nef et poser des tirants métalliques dans l’église[2].

Architecture

Chœur et nef

Vue d’ensemble du vaisseau central en direction de l’abside.

L’église adopte un plan basilical sans transept, la nef et le chœur partageant la même disposition en plan, avec un vaisseau central, constitué de travées doubles, et des bas-côtés. Les quatre travées de la nef sont ainsi naturellement prolongées par de la travée du chœur, seules trois marches séparant les deux espaces, avant de s’achever par une abside au centre et des absidioles sur les bas-côtés. L’ensemble de l’église est voûté, de croisées d’ogives torique pour le vaisseau central, d’arêtes pour les bas-côtés et en cul-de-four pour les absides. Les variations dans le traitement de l’élévation permettent de distinguer trois espaces, dont les fonctions liturgiques étaient différentes[1],[5].

Culot à visage humain.

Le chœur liturgique occupe l’espace oriental et est l’endroit où officie le prieur pendant la messe. Cette partie est richement ornée : culots supportant les voûtes sculptés de visages et motifs de palmettes décorant les impostes des piliers faibles, tandis que les piles fortes sont soulignées par des colonnes jumelles engagées, coiffées d’un chapiteau dont la corbeille est ornée d’arbres de vie et le tailloir de motifs d’entrelacs. L’extérieur n’est pas en reste : l’abside se distingue par son grand appareil très soigné, une frise de damier et d’arcatures retombant sur des corbeaux sculptés de têtes animales et de palmettes et des colonnettes engagées décorative. L’appareil des absidioles, qui sont également ornées d’une frise à arcatures et lésènes, est moins soigné, mais reste d’une qualité supérieure à celui de la nef[1].

La nef est divisée en deux parties distinctes. Les deux premières travées de la nef étaient occupées par le chœur des moniales. Les éléments sculptés y sont moins nombreux que dans le chœur liturgique, bien que certains motifs s’y retrouvent. Là aussi les culots des voûtes sont décorés de visages humains, tandis que les impostes des piles faibles comportent des frises de palmettes et de grappes de raisin. Cette plus grande sobriété se retrouve à l’extérieur, avec des murs latéraux construits en simples moellons, aujourd’hui visibles, mais qui étaient crépis jusqu’en 1977[1].

Clocher-porche

Le clocher-porche bâti par Michel Meng en 1733 est accolé à la façade de la nef qu’il masque en grande partie[6]. De plan carré, il compte deux niveaux au-dessus d’un rez-de-chaussée de plain-pied, surmontés d’une large corniche et d’un toit à l’impériale coiffé d’un lanternon à bulbe[7]. Du côté nord est accolé une tourelle rectangulaire contenant un escalier à vis desservant les étages de la tour[8].

Les niveaux sont légèrement en retrait les uns sur les autres et séparés par des bandeaux saillants. La finition des surfaces est inhabituelle, dans le sens où la façade sud du rez-de-chaussée est enduite et l’appareil visible sur les autres côtés, tandis que les niveaux supérieurs sont enduits au nord et au sud, mais avec l’appareil toujours visible sur la façade occidentale. Il est à noter également la différence entre les chaînes d’angle, droite et massives au rez-de-chaussée, tandis que les deux niveaux supérieurs présentent des chaînes harpées dont les blocs disposent d’une finition très soignée avec un aspect de taille décoratif composé d’une table piquetée entourée d’un liseré[7].

Le rez-de-chaussée ouvre sur l’extérieur à l’ouest par un portail baroque dont l’arc plein-cintre est surmonté d’une frise portant l’inscription en latin « En l’an 1733 de l’incarnation du Seigneur, 606 ans à partir de la première fondation de ce couvent »[alpha 1]. Au-dessus se trouve un fronton dont les rampants sont interrompus par une niche en plein-cintre contenant une statue de style rococo représentant la Vierge piétinant un monstre. Ce qui apparaît à première vue de l’extérieur comme un seul niveau au-dessus du rez-de-chaussée est en réalité intérieurement deux étages, le premier correspondant aux grandes baies en plein-cintre ouvrant chaque côté et le second aux petites fenêtres qui les surmontent. Enfin le dernier niveau abrite la chambre des cloches et ouvre de chaque côté sur l’extérieur par des baies géminées, celle située sur la face occidentale étant surmontée d’une tête sculptée de style roman, provenant probablement de l’ancienne façade la nef[7].

Mobilier

Tapisseries

Tapisserie du Trône de Grâce

L’église abrite une collection de tapisseries réalisées dans la première moitié du XVIe siècle, peut-être au sein de l’abbaye par les moniales elles-mêmes, sous la direction de l’abbesse Amélie d’Oberkirch. Classée Monument historique en 1969, la collection a longtemps souffert du manque d’intérêt et de la négligence, avec la vente de certaines tapisseries en 1931, tandis que d’autres ont disparu lors d’un vol en 1980[9],[10].

Abordant des sujets aussi bien profanes que religieux, la collection se caractérise par une grande variété de styles, bien que les tapisseries aient toutes été réalisées sur une période de quelques décennies. Cette variété s’explique probablement par l’utilisation de modèles provenant de plusieurs artistes. Si, du fait de l’utilisation de modèles de qualité, les compositions sont parfois assez recherchées, l’exécution en est toutefois souvent maladroite, avec dans certains cas des erreurs flagrantes. Cette caractéristique tend à montrer que les auteurs des tapisseries n’étaient pas des lissiers professionnels, mais plutôt amateurs[10].

Notes et références

  1. ANNO AB INCARNATIONE MDIIXXXIII A PRIMA MONASTERII HUIUS PARTHENII FUNDATIONE DCVI
  1. Lehni 1978, p. 259.
  2. Braun 2010, p. 76.
  3. Braun 2010, p. 83.
  4. « Abbatiale Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Saverne », notice no PA00084921, base Mérimée, ministère français de la Culture
  5. Braun 2010, p. 81-82.
  6. Heitz et Ring 1984, p. 33.
  7. Heitz et Ring 1984, p. 35.
  8. Heitz et Ring 1984, p. 34.
  9. Notice no IM67003640, base Palissy, ministère français de la Culture
  10. Henri Heitz, « Les Tapisseries de Saint-Jean », Pays d’Alsace, vol. 127bis, , p. 41-50 (lire en ligne, consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • (de) Léon Bachmeyer, « Notiz über die Verwaltungs- und Besitzverhältnisse des Klosters St. Johann und dessen äussere Schicksale », Bulletin de la société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, vol. 52, , p. 11-12 (lire en ligne, consulté le ).
  • Suzanne Braun, Alsace romane, Dijon, Éditions Faton, (ISBN 9782878441246), p. 76-83.

Roger Lehni, « Saint-Jean-Saverne », dans Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France : Bas-Rhin, Canton de Saverne, Paris, Imprimerie Nationale, (ISBN 2110807148), p. 257-280.

  • Jean-Philippe Meyer, « L’église de Saint-Jean: étude archéologique », Pays d’Alsace, vol. 127bis, , p. 19-29 (lire en ligne, consulté le ).
  • Jean-Philippe Meyer, « L’église romane de Saint-Jean-Saverne : La datation », Pays d’Alsace, vol. 113, , p. 7-14 (lire en ligne, consulté le ).
  • Henri Heitz, « Note à propos des culots à visage humain de la nef », Pays d’Alsace, vol. 127bis, , p. 30-32 (lire en ligne, consulté le ).
  • Henri Heitz et Jean-Joseph Ring, « Visite de l'église de Saint-Jean », Pays d’Alsace, vol. 127bis, , p. 33-40 (lire en ligne, consulté le ).
  • Jean-Joseph Ring, « Saint-Jean-des-Choux. : Communauté religieuse et communauté villageoise à la fin du XVIIIe siècle », Pays d’Alsace, vol. 147, , p. 119-136 (lire en ligne, consulté le ).
  • Robert Will, « L’abbatiale romane de Saint-Jean : Remarques à propos d’une thèse récente », Bulletin de la société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, vol. 52, , p. 5-10 (lire en ligne, consulté le ).
  • Robert Will, « Observations complémentaires sur l’abbatiale de Saint-Jean-Saverne », Pays d’Alsace, vol. 113, , p. 15-17 (lire en ligne, consulté le ).
  • Alphonse Wollbrett, « Le couvent des Bénédictines de Saint-Jean: étude historique », Pays d’Alsace, vol. 127bis, , p. 13-18 (lire en ligne, consulté le ).
  • Alphonse Wollbrett, « Le couvent reconstruit du 18e siècle », Bulletin de la société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, vol. 52, , p. 30-32 (lire en ligne, consulté le ).
  • Alphonse Wollbrett, « Le décor intérieur de l’église », Bulletin de la société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, vol. 52, , p. 25-29 (lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes

Liens externes

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