Accident de Millas
L'accident de Millas est une collision survenue le , sur un passage à niveau de la commune de Millas, dans le département français des Pyrénées-Orientales, entre un autocar transportant des collégiens et une rame automotrice TER, qui assure la liaison entre les gares de Villefranche - Vernet-les-Bains et de Perpignan. L'autocar est coupé en deux et le bilan à 30 jours est de six morts parmi les adolescents, sans compter les blessés.
Accident de Millas | ||||
Plan de situation. En jaune, le trajet du car ; en violet, celui du TER. | ||||
Caractéristiques de l'accident | ||||
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Date | ||||
Type | Collision à un passage à niveau (PN) | |||
Coordonnées | 42° 41′ 08″ nord, 2° 42′ 16″ est | |||
Caractéristiques des appareils | ||||
Type d'appareil | Autocar Irisbus Récréo C 955 | Rame automotrice Z 7369 | ||
Compagnie | Autocars "Faur" | SNCF | ||
Morts | 6 | 0 | ||
Blessés | 18 (graves) | 0 | ||
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Pyrénées-Orientales
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Véhicules impliqués
Le véhicule routier est un autocar de transport scolaire[Note 1] Irisbus Récréo qui ramenait 23 élèves[1] depuis le collège Christian-Bourquin de Millas vers les communes voisines de Saint-Féliu-d'Amont et Saint-Féliu-d'Avall[2].
Le véhicule ferroviaire est une rame automotrice de la série Z 7300 (élément Z 7369[3]), assurant le service du TER no 877660, parti un peu plus tôt de la gare de Villefranche - Vernet-les-Bains.
Circonstances
Le jeudi , l'accident s'est produit à 16 h 7[4], à un kilomètre environ de l'établissement scolaire, au passage à niveau automatique no 25 de la ligne de Perpignan à Villefranche - Vernet-les-Bains au lieu-dit Los Palaus dans la commune de Millas, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Perpignan[5] sur la route départementale 612 (nommée route de Thuir sur cette portion). Le TER roulant dans le sens ouest/est percute très violemment l'autocar scolaire qui roulait dans le sens sud/nord, le coupant en deux[6]. La rame n'a pas déraillé[6]. Le TER roulait à 75 km/h, en dessous de la vitesse autorisée sur cette portion de voie (100 km/h). Le car, lui, roulait à 12 km/h selon son chronotachygraphe[7]. La distance entre l'intersection à angle droit[8] entre la RD46, dite chemin du Ralet, d'où venait le car et la RD612, dite route de Thuir, sur laquelle il s'est engagé, et le passage à niveau n'est que de 23 mètres[9], cela exclut selon le procureur une vitesse excessive du car.
Le passage à niveau est équipé de deux demi-barrières. Après l'accident, la demi-barrière située en sens inverse de la marche de l'autocar est ouverte, ce qui correspond au fonctionnement normal d'un passage à niveau, les barrières se rouvrant une fois le véhicule ferroviaire passé ; la demi-barrière située dans le sens de la marche de l'autocar est brisée pour une raison que l'enquête cherche à élucider[10].
Intervention des secours
Le plan Novi a été déclenché, ainsi que le plan blanc pour l'hôpital et la clinique Saint-Pierre, tous deux situés à Perpignan[6],[11].
80 pompiers, 50 gendarmes et 5 hélicoptères du SAMU et de la Sécurité civile sont déployés sur les lieux de l'accident[12].
Bilan
Un bilan provisoire quelques heures après l'accident fait état de quatre adolescents tués[6] et de quatorze blessés graves dont la conductrice, cinq en « urgence absolue » et neuf autres en « urgence relative », tous passagers de l'autocar scolaire. Les 22 personnes présentes à bord de la rame sont toutes indemnes[6]. Le lendemain, le procureur annonce le décès d'une personne supplémentaire. Une sixième victime décède le [13].
Il s'agit du plus grave accident touchant un autocar scolaire en France depuis la collision entre un TER et un autocar de collégiens, survenue sur un passage à niveau à Mésinges, dans la commune d'Allinges (Haute-Savoie), le , et ayant fait 7 morts et 31 blessés[14].
Enquêtes
Trois enquêtes ont lieu :
- une enquête judiciaire pour éclaircir les circonstances du drame ;
- une enquête technique par le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT)[15] ;
- une enquête interne à la SNCF qui conclurait au fonctionnement normal des feux, des signaux sonores et des barrières[16].
Judiciaire
Une reconstitution a lieu le , avec le même modèle de car de la compagnie impliquée dans l'accident[9]. Cette reconstitution conduit à la mise en examen le de la conductrice de l'autocar pour homicides et blessures involontaires par imprudence[17]. Plusieurs familles de victimes se portent partie civile[18].
Plusieurs témoignages affirment que le car a forcé le passage à niveau et cassé la barrière alors que la conductrice soutient que la barrière était ouverte :
- Selon la collégienne de quatrième assise à l'avant du car, « J'ai vu que la barrière était fermée. Le bus l'a poussée. Elle s'est cassée. Le bus a continué à rouler doucement. Le train rouge est arrivé à ce moment. Ensuite, je ne me souviens plus de rien. »[19],[20],[21] ;
- Selon un témoin situé en face du car, « Le bus s'est engagé et on avait l'impression qu'il ne voyait pas que la barrière se pliait devant lui »[22] ;
- Selon la conductrice, « Je tourne. J'engage la première [...] Là il faut aller doucement. Une fois le porte-à-faux bien dans l'axe, je ne risque pas de monter sur le terre-plein ou sur le panneau de signalisation et je réaccélère. Après ça il n'y a plus rien, plus de souvenir. (...) Je n'avais pas vu de train, je ne comprenais pas. »[23].
Enfin, il n'y aurait pas de trace de freinage, et des marques à l'avant du car pourraient indiquer un forçage des barrières[24].
L’accident est survenu le jour de l'anniversaire de la mort du père de la conductrice[20]. Le décès de son père avait conduit la conductrice à prendre des médicaments pour dormir. Des traces de somnifères et d’anxiolytiques ont été retrouvées dans ses analyses sanguines[21],[25].
L'enquête a également révélé que les enfants n'étaient pas attachés avec la ceinture de sécurité obligatoire depuis une directive européenne de 2003[26].
Le rapport d'expertise fourni au juge le indique que l'autocar aurait freiné trop tardivement, après avoir accéléré jusqu'à une vitesse de 12 km/h[27]. Ce freinage semble indiquer que la conductrice s'est rendu compte, une fois engagée, que la barrière était fermée[27]. Aucun dysfonctionnement n'a été détecté sur le passage à niveau[27]. Le juge a commandé une autre expertise, médicale cette fois, afin de définir si les médicaments consommés avaient pu affecter les capacités auditives et visuelles de la conductrice du car[27]. L'avocate de certaines familles, Maître Jehanne Collard, met en cause les médecins qui ont prescrit des somnifères dont les effets secondaires sont gravissimes sans avoir mis en arrêt de travail une personne qui aurait pu ne pas être en état d'exercer son activité[27].
Le , l'enquête révèle que la conductrice du car prenait un médicament depuis sept ans qui interdisait de conduire un véhicule. Ce médicament "comporte un pictogramme rouge de niveau 3, "attention danger : ne pas conduire !", considéré comme le niveau le plus élevé et équivalent à une interdiction de conduire". La notice du médicament ainsi que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé préciseraient que le traitement ne doit jamais excéder quatre semaines. Face à ces nouveaux éléments, les avocats des familles de victimes envisagent de demander au parquet un réquisitoire supplétif afin de pouvoir interroger le médecin de la conductrice et éventuellement le mettre en examen[28],[29],[30],[31].
Le , l'enquête démontre que cet accident n'est pas dû au somnifère pris par la conductrice car ce médicament est évacué par le corps en 6 heures et que le drame a eu lieu 20 h après qu'elle l'eut pris[32]. Son procès est prévu « probablement en 2020 »[32],[33].
Mi-, des députés du département déclarent avoir reçu un courrier de la justice indiquant que cette dernière libèrerait le passage à niveau fin septembre[34]. Finalement, la justice lève officiellement les scellées le , laissant à la SNCF et à la direction des routes du département la possibilité de rouvrir à la circulation la départementale et la ligne ferroviaire[35].
En , la justice renvoie la conductrice du car scolaire devant un tribunal correctionnel pour « homicides et blessures involontaires »[36].
BEA-TT
Le rapport du BEA-TT[37],[4], émis le , estime que « le scénario le plus probable » est une « défaillance de la conductrice du car » qui n'aurait pas vu que le passage à niveau était fermé le . Il n'y aurait eu aucun dysfonctionnement des équipements ferroviaires. La « cause directe » de ce drame serait « le non-arrêt de l'autocar au passage à niveau malgré les feux rouges clignotants et la barrière qui l'imposaient »[38],[39],[40],[41]. La route départementale présente de nombreuses difficultés : entremêlement des balises et panneaux d'annonce du passage à niveau et cédez le passage, trajectoire très contrainte pour un véhicule lourd, faible distance entre l'avant du véhicule et la barrière en sortie de virage[4]. Malgré cela, le BEA-TT relève que le diagnostic quinquennal de sécurité du PN, daté du , n'identifie pas de risque malgré la proximité des carrefours. Il n'a pas été mis à jour à la suite des travaux réalisés sur les trois routes menant à ce PN[4]. Toutefois, le passage à niveau est équipé de six feux rouges clignotants (au lieu de quatre pour ce type de PN) en raison d'une visibilité limitée, chacun des feux étant d'un diamètre de 160 millimètres et est muni d'une lampe de 25 W et d'une visière la recouvrant[4]. Le volume de la sonnerie est de 73,5 dB(A) à 10 mètres, et de 63,8 dB(A) à 30 mètres mais, à l'intérieur d'un véhicule, est amoindri par la carrosserie et peut être couvert par une conversation[4].
Ce rapport conclut à 5 facteurs de risques et à quatre recommandations[4]. Les cinq facteurs rapportés sont :
- une visibilité limitée de la signalisation lumineuse, notamment à droite ;
- l'arrêt de sonnerie une fois la barrière baissée ;
- la géométrie du virage pouvant détourner l'attention du conducteur du passage à niveau ;
- la trop grande proximité entre le carrefour et le passage à niveau laissant la barrière du passage à niveau dans l'angle mort ;
- l'absence de prise en compte de ces problématiques dans le diagnostic de sécurité du passage à niveau[4].
Les recommandations du BEA-TT concernent la qualification de la signalisation de position des PN en tant qu'équipement routier, la réalisation d'une étude pour adapter à la giration des poids-lourds des carrefours situés de chaque côté du PN, l'amélioration des diagnostics de sécurité et la faisabilité de l'installation de caméras sur les passages à niveau et à l'avant des trains[4].
À la suite de ce rapport, la SNCF a expérimenté la présence de caméras sur certains passages à niveau et a noué des partenariats en et en avec des acteurs de fourniture d'aide à la navigation, pour indiquer l'emplacement des passages à niveau[42].
Réactions
Le président de la république Emmanuel Macron a déclaré que « la mobilisation de l’État est totale pour leur porter secours ». Le premier ministre Édouard Philippe, en déplacement à Cahors le jour de l'accident, s'est rendu sur place dans la soirée, ainsi que le président de la SNCF Guillaume Pépy et le président de la SNCF Réseau, Patrick Jeantet. Pour le Premier ministre, présent sur place vers 20 h, le processus d'identification des victimes est « extrêmement difficile ». Plus tard, dans une interview télévisée en 2021, Édouard Philippe dira que cela a été son moment le plus dur comme premier ministre[43].
Du ministère de l'Éducation nationale, le ministre Jean-Michel Blanquer, a déclaré « c'est avec une immense tristesse que nous apprenons l'accident de bus scolaire de Millas. Mobilisation de tous les services de l'État ». Il se rend le lendemain dans le collège de Millas.
La ministre des Transports Élisabeth Borne présente vers 18 h a communiqué sa « très vive émotion à la suite du terrible accident »[44]. Selon elle, le passage à niveau n'était pas classé comme passage à niveau dangereux[6].
À la suite de l'accident, et de l'enquête du BEA-TT, le carrefour jouxtant le passage à niveau a été réaménagé pour faciliter la circulation des cars[45].
La voie ferrée restera fermée à tout trafic ferroviaire pendant 3 années avant le retour des trains le 16 novembre 2020[46].
Notes et références
Notes
- Le car appartenait à la société autocariste A. Faur, une entreprise familiale basée à Toulouse et donc les deux activités principales sont le transport scolaire et le transport touristique (source : site Internet de l'entreprise).
Références
- "Millas : les barrières auraient été fermées, la conductrice du bus en garde à vue", La Dépêche, .
- « RECIT. "On a entendu le train donner plusieurs coups de klaxon" : jeudi, 16 h 3, un TER percute un bus scolaire à Millas », France info, (consulté le ).
- photographie de la motrice accidenté par Tian (journaliste) Twitter, consulté le .
- [PDF] Rapport d'enquête technique sur la collision entre un train de voyageurs et un autocar survenue le sur le passage à niveau no 25 sur la commune de Millas (66).
- « Tragédie au passage à niveau à Millas : "C’est un spectacle d’horreur" », Le Parisien, (consulté le ).
- « Le bilan du choc entre un autocar et un train à Millas bilan revu à la baisse à 4 morts », ladepeche.fr, .
- « Collision de Millas : les barrières du passage à niveau "levées", selon la conductrice », Europe 1, (consulté le jour même).
- « Drame de Millas : l’enquête se focalise sur le trajet du bus », L'Indépendant, 20 décembre 2017 (consulté le ).
- « Millas : les constatations vont "plutôt dans le sens d'une barrière fermée" », AFP, (consulté le ).
- « Collision mortelle à Millas : trois questions sur le passage à niveau pointé du doigt dans l'accident », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
- « Live : Quatre morts et une vingtaine de blessés dans une collision entre un car scolaire et un train », sur Le Monde, (consulté le )
- « Pyrénées-Orientales : terrible collision entre un bus scolaire et un TER, quatre morts », sur Franceinfo, (consulté le )
- « Collision à Millas : le bilan s'alourdit à six morts », RTL, (consulté le jour même).
- « Accident de bus scolaire à Millas: les précédentes tragédies impliquant des autocars », sur francesoir.fr, (consulté le )
- « Accident de Millas : ce que l'on sait sur la collision entre un TER et un bus scolaire », sur francebleu.fr, (consulté le ).
- « Drame de Millas : le rapport interne de la SNCF dévoilé », La Dépêche du Midi, (consulté le jour même).
- « Millas: la conductrice du car mise en examen pour homicides et blessures involontaires par imprudence », BFM TV, (consulté le ).
- « Collision de Millas : deux familles se constituent partie civile », France info, (consulté le jour même).
- « Millas : Drame de Millas : une collégienne du bus affirme que la barrière était baissée », msn, (consulté le jour même).
- « Drame de Millas : une collégienne assure que la barrière était baissée », Le Bien Public, (consulté le ).
- « Drame de Millas : une jeune temoin de 13 ans affirme que la barriere était baissée », programme-tv.net, (consulté le ).
- « A Millas, un mois après : des témoignages contradictoires », La Dépêche, (consulté le ).
- « Millas : « Il n'y avait rien, ni voyant ni barrière », affirme la conductrice du bus », Le Parisien, (consulté le ).
- « Drame de Millas : un premier rapport de l'enquête accablant pour la conductrice de bus. », sur La tribune, 01.18.
- « Drame de Millas. « Le bus a poussé » la barrière, selon une collégienne assise à l’avant », Ouest-France, (consulté le ).
- « Drame de Millas. Une passagère du car affirme que la barrière était baissée », Le Télégramme, (consulté le ).
- Le Monde avec Reuters, « Accident de Millas : un rapport incrimine la conductrice du car », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- « INFO FRANCEINFO. Accident de Millas : de nouveaux éléments mettent en cause le médicament pris par la conductrice », (consulté le ).
- « Accident de Millas. La conductrice du car scolaire prenait un médicament contre l’insomnie », (consulté le ).
- « Drame de Millas : les causes de l'accident, qui a coûté la vie à 6 enfants, enfin révélées ? », (consulté le ).
- « Accident de Millas : la conductrice du car sous médicament contre l'insomnie », (consulté le ).
- « Drame de Millas : des expertises médicales mettent hors de cause le somnifère pris par la conductrice du car », (consulté le ).
- « Accident de Millas: le somnifère de la conductrice du car n'est pas en cause, selon une expertise », (consulté le ).
- « Drame de Millas : la ligne ferroviaire bientôt restituée à la SNCF », France 3, (consulté le ).
- « Drame de Millas : les juges de Marseille lèvent la fermeture de la ligne SNCF Perpignan-Villefranche-de-Conflent », France 3, (consulté le ).
- « Drame de Millas : la conductrice du car scolaire renvoyée en correctionnelle, quatre ans après l'accident », sur France Info, .
- Enquête technique BEA-TT Millas
- « Drame de Millas : un nouveau rapport d'enquête accable la conductrice du car scolaire », (consulté le ).
- « Drame de Millas : une défaillance de la conductrice du car, scénario le plus probable », (consulté le ).
- « Drame de Millas : le bureau d'enquête accable la conductrice », (consulté le ).
- « Drame de Millas : une défaillance de la conductrice du car, scénario le plus probable », (consulté le ).
- rapport d'enquête technique sur la collision entre un train Transilien et un véhicule léger survenue le sur le passage à niveau no 8 à Roissy-en-Brie (77)
- "Édouard Philippe raconte presque en larmes son pire souvenir à Matignon", extrait de l'émission Sept à Huit de TF1 sur le Huffington Post,
- « Accident de Millas : les réactions des élus et des personnalités », sur francebleu.fr, (consulté le )
- Corine Sabouraud, « P.-O. - Drame de Millas : la colère des familles à l'annonce de la réouverture partielle de la ligne SNCF », sur Lindependant.fr, (consulté le ).
- « Accident de Millas. Le train fait son retour à Villefranche-de-Conflent trois ans après le drame », Ouest-France, , p. 1 (lire en ligne )
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