Présidence de Dwight D. Eisenhower
La présidence de Dwight D. Eisenhower débuta le , date de l'investiture de Dwight D. Eisenhower en tant que 34e président des États-Unis, et prit fin le . Membre du Parti républicain, Eisenhower entra en fonction après avoir battu le candidat démocrate Adlai Stevenson lors de l'élection présidentielle de 1952. Il fut réélu quatre ans plus tard à une large majorité face au même adversaire. Le démocrate John Fitzgerald Kennedy lui succéda à la Maison-Blanche.
34e président des États-Unis
Type | Président des États-Unis |
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Résidence officielle | Maison-Blanche, Washington |
Système électoral | Grands-électeurs |
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Mode de scrutin | Suffrage universel indirect |
Élection |
1952 1956 |
Début du mandat | |
Fin du mandat | |
Durée | 8 ans |
Nom | Dwight D. Eisenhower |
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Date de naissance | |
Date de décès | |
Appartenance politique | Parti républicain |
La présidence d'Eisenhower, qui faisait suite à vingt ans de présence démocrate au pouvoir, fut une période de paix et de prospérité pour les États-Unis, marquée par une coopération entre les différents partis dans un monde alors dominé par la guerre froide qui opposait le pays à l'URSS. En politique intérieure, Eisenhower développa le réseau des autoroutes inter-États, envoya l'armée en Arkansas afin d'imposer les décisions de justice prises en faveur de l'intégration raciale, fonda la NASA (l'Agence spatiale américaine) et fit de la course à l'espace une priorité face à l'Union soviétique.
Il encouragea également les avancées technologiques dans le domaine de l'aviation et de l'énergie atomique afin de limiter le recours aux forces conventionnelles. Partisan de la politique fiscale conservatrice et des taxations mises en place par l'aile républicaine du sénateur Robert Taft, « Ike », comme il était surnommé communément, élargit le programme de sécurité sociale sans toutefois moderniser les programmes d'aides introduits lors du New Deal. Se décrivant lui-même comme un « conservateur progressiste », Eisenhower mit en garde contre la trop grande puissance des lobbys industriels dans la gestion des affaires militaires.
Eisenhower demeura populaire tout au long de sa présidence mais le lancement de Spoutnik 1 par les Soviétiques et un marasme économique contribuèrent à la défaite des républicains lors des élections de mi-mandat de 1958. En dépit de la courte défaite de son vice-président Richard Nixon face à Kennedy en 1960, Eisenhower était admiré au moment de quitter ses fonctions mais la plupart des observateurs considéraient qu'il n'avait été qu'un président inactif ― une vision qui perdura jusqu'à la publication de ses archives privées dans les années 1970. Il est aujourd'hui systématiquement évalué par les universitaires et les politologues comme l'un des dix plus grands présidents de l'histoire américaine.
Élection présidentielle de 1952
En vue de l'élection présidentielle de 1952, le Parti républicain se préparait à tenir, un peu plus tôt dans l'année, une convention qui devait lui permettre de désigner son candidat à ce scrutin. Le général Dwight D. Eisenhower et le sénateur de l'Ohio Robert Taft étaient considérés comme les mieux placés pour décrocher l'investiture mais le gouverneur de Californie Earl Warren et l'ancien gouverneur du Minnesota Harold Stassen étaient également candidats[1]. Chef de file des républicains conservateurs qui rejetaient en grande partie l'héritage du New Deal et étaient partisans d'une politique étrangère non-interventionniste, Taft avait déjà brigué à deux reprises l'investiture du Grand Old Party mais avait dû s'incliner face à Wendell Willkie (en 1940) et Thomas Dewey (en 1948)[2].
Candidat républicain à la présidence en 1944 puis en 1948, Dewey était issu de l'aile modérée du parti ; ses membres, principalement originaires des États de l'est du pays, étaient plutôt favorables au New Deal et prônaient une forme d'interventionnisme dans le cadre de la guerre froide. Alors que l'échéance électorale de 1952 se rapprochait, Dewey refusa de concourir à nouveau mais lui et d'autres modérés s'activèrent pour favoriser l'émergence d'un « ticket » conforme à leurs idées[2]. À cette fin, ils constituèrent, en , un mouvement baptisé Draft Eisenhower (« Recruter Eisenhower ») qui se proposait de convaincre le général de participer à l'élection présidentielle. Deux semaines plus tard, lors de la réunion de la National Governors' Conference, sept gouverneurs républicains soutinrent la candidature d'Eisenhower[3]. Celui-ci, qui occupait alors le poste de commandant suprême des forces alliées de l'OTAN, était depuis longtemps pressenti pour succéder au président démocrate Harry S. Truman mais sa répugnance à l'égard de la politique partisane rendait la chose incertaine[4]. Eisenhower était cependant troublé par les conceptions isolationnistes de Taft, en particulier son opposition à l'OTAN, qu'Eisenhower considérait au contraire comme un important moyen de dissuasion face à l'Union soviétique[5]. Il était également préoccupé par la corruption qui, selon lui, s'était répandue dans les plus hautes instances du gouvernement fédéral vers la fin de la présidence de Truman[6].
À la fin de l'année 1951, Eisenhower laissa entendre qu'il ne s'opposerait pas aux efforts déployés pour inscrire son nom sur le ticket républicain même s'il refusait toujours de briguer activement l'investiture[7]. En , le sénateur Henry Cabot Lodge, Jr. annonça qu'il serait possible de voter pour Eisenhower lors de la primaire du New Hampshire au mois de mars, alors que le général n'était pas encore officiellement candidat[1]. Le résultat de cette victoire fut nettement à l'avantage d'Eisenhower qui l'emporta avec 46 661 voix contre 35 838 pour Taft et 6 574 pour Stassen[8]. En avril, Eisenhower démissionna de son poste de commandant de l'OTAN et rentra aux États-Unis. Les partisans de Taft, loin d'être résignés, disputèrent âprement les primaires suivantes et, au moment de l'ouverture de la convention nationale républicaine en juillet, il était impossible de savoir qui, de Taft ou d'Eisenhower, décrocherait la nomination[9].
Lors de la convention qui se tint à Chicago, les représentants de la campagne d'Eisenhower accusèrent Taft de « voler » des votes de délégués dans les États du Sud, au prétexte que les partisans de Taft avaient, à la convention, refusé des places de délégués aux soutiens d'Eisenhower au profit de délégués pro-Taft. Lodge et Dewey avancèrent une solution, baptisée Fair Play, qui consistait à évincer les délégués pro-Taft dans ces États et à les remplacer par des délégués pro-Eisenhower. Taft et ses alliés nièrent farouchement les accusations mais la convention adopta le principe du Fair Play par 658 voix contre 548 et Taft perdit le soutien de nombreux délégués sudistes. À l'inverse, Eisenhower bénéficia du ralliement de plusieurs délégations d'États demeurées jusque-là en retrait, comme le Michigan et la Pennsylvanie, ainsi que de celui de Stassen qui appuya sa candidature, ce qui permit au général d'emporter la nomination au premier tour de scrutin. Le candidat à la vice-présidence, le sénateur de Californie Richard Nixon, fut ensuite désigné par acclamation[10]. Le choix de Nixon avait été discuté dès avant la convention par l'équipe de campagne d'Eisenhower qui avait été séduite par sa jeunesse (39 ans) et par son anticommunisme viscéral[11].
Composition du gouvernement
Eisenhower confia la formation de son cabinet à deux de ses proches collaborateurs, Lucius D. Clay et Herbert Brownell Junior. Conseiller juridique de Dewey, Brownell fut nommé procureur général[12]. Le poste de secrétaire d'État revint à John Foster Dulles, un expert républicain écouté en matière de politique étrangère qui avait participé à l'élaboration de la Charte des Nations unies et du traité de San Francisco. Au cours de ses six années à la tête du département d'État, Dulles parcourut près de 900 000 km[13]. En dehors du cabinet, Eisenhower choisit Sherman Adams pour exercer les fonctions de chef de cabinet de la Maison-Blanche tandis que Milton S. Eisenhower, le frère du président et un directeur d'université réputé, fut un conseiller important[14]. Eisenhower renforça également le rôle de conseiller à la sécurité nationale dont Robert Cutler fut le premier titulaire[15].
Pour les autres nominations du cabinet, le président s'attacha à recruter des dirigeants de grandes entreprises : Charles Erwin Wilson, le PDG de General Motors, fut ainsi le premier secrétaire à la Défense d'Eisenhower. En 1957, il fut remplacé par le président de Procter & Gamble, Neil H. McElroy. Pour le poste de secrétaire au Trésor, « Ike » désigna George Humphrey, dirigeant de plusieurs sociétés d'acier et de charbon ; quant au ministre des Postes Arthur Summerfield et au premier secrétaire à l'Intérieur Douglas McKay, ils étaient tous deux distributeurs d'automobiles. L'ancien sénateur Sinclair Weeks hérita du secrétariat au Commerce[12]. Eisenhower jeta enfin son dévolu sur Joseph Dodge, un président de banque qui avait une grande expérience des affaires gouvernementales, pour être le directeur du Bureau de la gestion et du budget ― lequel, sous la présidence d'Eisenhower, bénéficia pour la première fois d'un statut ministériel[16].
Les autres ministres furent sélectionnés en fonction de critères plus politiques. Ezra Taft Benson, un représentant haut placé de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, devint secrétaire à l'Agriculture ; il fut de la sorte le seul membre du cabinet affilié à l'aile conservatrice de Taft. Pour diriger le département de la Santé, de l'Éducation et des Services sociaux nouvellement créé, Eisenhower fit appel à Oveta Culp Hobby, chef du Women's Army Corps, qui fut la deuxième femme de l'histoire à intégrer le cabinet. Martin P. Durkin, président démocrate du syndicat des plombiers et des tuyauteurs, fut nommé secrétaire du Travail[12] et une blague se répandit selon laquelle le cabinet initial d'Eisenhower était composé de « neuf millionnaires et d'un plombier »[17]. Mécontent de la politique du travail d'Eisenhower, Durkin démissionna moins d'un an après son entrée en fonction et fut remplacé par James P. Mitchell[18].
Du fait de son désintérêt pour la vie politique, Eisenhower délégua en grande partie la gestion du Parti républicain à son vice-président, Richard Nixon[19]. Eisenhower était conscient de l'état d'impréparation dans lequel s'était trouvé le vice-président Harry S. Truman sur des dossiers sensibles tels que la bombe atomique lors de son accession inopinée au pouvoir en 1945, et il veilla à ce que Nixon eut pleinement son rôle à jouer au sein de l'administration. Ce dernier effectua de nombreuses missions à l'intérieur et à l'extérieur du pays jusqu'à devenir « l'un des plus précieux subordonnés d'Ike ». De poste essentiellement honorifique et secondaire, la vice-présidence s'affirma ainsi comme un rouage important de l'équipe présidentielle[20]. Nixon transgressa à plusieurs reprises les limites de son rôle en « [se jetant] dans la politique étatique et locale » et en « prononçant des centaines de discours à travers le pays », ce qui, combiné avec la répugnance d'Eisenhower pour les appareils politiques, fit de Nixon le chef de facto du Parti républicain[21].
Eisenhower participa à des conférences de presse télévisées, une première pour un président américain. Les reporters du temps soulignèrent aussi qu'Eisenhower fut le premier président à faire usage du « droit de non-réponse ». La décision simultanée du président de se montrer dans des conférences de presse tout en ne répondant pas à certaines questions fit dire au journaliste Clark Mollenhoff que « jamais un président ni la Maison-Blanche n'avait donné autant et aussi peu à la fois »[22].
Nominations judiciaires
Eisenhower a nommé les juges suivants à la Cour suprême des États-Unis :
- Earl Warren (juge en chef) — 1953
- John Marshall Harlan II — 1955
- William J. Brennan Jr. — 1956
- Charles Evans Whittaker — 1957
- Potter Stewart — 1958
Politique étrangère
La présidence d'Eisenhower est dominée par la Guerre froide, confrontation indirecte mais prolongée avec l'Union soviétique commencée sous le mandat d'Harry S. Truman. À la mort de Joseph Staline en 1953, Eisenhower prononce un discours intitulé « Une chance pour la paix » dans lequel il tente de se rapprocher du nouveau régime soviétique, mais l'atmosphère de trouble régnant à Moscou empêche une réponse appropriée et la Guerre froide se durcit encore entre les deux nations[23]. Néanmoins, Eisenhower a continué de soutenir les initiatives de diplomatie culturelle américaines menées en Europe pendant la guerre froide, notamment par des visites de bonne volonté effectuées par les "ambassadeurs soldats-musiciens" de l'Orchestre symphonique de la septième armée[24],[25],[26],[27],[28],[29],[30],[31],[32].
En 1953, Eisenhower ouvre les relations diplomatiques avec l'Espagne, dirigée par le régime fasciste de Francisco Franco. Malgré son caractère antidémocratique, la position stratégique de l'Espagne dans le contexte de la Guerre froide et son positionnement anti-communiste conduit Eisenhower à mettre en place une alliance militaire et commerciale avec les Espagnols à travers la signature du pacte de Madrid, mettant fin à l'isolationnisme de l'Espagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et annonçant la période du « miracle espagnol »[33].
Durant sa campagne, Eisenhower a promis de mettre fin à la guerre de Corée où la situation stratégique et militaire vit une impasse. Cette promesse est tenue le par la ratification de l'armistice de Panmunjeom. Des traités défensifs sont conclus avec la Corée du Sud et la République de Chine (Taïwan) et l'Organisation du traité de l'Asie du Sud-Est voit le jour afin de ralentir l'expansion du communisme en Asie[34].
Face à l'URSS, Eisenhower conserve la doctrine de l'endiguement mais cherche à contrer les Soviétiques par des moyens plus actifs, comme expliqué dans le mémorandum NS-68 du département d'État. Sa politique d'action secrète, détaillée dans le rapport 162-2 du conseil de sécurité nationale[35], prévoit la mise en œuvre d'une étroite coopération avec le secrétaire d'État John Foster Dulles, le développement de la tactique des opérations secrètes et l'utilisation de la CIA pour interférer avec les gouvernements suspectés de favoriser le communisme à l'étranger. L'une des premières utilisations de cette tactique d'« action secrète » est dirigée contre le Premier ministre iranien, Mohammad Mossadegh qui est renversé par le shah d'Iran et les forces pro-monarchiques lors du coup d'État iranien de 1953 — aussi connu sous le nom d'opération Ajax. La CIA appuie également l'année suivante le coup d'État militaire au Guatemala qui entraîne la chute du président Jacobo Árbenz Guzmán[36].
La politique d'action secrète se poursuit tout au long de la présidence d'Eisenhower. Alors que le Congo traverse une période chaotique à la suite de l'installation d'une république indépendante, l'Union soviétique et le KGB apportent leur soutien au Premier ministre Patrice Lumumba qui a été élu au vote populaire. La lutte contre le communisme est alors devenue un enjeu majeur de la politique américaine et les États-Unis, par l'intermédiaire de la CIA, fournissent des armes et un appui secret à Joseph Kasa-Vubu et au colonel Joseph Mobutu plus favorables aux nations occidentales et qui entretiennent des liens étroits avec les services de renseignement américains. Ce conflit s'achève en avec la chute de Lumumba et l'arrivée au pouvoir de Kasa-Vubu et de Mobutu, qui transforment le pays en un régime autocratique dont l'instabilité perdure longtemps après la fin du mandat d'Eisenhower[37].
Eisenhower renforce également l'implication des États-Unis en Asie du Sud-Est commencée sous l'administration de son prédécesseur Truman. En 1954, il envoie Dulles à Genève pour représenter les États-Unis lors de la signature des accords mettant fin à la guerre d'Indochine et divisant temporairement le Viêt Nam en une zone communiste au nord (dirigée par Hô Chi Minh) et une zone non-communiste sous influence américaine au sud (avec à sa tête Ngô Đình Diệm). Diệm et le gouvernement américain ne donnent toutefois aucune garantie à l'issue de la conférence et en vertu du principe de la réunification, la délégation sud-vietnamienne s'oppose fermement à toute division du pays. Le représentant du Viêt Minh Phạm Văn Đồng suggère que l'unité du Viêt Nam soit soumise à des élections organisées sous la supervision de « commissions locales ». La France se montre favorable au projet ce qui force les ambassadeurs sud-vietnamiens à céder. En réponse, les États-Unis mettent en place ce qui est appelé le « plan américain » avec le soutien du Sud-Viêt Nam et du Royaume-Uni, visant à ce que ces élections soient effectuées sous l'autorité des Nations unies. Ce plan est toutefois rejeté par la délégation soviétique[38], et en , le président Eisenhower ordonne le déploiement des premiers soldats américains au Viêt Nam en qualité de conseillers militaires auprès de l'armée de Diệm. Après que ce dernier ait proclamé au mois d'octobre la République du Viêt Nam — plus connu sous le nom de Sud Viêt Nam —, Eisenhower s'empresse de reconnaître le nouveau régime auquel il fournit une aide technique, économique et militaire[39].
En 1956, Eisenhower s'oppose à une éventuelle intervention de la France et du Royaume-Uni en Égypte pour reprendre le contrôle du canal de Suez, nationalisé peu de temps auparavant par le président Gamal Abdel Nasser ; s'adressant au Premier ministre britannique Anthony Eden, il lui fait comprendre que les États-Unis ne toléreront pas une invasion[40]. Sans se préoccuper des intentions de leurs alliés anglo-saxons, les Français et les Israéliens attaquent l'Égypte afin de prendre le contrôle du canal mais l'opération s'achève finalement sur un échec politique des Occidentaux et les Égyptiens interdisent l'accès au canal pour de nombreuses années. Eisenhower joue un rôle majeur dans le dénouement de cette crise en usant de la puissance économique des États-Unis pour convaincre ses alliés européens de se retirer d'Égypte. Cet épisode marque la fin de la domination franco-britannique au Moyen-Orient et ouvre la voie à une escalade de l'influence américaine dans la région[41]. Lorsqu'éclate l'insurrection de Budapest en , Eisenhower condamne la répression brutale menée par Moscou mais refuse d'intervenir militairement[42].
Lors de son second mandat, Eisenhower devient très impliqué dans la gestion des affaires du Moyen-Orient et en 1958, il envoie des troupes au Liban pour maintenir la paix[43]. Il encourage par ailleurs la création de l'alliance militaire connue sous le nom de « pacte de Bagdad » regroupant l'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran et le Royaume-Uni[44]. C'est aussi sous la présidence d'Eisenhower que les États-Unis s'affirment comme une puissance nucléaire de premier plan. L'URSS leur emboîte le pas en mettant au point son propre système de défense nucléaire ce qui fait craindre une annihilation mutuelle des deux « Grands » dans le cadre d'une Troisième Guerre mondiale. Le , Eisenhower approuve le rapport NSC 162/2 relatif à la politique de sécurité nationale qui tend à privilégier l'usage des armes atomiques sur tous les autres dispositifs de défense. L'arme nucléaire est alors considérée comme le moyen plus sûr et le plus efficace pour dissuader les Soviétiques d'entreprendre toute action militaire contre le « monde libre ». Tout au long de sa présidence, Eisenhower insiste sur la nécessité de développer une stratégie visant à remporter le conflit dans l'optique d'une guerre nucléaire avec l'URSS, bien qu'il espère au fond de lui-même à ne jamais y avoir recours[45]. Avec le lancement en 1957 du satellite artificiel Spoutnik par les Soviétiques, l'Amérique se retrouve soudainement confrontée à la menace d'une frappe nucléaire par missile balistique sur son territoire[46]. La stupeur des Américains à l'annonce du lancement de Spoutnik, qui permet aux Soviétiques de s'affirmer comme la principale puissance spatiale, place le président Eisenhower sous le feu des critiques. L'administration décide d'y répondre par plusieurs initiatives stratégiques majeures incluant entre autres la création de la NASA en 1958 et l'accélération du programme spatial américain. Eisenhower autorise le lancement du programme de vol spatial habité de la NASA et est à l'origine des projets de fusées Saturn et F-1 qui constituent une étape importante dans les efforts déployés par les administrations successives pour remporter la course à l'espace[47].
La mort de Staline en fait entrevoir à Eisenhower la possibilité d'un accord avec les nouveaux dirigeants soviétiques pour arrêter la course aux armements nucléaires. Toutefois, ses efforts pour parvenir à un accord de désarmement visent avant tout à obtenir un avantage militaire et diplomatique sur l'URSS et il a toujours refusé une proposition qui ne lui procurerait pas cet avantage[45]. Un sommet Est-Ouest regroupant les dirigeants des quatre principales puissances (le président Eisenhower, le secrétaire général soviétique Nikita Khrouchtchev, le Premier ministre britannique Harold Macmillan et le président français Charles de Gaulle) est organisé en 1960 à Paris mais la rencontre est perturbée par un incident survenu deux semaines auparavant lorsqu'un appareil américain de type U-2 chargé de collecter des renseignements est abattu au-dessus du territoire soviétique[48]. L'administration Eisenhower, qui pense que le pilote a péri dans l'accident, autorise la publication d'un article affirmant que l'avion était un « avion de recherche météo » qui s'était égaré dans l'espace aérien soviétique après que le pilote ait indiqué « des problèmes d'alimentation en oxygène » alors qu'il survolait la Turquie[49]. Lorsque les Soviétiques révèlent que le pilote, le capitaine Francis Gary Powers, est toujours bien vivant, la Maison-Blanche est prise en flagrant délit de mensonge et la situation est vécue comme une grave humiliation par les États-Unis[50],[51]. Le crash de l'U-2 fait l'objet d'une enquête minutieuse menée par le comité des affaires étrangères du Sénat[52]. Au cours du sommet de Paris, Eisenhower accuse Khrouchtchev de « saboter cette rencontre sur laquelle le monde fondait tant d'espoirs »[53] et reconnaît plus tard l'ampleur des dégâts causée par cette « stupide affaire d'U-2 »[52].
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