Al-Hussein ibn Ali

Al-Hussein ibn Ali[n 1], dit aussi Sayyid al-Chouhada ((ar) سَيِّد الشُهَداء , prince des martyrs)[1], né le à Médine et mort le lors de la bataille de Kerbala, est le fils d'Ali ibn Abi Talib et de Fatima Zahra, et par celle-ci il est aussi le petit-fils de Mahomet.

Pour les articles homonymes, voir Ben Ali (homonymie) et Hussein.

Al-Hussein ibn Ali
Fonction
Imamat
-
Biographie
Naissance
Décès
(à 54 ans)
Kerbala
Sépulture
Nom dans la langue maternelle
الحسين بن علي
Activités
Père
Mère
Fratrie
Umm Kulthum bint Ali
Muhsin ibn Ali (en)
Abbas ibn Ali
Abdullah ibn Ali ibn Abi Talib (en)
Jaʿfar ibn ʿAly (d)
Muhammad ibn al-Hanafiya
ʿUthmân ibn ʿAly (en)
Al-Hassan ibn Ali
Hilal ibn Ali (en)
Ruqayya Mashḥad (en)
Zaynab bint Ali
Abu Bakr ibn Ali (en)
Conjoints
Layla bint Abi Murrah al-Thaqafi (en)
Ou Isaac fille Talha ben Obeid-Allah (d)
Shahr Banû (en)
Rubab bint Imra al-Qais (en)
Enfants
Ali Zayn al-Abidin
Fatima al-Sughra bint al-Husayn (en)
Sakinah (Fatima al-Kubra) bint Husayn (en)
Sukayna bint Husayn
Ali al-Akbar ibn Husayn
Ali al-Asghar ibn Husayn
Kholat bint Husayn (d)
Autres informations
Religion
Conflit
Prononciation
Vue de la sépulture.

À la mort de son frère aîné Hassan en 670, il devient le troisième des douze imams du chiisme duodécimain[2]. Son soulèvement contre le calife omeyyade Yazid I (accusé d'injustice) suivi de sa mort lors d'une bataille qui eut lieu à Kerbala (Irak) constitue un événement essentiel dans le développement de la pensée chiite: selon le chiisme, en particulier duodécimain, mais aussi ismaélien, Hussein est mort volontairement pour sauver le monde[3].

Ce soulèvement et cette mort ont rapidement fait l'objet d'une profonde vénération chez les chiites. Devenu pour eux le « martyr » (shahîd), ils commémorent la mort de Hussein chaque année, le 40e jour qui suit la date du martyre, au cours d'une cérémonie appelée « Arbaïn » (« quarante », c'est-à-dire les quarante jours qui suivent le décès). Entre 17 et 20 millions de personnes se rassemblent alors au mausolée de Kerbala à cette occasion pour lui rendre hommage. L'endroit est devenu ainsi un des hauts lieux de l'islam chiite[1].

Biographie

Approche

La place occupée par Husayn et son destin tragique font que de sa biographie constitue une question délicate qu'il faut aborder avec toute la prudence méthodologique nécessaire[4]. Il s'agit d'être aussi objectif que possible et d'examiner les circonstances historiques qui ont conduit à la bataille de Kerbala en confrontant les sources pour examiner tant les informations anciennes que tardives, dégage la part émotionnelle des récits, les partis pris idéologiques qui les sous-tendent[4].

Enfance

Il est le deuxième fils d'Ali Ibn Abi Talib et Fatima, la fille de Mahomet, son aîné étant Hassan. Il naquit à Médine le dix janvier 626, (le 5 de Chaabane 4 AH) ou peut-être, selon certaines sources, au milieu de Joumada I, an 6 (soit au début octobre 627)[5].

Il fut d'abord élevé dans la maison de son grand-père Mahomet, et l'on a de nombreux témoignages de l'affection de Mahomet pour ses deux petit-fils. On disait de Hussein qu'il ressemblait beaucoup à son grand-père, Mahomet, aussi bien physiquement que moralement (mais moins que Hassan)[5]. Il était connu pour sa grande bonté et sa générosité sans faille.

Nombre de hadiths rapportent les propos du Prophète au sujet de son petit-fils. Ainsi : « Hussein fait partie de moi, et je fais partie de Hussein. Dieu aimera celui qui aura aimé Hussein »[6] ou encore « Hassan et Hussein sont »[6]. Ou encore cette parole adressée à Ali : « Oh Ali! Tu es pour moi ce que Haroun était pour Moïse sauf qu’il n’y a pas de prophète après moi. Le Prophète Haroun avait deux enfants appelés Shabbar et Shabbir. La traduction de Shabbar en arabe est Hassan et celle de Shabbir est Hussein »[7].

Épouses et enfants

On ne trouve pas d’indications claires sur la présence ou non des épouses de l'Imam Hussein, lors des évènements de Karbala. Les écrits existants n'expliquent que partiellement la vie de ses quatre épouses[8], qui sont : Laylâ Bint Abî `Urwah Ibn Mas`ûd Ath-Thaqafî, la mère de `Alî l’aîné; Shahrbânû[n 2], fille du dernier empereur sassanide de Perse Yazdgard III, défait par les armées de `Umar Ibn Al-Khattâb, et qui fut la mère d’As-Sajjâd et de `Alî le médian; Rabâb Bint Imru’ Al-Qays Ibn `Adî, mère de Muhammad et de `Abd Allâh; Quda`iyyah, mère de Ja`far, Umm Ishâq Bint Talhah Ibn `Ubayd Allâh, Umm Fâtimah.

De ces épouses, Al-Husayn eut dix enfants : six fils et quatre filles. Ses fils sont : `Alî l’aîné, dit le Martyr, `Alî le médian, dit Imâm Zayn Al-`Âbidîn, `Alî le cadet, Muhammad, `Abd Allâh le martyr et Ja`far. Ses filles sont : Sukaynah, Fâtimah, Zaynab et Ruqayyah.

Les rapports avec Mu'awiya

Après l'assassinat de son père, Ali ibn Abi Talib, Hussein prêta allégeance à son frère Hassan (le deuxième imam après Ali). Cependant, ce dernier fut contesté par Mu'awiya qui le menaça et fit tout pour que Hassan se rétracte. Hassan accepta alors de signer un traité dont l'une des clauses était que Mu'awiya avait l'interdiction de désigner un successeur après lui. Mu'awiya régna ainsi jusqu'en 680.

Le soulèvement

En 680, Muʿawiya Ier, premier calife de la dynastie omeyyade, décède, amenant son fils Yazīd Ier à lui succéder. Hussein refuse de lui prêter allégeance arguant que cette succession est une violation du traité Hassan-Muawiya (en)[9]. En effet, en plus du fait d'avoir trahi le pacte, Yazid est réputé pour être un homme cruel et sans aucune piété, sans se soucier des commandements de Dieu et de son prophète. Il était réputé pour être un homme assoifé de pouvoir et injuste. Pour éviter le serment d'allégeance à Yazîd, il part de Médine et se réfugie à La Mecque. Or, le gouverneur du calife Yazid, Ibn Ziyad, fait tuer Moslim ibn Aghil l'émissaire que Hussein lui a envoyé à Kufa[10]. Peu après, Hussein se met en route pour cette ville. Il aurait ainsi, selon la tradition, rencontré en chemin le poète Tammām ibn Ghālib Abū Firās, dit « al-Farazdak (en) », qui l'aurait prévenu : « Ô Hussein, les cœurs [des gens de Kufa] sont avec toi, mais leurs épées sont pour les Omeyyades. »[11]

« Je ne me suis pas soulevé de gaieté de cœur, ni pour une quelconque insatisfaction personnelle, ni par subversion ni injustement. Je me suis soulevé pour réformer la nation de mon grand-père, le Messager d’Allah, pour commander le bien et interdire le mal, et pour suivre les traces de mon grand-père et de mon père ». Tels furent les mots de Hussein lorsqu'il décida de se soulever contre un calife qui n'était pas digne à ses yeux de régner[12].

Bataille et mort

Escorté d'une petite troupe de 72 personnes, dont les membres de sa propre famille, il part rejoindre ses partisans de Kufa qui l'avaient appelé à l'aide et lui avaient promis obéissance[13]. Ibn Ziyad intercepte cette troupe à Kerbala et exige qu'Hussein prête allégeance au calife Yazid. Devant le refus de celui-ci, une bataille très inégale s'engage, la bataille de Kerbala, le (10 muharram 61 AH). Tous les compagnons de Hussein sont tués. Le combat semble perdu d'avance, la petite armée de Hussein ne pouvant se mesurer à 30 000 adversaires[réf. nécessaire], et ce d'autant plus que l'armée omeyyade contrôle tous les accès à l'eau. Ils sont donc obligés de combattre durant deux journées sous un soleil de plomb et sans aucune eau, dans un siège qui va durer dix jours. Finalement Hussein est tué par Shimr ibn Dhil-Jawshan qui le décapita.

Reliquaire en argent contenant la tête de Hussein, dans la Grande mosquée des Omeyyades, à Damas.

Seul le plus jeune de ses fils, Ali Zayn al-Abidin, (qui deviendra le quatrième Imam) est épargné, avec les femmes et sa sœur Zaynab fille d'Ali. Le cadavre de Hussein est laissé sur place, sans linceul, sur le sable de Kerbala, tandis que sa tête est envoyée à Damas au calife Yazid, ainsi que les survivants devenus captifs. Par la suite, le corps sera enseveli à Kerbala — c'est du moins ce qu'affirme la tradition[14] — là où l'on bâtira plus tard le mausolée et sanctuaire consacré à la mémoire de Hussein, qui deviendra un des lieux essentiels du chiisme[3],[1].

Tabari rapporte que lorsqu’on apporta la tête de Hussein au calife, Yazîd Ier, celui-ci en frappa les lèvres avec une baguette, s'amusant à donner des coups en face de la famille de Hussein[n 3]. Toutefois, selon Dominique et Janine Sourdel, le calife aurait regretté que le gouverneur eût fait preuve d'une telle violence (en décapitant le corps)[3].

Responsabilité de la mort de Hussein

D'une manière générale, selon les musulmans sunnites, sa mort doit être attribuée à l'initiative malheureuse d'un lieutenant outrepassant le commandement du calife. Mais pour les chiites[n 4] la responsabilité de cette mort incombe au calife Yazid et à ses agents; selon cette conception, il faut aussi blâmer les gens de Kûfa d'avoir abandonné Hussein après lui avoir demandé de se mettre à leur tête[13].

Place de Hussein dans le chiisme

Le destin et la mort de Husayn marquent probablement un tournant dans l'histoire du chiisme[15]. Kerbela, où le corps de Hussein aurait été enseveli, prit le nom de Qabr al-Ḥusayn tombeau de Ḥusayn ») et devint le lieu de rassemblement chiite le plus grand au monde. Plus de 20 millions de personnes s’y rendent pour accomplir le pèlerinage [16],[17]. Quant à sa tête, elle serait conservée dans un reliquaire qui se trouve dans une salle annexe de la Grande mosquée des Omeyyades, à Damas. Toutefois, il n'y a pas d'accord sur cette localisation, et plusieurs villes disent la conserver: Nadjaf, Kufa, Kerbala, Médine, Le Caire[14]...

Influence sur des penseurs

Le soulèvement de Hussein inspire aujourd'hui un bon nombre de personnes, musulmanes ou non. Par exemple, le Mahatma Gandhi affirme[18] : « Ce que j'ai appris de Hussain, c'est comment parvenir à la victoire bien qu'opprimé. » Ou encore Washington Irving[18] : « L’Imam Hussein pouvait sauver sa vie en cédant à la volonté de Yazid, mais la responsabilité qu’il a en tant que chef de la communauté musulmane, ne lui permet de reconnaître Yazid comme calife. Il se prépare rapidement à tout malheur et à toute pression afin de libérer l’islam du joug des omeyyades. L’âme de l’imam Hussein reste éternellement vivante sous le soleil brûlant et sur les sables torrides des déserts de l’Arabie. O mon héros ! O symbole du courage ! O mon chevalier, Hussein ! »

Quelques paroles de Hussein

« Si vous ne croyez pas à une quelconque religion et n'avez pas peur du Jour de la Résurrection, au moins, soyez libres dans ce monde. »

« Évitez d'opprimer celui qui n'a pas de défenseur contre vous, car le Dieu tout-puissant est son défenseur »[19].

Notes et références

Notes

  1. Son nom complet est Abu-Abd-Allah al-Hussein ibn Ali ibn Abi-Talib (en arabe : أبو عبد الله الحسين بن علي). Les formes équivalentes du nom sont Hossein en persan, Hüseyin en turc et Ousseynou en Afrique subsaharienne.
  2. Persan : šahr bānū, شهر بانو, dame de la cité
  3. « [Yazid] frappa d’un coup de baguette la bouche de Husayn et dit : "Nous nous serions contentés de la soumission des habitants de l’Irak sans ce meurtre". Un spectateur présent lui dit : "Écarte cette baguette de cette bouche que le Prophète a maintes fois baisée." Alors Yazid irrité se retourna vers Ali Zayn et lui dit : "Fils de Hussein, ton père a brisé les liens de la parenté et c’est pour cela que Dieu lui a fait ce que tu as vu. N'est-ce pas Dieu lui-même qui a fait mourir ton père ? N'est-ce pas Dieu qui l'a puni pour s'être rebellé contre le commandeur des Croyants ?" À quoi Ali fils de Husayn répliqua : "Non tyran ! Ne déforme pas les versets coraniques. Ne change pas leur signification ! Dans son infinie sagesse, Dieu donne à chacun le temps et les occasions pour agir en bien ou en mal, avec justice ou en oppresseur. Le châtiment divin atteint toujours les tyrans, tôt ou tard ! Le Saint Coran ne raconte-t-il pas les tribulations des prophètes, qui ont souffert mille maux de la part des peuples auxquels ils avaient été envoyés ?"  »— Tabarî, traduit du persan par Hermann Zotenberg, La Chronique Histoire des prophètes et des rois, vol. II, Actes Sud / Sindbad, coll. « Thésaurus », (ISBN 978-2-7427-3318-7), « Les Omayyades », p. 50
  4. Ainsi que pour certains religieux sunnites, dont l’Imam Ahmad Ibn Hanba.

Références

  1. Chaabi s.d..
  2. Mohamed Ali Adraoui et Leyla Arslan, Islam en France pour les nuls, First/Gründ, , p. 17
  3. Dominique et Janine Sourdel, Dictionnaire historique de l'Islam, Paris, PUF, 1996, (ISBN 978-2-130-47320-6) p. 357-358
  4. Amir Moezzi, Jambet 2014, p. 51.
  5. Madelung, ḤOSAYN B. ʿALI, Encyclopaedia Iranica, 2012 (v. Bibliographie)
  6. « La position d’Imam Hussein auprès du Prophète et sa place dans la Sunna », sur hajij.com (consulté le )
  7. « La Biographie d’Imam Hussein, le maitre des martyres », sur hajij.com (consulté le )
  8. « Les épouses de l'imam Hussein, après Karbala », LIEN BRISÉ (consulté le )
  9. Dictionnaire de l'islam, Encyclopedia Universalis, article Hussein, p. 361
  10. Abbas Ahmad al-Bostani, « Relâchement et retournement de la situation », sur al-islam.org (consulté le )
  11. (en) « Al-Ḥusayn ibn ʿAlī : Muslim Leader and Martyr », sur britannica.com, The Editors of Encyclopaedia Britannica,
  12. Cheikh Mohammad al-Yacuobi, « Des paroles à l’égard de Achoura », sur yaqoobi.net, (consulté le )
  13. Bohas s.d..
  14. Amir Moezzi, Jambet 2014, p. 52.
  15. Amir Moezzi, Jambet 2014, p. 50.
  16. « Hossaïn » [cosmovisions.com], sur Imago Mundi (consulté le )
  17. Philippe Ouannès, « KERBELA ou KARBALĀ », sur univeralis.fr, Encyclopædia Universalis (consulté le )
  18. « Que disent les non-musulmans de l’imam Husayn? », sur iqna.ir, (consulté le )
  19. « 40-hadith-du-imam-hussein » (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Articles connexes

Liens externes

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