Angles (peuple)
Le peuple des Angles (en latin gens anglorum), qui donne son nom aux Anglais et à l’Angleterre, est une peuplade germanique possiblement originaire de la péninsule d’Angeln dans l’actuel Schleswig, en Allemagne, ou bien de l'Angrie, autre région historique de l'Allemagne, située plus au sud. Durant les années 449-455, le roi breton Vortigern fit appel aux Angles pour se battre à ses côtés contre les Pictes. Les écrits des Chroniques anglo-saxonnes révèlent comment les Angles couronnés de succès décrivaient leur ancienne terre natale : « From Anglia, which has ever since remained waste between the Jutes and the Saxons, came the East Angles, the Middle Angles, the Mercians, and all of those north of the Humber. » (« Les Angles de l'est, les Moyens-Angles, les Merciens et tous ceux de la Northumbrie vinrent d'Anglie, qui est depuis laissée abandonnée entre les Jutes et les Saxons. »)
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Angles | |
Pommeau d'épée, en or avec une incrustation de grenats. Trésor du Staffordshire. 7-8e siècles de notre ère | |
Ethnie | Germains |
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Langue(s) | Vieil anglais |
Religion | Paganisme ; puis catholicisme. |
Région d'origine | Schleswig, Holstein, Jutland, Frise, Heptarchie |
Sources
Sources écrites
Les historiens disposent de deux sources majeures mais postérieures sur les ancêtres protohistoriques des Angles :
- l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable, achevée vers 733 ;
- la Chronique anglo-saxonne, plus tardive et rendant surtout compte de la succession des rois et des calamités de la période anglo-saxonne dans les royaumes du Sud de l'île.
À ces sources, il faut ajouter l’Histoire rédigée par un Breton au VIe siècle, qui dépeint les Angles comme des envahisseurs sanguinaires et qui n’épargne pas non plus, d’ailleurs, les rois de son peuple, qualifiés de « tyrans » :
- De la ruine et de la conquête de la Bretagne (De excidio et conquestu Britanniæ), écrite dans les années 540 par saint Gildas.
Enfin, bien que tardive et n’étant pas une source historique à proprement parler, l’épopée du Beowulf, qui s’appuie sur la tradition orale pour décrire les succès d'un Angle de l’Est (?) au service d’un roi danois, Hrothgar, rend compte de l’imaginaire païen et héroïque de l’aristocratie anglaise au VIIe siècle.
Sources archéologiques
Les sources archéologiques de la période anglo-saxonne nous renseignent surtout sur les premiers établissements germaniques dans l’île de Bretagne.
- Près de Mucking, aux bouches de la Tamise, ont été découverts des ensembles de plusieurs centaines de huttes à demi souterraines, caractéristiques des Ve – VIe siècles. Ces dernières auraient servi vers 400 à loger des mercenaires chargés par Rome de protéger Londres.
- De nombreuses sépultures de cette période montrent une parenté incontestable avec celles découvertes dans le nord de l'Allemagne et au sud de la péninsule danoise. Notamment, des urnes d'incinération est-angliennes du Ve siècle auraient été fabriquées en Saxe.
Histoire
Selon Bède le Vénérable, les Angles vinrent avec des contingents de Jutes et de Saxons pour répondre à l'appel du roi breton Vortigern en 449[1] : les territoires sur lesquels régnait ce dernier étaient menacés par les Scots, des envahisseurs venus d'Irlande[2]. Au contraire, selon l'historien byzantin Procope, les premiers Angles étaient surtout accompagnés de Frisons. La présence de ces derniers est effectivement attestée par l'archéologie.
Les origines des Angles selon la tradition
Selon la tradition rapportée par les légendes, ils auraient été menés au combat par deux frères Jutes : Hengist et Horsa. Ces premiers rois des Angles sont présentés comme les descendants d'un certain Woden selon l'historiographie médiévale anglo-saxonne et selon la tradition germanique. Pour Bède et selon la tradition chrétienne, ils seraient venus d'un « angle » (latin angulus) du monde[réf. souhaitée] et auraient servi d'instruments du châtiment divin contre les Bretons hérétiques dans l'« angle » opposé : la future Angleterre (dans cette perspective eschatologique, le monde est alors vu symboliquement comme un carré, dont les angles sont les quatre points cardinaux, et dont Rome, c'est-à-dire l'Église romaine, occupe le centre).
En rattachant ainsi les Angles à la tradition chrétienne (du Deutéronome, un livre de l'Ancien Testament), Bède n'agit pas différemment des autres historiens nationaux du Moyen Âge (Grégoire de Tours, Paul Diacre...) : il cherche à légitimer par la religion chrétienne l'existence des royaumes germaniques des Angles, alors même que les origines de ceux-ci sont païennes. Les Angles sont alors dépeints comme un nouveau peuple élu.
En réalité, pour être plus précis, cette recherche vise à rattacher l'existence des peuples germaniques, plus que leurs royaumes, à une ascendance biblique issue de l'Ancien Testament qui, bien que s'inscrivant dans le cadre de l'étude chrétienne, centrée sur le Nouveau Testament, narre les événements du "peuple élu" à savoir ceux qui descendent du personnage biblique Jacob, alias Israël, fils de Isaac, fils d'Abraham, père d'Ismaël, ancêtre de Mahomet, le fondateur, bien plus tard de l'Islam vers 610.
Or, selon cette tradition dite abrahamique, partagée par les juifs et les chrétiens, Abraham est le descendant de Sem, fils aîné de Noë, personnage biblique ayant survécu au Déluge. Il serait donc plus exact, dans la perspective d'affiner la tradition rapportéee par les légendes et par Bède de les situer dans le cadre de la Genèse, et plus particulièrement aux chapitres 6 à 10 qui concerne l'histoire de Noé et de sa famille (chapitre 6 à 9) qui échappe au Déluge et l'histoire de sa descendance (chapitre 10). Ils seraient donc, à l'instar des celtes, des francs, des saxons, des scandinaves, des grecs, des slaves et bien d'autres, les descendants de Japhet, a priori le plus jeune des trois fils de Noé.
Cette tradition a eu d'importantes conséquences géopolitiques et humanitaires notamment à travers le récit biblique de la Malédiction de Cham qui a permis de justifier l'esclavage des peuples issus de Cham de la part de ceux issus de Sem et de Japhet. Or, on sait que la pratique de l'esclavage est un fait historique mondialisé qui a concerné plusieurs sociétés. La traite négrière a prospéré, toujours au détriment des peuples d'Afrique, à la traite orientale, dont la composante principale est la traite arabe, s'est succédé la traite atlantique d'obédience européenne lors de la colonisation des Amériques.
Donc, la recherche de la légitimation des Angles, tout comme celle des autres peuples germaniques, est avant tout celle-ci qui dépasse le cadre de la chrétienté bien que celle-ci soit l'étape nécessaire eu égard à l'influence du christianisme en Europe.
L'installation sur l'île de Bretagne
Quoi qu'il en soit, l'origine géographique exacte des Angles a laissé peu de traces. Leur territoire ancestral le plus probable serait cependant situé selon les Chroniques Anglo-Saxonnes dans l'actuelle baie de Kiel entre le Schlei au sud et le fjord de Flensbourg au nord.
Ces mercenaires ou ces envahisseurs païens s'établirent dans l'île de Bretagne, et bâtirent leurs royaumes par la force au détriment des royaumes bretons. Le retrait des troupes romaines avait laissé ces derniers sans défense, ce qui fut probablement la cause première de l'arrivée des Angles. Dès 410, en effet, les sources latines mentionnent la présence de pirates frisons en mer du Nord et dans la Manche, mais il semble que leur immigration massive n'ait débuté que dans les années 430.
Les royaumes des VIIe – VIIIe siècles
Au tout début du VIIe siècle, alors que ces peuples germaniques étaient encore païens, il existait une douzaine de royaumes anglo-saxons dans l'île. Parmi ceux-ci, trois se détachèrent :
- le royaume de Northumbrie, dont le peuple est qualifié de peuple des Angles par Bède. Il se situe au nord de la rivière Humber qui constitue une formidable frontière naturelle par sa largeur ;
- le royaume de Mercie, au centre, qui demeura longtemps païen (jusqu'au milieu du VIIe siècle) sous le roi Penda et pour lequel on ignore quelle était la peuplade dominante ;
- le royaume de Wessex (qui tire son nom des Saxons de l'ouest) au sud-ouest
En réalité, à cette époque et plus encore par la suite, un roi dominant s'imposait dans l'île : c'est le cas du roi northumbrien Edwin au VIIe siècle, des rois merciens Æthelbald puis Offa au VIIIe siècle, et enfin du roi du Wessex Egbert au début du IXe siècle. Aussi, vers 731, Bède a déjà conscience de l'unité anglo-saxonne et il est tout naturel – par sa nationalité et en raison de la renommée de l'Église northumbrienne – qu'il mette surtout en avant le peuple « anglais », par opposition aux Bretons mais aussi probablement aux Saxons et aux Jutes. L'unité du peuple anglais s'entend ainsi comme spirituelle et culturelle, par-delà des différences politiques qu'elle ne remet pas en question.
La fin des royaumes des Angles
Néanmoins, dès la fin du VIIIe siècle, des envahisseurs nordiques viennent menacer les côtes anglaises et pillent les monastères de Lindisfarne (793), Jarrow (le monastère de Bède, en 794) et Iona (en 795). Ceux-ci accomplissent des progrès militaires tout au long du IXe siècle. En 879, les Danois de Guthrum, lequel vient de recevoir le baptême, s'installent définitivement dans l'Anglie orientale (Est-Anglia), alors que les Vikings norvégiens atteignent York. C'est la fin, à proprement parler, des « royaumes des Angles ».
Les royaumes des Angles
Selon Bède, les royaumes peuplés par les Angles étaient :
- l'Est-Anglie ou « royaume des Angles de l'Est » ;
- la Mercie ou « royaume des Angles du milieu » ;
- la Northumbrie, réunissant les royaumes de Deira et de Bernicie.
En réalité, il est quasiment certain que les populations de ces royaumes étaient très mélangées. Sans doute se considéraient-ils comme des Angles en raison de la dynastie régnante, compte tenu de l'importance qu'avaient les liens personnels pour les Saxons. Les cadres du pouvoir, plus qu'une quelconque homogénéité ethnique, peuvent expliquer cette notion d'identité. De plus, chez Bède, le latin natio (qui désigne une ethnie) est rarement employé, en tous cas non pour désigner les habitants des royaumes des Angles.
Parmi ces « royaumes des Angles », deux méritent une attention particulière :
- la Northumbrie : le terme désigne les terres au nord du fleuve Humber. Elle se distingue à travers le rayonnement culturel de sa capitale, York, dès le synode de Whitby, en 664 et plus encore à l'époque de Bède. L'école archi-épiscopale de York est fondée par l'archevêque Egbert d'York, pupille du précédent, et devient une pépinière de missionnaires anglais. Par la suite, la renommée de l'école atteint le continent sous la direction d'Alcuin. Ce dernier, à l'invitation de Charlemagne qu'il rencontre à Rome, devient le responsable de l'école du Palais et participe ainsi à la renaissance carolingienne ;
- le royaume des Angles de l'est ou Est-Anglie est surtout connu pour la découverte d'une tombe royale à Sutton Hoo. Celle-ci a été attribuée à Redwald, de la dynastie des Wuffingas. C'est à cette dynastie qu'appartiendrait le héros du poème épique Beowulf. Si l'attribution de la nécropole de Sutton Hoo à l'un des rois angles dont le règne est attesté par Bède demeure une hypothèse, il n'en demeure pas moins que cette tombe a livré quelques magnifiques œuvres d'art germaniques très proches du style suédois. Ce témoignage archéologique exceptionnel ferait donc pencher la balance en faveur d'une origine danoise des Angles. En même temps, la présence d'une pièce d'orfèvrerie gauloise montre les rapports qu'il y avait dès cette époque entre les Anglo-Saxons et les Francs.
Autres Angles
Comme nombre de peuples, les Angles n'étaient pas un peuple monolithique. On en retrouve des rameaux ailleurs qu'en Angleterre. Ainsi une petite tribu s'est établie au Haut Moyen Âge dans le Haut-Poitou, à Angles-sur-l'Anglin, donnant son nom à un village et à une rivière.[réf. nécessaire]
Voir aussi
Anglo-Saxons - Saxons - Bède le Vénérable - Northumbrie - Histoire de l'Angleterre - Angrie
Notes et références
- Bède donne des dates variables entre 446 et 456
- Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique du peuple anglais, Livre I, chapitres XIV et XV.
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