Attentat de la piazza Fontana

L'attentat de la piazza Fontana est un attentat à la bombe néofasciste qui s'est produit à la Banca Nazionale dell'Agricoltura sur la Piazza Fontana dans le centre de Milan le faisant 16 morts et 88 blessés.

Attentat de la piazza Fontana

Le bâtiment de la Banca Nazionale dell'Agricoltura dans lequel la bombe a explosé (photo de 2007).

Localisation Piazza Fontana
Milan (Italie)
Coordonnées 45° 27′ 47″ nord, 9° 11′ 39″ est
Date
16 h 37
Type Attentat à la bombe
Morts 16
Blessés 88
Organisations Ordine Nuovo
Mouvance Terrorisme néofasciste
Géolocalisation sur la carte : Milan
Géolocalisation sur la carte : Italie

Les attentats terroristes de ce jour-là sont au nombre de cinq, concentrés en l'espace de 53 minutes et frappent simultanément Rome et Milan. Cet événement marque une étape déterminante de la stratégie de la tension, et est considéré comme le principal point de départ des « années de plomb » italiennes.

Alors que la police soupçonne à l'origine le milieu anarchiste, la Cour de cassation juge en 2005 que le massacre est l'œuvre de militants du mouvement néofasciste Ordine Nuovo, dont Carlo Digilio, Franco Freda et Giovanni Ventura. Le premier ayant participé aux enquêtes et les deux autres ayant été absouts en 1987, aucun n'est condamné.

L'attentat

Reconstitution de la mort de Giuseppe Pinelli.
Pietro Valpreda durant une audience.

Le 12 décembre 1969 à 16 h 37, une bombe éclate dans la Banca Nazionale dell'Agricoltura (it) sur la Piazza Fontana, dans le centre de Milan, faisant seize morts et une centaine de blessés. Aussitôt, l'extrême gauche est accusée, en particulier les anarchistes. Quatre mille personnes sont arrêtées par la police[1].

L'enquête

Le danseur Pietro Valpreda est emprisonné, tandis que le cheminot Giuseppe Pinelli, anarchiste accusé de l'attentat, fait une chute mortelle du quatrième étage du commissariat où il est interrogé. Le commissaire Luigi Calabresi est assassiné en représailles en 1972.

Selon l'auteur d'extrême droite François Duprat, lors du cortège funèbre suivant les attentats, 80 000 personnes manifestent, dont 30 à 40 000 Missini faisant le salut fasciste[source insuffisante][2].

Responsabilités néofascistes dans l'attentat

Dans les années 1980, le terroriste néo-fasciste Vincenzo Vinciguerra déclare au juge Felice Casson que l'attentat visait à la proclamation de l'état d'urgence et à pousser l'Italie vers un régime autoritaire[3].

En 1989, le fondateur d’Avanguardia Nazionale, Stefano Delle Chiaie, est arrêté à Caracas et extradé en Italie afin d'être jugé pour ses responsabilités dans l'attentat de 1969[réf. nécessaire]. Il est cependant acquitté par la cour d'assises de Catanzaro en 1989, de même que son camarade Massimiliano Fachini[réf. nécessaire].

En 1997, trois anciens militants néo-fascistes du Movimento Politico Ordine Nuovo, Carlo Maria Maggi (it), Delfo Zorzi et Giancarlo Rognoni, sont mis en examen pour l'attentat. En 1998, David Carrett, un officier de la US Navy, est mis en examen pour sa participation à l'attentat ; il est aussi accusé d'espionnage politique et militaire. Le juge Guido Salvini (it) ouvre aussi une enquête contre Sergio Minetto, un responsable italien du service d'intelligence de l'OTAN, et le collaborateur de justice Carlo Digilio, soupçonné d'être un indic de la CIA.

Mais le , la Cour d'appel de Milan annule les peines prononcées contre les trois accusés d'Ordine Nuovo, condamnés en première instance[4]. Carlo Digilio bénéficie de l'immunité en échange de sa participation aux enquêtes, en accord avec le statut italien des collaborateurs de justice. Cet acquittement est confirmé par la Cour de cassation en mai 2005, qui confirme par ailleurs la condamnation de la partie civile à payer les frais du procès, décision qui a suscité l'indignation de l'opinion publique, ainsi que celle du président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, qui s'engage à ce que l’État paie ceux-ci[5]. La Cour de cassation, tout en acquittant les trois accusés, a cependant bien affirmé que l'attentat de Piazza Fontana avait été réalisé par les néo-fascistes d'Ordine Nuovo, guidés entre-autres par Franco Freda et Giovanni Ventura, mais que ceux-ci ne pouvaient pas être arrêtés pour des motifs administratifs (ayant été absouts par sentence définitive dans un autre procès en 1987)[6].

Thèse de la « stratégie de la tension »

Selon une théorie qui fait débat, une partie de l’appareil d’État, en lien avec la CIA, aurait entretenu un climat de peur, via la dite stratégie de la tension, afin de faciliter l’arrivée au pouvoir d’un régime dictatorial, comme en Grèce en 1967.

C'est notamment la thèse du documentaire L'Orchestre noir, réalisé par Frédéric Laurent (cofondateur de Libération) et Fabrizio Calvi en 1997 et diffusé sur Arte en 2 soirées en 1998. Ce documentaire soulève un coin du voile sur de possibles manipulations par l'organisation Gladio de néo-fascistes membres de mouvements tels que Movimento Politico Ordine Nuovo ou Avanguardia Nazionale. L'objectif des attentats (dont celui de la Piazza Fontana, celui de Brescia en 1974, ou de celui de Bologne en 1980) aurait été de déclencher, sinon un coup d'État, du moins une déclaration d'état d'urgence [réf. nécessaire] .

Au début des années 1990, la révélation de l'existence du réseau Gladio, une organisation paramilitaire clandestine (stay-behind) de l'OTAN, entraîne de nouvelles spéculations sur ce thème.

En 2000, un document publié par des élus des Démocrates de gauche participant à la commissione Stragi (it) du parlement italien (commission d'enquête sur les massacres) a conclu que Washington avait soutenu « une stratégie de la tension visant à empêcher le PCI et, dans une moindre mesure, le PSI à atteindre le pouvoir ». Celle-ci aurait compris des attaques terroristes sous faux drapeau, attribuées à la partie adverse, en l'occurrence l'extrême-gauche et la mouvance autonome. Néanmoins, l'enquête judiciaire n'a établi aucun lien direct entre le réseau de l'OTAN et les néofascistes impliqués dans l'attentat.

Ce document, dépourvu de valeur officielle, qui comporte des erreurs factuelles[réf. nécessaire] et accuse nommément des membres d'Alliance nationale, a provoqué de vifs échanges au parlement italien et s'est vu qualifié par le président du Sénat italien Nicola Mancino d'« exemple de suffisance intellectuelle » (« esempio di supponenza intellettuale »)[7].

Manifestations

Au fil des ans, de nombreux événements ont eu lieu à la mémoire du massacre de la Piazza Fontana et de la mort de Giuseppe Pinelli. Plusieurs de ces initiatives ont dégénéré en affrontements entre policiers et manifestants. En particulier, le 12 décembre 1970, exactement un an après le massacre, lorsque l'étudiant Saverio Saltarelli est décédé, tué par une bombe lacrymogène tirée à la tête par la police.

Ces manifestations sont toujours actives aujourd'hui, notamment dans les cercles de gauche milanais. Le 7 décembre 2009, lors de la rencontre du président de la République, Giorgio Napolitano avec les familles des victimes, celui-ci a loué leur « passion civile », et leur engagement « pour nourrir la mémoire collective et la réflexion », affirmant comprendre ce que « le poids que la négation de la vérité représente pour chacun de vous, un poids que l’État italien porte sur lui-même » et précisant que « ce qui s'est passé dans notre société n'est pas complètement clair et limpide et n'a pas encore été pleinement développé »… « Continuez à travailler pour retrouver chaque élément de vérité ».

Les manifestations qui ont lieu tous les 12 décembre en souvenir du massacre et le 15 décembre en commémoration de Pinelli et sont devenues un rendez-vous récurrent pour la ville de Milan.

Notes et références

  1. (en) « 1969: Deadly bomb blasts in Italy », sur BBC News.
  2. François Duprat, L'Ascension du M.S.I., Les Sept Couleurs, , p. 106.
  3. (it) « Luigi Cipriani, Intervista su Vincenzo Vinciguerra al giornalista Paolo Cucchiarelli », sur fondazionecipriani.it, (consulté le ).
  4. (it) « Piazza Fontana, nessun colpevole Assolti in appello gli imputati », sur Repubblica.it, (consulté le ).
  5. Hervé Rayner, « Vetos entrecroisés : l’épineuse question de l’amnistie en Italie », L'Homme et la société, L'Harmattan, vol. 1, no 159, , p. 150-164 (DOI 10.3917/lhs.159.0150, lire en ligne).
  6. (it) Paolo Biondani, Freda e Ventura erano colpevoli, Corriere della Sera, (lire en ligne).
  7. (it) « Mancino: Ds supponenti sulle stragi », Corriere della sera, .

Voir aussi

Bibliographie

  • Camilla Cederna, Andrea Barberi, Marco Fini et Omero Folti, La piste rouge. (Italia 69-72), édité par Union Générale d'Éditions. 10/18, 1972.
  • Frédéric Laurent, L'Orchestre noir, Stock, 1978.
  • Antonio Pennacchi, Mon frère est fils unique, Le Dilettante, 2007 (Titre original : Il Fasciocomunista, 2003).
  • Diego Giachetti et Marco Scavino, La FIAT aux mains des ouvriers, Les nuits rouges, avril 2005.
  • Luciano Lanza, La ténébreuse affaire de la piazza Fontana, Éditions CNT-Région parisienne, 2005, notice (ISBN 2-915731-03-9).
  • (it) Antonella Beccaria et Simona Mammano, Attentato imminente - Piazza Fontana, une strage che si poteva evitare (Attentat imminent : Piazza Fontana, un massacre que l'on pouvait éviter), Éditions Stampa Alternativa, 2009.
  • Miguel Chueca, Piazza Fontana, 12 décembre 1969, La question sociale, n°2, hiver 2004-2005, texte intégral.
  • (it) Gabriele Fuga, Enrico Maltini, Pinelli : la finestra è ancora aperta, Colibri, Milan, 2016, 271 pages.

Filmographie

Articles connexes

Lien externe

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