Bêta-amyloïde
Le peptide amyloïde bêta ou β-amyloïde est un peptide (une petite protéine) appartenant à la famille des substances amyloïdes. Dans certaines circonstances, il est néfaste pour le système nerveux central (sous l’influence de différents facteurs génétiques et environnementaux encore mal compris[1]).
L'amyloïde bêta est au centre de l'hypothèse amyloïde qui est la théorie, formulée initialement par JA Hardy et GA Higgins en 1992, selon laquelle la maladie d'Alzheimer est causée par la présence de plaques amyloïdes dans le cerveau.
Cette théorie a conduit au développement de nombreuses recherches pour le développement de médicaments.
En 2006, Sylvain Lesné de l'Université du Minnesota (UMN), Twin Cities, a publié dans Nature un article[2] qui sous-tend l'hypothèse amyloïde dominante mais controversée de la maladie d'Alzheimer, selon laquelle Aβ s'agglutine. En juillet 2022, cet article avait été cité par plus de 2.300 publications scientifiques[3].
Cependant, une controverse est apparue aux Etats-Unis en 2021 concernant la réalité de cette théorie et l'intégrité de certains articles scientifiques de Sylvain Lesné (voir section controverse).
Formation
Les peptides β-amyloïdes sont des protéines de 36 à 43 acides aminés. Ils sont principalement localisés dans le cerveau mais peuvent être aussi retrouvés dans la circulation sanguine.
Provenance
Elle provient de la protéine précurseur de l'amyloïde (APP), une glycoprotéine transmembranaire qui a des fonctions dans la synaptogenèse, la migration neuronale, l'adhésion cellulaire et la signalisation cellulaire.
Le gène codant la protéine précurseure de l'amyloïde est situé sur le locus q21.2 du chromosome 21.
La protéine précurseur de l'amyloïde peut être clivée de deux façons :
- en utilisant le chemin non amyloïdogénique, qui consiste en une coupure par l'alpha-sécrétase. Celle-ci clive en plein centre de la bêta-amyloïde et donne une protéine essentielle pour la plasticité neuronale ;
- en utilisant le chemin amyloïdogénique qui consiste en une coupure par la bêta-sécrétase et par la gamma-sécrétase. Celles-ci vont cliver respectivement les parties N-terminale et C-terminale de la bêta-amyloïde.
Au fur et à mesure que les années passent, l'alpha-sécrétase est remplacée par la bêta-sécrétase. Donc, en vieillissant, les neurones ont plus de difficulté à transmettre un influx nerveux.
Mécanismes d'action d'Aβ42
Lorsqu'il est clivé en position 42 (Aβ42) et non 40 (Aβ40), le peptide amyloïde bêta abaisse l'efficacité de la transmission cholinergique. Il existe plusieurs hypothèses expliquant cette action, en voici deux :
- l'hypothèse de l'inflammation : les peptides amyloïdes s'agrègent et formes des plaques amyloïdes. Ces dernières sont phagocytées par la microglie (macrophages du système nerveux central) qui induit une réaction inflammatoire. Dans la mesure où cette réaction inflammatoire est prolongée, cela induit la mort des neurones cholinergiques de la bande diagonale de Brocca et du noyau basal de Meynert ;
- l'hypothèse cholinergique : Aβ42 va diminuer la recapture de la choline par le canal DAT (dopamine transporteur). Ce canal, comme son nom l'indique, est nécessaire à la recapture de la choline par le bouton présynaptique. Cela entraîne une baisse de choline dans le neurone. Pour contrer cette baisse, le neurone va faire de l'autophagie membranaire, c'est-à-dire briser sa membrane pour libérer de la phosphatidylcholine qui est une source riche de choline. Elle va réduire l'activité de la choline acétyltransférase, soit l'enzyme nécessaire à la formation de l'acétylcholine à partir de l'acétyle et de la choline. Cette réduction entraîne aussi une diminution de la transmission synaptique. Elle va finalement moduler la réception d'acétylcholine en réduisant l'activité des récepteurs muscariniques. Cette baisse entraîne encore une fois une diminution de la transmission cholinergique.
Maladies
Plusieurs maladies seraient reliées à l'agrégation de la bêta-amyloïde.
- La maladie d'Alzheimer, qui entraîne des dommages irréversibles sur les neurones. Ce sont d'abord le lobe temporal et l'hippocampe qui sont touchés. Ensuite, cela se propage dans les lobes frontaux et pariétaux touchant l'aire de la parole, de la planification et de la compréhension. Enfin les dommages se généralisent conduisant à la mort.
- Les angiopathies cérébrales amyloïdes : elles sont associées à la maladie d'Alzheimer. Elle entraîne un dépôt de bêta-amyloïde sur les parois des vaisseaux sanguins, augmentant ainsi les risques de rupture des vaisseaux.
- La démence à corps de Lewy. Cette forme de démence résulte d'une diminution de la production de dopamine avec perte de production d'acétylcholine. Elle est associée soit à la maladie de Parkinson soit à la maladie d'Alzheimer.
- La myopathie à corps d'inclusion. C'est une maladie inflammatoire musculaire des jambes et des bras.
Pistes de traitements
La vaccination fait aussi l'objet de recherches (immunothérapie active). « La deuxième approche se fonde sur l’injection d’un peptide de structure proche, pour stimuler le système immunitaire et augmenter son efficacité à éliminer les protéines amyloïdes qui s’accumulent dans le cerveau »[1].
Selon les essais cliniques, cette stratégie induit une réaction immunitaire, mais sans réduction apparente des symptômes[1]. Une piste serait d'appliquer le traitement plus tôt, avant l'apparition des symptômes, mais ceci pose des questions éthiques liées au diagnostic très précoce d'une maladie aujourd'hui incurable mais souvent assez tardive[1].
L'immunothérapie est la piste la plus explorée : des anticorps hautement spécifiques sont dirigés contre le peptide (immunothérapie passive). Après l'échec d'un essai sur plus de 2100 patients, le Eli Lilly (société ayant développé le solanezumab) a publiquement annoncé qu'elle abandonnait ce médicament pour le traitement de patients atteint d'un début de démence. Cette molécule qui avait suscité de grands espoirs[4] s'ajoute aux nombreux autres anti-amyloïde testés à ce jour, tous sans succès[5]. Toutefois, le donanemab, dirigé contre le bêta amyloïde sous forme de plaques, semble donner quelques résultats dans les formes précoces[6].
Controverses
En août 2021, l'administration américaine de la Food and Drug Administration (FDA) a reçu une pétition citoyenne demandant d'arrêter les essais cliniques du Simufilam[7] principalement basés sur des anomalies présumées dans les images des articles précliniques. Suite à la publicité des allégations, d'autres scientifiques ont également remis en question ces résultats, citant la petite taille de l'échantillon, les prétendus défauts méthodologiques d'une technique in vitro, les prétendues manipulations d'images Western blot et les conflits d'intérêts potentiels[8].
Reuters a rapporté le 27 juillet 2022 qu'une enquête criminelle sur Cassava Sciences avait été ouverte par le ministère de la Justice des États-Unis (DOJ) sur les résultats de recherche liés au médicament expérimental contre la maladie d'Alzheimer.[9] Le Wall Street Journal a déclaré que la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis et le centre américain des maladies National Institute of Health (NIH) des États-Unis enquêtent également sur la manipulation des données par Cassava[10].
En août 2021, Matthew Schrag, un médecin et neuroscientifique à l'Université Vanderbilt a été approché par un avocat travaillant sur le dossier Simulfan. Les éléments qu'il a découvert ont ensuite été partagés par cet avocat dans la pétition à la FDA, et par Matthew Schrag à la NIH. Le magazine Science a alors conduit une investigation de 6 mois incluant la revue des suspicions et des questions soulevées par Schrag sur le travail de recherche de Lesné par des spécialistes de la recherche sur Alzheimer. Science a également demandé à Elisabeth Bik and Jana Christopher d'analyser ces travaux. Ces travaux sont venus confirmer les suspicions de fraude scientifique par manipulation d'image sur 20 publications de Lesné, dont 10 portant sur Aβ*56. Science a rendu ses conclusions publiques dans un article de juillet 2022[3].
Notes et références
- Dossier Alzheimer, INSERM, consulté 1er sept 2016.
- (en) Lesné, S., Koh, M., Kotilinek, L. et al., « A specific amyloid-β protein assembly in the brain impairs memory », Nature 440, 352–357, (2006) (lire en ligne)
- (en) Charles Piller, « BLOTS ON A FIELD? A neuroscience image sleuth finds signs of fabrication in scores of Alzheimer’s articles, threatening a reigning theory of the disease », Science, (lire en ligne )
- (en) Elie Dolgin (2016) How to defeat dementia Three things are needed to turn the tide on the costliest crisis in health care ; 09 Novembre 2016.
- (en) Alison Abbott & Elie Dolgin (2016) Failed Alzheimer’s trial does not kill leading theory of disease The drug, and others based on the ‘amyloid hypothesis’, are still being tested in other, different trials ; paru dans le journal Nature le 23 novembre 2016 ; doi:10.1038/nature.2016.21045.
- Mintun MA, Lo AC, Duggan Evans C et al. Donanemab in early Alzheimer’s disease, N Engl J Med, 2021;384:1691-1704
- (en) « Simufilam », dans Wikipedia, (lire en ligne)
- (en) Mandavilli, Apoorva, « Scientists Question Data Behind an Experimental Alzheimer's Drug », The New York Times, (lire en ligne )
- (en) Marisa Taylor, Mike Spector, « Exclusive: Cassava Sciences faces U.S. criminal probe tied to Alzheimer's drug, sources say », Reuters, (lire en ligne )
- (en) Michaels, Dave; Walker, Joseph, « SEC Investigating Cassava Sciences, Developer of Experimental Alzheimer's Drug », The Wall Street Journal, (ISSN 0099-9660, lire en ligne)
Sources
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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