Bagne de Poulo Condor
Le bagne de Poulo Condor (vietnamien : Nhà tù Côn Đảo) est un ancien bagne vietnamien installé sur l'île de Poulo Condor (aujourd'hui Côn Son), faisant partie de l'archipel de Côn Đảo, situé à 230 km au sud de Hô Chi Minh-Ville dans la mer de Chine méridionale. Son nom dérive du malais Pu Lao Kundur qui signifie « l'île aux courges »[1].
Bagne de Poulo Condor (vi) Nhà tù Côn Đảo | ||
Vue de bâtiments et de cellules. | ||
Localisation | ||
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Pays | Viêt Nam | |
Région | Côn Đảo | |
Ville | Côn Son | |
Coordonnées | 8° 41′ 20″ nord, 106° 36′ 53″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Viêt Nam
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Installations | ||
Type | Bagne | |
Fonctionnement | ||
Opérateur | Cochinchine française et État du Viêt Nam (1861-1955) République du Viêt Nam (1955-1975) |
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Date d'ouverture | 1861 | |
Date de fermeture | 1975 | |
Histoire
Le bagne était un lieu de bannissement utilisé par le pouvoir annamite avant la colonisation française. Il fut réutilisé par les Français dès 1862[2],[3], avec l'arrivée du premier convoi de forçats[4], après le traité de Saïgon et est resté en activité jusqu’en 1975[5]. La construction d'un établissement pénitentiaire débute en 1880 avec l'objectif caractérisé de rendre les évasions impossibles[6]. En 1898, un rapport fit état d’un taux de mortalité de 70 %[7]. En 1940, de nouveaux bâtiments sont érigés. Certains prisonniers y étaient enfermés dans des « cages à tigre », ce qui les a rendus paraplégiques, ayant perdu l'usage des membres inférieurs après des années en position accroupie, sans pouvoir se lever et utiliser leurs jambes[8].
La brutalité des conditions de détention fut reconnue par les autorités coloniales. Le commandant Tisseyre, qui dirigea le bagne durant la Seconde Guerre mondiale, témoigne : « Il y avait 5 000 bagnards. On les laissait mourir (…). Le mois de mon arrivée, 172 décès ; c’étaient des locaux pour 25 ou 30 détenus ; j’en ai trouvé 110, 120, 130. Un médecin indochinois m’a raconté qu’il lui était arrivé de trouver un matin sept cadavres au bagne des politiques »[7].
Ce bagne est resté opérationnel pendant toute la durée de la guerre d'Indochine. En 1955, il est transformé en « centre de rééducation » par la République du Viêt Nam (1955-1975), afin d'enfermer les opposants du Front national de libération du Sud Viêt Nam (Việt Cộng), pendant la guerre du Viêt Nam.
Aujourd'hui[Quand ?], il est prévu d'ouvrir un lieu à la mémoire de l'indépendance et de l'unité du Viêtnam dans les anciens bâtiments du bagne[réf. nécessaire].
Prisonniers célèbres
De nombreux opposants à la colonisation y sont emprisonnés, et notamment des membres du Việt Minh, comme Phạm Văn Đồng, Lê Đức Thọ et l'épouse de Võ Nguyên Giáp, qui rend le régime colonial responsable du décès de sa première épouse morte en prison en 1941 et du décès de sa belle-sœur guillotinée pour nationalisme à Saïgon par l’administration coloniale française.
De nombreux artistes furent enfermés voire périrent à Poulo Condor[9], notamment les grands lettrés réformistes du début du siècle Phan Châu Trinh, Huynh Thuc Khang, Ngô Duc Kê, Trân Cao Van, Nguyên Can Dang, Luong Van Can, Ngô Quyên.
À partir de 1935, le bagne voit l'arrivée de prisonniers politiques. Regroupés au bagne II, nationalistes et communistes s’y retrouvent contraints au dialogue et à la solidarité, face aux terribles épreuves sans doute égales en souffrance et cruauté aux bien plus célèbres bagnes coloniaux français à Cayenne, en Guyane.
Le journaliste Trân Huy Liêu et d'autres membres de l'intelligentsia révolutionnaire sont de brillantes personnalités, comme Doan Kiên Diêm, Nguyễn Ngọc Son, Nghiêm Toan pour les nationalistes, Phạm Văn Đồng, Ngô Gia Tu, Nguyên Van Cu, Bui Cong Trung, Lê Duẩn, Lê Thanh Nghị, etc., pour les communistes et à partir de 1941 Tạ Thu Thâu, Trân Van Thach pour les trotskystes, ou l’influent journaliste, écrivain et poète Nguyễn An Ninh[9],[10] mort en détention, et dont la dépouille fut occultée, selon certains témoignages, sous ordre du commissaire à la sureté, Tisseyre[11], acquitté par la suite par la Cour de justice de l'Indochine [12].
L'écolière Võ Thị Sáu y est enfermée avant d'y être abattue le 23 mars 1952[13].
En juillet 1968, Võ Thị Thắng fut arrêtée par les autorités sud-vietnamiennes et condamnée par un tribunal militaire à 20 ans de travaux forcés au bagne de Poulo Condor.
La multiplication de ces prisonniers politiques à Poulo Condor fut, selon la plupart des historiens contemporains, un des plus puissants germes de la préparation à la révolution communiste et à la lutte armée[14] qui suivra l'occupation japonaise de l'île et la collaboration pétainiste successive des autorités françaises[15]. Cette thèse est reprise dans le film Indochine en 1992.
Liste des gouverneurs du bagne
Il y aurait eu 39 directeurs de 1862 à 1947[16].
- Felix Roussel (1862-1863)
- Bizot (1863-1864)
- Benoist (1864-1866)
- Boubé (1866-1869)
- Stiedel (1869-1870)
- Claudot (1870-1871)
- Gaudot (1871-1872)
- Chevillet (1872-1874)
- Symphor (1874-1875)
- Morin (1875-1876)
- Pasquet de la Broue (1876-1877)
- Disnematin Dorat (1877-1878)[17]
- Pasquet de la Broue (1878-1882)
- Bosquet (1882-1884)
- Caffort (1884-1887)
- Sellier (1887-1890)
- René (1890-1892)
- Jacquet (1892-1896)
- De Colbert (1896-1898)
- Morizet (1898-1908)[18]
- Melaye (1908-1909)
- Cudenet (1909-1913)
- De Gailland (1913-1914)
- Joseph O’Connell (1914-1916)
- Royer (1916-1917)
- Andouard (1917-1919)[19]
- Lambert (1919-1927)[20]
- Bouvier (1927-1934)
- Cremanzy (1934-1935)[21]
- Bouvier (1935-1942)[22]
- Brouillonet (1942-1943)
- Tisseyre (1943-1945)
- Hilaire (1945)
- Lê Văn Trà (1945)
- Gimbert (1946)
- Honecker (1946-1947)
- Jacques Brulé (1947-1948)
- Henri Lafosse (1948-1951)
- H. Jarty (1951-1953)
- Aloise Blanck (1953-1955)
Notes et références
- « Poulo Condor : Sous ces grilles, des hommes en cage »
- dès 1861 selon David Peyrat, Le bagne de Poulo Condore, le versant sombre de l'Indochine française, (lire en ligne)
- Les français réinvestissent l'île en 1861 selon Jean-Michel Rocard, Quelques repères à propos du bagne de Poulo-Condor, (lire en ligne)
- Le bagne de Poulo-Condor, (lire en ligne)
- Vietnam : Retour à Poulo Condore, l'île du bagne
- Quelques repères à propos du bagne de Poulo-Condor du 25 avril 2009
- Dominique Bari, « Vietnam. Poulo-Condore, dernier cercle de l’enfer colonial », sur L'Humanité, .
- L'ASEAN de A à Z : Histoire, Géopolitique, Concepts, Personnages par Kham Vorapheth (2012) aperçu disponible sur Google Livres
- « Terre de bagne en mer de Chine : Poulo Condore (1862-1953) - Europe Solidaire Sans Frontières », sur www.europe-solidaire.org (consulté le )
- (vi) « Nguyễn An Ninh (1900-1943) », sur vnngaymoi.wordpress.com (consulté le )
- (en-US) « Nguyễn An Ninh (Version française) », Quêhươngtôi, (lire en ligne, consulté le )
- « Bulletin d'information de la France d'outre-mer », sur ufdcweb1.uflib.ufl.edu (consulté le )
- Katie Kalmusky, « Vo Thi Sau: The Story of Vietnam's Guerilla Girl », sur Culture Trip (consulté le )
- Georges Taboulet, « Quelques livres sur l'Histoire de l'Indochine (jusqu'en 1914) [Rémy. — Un architecte de Dieu, le Père François Pallu ; René Maran. — Pigneaux de Behaine ; J.-P. Faivre. — L'expansion française dans le Pacifique de 1800 à 1842 ; Tban Minh Tiet. — Histoire des persécutions au Viet-Nam ; Serge Ouvaroff. — Le temps des conquêtes ; Roger Vercel. — Francis Garnier à l'assaut des fleuves ; Jouan. — Courbet ; Georges G. Toudouze. — La vie héroïque de l'Amiral Courbet ; Marc Benoist. — Un marin légendaire, Courbet ; Paul Chack. — Courbet, le vainqueur de Fou-Tchéou ; Claude Farère. — L'amiral Courbet vainqueur des mers de Chine ; J.-C. Demariaux. — Les secrets de Poulo-Condore, le grand bagne Indochinois ; Etienne Tardif. — La naissance de Dalat, 1899-1900, capitale de l'Indochine, 1946 ; Robert Mangin. — L'Indochine ; Le Thanh Khoï. — Le Vietnam, Histoire et civilisation, Tome 1er, Le milieu et l'histoire ; Louis Bezacier. — L'art vietnamien ; P. Suvanis. — Les relations entre la France et la Thaïlande au XIXe siècle, d'après les archives des Affaires Étrangères] », Revue d'histoire des colonies, vol. 43, no 152, , p. 453–478 (ISSN 0399-1385, DOI 10.3406/outre.1956.1266, lire en ligne, consulté le )
- Pierre Boulle, Aux sources de la rivière Kwai, Paris, Pocket, , 214 p. (ISBN 2-266-00968-0)
- lire en ligne
- (1826-1898) Marquis , Aide de Camp du Général Faron (1871), Lieutenant Colonel de l'Infanterie de Marine (3 avril 1880 - au 3ème RIMA), Résident du Protectorat Français de Porto-Novo (juillet 1884-1886)
- Charles Morizet, initialement notaire à Reims, père d'André Morizet (1876-1942) lire en linge.
- Lieutenant d'infanterie de marine, directeur du bagne de Poulo-Condor, assassiné par un condamné aux travaux forcés, cité dans l'édition numéro 13 de La Jeune Asie. Économique, politique et sociale. Au service de l'oeuvre française en Indochine du 11 décembre 1919 Consulter en ligne sur gallica.bnf.fr.
- capitaine condamné en correctionnelle pour prévarication et coups à gardiens lire en ligne puis colonel de la légion étrangère Consulter en ligne sur gallica.bnf.fr.
- commissaire de police
- Directeur de l'île, cité dans l'édition numéro 113 de L'Effort (Hanoï) du 16 décembre 1938 Consulter en ligne sur gallica.bnf.fr.
Voir aussi
Bibliographie
- Riz noir, un roman d'Anna Moï consacré à deux jeunes femmes internées à Poulo Condor.
- Jean-Claude Demariaux, Les Secrets des îles Poulo-Condore : Le grand bagne indochinois, J. Peyronnet, 1956, 287 p., (ISBN 978-2402187893), Lire en ligne sur gallica.bnf.fr.
- Maurice Demariaux (fils du précédent), Poulo Condore, archipel du Vietnam, L'Harmattan, 1999, (ISBN 2738482546).
- Michel Pierre, Le temps des bagnes, 1748-1953, Tallandier, 2017, 525 p., (ISBN 1021036226).
- Frédéric Angleviel, Poulo Condore. Un bagne français en Indochine, Vendémiaire, 2020, (ISBN 978-2363583406).
Articles connexes
- Bagne
- Île-prison
- Sûreté générale indochinoise
- Prison de Lao Bảo
- Camp Crique Anguille (Bagne des Annamites, Guyane, 1931-1945)
Liens externes
- Photo no 101 Résidence du Directeur de Poulo Condor sur gallica.bnf.fr
- Photos (no 102 et no 103) de prisonniers du bagne sur gallica.bnf.fr
- Tran, « Poulo Condor: Sous ces grilles, des hommes en cage », sur le blog Capannam, (consulté le )
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