Bernard de Corbehem

Bernard de Corbehem (né le , mort le )[1], volontaire de la Légion de Damas en 1793, débarqué à Quiberon avec la division de Sombreuil en 1795, rescapé du Massacre de Quiberon, rejoint Cadoudal à Auray, puis traverse à pied 300 lieues en France pour retrouver l'Armée de Condé en 1796 sur les bords du Rhin.

Bernard de Corbehem
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(à 77 ans)
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Le départ de deux jeunes émigrés

Deux frères natifs de Saint-Pol-sur-Ternoise, (ancienne province d'Artois,dans l'actuel département du Pas-de-Calais), Louis et Bernard de Corbehem, âgés respectivement de 18 et 17 ans, quittent leurs parents en grand secret au petit matin, la veille de Noël 1791[2] et, en passant par Béthune et par Lille, démunis de papiers d'identité, ils échappent aux contrôles des postes d'infanterie française. Ils traversent la frontière pour se rendre à Tournai, en Belgique, dans l'intention de s'enrôler dans l'armée contre-révolutionnaire formée par les princes de Bourbon, le comte de Provence et le comte d'Artois, frères cadets du roi Louis XVI. C'est le début d'une aventure que Bernard de Corbehem va devoir affronter seul, lorsque les circonstances le sépareront de son frère.

Premières armes à l'Armée des Princes

En arrivant à Tournai, les deux frères ont la surprise de rencontrer une foule hétéroclite de nobles émigrés originaires des Provinces françaises[3].

Première déception : le comte de Canchy, ancien député de la noblesse d'Artois, chargé d'organiser la Légion de la noblesse de Flandres, en qualité de commissaire de l'Armée des princes, refuse de les incorporer dans cette formation, car ils ne sont pas reconnus pour gentilshommes par les États d'Artois[4]. Mais peu leur importe, ils se portent volontaires au mois de , pour la nouvelle Compagnie d'infanterie fondée par le marquis de La Rianderie[5], moins regardant sur le pédigrée des jeunes recrues.

Les volontaires royalistes sont revêtus d'un uniforme flambant neuf et formés en vue des prochaines opérations : Dès , l'armée des princes est divisée en trois unités. La Compagnie des frères de Corbehem est rattachée à la troisième, le corps d'armée du prince de Bourbon, fort de cinq mille hommes, qui opère à l'arrière-garde de l'armée autrichienne des Pays-Bas commandée par Brunswick, lors de l'invasion en Champagne[6]. Après une retraite précipitée, ce corps d'armée est licencié le , deux mois après la victoire française de Valmy du et sans avoir participé à la Bataille de Jemmapes du .

Au cours de ces opérations, abondantes en marches et contre-marches, plusieurs nuits de suite, Bernard de Corbehem souffre du froid, de la pluie et même de la faim, notamment dans le cantonnement de Marche-en-Famenne[7]. Il sera hospitalisé pendant un mois[8].

C'est à Stavelot, que l'on annonce aux combattants de l'armée des princes leur licenciement, le . Les soldats, sans ressource, sans abri, sans moyens d'existence, sont au désespoir. Le bruit court que deux frères se sont suicidés en se jetant dans la Meuse. Pour leur part, les frères de Corbehem vont se regrouper avec quelques camarades pour affronter ensemble leur destin.

Tournai: la studieuse année 1793

Le groupe de huit combattants licenciés dont les deux frères ont pris la tête bat la campagne et prend de multiples contacts pour se faire embaucher dans une unité d'active. Dans l'espoir de se faire incorporer dans les Gardes wallonnes, ils parviennent aux environs de Maëstricht. Mais Bernard est dans un tel état d'épuisement qu'il est incapable de continuer son chemin : il souffre d'une grave crise de goutte et d'arthrite, compliquée d'une sciatique tenace. Il est obligé de se séparer de ses compagnons d'infortune et de son malheureux frère qui vont leur chemin[9]. Des Hollandais compatissants vont le soigner sur place.

Transporté en charrette jusqu'à Hasselt, en pays liégeois, Bernard de Corbehem échange son uniforme contre une défroque civile pour se soustraire aux républicains qui viennent d'envahir la Belgique. Puis, il emprunte une voiture de roulier qui le transporte jusqu'à Tournai, au début de l'année 1793, au prix de mille souffrances provoquées par les cahots de la route.

Dans son triste état, il est accueilli à Tournai dans un hospice de charité desservi par des dames nobles et par des religieuses, parmi lesquelles une amie de sa famille originaire de Lozinghem. Bravant les contrôles de l'armée républicaine, sa mère traverse la frontière en fraude et se porte à son chevet pendant 24 heures. Elle organise son admission dans le collège de Jésuites de la ville, pour parfaire sa formation interrompue au déclenchement de la Révolution[10]. Pris d'un amer pressentiment, Bernard ne devait jamais revoir cette mère intrépide[11].

Cette année 1793, si fertile en combats meurtriers, sera donc exclusivement réservée au perfectionnement scolaire de Bernard. Mais, du fond de son collège, le bruit du canon de Valenciennes l'incite à reprendre du service. En compagnie de deux camarades de collège, il part en grand secret, pour s'enrôler un matin d', dans la Légion de Damas.

La Légion de Damas

Les trois collégiens de Tournai traversent Valenciennes et Le Quesnoy dont les ruines encore fumantes révèlent l'ampleur des combats. Ils rencontrent aux environs de Liège, en , le comte Étienne de Damas qui les reçoit à bras ouverts et les embauche sans coup férir, comme fantassins, dans la légion qu'il vient de fonder à Maëstricht, à la solde de la Hollande.

La Légion de Damas offre à ses nouvelles recrues un uniforme bleu-ciel que l'on a souvent confondu avec celui des républicains, de couleur bleu-roi. Après une période de formation de deux mois, Bernard de Corbehem participe à tous les combats opposant les armées alliées (Autrichiens, Hollandais, Anglais et Prussiens) aux armées républicaines françaises, et notamment à la Bataille de Fleurus où il découvre avec admiration que les Républicains utilisent pour la première fois des ballons d'observation. Il est aussi engagé avec la légion de Damas dans les combats de Charleroi.

La campagne de 1794 s'annonce favorablement au profit des alliés. La réaction ne se fait pas attendre et, grâce aux généraux Carnot, Pichegru et Jourdan, entre autres, l'Armée du Nord, l'Armée de Sambre-et-Meuse et d'autres formations républicaines vont accomplir des prouesses et refouler leurs adversaires en Belgique et en Hollande. La Légion de Damas subit sévèrement les marches et contre-marches et jusqu'au mois de doit retraiter dans les pires conditions: aux graves pertes enregistrées au combat doivent souvent s'ajouter les exécutions des émigrés faits prisonniers.

La Division de Sombreuil

Au mois d', la Légion de Damas avait subi de nombreuses pertes: ses effectifs ne comptent plus que 500 hommes. La République des Provinces-Unies n'existe plus. Il est alors décidé de fusionner sous un même commandement les légions anciennement soldées par les Hollandais. Il s'agit des corps de Béon, de Damas, de Périgord, de Rohan et de Salm qui constituent la deuxième Division aux ordres du comte Charles de Sombreuil, aux effectifs d'environ 1 500 hommes. Cette nouvelle Division passe au service et à la solde de l'Angleterre.

Bernard de Corbehem a la surprise d'être passé en revue avec ses nouveaux camarades par le colonel anglais Nesbitt. Ce dernier, accompagné par un ministre du culte luthérien, fait prêter sur l'évangile le serment de ne jamais porter les armes contre l'Angleterre, la Maison d'Orange et celle de Bourbon.

Au début du mois de , la Division de Sombreuil est désignée pour venir en renfort des troupes d'exilés royalistes en provenance d'Angleterre, engagés dans un débarquement désastreux en Bretagne. Les combattants sont embarqués sur le transport The Discovery qui descend l'Elbe à destination de Quiberon et vont devoir affronter un destin funeste.

La Bataille de Quiberon

L'Expédition de Quiberon concoctée par les Anglais et le comte d'Artois devait comporter plusieurs vagues d'assaut composées d'émigrés. La première, partie d'Angleterre sur des bateaux de guerre anglais, transporte environ 3 200 hommes, parmi lesquels de nombreux prisonniers républicains provisoirement retournés. La deuxième vague devait parvenir en renfort depuis la Hollande: Il s'agit de la division de Sombreuil à laquelle appartient Bernard de Corbehem.

La première vague, commandée conjointement par le comte de Puisaye et par le comte d'Hervilly, débarque sur la plage de Carnac le , à la joie unanime des Bretons venus les accueillir. Ils sont rejoints par un grand nombre de Chouans venus du Morbihan, qui, conformément à leurs traditions, se débanderont au fur et à mesure des événements.

Mais très rapidement, du fait des dissensions entre les deux chefs royalistes, et devant les erreurs dramatiques de commandement et de stratégie qui en sont résultées, les troupes républicaines du général Hoche dominent la situation, contre toute attente. Le , les émigrés et les Chouans procèdent à une contre-attaque, lors de la Bataille de Plouharnel qui se révélera meurtrière[12], avant même d'avoir reçu le renfort des troupes de la division de Sombreuil à peine débarquée[13]. Le comte d'Hervilly est blessé à mort et sera remplacé par le comte de Puisaye.

L'erreur principale des royalistes fut de venir s'enfermer dans une souricière: La presqu'île de Quiberon, voisine de Carnac, offre l'illusion de la sécurité, protégée par le Fort de Penthièvre qui barre la route du continent. Le fort devait être investi pratiquement sans combat par les royalistes qui accumulent les erreurs: ils en confient tout simplement la défense aux républicains qu'ils pensent naïvement avoir retournés en leur faisant porter la cocarde blanche[14] ! Ajouté aux ex-prisonniers républicains venus d'Angleterre avec les émigrés, cela donne une idée des risques potentiels de trahison. Effectivement, le fort de Penthièvre est repris par ruse dans la nuit du 20 au , par les troupes de Hoche[15].

Les royalistes réfugiés dans la presqu'île sont encombrés par plus d'un millier de Chouans et de leurs familles, qui ont fui devant l'invasion des républicains. Un grand nombre d'enfants, de vieillards et de nombreux impedimenta jonchent la surface de Quiberon et rendront difficile le rembarquement des émigrés sur les bateaux anglais. Les soldats de la division de Sombreuil, désignée pour assurer la protection d'arrière-garde des émigrés en cours de rembarquement, sont attaqués par les troupes républicaines, appuyées par l'artillerie du fort de Penthièvre : ils sont massacrés par la mitraille républicaine et battent en retraite dans la presqu'île, en tentant de se rembarquer sur les navires anglais qui se tiennent à proximité de la côte. Menacés par le feu des républicains, les navires s'éloignent définitivement, laissant les royalistes à la merci des attaquants. La Bataille de Quiberon entraine de nombreuses pertes, non seulement chez les émigrés, mais aussi dans les populations bretonnes qui se sont retirées avec les Chouans à l'intérieur de la presqu'île. Le Comte de Sombreuil, qui était venu en renfort le , avait hérité le commandement des débris des troupes royalistes que venait de lui confier le comte de Puisaye, pressé de rembarquer avec les Anglais avant le désastre[16].

Sombreuil est contraint de capituler le , après avoir obtenu que les vaisseaux anglais cessent de canonner les troupes révolutionnaires, en plein accord avec Hoche. Ce dernier, en échange de ce Cessez-le-feu, promet la vie sauve aux émigrés prisonniers qui n'ont pas eu la possibilité de rembarquer sur les bateaux anglais. Les républicains n'ont pas retenu la promesse du général Hoche qui s'éloigne rapidement des lieux du drame[17].La victoire des républicains est complète[18]. Ils vont fusiller environ 750 prisonniers. Le comte de Sombreuil, héros de Quiberon, est fusillé à l'âge de 25 ans, le , à Vannes sur le plateau de La Garenne. Il repose dans la chapelle du champ des martyrs à Brech, près d'Auray. Très peu d'émigrés réussirent à éviter l'exécution capitale, tant à Auray qu'à Vannes ou à Quiberon, au milieu des soldats de sa Division qui ont été fusillés par les Républicains en dépit des promesses du général Hoche![19]

Bernard de Corbehem, après s'être courageusement battu, réussit à échapper au massacre.

Après la Bataille

La Division de Sombreuil qui a débarqué à Quiberon le , le lendemain de la grave défaite des troupes royalistes de la première vague, a conservé seule l'attitude guerrière et la sévère discipline par lesquelles elle s'est si fort distinguée en Allemagne. Sous le commandement du comte de Sombreuil, les combattants assurent la sécurité des malheureux royalistes battant en retraite, poursuivis en pleine débâcle par des hordes de soldats républicains sortis du Fort de Penthièvre.

Bernard de Corbehem, tiraillant pour tenter d'arrêter l'adversaire, commence à manquer de cartouches et réussit à se protéger derrière un petit mur. Mais, son camarade, moins chanceux, est massacré à coups de baïonnette. Puis, longeant la plage, il parvient au fort Portaligen où se sont retranchés les restes de sa division, soit environ 800 hommes. Mais il est impossible de réembarquer, les bateaux anglais se sont repliés sous la mitraille républicaine. Le comte de Sombreuil, monté sur son cheval, négocie avec le général Hoche, également à cheval, la vie sauve pour ses hommes et, fort de sa parole, proclame la capitulation des troupes placées sous son commandement. À ces mots, Bernard et ses camarades frémissent de colère, mais il faut obéir et déposer les armes. Un certain nombre de royalistes se précipitent dans les flots et se noient.

En longues files, les prisonniers prennent la route d'Auray, surveillés par les soldats de la République. Le plus profond silence règne pendant la marche. La mort semble guider le lugubre cortège. Le hasard veut que le bataillon qui convoie les prisonnier soit précisément celui de la ville d'Arras. Bernard lie conversation avec un sous-officier natif d'Arras et lui révèle ses origines. Les deux "pays" sympathisent et Bernard reçoit un morceau de pain de la part de son gardien. En route, il se rend compte qu'il serait très facile de s'échapper, mais comme le général Hoche a promis la vie sauve aux royalistes, personne ne profite des circonstances. Après avoir passé la nuit, tassés sans vivres ni boisson dans l'église d'Auray, les prisonniers sont dirigés sur Vannes: La trompeuse promesse de leur laisser la vie sauve est soigneusement entretenue par les républicains et maintient la tranquillité dans les rangs. Puis, les rangs sont divisés en deux et celui de Bernard retourne inexplicablement à Auray : La suite révèle que la Providence a présidé à cette séparation, car le régime des prisonniers s'améliore, pendant que se constituent les tribunaux militaires.Pendant 15 jours les exécutions se succèdent sans discontinuer et chacun redoute d'être appelé par les gendarmes de service.

Un groupe de jeunes prisonniers est constitué à partir d'anciens républicains retournés, dans lequel Bernard de Corbehem est placé à sa grande surprise[20]. Ce groupe est dirigé sur Vannes pour passer devant les tribunaux militaires. Les prisonniers passent devant leurs juges à raison de 30 par jour…Bernard ne les revoit jamais et se demande quel est leur sort. Il prend la précaution de ne jamais révéler ses origines et son volontariat, car il sait que la délation règne dans la prison. Puis, il apprend d'un jeune prisonnier originaire du Pas-de-Calais comment débiter une histoire vraisemblable devant le tribunal militaire: Déclarer, comme ce jeune homme l'a réellement vécu, qu'il a été fait prisonnier par l'armée des émigrés et forcé de servir parmi les étrangers. Sous le régime de la réquisition, il a en effet été incorporé dans le bataillon de Saint-Pol, 3e du Pas-de-Calais… Bernard apprend par cœur les noms des officiers et sous-officiers du 3e bataillon, les lieux de ses déplacements et de ses combats.

En passant devant la commission militaire, Bernard de Corbehem fut assez convaincant pour être libéré et affecté d'office au 42e Régiment d'infanterie républicaine stationné à Vannes. Ce jour-là, 7 de ses camarades devaient être condamnés à mort et exécutés.

Des Chouans de Cadoudal à l'Armée de Condé

Une dame du Portal organise l'évasion des royalistes incorporés dans l'armée républicaine de Vannes. En compagnie de cinq camarades, Bernard, revêtu d'habits civils, rejoint les Chouans de Georges Cadoudal. Il va rester trois mois au service de cette formation, mais autant il admire le courage des chefs, autant il déplore l'attitude des paysans, « toujours prêts à prendre la fuite comme une volée de perdreaux qu'un chasseur disperse d'un coup de fusil ». Il participe à trois opérations complètement ratées du fait de l'indiscipline des paysans : La dernière se situe du côté du hameau de Mériadec aux environs de Vannes. Aux cris de : « Voilà les bleus », chacun se lève, saute sur son fusil et se sauve à la débandade, laissant Bernard et ses amis sur la place. Il décide de rejoindre à pied son ancien corps de Damas, en Prusse et va traverser la France, non sans avoir cordialement remercié Cadoudal de son accueil.

Bernard de Corbehem va affronter un redoutable périple en parcourant à pied des régions hostiles, sur des centaines de lieues. Il emprunte les petits chemins de Bretagne et de Normandie, à raison de 10 à 12 lieues par jour. Du côté de Falaise, il est pourchassé par des officiers républicains et il réussit à se dissimuler dans les bois après une course salutaire ! Il parvient à déjouer tous les pièges, échappe à tous les contrôles. Il traverse les cours d'eau en barque, pour éviter les ponts surveillés par les républicains, au bon vouloir des riverains rencontrés. Il évite les villes et passe au loin des postes de gendarmerie. La population, qu'il choisit soigneusement de rencontrer et auprès de laquelle il se fait passer pour un réfractaire de la conscription, lui fait bon accueil et lui offre logement et nourriture. Il traverse la Seine aux environs de Rouen et, aboutit à proximité d'Abbeville dans la Somme. À partir de cette région, il rentre enfin à Saint-Pol-sur-Ternoise où il tombe dans les bras de son père qui a été libéré des geôles révolutionnaires d'Arras. Il apprend avec une grande tristesse la mort de sa mère, guillotinée à Arras par Lebon en 1794.

Son absence a duré 4 ans.

Au mois de , Bernard de Corbehem décide de rejoindre le corps des Hussards de la Légion de Damas en Prusse. Son frère ainé[21], capitaine de la Garde Nationale, lui prête un surtout d'uniforme qui doit lui permettre de parvenir sans encombre à Tournai.En tenue civile, il se dirige ensuite sur Xanten, traverse le Rhin et retrouve son Unité.

Bernard de Corbehem a parcouru plus de trois cents lieues à pied depuis Quiberon : il est le seul survivant de la Division de Sombreuil à rejoindre le corps de Damas. Son cas est exceptionnel et sera longtemps relaté parmi les émigrés.

Armée de Condé (de 1796 à 1801)

En , Bernard de Corbehem rejoint les troupes de cavalerie des Hussards de Damas aux environs de Münster. Il est intégré immédiatement dans ce régiment à cheval et s'initie aux rigueurs de l'équitation militaire pendant deux mois dans la Principauté de Waldeck-Pyrmont. Son unité est rattachée à l'Armée de Condé et suivra désormais le sort de cette formation, sous les ordres du Prince de Condé et de son petit-fils, le Duc d'Enghien. Le Corps de Condé sera licencié le après avoir participé à la plupart des combats aux ordres de la Russie. Le corps de cavalerie des Hussards de Damas est, au moment du licenciement, aux ordres du duc d'Angoulême. Bernard de Corbehem y est recensé dans le quatrième escadron, 7e compagnie, du Régiment noble à cheval d'Angoulême[22].

Après avoir traversé de nombreuses contrées en Russie, en Pologne, en Allemagne, en Autriche et jusqu'en Suisse et participé à de multiples combats, Bernard de Corbehem recouvre la liberté. La bataille d'Hohenlinden et la paix de Lunéville du ont hâté le dénouement d'une bien longue épopée !

Le retour au pays natal

Bernard de Corbehem peut enfin retourner dans son pays natal au printemps 1801. Il y retrouve son vieux père, paralysé, et son frère Louis qu'il avait quitté 10 ans auparavant, en pleine débâcle de l'Armée des Bourbon[23].

Sous le Consulat, le Sénatus-Consulte du accorde l'amnistie générale à l'ensemble des émigrés. Bernard de Corbehem obtient le poste de contrôleur des Contributions de Saint-Pol-sur-Ternoise. Il se marie le avec Marie Magdeleine Aglaë Mélin d'Occoches (1786-1876) qui lui donne quatre enfants. Il est décoré de l'Ordre du Lys le . Il est promu chef de cohorte de la garde nationale le . Il reçoit la médaille des chevaliers de Saint-Louis le . Il exerce les fonctions de maire de Saint-Pol-sur-Ternoise de 1821 à 1827. Il meurt le .

Armoiries et origine de la famille de Corbehem

Image Description
De gueules, aux flammes d'or ordonnées 4, 3, 2 ; au chef du même, chargé d'une aigle de sable

La famille de Corbehem est originaire des Flandres et de l'Artois. Elle est connue depuis Jean de Corbehem, qui fut médecin de Charles-Quint au temps de la Renaissance. Cette famille, éteinte depuis le XIXe siècle, est à l'origine d'une nombreuse descendance subsistante en ligne féminine.

Bibliographie

  • Dix ans de ma vie ou Histoire de mon émigration, par Bernard de Corbehem, chevalier de l'Ordre Royal de Saint-Louis, ancien volontaire de Damas, chez A.Pihan Delaforest, imprimeur de l'Association Paternelle des chevaliers de Saint-Louis, rue des Noyers no 37 à Paris - 1827[24].
  • À Coblence ou Les Émigrés Français dans les Pays Rhénans de 1789 à 1792, par Pierre de Vaissière. Paris, Société d'édition Les Belles Lettres, 1924.
  • Mémoires d'outre-tombe (1841), par François-René de Chateaubriand. Livre de Poche, 2000.
  • Histoire de l'Armée de Condé, par Théodore Muret, Paris, 1844 -(2 V.)
  • Les émigrés du Pas-de-Calais pendant la Révolution, par Georges Sangnier, Blangermont, chez l'auteur, 1960.
  • Les corps de troupe de l'émigration française 1789-1815, par le vicomte Grouvel. La Sabretache 1957-1964. (3 vol.)
  • La mémoire de Quiberon, par Xavier de Bélizal, Éditions Régionales de l'Ouest, 1966.
  • Histoire de l'Émigration (1789-1814), par Ghislain de Diesbach. Éditions Bernard Grasset, Le Livre du Mois, 1975.

Notes et références

  1. « Généalogie de Bernard de CORBEHEM », sur Geneanet (consulté le ).
  2. Le collège de l'ordre des Carmes vient de fermer, laissant les élèves désœuvrés à la recherche d'aventures
  3. Ces provinciaux sont très éloignés d'une certaine noblesse de cour, considérée comme arrogante, et qui s'estime toujours détentrice d'un reliquat de privilèges, pourtant abolis depuis la Nuit du 4 août….François-René de Chateaubriand qui s'est également exilé avec son frère Jean-Baptiste, décrit ainsi les volontaires de l'armée des princes : Un assemblage confus d'hommes faits, de vieillards, d'enfants descendus de leur colombier. Le chevalier d'Hespel ajoute de son côté : Ce rassemblement de gentilshommes n'avait jamais eu son pareil. Rien ne serait plus curieux qu'une esquisse du tableau des mœurs de ces nobles proscits et de leur manière de vivre…
  4. Il semble pourtant que la famille de Corbehem détient un document authentique du 2 mai 1551 par lequel l'Empereur Charles Quint accorde à leur ancêtre, médecin à la Cour, l'état de noblesse//Loin d'accueillir avec empressement les volontaires qui se présentent, les différents corps de troupe font l'impossible pour les rebuter et leur accordent, comme une grâce insigne, celle de les admettre… Mr. de Corbehem, soupçonné de n'être point noble ou, du moins de noblesse douteuse, doit faire la preuve de ses quartiers alors qu'il s'attendait plutôt à faire celle de ses capacités militaires (Ghislain de Diesbach, Histoire de l'Émigration, page 208)
  5. famille Diedeman de La Rianderie, originaire de Flandre. Le marquis de La Rianderie était lieutenant des Gardes françaises et bailli du roi dans la province de Flandres.
  6. Toutes ces dispositions étant prises, le duc de Brunswick fit paraître ce manifeste trop connu, qui eut un effet tout opposé à celui qu'il devait produire, et qui fit naître les plus funestes pressentiments dans le cœur de tous les hommes sages. (Mémoires de B. de Corbehem)
  7. Aussi Marche-en-Famenne justifie-t-elle bientôt le surnom de Marche-en-Famine que lui on donné les soldats de l'Armée de Bourbon (Ghislain de Diesbach, Histoire de l'Émigration, page 226
  8. Le marquis du Dresnay, fondateur d'un régiment d'émigrés, indique que Les Légions composées de gentilshommes réduits à la paye et au service du soldat, ont été détruites par la maladie ; si on excepte quelques individus vigoureusement constitués, tous ceux qui ont échappé à la mort, sont revenus dans un état d'épuisement et d'infirmités dont ils se ressentiront toute leur vie
  9. Son frère et ses compagnons sont incorporés dans les Gardes Wallonnes. Puis, Louis de Corbehem rejoint en Espagne la Légion de Saint-Simon et participe aux combats de 1793 et de 1794
  10. Elle finance ce complément d'étude chez les jésuites belges. Son objectif non avoué est sans doute de mettre son fils à l'abri des combats
  11. Louise Bernardine Françoise Josèphe Thellier (1749-1794), épouse de Jacques Jean-Baptiste Eloy de Corbehem (1737-1807), ancien lieutenant-général civil de la sénéchaussée de Saint-Pol-en-Artois, mère de 8 enfants, dont le dernier avait 9 ans, est emprisonnée à Arras par les soins du redoutable Joseph Lebon en même temps que son mari, en tant que mère d'émigrés. Elle est guillotinée le 7 mai 1794 à Arras, dans la même période que dix de ses proches parents Thellier, Thellier de Sars et Thellier de Poncheville
  12. On compte 300 morts chez les royalistes
  13. Le régiment d'Hector, composé d'officiers de marine et de matelots peu expérimentés, faisant office de fantassins, est totalement anéanti. Sur 72 officiers de marine, 53 sont tués ou blessés en ce jour fatidique. Les républicains se chargent d'achever les blessés au jour de la capitulation. Le vicomte André Marie de Bélizal, ancêtre de Xavier de Bélizal, auteur de La Mémoire de Quiberon, est grièvement blessé et sera achevé le 21 juillet 1795
  14. Nous revînmes donc prendre notre poste à Carnac et là, il fut convenu que cette position n'étant pas tenable, si l'ennemi revenait sur sa frayeur, il fallait nous en assurer une plus avantageuse. C'est alors qu'il fut décidé se s'emparer du fort de Penthièvre qui fermait la presqu'ile de Quiberon ; ce que nous exécutâmes le 3 juillet, à neuf heures du matin, sans éprouver beaucoup de résistance. La garnison se rendit à discrétion; nous la reçûmes en frères, et une portion se fit incorporer dans nos troupes. (On en forma deux compagnies, dont l'une continua de faire partie de la garnison du fort. On verra plus tard les suites fatales de cette imprudence). (Relation de M. le baron d'Entrechaus. Mémoire de Quiberon. page 149.)
  15. La première compagnie de grenadiers d'Hervilly se présenta au Fort de Penthièvre et fut fusillée. La seconde la suivit. Les républicains lui crièrent : « Camarades venez vous joindre à nous, vous serez bien traités ». Elle n'hésita pas et passa entièrement avec les autres traitres. Vinrent ensuite deux autres compagnies. Elles se donnèrent aussitôt aux républicains... Quatre cents hommes du régiment d'Hervilly qui se trouvaient près d'un moulin, passèrent presque tous, la crosse haute, aux républicains. Journal du marquis de Beaupoil de Saint-Aulaire. Department of Manuscritpts. British Museum ADD.MS.8079)
  16. Ce fut alors que le comte de Puisaye, croyant avoir tout perdu, se hâte de se sauver, et court s'embarquer le premier, abandonnant un commandement dont il était si peu digne... (Mémoires de Bernard de Corbehem)
  17. Cette capitulation ayant été niée depuis par ordre de Tallien et de Blad, le général Hoche n'eut pas assez de grandeur d'âme pour la soutenir, et trop de remords pour être le témoin de son manque de foi, il alla se cacher à Rennes (Relation de M. le baron d'Entrechaus, in Mémoire de Quiberon.page 154)//Les modalités de la capitulation font encore de nos jours l'objet d'une controverse chez les historiens... Certains font observer que, sur la demande du général Hoche, les royalistes ont fait cesser les tirs d'artillerie provenant des vaisseaux anglais, ce qui impliquait nécessairement une capitulation sous promesse de vie sauve, ou alors personne ne comprendrait l'attitude des royalistes !
  18. Message de Lazare Hoche, général en chef de l'Armée des côtes de Brest au général Chérin, chef de l'État-Major : Auray le 3 thermidor 3e année Républicaine (21 juillet 1795), Les valeureuses troupes que je commande, ont, à deux heures du matin de ce jour, emporté d'assaut le fort de Penthièvre et le camp retranché de la presqu'île, dont elles se sont emparées sans faire halte. N'ayant d'autre alternative que de se jeter à la mer ou d'être passée au fil de la baïonnette, LA NOBLE ARMÉE a mis bas les armes ; elle arrive prisonnière à Auray, conduite par quatre bataillons. Signé L. HOCHE
  19. Les Versaillais qui défilent chaque année le jour dit de la« Sainte Hoche », semblent ignorer cette perfidie !
  20. Est-ce la grâce d'une intervention du sous-officier républicain originaire d'Arras, rencontré le 21 juillet ? Bernard ne le saura jamais
  21. Éloi de Corbehem (1772-1813, capitaine de la 8e Légion du Pas-de-Calais, dans l'Armée de l'Empire, est tué au combat de Zeitz, près de Leipsick, le 28 septembre 1813
  22. Histoire de l'armée de Condé, de M. Théodore Muret. (tome II, page 393)
  23. Louis de Corbehem, né le 6 octobre 1773 à Saint-Pol-sur-Ternoise, s'enrôle dans les Gardes Wallonnes en 1792, puis passe en Espagne dans la Légion de Saint-Simon. Il fait les campagnes de 1793 et 1794 et il est blessé à plusieurs reprises. Sous le nom de capitaine Vanloo, il devient corsaire dans les mers des Caraïbes de 1795 à 1801. Il commande le brick Le Chat Noir en 1801, fait naufrage et devient propriétaire du navire Le Sorcier en 1805. Après la perte de ce navire, il rachète un autre brick, Le Triomphe. Une blessure à la tête dans un abordage met fin à ses activités maritimes. Il se retire à Saint-Pol-sur-Ternoise où il meurt le .
  24. Dédicace à M. le duc de Damas-Crux: c'est sous vos ordres, c'est dans les rangs que vous commandiez, que la plupart des faits que je rapporte et des dangers que j'ai courus se sont passés…Aucun des titres faits pour honorer la mémoire de votre infortunée légion ne s'est perdue dans votre esprit. En dédiant à Votre Seigneurie ce faible ouvrage, j'acquitte envers elle la dette de reconnaissance, et envers mes anciens compagnons d'armes le tribut que l'on doit au courage malheureux et à de grandes infortunes. Saint-Pol, ce 15 décembre 1826.

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