Discordianisme

Le Discordianisme est un paradigme basé sur l’ouvrage Principia Discordia,[1] écrit par Greg Hill et Kerry Wendell Thornley en 1963, les deux auteurs utilisant les noms de plume Malaclypse le Plus Jeune et Omar Khayyam Ravenhurst. D’après son premier historien, Adam Gorightly, le Discordianisme fut conçu comme une religion parodique. Beaucoup d’observateurs extérieurs considèrent encore le Discordianisme comme tel, même si certains de ses adhérents peuvent le voir comme une religion légitime, ou comme une métaphore de concept philosophique[2].

Le Principia Discordia, s’il est lu littéralement, encourage à vénérer Éris, appelée aussi Discordia, la déesse du Chaos, ainsi que tout archétype ou idéal qui s’y rattacherait. Le Principia Discordia tient sur trois principes : l’Anéristique (l’ordre), l’Eristique (le désordre) et le fait que ces deux concepts ne soient que pure illusion. Un débat présent dans le texte indique que c’est seulement en rejetant ces trois principes qu’il sera possible de percevoir la réalité telle qu’elle est.

Il est difficile d’estimer le nombre de Discordiens car ils ne sont pas tenus d’être exclusivement Discordiens[3], et aussi parce qu’il est largement recommandé de développer les schismes et les factions[4],[5].

Principes fondateurs

Le texte fondateur du discordianisme est les Principia Discordia, écrit par Malaclypse le Jeune (Greg Hill). Ce livre fait référence à deux autres ouvrages : le Vrai Livre de la Vérité, qui ressemble dans son format à la Bible, et le Livre des Explications, révélé à Lord Omar Khayyam Ravenhurst (Kerry Thornley) et qui ressemble au Livre de Mormon. D'après les Principia Discordia, ce dernier livre aurait été pris par un éboueur qui a refusé de le rendre.

Beaucoup de religions cherchent à définir une harmonie ou un ordre concernant l'univers, mais le discordianisme cherche au contraire à faire accepter la discorde, le désordre et le chaos qui résultent de ces religions dans le monde comme étant créateurs, tout comme l'ordre et l'harmonie qui peuvent en résulter aussi sont conservateurs, ainsi l'ordre et le chaos sont parfaitement naturels et désirables. Ainsi le discordianisme est une synthèse, sur le plan dialectique, de plusieurs religions fondées sur l'ordre, même si sur le plan rhétorique les Principia Discordia s'attaquent parfois à l'ordre et tiennent le chaos comme véritable impulsion de l'univers[6].

Le discordianisme est plutôt monothéiste, tenant Eris, la déesse grecque de la discorde, comme mère de tout ce qui est et de tout ce qui n'est pas, qui s'adresserait à chacun à travers la glande pinéale, un organe qui se trouve au centre du cerveau.[réf. nécessaire]

Organisation

« Si la religion organisée est l'opium des masses, alors la religion désorganisée est la marijuana des marginaux », peut-on lire dans l'introduction de la cinquième édition des Principia Discordia. Le discordianisme s'oppose fondamentalement à l'organisation, mais propose malgré cela une structure officielle, dans laquelle on trouve la société discordienne, dont la définition est qu'elle n'a pas de définition. À l'intérieur de cette société se trouvent les diverses sectes discordiennes, dirigées par des episkopoi (du mot grec episkopos, évêque, ayant donné épiscopal), qui reçoivent leurs instructions directement d'Eris.

Les discordiens qui n'appartiennent à aucune secte constituent la Légion de la Discorde Dynamique et sont appelés « légionnaires ». À la page 32, les Principia Discordia indiquent :

Si vous voulez entrer dans la Société discordienne
alors déclarez ce que vous voulez
faites ce que vous aimez faire
et faites-nous en part
ou
si vous préférez
ne le faites pas.
Il n'y a pas de règles où que ce soit.
La Déesse prévaut.

À la page 36, les Principia Discordia indiquent que « tout homme, femme ou enfant sur Terre est un Pape véritable et autorisé », qu'il le sache ou non. Un Pape discordien est défini comme quelqu'un « qui n'est pas sous l'autorité des autorités ». Certains des pouvoirs de chaque Pape discordien sont d'invoquer l'infaillibilité du dogme, même (et surtout) rétroactivement, de canoniser, baptiser, enterrer, marier, excommunier, désexcommunier, réexcommunier, déréexcommunier quiconque, et procéder à tout rite inapproprié à ses fonctions. Et puisque les femmes peuvent être Pape, le discordianisme propose la féminisation « Mame ».

Le discordianisme a ses propres commandements, formant le Pentabarf, donné par les Principia Discordia en page 4 comme suit :

  1. Il n'y a pas de Déesse autre que la Déesse et Elle est Votre Déesse. Il n'y a pas de Mouvement Erisien autre que le Mouvement Erisien et c'est le Mouvement Erisien. Et chaque Régiment de la Pomme D'Or est le domicile adoré d'un Ver doré.
  2. Un Discordien utilisera toujours le Système de Numérotation des Documents Officiels.
  3. Un Discordien devra lors de son Initiation s'isoler pour s'attaquer joyeusement à un Hotdog un vendredi ; cette Cérémonie de Dévotion sert de remontrance contre les Paganismes de l'époque : des Chrétiens (pas de viande le vendredi), des Juifs et Musulmans (pas de viande de porc), des Hindous (pas de viande de bœuf), des Bouddhistes (pas de viande du tout), et des Discordiens (pas de pains à hotdog).
  4. Un Discordien ne s'attaquera point à un Pain à Hotdog, car ceci était la Prérogative de Notre Déesse quand Elle fut Confrontée au Snobisme Originel.
  5. Un Discordien ne Croira point Ce qu'il lit.

La sagesse de ces écrits ne peut être atteinte qu'en acceptant qu'il soit impossible d'en tirer autorité ou explication, aussi le Pentabarf constitue le "catme" du discordianisme, par opposition au dogme (en anglais, 'cat' est chat symbole de liberté, 'dog' est chien symbole de loyauté).

Philosophie

Un résumé de la philosophie discordienne se trouve sur les pages 49 et 50 des Principia Discordia :

Le Principe Anéristique est celui de l'Ordre Apparent; le Principe Eristique est celui du Désordre Apparent. L'ordre et le désordre sont des concepts inventés par l'homme et sont des divisions arbitraires du CHAOS PUR, un niveau plus profond que le niveau où se fait la distinction. Avec cet appareil à faire des concepts appelé « esprit » nous regardons la réalité à travers les idées-représentant-la-réalité que notre culture nous a données. Ces idées-représentant-la-réalité sont appelées par erreur « réalité » et les non-initiés sont perpétuellement intrigués par le fait que les gens issus d'autres cultures voient la « réalité » différemment.

Ce ne sont que les idées représentant la réalité qui diffèrent. La Véritable Réalité est un niveau plus profond que les concepts. Nous voyons le monde à travers des fenêtres sur lesquelles sont dessinées des grilles (concepts). Des philosophies différentes utilisent des grilles différentes. Une culture est un groupe de gens qui ont des fenêtres semblables. À travers cette fenêtre nous voyons le Chaos, et le reportons sur notre grille pour le comprendre. L'Ordre est dans cette grille. C'est le Principe Anéristique. La philosophie occidentale se préoccupe surtout de comparer les grilles entre elles, et d'ajuster les grilles dans l'espoir d'en trouver une parfaite qui permettra de comprendre la totalité de la Réalité, et sera par conséquent Vraie. C'est illusoire; c'est ce que les Erisiens appellent l'Illusion Anéristique. Certaines grilles sont plus utiles que d'autres, certaines plus jolies, certaines plus agréables, etc., mais aucune n'est plus vraie que l'autre.

Le DÉSORDRE est simplement une information sans relation vue à travers une grille donnée. Mais de même que la « relation », la « non-relation » est un concept. Mâle comme femelle sont des idées à propos du sexe. Dire que la « mâle-ité » est l'absence de « femelle-ité », ou l'inverse, est un problème de définition et métaphysiquement arbitraire. Le concept de non-relation est le Principe Eristique. Croire que « l'ordre est vrai » et le désordre faux ou incomplet, est l'Illusion Anéristique. Dire la même chose du désordre, est l'Illusion Eristique. Le tout c'est que la vérité est une question relative à la grille qu'on utilise, et que la Vérité, la réalité métaphysique, ne dépend d'aucune grille. À travers chaque grille, une partie du chaos apparait en ordre et l'autre en désordre. Avec une autre grille le même chaos apparaitra en parts différentes. La Réalité est le « Rorschach originel ».

Symbolique

Le Chao Sacré.

Le symbole du discordianisme est le Chao, forme singulière de Chaos[6]. Il représente la nature pataphysique de la réalité.

Le Chao Sacré est un symbole représentant le lien entre Ordre et Désordre. C'est un symbole du Yin et du Yang, modifié pour faire apparaître le Pentagone, posé de façon à ne pouvoir être posé ni sur un angle, ni sur un côté, symbolisant l'Ordre, et la pomme de discorde symbolisant le Désordre, à la place des disques noir et blanc.

Le Pentagone est choisi pour symboliser l'Ordre (référence implicite au Grand QG militaire américain) et à cause de la symbolique discordienne du chiffre 5 (Loi des Cinq). La pomme de discorde, elle, est choisie en référence au mythe grec du même nom, retenu dans la mythologie discordienne sous le nom de Snobisme Originel (une référence au mythe du péché originel de l'Ancien Testament). L'histoire est racontée du point de vue discordien aux pages 00017 et 00018 des Principia Discordia :

Il semblait que Zeus préparait un banquet de mariage pour Peleus et Thetis et ne souhaitait pas inviter Eris à cause de sa réputation de fauteuse de trouble.
Cela mit Eris en colère, et donc elle façonna une pomme d'or pur sur laquelle elle inscrit « Kallisti » (« pour la plus belle / pour le plus beau ») et le jour du banquet elle envoya rouler la pomme parmi les convives.
De suite, trois des déesses invitées, Athena, Héra et Aphrodite réclamèrent la pomme pour elles à cause de l'inscription que celle-ci portait. Et elles commencèrent à se battre, à renverser des vivres, etc.
Finalement Zeus calma les choses et déclara qu'un arbitre devait être sélectionné, ce qui était une suggestion raisonnable, et tout le monde fut d'accord. Il les envoya à un pâtre de Troie du nom de Pâris mais chacune des déesses, ces mauvaises joueuses, tenta de battre les autres en achetant son vote.
Athena lui promit de grandes victoires militaires, Héra lui promit de grandes richesses, et Aphrodite lui promit la plus belle femme sur Terre. En jeune Troyen bien constitué, Pâris accepta immédiatement l'offre d'Aphrodite et elle obtint la pomme.
Comme elle l'avait promis, elle manœuvra les évènements terrestres pour que Pâris puisse avoir Hélène qui vivait alors avec son mari Ménélas, roi de Sparte. Quoi qu'il en soit, tout le monde sait que la Guerre de Troie eut lieu quand Sparte réclama de récupérer sa reine

Dans cette histoire, ce sont les dieux et déesses de l'Olympe, et non Eris, qui ont eux-mêmes causés les affrontements. Eris a d'ailleurs expliqué que la pomme d'or était tout simplement un cadeau destiné, en toute bonne foi, à Thétis la mariée (qui est supposée être la plus belle le jour de son mariage). Quoi qu'il en soit, ce mythe illustre comment Eris parvient à révéler à chacun la discorde et le chaos dont il ou elle est capable : les non-discordiens sont juste des discordiens qui s'ignorent. Cette simple vérité rejoint l'enseignement de la secte POEE, qui considère que « tout homme, femme et enfant sur cette planète est un Pape Discordien authentique et autorisé. »

Un autre concept discordien commun est le fnord, symbole de la désinformation organisée liée aux conspirations de toutes sortes. Ce mot se réfère à tout signe inconscient supposé causer une impression d'anxiété et de confusion pour paralyser le raisonnement logique de celui qui le perçoit. Il peut par exemple qualifier une phrase ou avortement quelques mots surréalistes et inattendus au sein d'un obéissance texte qui serait sinon cohérent.

Pratique du discordianisme

Calendrier discordien en version française (2015).

La seule pratique religieuse sur laquelle la plupart des discordiens tombent d'accord est la participation à une « opération Mindfuck », dont le nom vient de la trilogie Illuminatus ! de Robert Shea et Robert Anton Wilson. Cette pratique peut être rapprochée des farces, canulars et autres activités surprenantes et décalées habituellement associées au 1er avril, à un niveau et une échelle plus élevés. Incluant vandalisme, graffiti, désobéissance civile, magie chaotique, activisme et performances artistiques, le but en est de briser les certitudes et paradigmes des victimes et spectateurs pour les forcer à reconsidérer la réalité sous l'angle de la cohabitation Ordre-Désordre. Ou du moins, c'est ce que disent les discordiens qui prennent cette pratique au sérieux, les autres n'y voyant qu'une occupation amusante. Qu'en disent les victimes ? Blague ? Drôle ou non ?

Certains discordiens utilisent comme repère chronologique le calendrier discordien[6], qui permet de connaitre la date discordienne. Il est spécifié à la page 00034 du Principia Discordia[7]. Dans le Principia Discordia est mentionné que la Malédiction de Greyface est arrivée en 1166 av. J.-C., ce qui est relié à la date de début du calendrier. L'année 1 dans le calendrier Discordien est équivalente à l'année 1166 av. J.-C. dans le calendrier grégorien. L'année 2015 correspond à 3181 dans ce nouveau repère chronologique (« Année de Notre Dame Discorde », Year of Our Lady Discordia en anglais). Les abréviations « ANDD » ou « YOLD » ne sont pas utilisées dans le Principia, bien que l'expression « l'Année de Notre Dame de Discorde » soit mentionnée une fois[7].

Le calendrier discordien a cinq saisons de 73 jours : Chaos, Discorde, Confusion, Bureaucratie et Contrecoup. L'année discordienne est alignée sur le calendrier grégorien et commence le 1er janvier. Donc, le 1er Chaos 3181 ANDD est le 1er janvier 2015 grégorien[7],[6].

Les traductions se basent sur la version française des Principia Discordia traduites par wave et l'Amiral Rotschild[7] d'après le texte original[8].

La semaine érisienne se compose de cinq jours : Douxmat (de Sweetmorn, sweet morning, doux matin), Tempsboom (Boomtime, temps du boum), Jourâcre (de Pungenday, pungent day, jour âcre), Piquant-piquant (Prickle-prickle, picotant picotant) et Orange Couchant (Setting Orange, crépuscule orange). Les jours de la semaine portent le nom des cinq éléments discordiens de base : Doux, Boom, Âcre, Piquant et Orange[6]. Il y a 73 jours par saisons et 73 semaines par an, chaque année commence par Douxmat[7]. Chaque quatrième année dans le calendrier discordien, un jour supplémentaire est inséré entre le 59 Chaos et le 60 Chaos, appelé jour de Saint Tib. Cela est dû au fait que 4 ans + 1 jour = 5, un nombre sacré, d'après le Principia Discordia. L'année bissextile discordienne coïncide avec l'année bissextile du calendrier grégorien[7].

POEE

La secte à laquelle appartiennent les auteurs des Principia Discordia est connue sous le nom de Paratheo-Anametamystikhood Of Eris Esoteric (POEE), définie comme une désorganisation irréligieuse de non-prophètes. La secte possède cinq degrés d'initiation : Disciple légionnaire, Décurion, Chapelain, Haut Prêtre Polypère (Polyfather), et Pape de POEE.

Les Principia Discordia consacrent plusieurs pages au POEE, ainsi on apprend qu'elle suit la Loi des Cinq et reconnait le 23 comme nombre sacré. La Loi des Cinq indique que tout est lié au nombre 5 d'une manière ou d'une autre (surtout d'une autre), et que plus on cherche à appliquer cette loi, plus elle se vérifie. C'est un exemple d'auto-prédiction élevé au rang de dogme afin de dénoncer l'arbitraire inhérent à tout mythe religieux. Elle permet aussi d'illustrer la philosophie discordienne selon laquelle l'esprit projette les concepts sur la réalité plutôt que l'inverse.

D'autres sectes discordiennes connues sont le Erisian Liberation Front, les 23 Apples of Eris, la Church of No Dead Saints, la Church of the SubGenius, la Discordian Intelligence Agency d'envergure internationale, la Purple Monkey Mafia, etc.

Le discordianisme en tant que religion

De par sa nature il est impossible de savoir si la religion discordienne a été conçue comme une vraie religion, cela n'empêche pas de nombreux discordiens d'être religieusement actifs et de se considérer comme des discordiens pratiquants[6]. Bien que distinct du néopaganisme, des néopaïens ont repris des éléments du discordianisme, et l'auteur Margot Adler a abordé le discordianisme dans son livre Drawing Down the Moon, tandis que l'autorité religieuse John Gordon Melton liste le discordianisme parmi les néopaganismes dans Encyclopedia of American Religions (il prétend avoir excommunié tous les autres discordiens, en tant que Pape Discordien lui-même).

Les Principia Discordia donnent une liste des cinq saints discordiens : Yossarian, Bokonon, King Kong, Don Quichotte et Joshua Norton. Ce dernier est le seul à avoir réellement existé.

Le discordianisme et l'apostasie

L'apostasie est au cœur du discordianisme. Techniquement, les seuls vrais discordiens sont tous hérétiques, par définition : le discordianisme n'est pas seulement adogmatique, mais carrément antidogmatique. D'ailleurs parler de « vrai discordien » est une contradiction fondamentale. Il est courant dans ce mouvement de se moquer gentiment des pratiquants fraichement convertis qui recherchent une forme de pureté de foi ou de pratique, par exemple en essayant de ne jamais contredire les Principia Discordia - ce qui est impossible à faire, et n'est pas le but du discordianisme : le fondamentalisme discordien ne peut pas, par définition, être discordien[6].

« Nous croyons fermement que c'est une grave erreur d'avoir des croyances fermes. » - extrait des Principia Discordia

La foi discordienne vient toujours d'une révélation faite au discordien (qui s'ignorait en tant que tel jusque-là) par la Déesse, d'une façon ou d'une autre. Suivant les témoignages et professions de foi discordiennes, cela peut être aussi bien par la méditation, l'épiphanie, une visite d'un agent divin ou un travail sur soi-même dans la durée. D'une manière générale, il y a Illumination ou Révélation due à une intervention extérieure chaotique. Il n'existe pas un discordianisme unique, chaque discordien en a sa propre version, qui est tout aussi juste et authentique que celle des autres, car révélée par la Déesse dans chaque cas. Les textes apocryphes discordiens commencent ainsi généralement par une profession de foi de l'auteur qui relate sa propre révélation.

Le discordianisme est aussi la seule religion qui, plutôt que de se considérer comme une vérité révélée, se déclare mensonge révélé, aussi faux (ou aussi vrai, ce qui revient au même) que n'importe quelle autre religion. C'est pour cela que les discordiens mettent leurs propres croyances au même niveau que les croyances des autres, ou l'inverse. On peut le constater dans le troisième commandement du Pentabarf, avec l'affront rituel fait aux croyances juives, catholiques, hindoues et discordiennes tout à la fois. Un observateur extérieur pourrait rapprocher le discordianisme d'une forme d'agnosticisme ou d'hénothéisme.

Les influences discordiennes

L'explosion de la contre-culture américaine vers la fin des années 1960 et les années 1970 a fortement influencé le phénomène post-moderne des pratiques de la Magie Chaotique, parfois appelée la Magick. Beaucoup de discordiens pratiquent la Magick, et beaucoup de Wiccans s'inspirent en fait de traditions discordiennes pour leurs rituels.

La curieuse mention légale de non-droit d'auteur inscrite sur les Principia Discordia ((K) All Rites Reversed agrémentée d'un laconique « Reprint what you like »), et l'attitude générale de « reprenez et modifiez ce que vous voulez » pratiquée par les discordiens à l'égard de leurs textes sacrés, dès les années 1950, a eu un rôle certain dans l'apparition du mouvement du logiciel libre. Ainsi, les Principia Discordia sont l'une des premières œuvres diffusées en copyleft, rebaptisé pour l'occasion en « Kopyleft ».

Le discordianisme, parce qu'il définit la Loi et l'État comme des hallucinations collectives sans la moindre réalité ni légitimité, est parfois considéré comme une forme d'Anarchisme ou de Proudhonisme (voir parfois de libertarianisme, principalement aux États-Unis). Plusieurs auteurs influents du mouvement discordien, notamment Robert Anton Wilson, sont actifs politiquement, en faveur des mouvements libertariens et/ou anarchistes. Certains discordiens sont anti-étatistes, par exemple le Book of Eris, page 00089, donne des définitions discordiennes d'état, marché libre, impôt, capitalisme, conservatisme, libéralisme, etc. qui sont pratiquement identiques à celles qu'en donnent les libertaires. En revanche de nombreux discordiens sont totalement antipolitiques et voient la religion et la politique, quelle qu'en soit la variante, comme un esclavage. Par exemple, dans la préface de la cinquième édition des Principia Discordia, Kerry Thornley écrit:

« Les gouvernements sont des impositions d'Ordre destinés à réduire le vol et les meurtres. Mais ils finissent par prendre plus d'argent que tous les artisans de la cambriole pourraient voler. Leurs guerres et massacres organisés tuent plus que toutes les pires brutes pourraient espérer massacrer eux-mêmes. »

Il n'est apparemment pas impossible de trouver des discordiens dans n'importe quel milieu politique : il est dit qu'à l'arrivée à la Maison-Blanche de l'équipe de George W. Bush en 2000, celle-ci découvrit qu'un conseiller ou employé de Bill Clinton avait retiré de chaque clavier d'ordinateur la lettre « W »[9], qui est une lettre sacrée pour les discordiens (car 23e de l'alphabet latin). Il est aussi possible que le coupable ait eu l'intention de rendre difficile toute distinction officielle entre les noms du nouveau Président et de son père, que seule l'initiale du second prénom distingue, mais cette explication ne fait que renforcer le caractère discordien de l'histoire.

Pour les discordiens, l'influence du discordianisme va beaucoup plus loin : pour eux toutes les grandes religions ont été fondées par des prophètes discordiens avant l'heure. Ils se basent par exemple sur la Loi des Cinq pour étayer cette affirmation : les deux tablettes de la Loi de Moïse portant chacune 5 commandements, il y a les 5 devoirs sacrés des musulmans. D'autres influences leur paraissent plus évidentes encore : le symbole du shintoïsme est identique à la Main d'Eris, les actions de Jésus (un nom à 5 lettres) rapportées par le Nouveau Testament sont qualifiées de discordiennes, les citations de Lao Tseu dans le Dao De Jing ressemblent à s'y méprendre aux citations de bien des textes discordiens; et le fait, dans le cas de l'Islam, de fournir un texte en vers qu'il faut forcément interpréter, assorti d'une interdiction de se tromper d'interprétation, est considéré comme un acte de discordianisme particulièrement subtil perpétré à l'encontre des musulmans par un Mahomet farceur. Il semble que les discordiens aient un faible pour les affirmations post facto.

Dans le jeu vidéo Discworld Noir, il est fait mention d'Errata, Déesse des Malentendus, directement inspirée de la version discordienne d'Eris, et le prêtre adepte de théories conspirationnistes qui en fait mention s'appelle par ailleurs Malaclypse, référence à Malaclypse the Younger.

Dans le jeu de plateau Illuminati (Steve Jackson Games, 1982) où on prend le rôle d'une secte conspirationniste fictive ayant pour but de contrôler le monde, la Société Discordienne est l'une d'elles, inspirée du discordianisme.

Le discordianisme dans la littérature

À cause de la nature même du discordianisme, il n'y a pas de textes canoniques discordiens. Mais les Principia Discordia ont inspiré de nombreuses autres œuvres, pas forcément de nature religieuse. Par exemple, la trilogie Illuminatus ! de romans de mindfuck / parodie de théories du complot par Robert Shea et Robert Anton Wilson fait de nombreuses citations discordiennes. Plusieurs textes religieux ou pseudo-religieux s'inscrivant dans la lignées des Principia Discordia ont été écrits, comme Apocrypha Discordia du révérend DrJon Swabey, Ek-sen-trik-kuh Discordia: The Tales of Shamlicht du révérend Loveshade, The Zenarchist's Cookbook, The Book of Eris, The Book of Inconveniences, Jonesboria Discordia, Metaclysmia Discordia, Principia Harmonia, etc.

Notes et références

  1. Robert Anton Wilson, Cosmic Trigger I : Final Secret of the Illuminati, Scottsdale, AZ, New Falcon Publications, , 269 p. (ISBN 978-1-56184-003-8), p. 65
  2. "...It should on no account be taken seriously but is far more serious than most jokes" and "See ... [also] ha ha only serious" The Jargon File v4.4.7 but present at least as far back as v4.0.0, (1996, July 24); The entry for discordianism begins, "Somewhere between parody, social commentary, and religion..." Rabinovitch, Shelly & Lewis, James R. The Encyclopedia of Modern Witchcraft and Neo-Paganism, p. 75–76. Citadel Press. 2002. (ISBN 0-8065-2406-5); "These organisations [Discordianism & The Church of the Subgenius] are just two of a whole raft of mock religions..." Phillips, M. (2004, Sept. 14). Wizards of ID cook up divine pile of spaghetti bolognese. The West Australian, p. Metro 18; "The explosion of the American counter-culture and the revival of surrealism met Discordianism (1960s and 1970s) and the result was a Neo-Pagan parody religion of mirth and laughter." (p. 3) E. K. Discorida. (2005). The Book of Eris. Synaptyclypse Generator
  3. Rabinovitch, Shelly & Lewis, James. The Encyclopedia of Modern Witchcraft and Neo-Paganism". Pp 75–76. Citadel Press. 2002. (ISBN 0-8065-2406-5).
  4. « WitchVox Traditions Discordianism Article » (version du 30 septembre 2007 sur l'Internet Archive), Witchvox.com
  5. « Discordian Cabals – S23Wiki », S23.org (consulté le )
  6. Fanny Guyomard, « Qu’est-ce que le discordianisme, ou la religion de l’absurde ? », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  7. [PDF] « "Principia Discordia", traduction française » (consulté le )
  8. « THE PRINCIPIA DISCORDIA or, How I Found the Goddess and What I Did To Her When I Found Her », sur le site http://www.ology.org (consulté le 23 juillet 2015).
  9. http://www.liberation.fr/monde/0101236221-bush-et-obama-preparent-la-transition-en-douceur

Voir aussi

Articles connexes

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