Capitulaire De Villis
Le capitulaire De Villis, ou plus exactement le Capitulare de Villis vel curtis imperii (ou imperialibus) est un acte législatif datant de la fin du VIIIe ou du début du IXe siècle[1].
Droit Romano-germain
Type de document | Capitulaire |
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Législateur | Charlemagne |
Année | fin VIIIe début IXe |
Langue | Latin |
Présentation
Charlemagne fait part, à destination des villici, les gouverneurs de ses domaines (villæ, villis), d'un certain nombre d'ordres ou de recommandations qui pourront être contrôlés par les missi dominici (« les envoyés du maître »). Ce n'est pas une ordonnance générale mais un règlement presque exclusivement domestique[2]. Il a été publié pour la première fois par Hermann Conring, une première édition en 1647, une seconde en 1655, à la suite des lettres du pape Léon III, d'après le manuscrit qui était alors conservé dans la bibliothèque de Helmstadt[3].
Ce document est surtout connu par ses capitules (articles) 43, 62 et, surtout, 70, qui contient la liste d'une centaine de plantes, arbres, arbustes ou simples herbes dont la culture est préconisée, ordonnée dans les jardins du domaine royal. Par cette longue ordonnance de 70 articles (les fameux capitulæ), Charlemagne entendait, huit siècles avant Sully, réformer entièrement l'agriculture et l'administration de ses domaines, immenses superficies puisqu'ils s'étendaient de l'Allemagne à l'Espagne. Cependant, il serait par trop inexact et restrictif de réduire ce texte de 70 capitules à ces seuls trois articles puisqu'il « énumère [aussi] les types d’artisans idéalement attachés au service du souverain dans le cadre des domaines fonciers relevant du fisc (...) [comme] des forgerons et orfèvres (...), des charpentiers, [des] fabricants de savon, [des] boulangers, [des] maîtres-brasseurs et [des] mineurs.»[4]
Alcuin, auteur du Capitulaire De Villis ?
L'auteur et la date de ce long texte, dont le seul exemplaire encore existant est conservé à la Herzog August Bibliothek, située à Wolfenbüttel en Allemagne, sont inconnus comme c'est souvent le cas pour les manuscrits carolingiens. Cependant, le fait que le document s'intitule imperii plutôt que regni suggère qu'il a plutôt été rédigé après le couronnement de Charles comme empereur à la Noël 800.
Cette véritable somme technique d'une quarantaine de pages, n'a pu être écrite in extenso par Charlemagne mais reflète sa volonté politique, économique et culturelle. Cependant, certains auteurs[Qui ?] pensent qu'il aurait pu participer à certains articles comme la vénerie ou la fauconnerie.
Ce texte, qui s'intéresse et décrit minutieusement mille choses et activités (les métiers, les tissus, la chasse, la boucherie, la médecine, la botanique, l'agriculture, l'alimentation, mais aussi l'autorité dévolue à la reine, l'enseignement et la création d'écoles, etc.), n'a pas pu de toute évidence être écrit par un seul homme mais par une équipe complète. C'est une œuvre collective : l'une des premières du genre[réf. nécessaire].
Pour tenter d'attribuer une paternité à ce capitulaire, il ne reste que les érudits, les savants de l'époque au premier rang desquels arrivent les moines. Selon les spécialistes de la question[Qui ?], ce serait, pour sa plus grande partie, l'œuvre de l'un des grands scribes de Charlemagne. On[Qui ?] penche aujourd'hui pour Alcuin.
L'article 70
Bien qu'identifier précisément les espèces sélectionnées ne soit pas toujours aisé, la longue énumération des 94 plantes (73 herbes, 16 arbres fruitiers, 5 plantes textiles et tinctoriales) que les domaines royaux se doivent de cultiver, contenue dans les chapitres 43, 62, et surtout 70, donne de précieuses indications sur les fruits et légumes cultivés à l'époque en Europe Occidentale.
Les jardins modélisés
Pour la première fois, les différents jardins des moines sont clairement nommés et situés dans l'espace ; de même leurs attributions et leur contenu sont définis et, pour certains, détaillés. On obtient ainsi trois sortes de jardins différents :
- L'herbularius ou jardin des simples : en général, c'est à la fois, un jardin de plantes médicinales, d'essences aromatiques et condimentaires, pour la simple raison que la plupart des plantes alimentaires, ces denrées sont aussi des remèdes ;
- L'hortus ou potager : littéralement « enclos » ;
- Le viridarium ou verger : « vergier » en vieux français, planté de vigne, de charmille et de buis, pouvant aussi évoluer en jardin d'agrément. Il doit contenir plusieurs exemplaires de chacun des 16 arbres fruitiers suivants : noyer, noisetier, pommier, poirier, prunier, sorbier, néflier, châtaignier, pêcher, cognassier, amandier, mûrier, laurier, pin, figuier, cerisier.
Le capitulaire De Villis de nos jours
Aujourd'hui beaucoup de monastères possèdent un jardin (plus ou moins) conforme au capitulaire. Citons, outre Corbie :
- Le jardin de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire ;
- Le jardin de l'abbaye de Saint-Gall en Suisse, datant du IXe siècle ;
- Le jardin carolingien de Melle, situé à Melle (dans les Deux-Sèvres, dans le site archéologique des « anciennes mines d'argent des rois francs »), qui est une restitution au plus près des jardins de l'époque carolingienne. Les cultures s'inspirent du capitulaire De Villis ; le tracé même du jardin, quant à lui, est à l'image du jardin du monastère de Saint-Gall.
On peut citer également le jardin monastique médiéval de Tusson (Charente) créé dans les années 1995 par le Club Marpen (qui s'est également inspiré des plans de St-Gall) autour des vestiges du prieuré double de l'ordre de Fontevraud situé dans le bas du village
Les essences qui suivent sont toutes mentionnées dans le chapitre LXX du Capitulaire de Villis, avec leur nom commun et le nom scientifique correspondant.
Texte
Manuscrit
- De villis vel curtis imperii, bibliothèque de Wolfenbüttel, ms. Helmstadet 254
Rééditions modernes
- Hermannus Conringius, Leonis III Papae Epistolae ad Carolum Magnum Imperatorem : Capitulare Caroli M. de villis suis, Helmestadii, Typis & sumtibus Henningi Mulleri, (lire en ligne).
- Étienne Baluze, Pierre Chiniac de La Bastide (ed.), « Capitulare de villis Karoli Magni illius, id est, antequàm fieret Imperator », dans Capitularia regum Francorum. Additæ sunt Marculfi monachi & alliorum formulæ veteres, & notæ doctissimorum virorum, chez François-Augustin Quillau, Paris, 1780, tome 1, col. 331-342 (lire en ligne)
- Georg Heinrich Pertz , « Capitulare de villis imperialibus », dans Monumenta Germaniae Monumenta, 1835, p. 181-187 (lire en ligne)
- Alfred Boretius, « Capitulare de Villis », dans Capitularia regum Francorum (Monumenta Germaniae Historica), Hanovre, 1883, tome 1, p. 82-91 (lire en ligne)
- R. Schneider, « Capitulare de villis », dans Kapitularien, Göttingen 1968, p. 20-28 (texte dans Bibliotheca Augustana, 1978)
- Carlrichard Brülh, « Capitulare de Villis », dans Monumenta Germaniae Historica, Stuttgart, 1971
Références
- Benjamin Guérard, « Explication du capitulaire de Villis [premier article.] », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 14, no 1, , p. 201–247 (DOI 10.3406/bec.1853.445132, lire en ligne, consulté le )
- Benjamin Guérard, « Explication du capitulaire de Villis », p. 201
- Hermannus Conringius, Leonis III Papae Epistolae ad Carolum Magnum Imperatorem : Capitulare Caroli M. de villis suis, Helmestadii, Typis & sumtibus Henningi Mulleri, (lire en ligne), p. 88-101.
- Laure Verdon, Le Moyen Âge, Le Cavalier Bleu, coll. « Idées reçues », , 35 p. (ISBN 2-84670-049-4), p. 11
Bibliographie chronologique
- Johann Heinrich Ress (de), Des Kaisers Karls des Großen Capitulare de Villis zum Belage seiner Stats und Landwirthschaftskunde, chez Carl Gottfried Fleckeisen, Helmstedt, 1794, 125p. (lire en ligne)
- Benjamin Guérard, « Explication du capitulaire De Villis », Bibliothèque de l'École des chartes, 1853, vol. 14, 1re partie, p. 201-247 [lire en ligne] ; 2e partie, p. 313-350 [lire en ligne] ; 3e partie, p. 546-572 [lire en ligne].
- Karl Gareis, Die Landgüterordnung Kaiser Karls Des Grossen (Capitulare de Villis Vel Curtis Imperii), J. Guttentag, Berlin, 1895 (lire en ligne)
- E. Winckler, « Zur Lokalisierung des sogenannten Capitulare de villis », dans Zeitschrift für romanische Philologie, 1913, tome 37, p. 513
- Alfons Dopsch, « Das Capitulare de Villis, die Brevium Exempla und der Bauplan von St. Gallen », dans Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, 1916, no 13, p. 41-70
- Marc Bloch, « L'origine et la date du Capitulare de Villis », dans Revue historique, 1923, tome 55, p. 40-56 (lire en ligne)
- Charles H. Taylor, « The unity of the « Capitulare de Villis » », dans Revue belge de Philologie et d'Histoire, 1924, no 3-4, p. 759-768 (lire en ligne)
- Theodor Mayer, « Zur entstehung des capitulaire de villis », dans Vierteljahrschrift für Sozial und Wirtschaftsgeschichte, 1924, p. 112-127
- François Louis Ganshof, « Observations sur la localisation du Capitulare de Villis », dans Le Moyen Âge, 1949, no 3-4, p. 201-224 (lire en ligne)
- Jean Barbaud, « Le capitulaire De villis et le développement des jardins médicinaux sous Charlemagne », dans Histoire des sciences médicales, 1989, volume 23, no 4, p. 299-308 (lire en ligne)
- Élisabeth Magnou-Nortier, « Capitulaire De Villis et curtis imperialibus (vers 810-813) : texte, traduction et commentaire », Revue historique, no 607, juillet-septembre 1998, p. 643-690 [lire en ligne].
- Marcelo Cândido da Silva, « L'"économie morale" carolingienne (fin VIIIe-début IXe siècle) », dans Médiévales, printemps 2014, no 66, p. 159-178 (lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- BAdW. Geschichtsquellen des deutschen Mittelalters : Capitulare de villis
- Université de Cologne-Capitularia Edition des fränkischen Herrschererlasse : “Capitulare de villis” (BK Nr. 32)
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