Catholicisme libéral

Le catholicisme libéral désigne l'ensemble des travaux mené par des religieux et des religieuses, qui mettant l'accent sur la liberté intellectuelle, spirituelle et morale[1]. C'est un courant catholique qui se développe et s'exprime au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, principalement en France, en Belgique et en Italie, favorable à reconnaissance par l'Église des libertés modernes.

Catholicisme libéral
Définition Courant de pensée, porté par des clercs, favorables à la reconnaissance des libertés modernes par l’Église catholique.
Date d'apparition XIXe - XXe siècle
Pays  Europe
Partisans Félicité de La Mennais, Charles Forbes de Montalembert

Définition

Le catholicisme libéral repose sur la définition philosophique de la liberté, à savoir un concept qui se décline dans les différentes religions et concerne le droit ou privilège de chacun d'agir sans contraintes conformément à la façon dont il comprend sa religion[2].

Les catholiques libéraux sont favorables à l'affirmation des libertés de conscience, de la presse et des associations, et à la séparation de l'Église et de l'État. L'État, selon de La Mennais, doit être « indifférent en matière de religion »[Note 1].

Parmi les figures de proue : Félicité de La Mennais, Henri Lacordaire, Charles Forbes de Montalembert, le cardinal Engelbert Sterckx, Vincenzo Gioberti, Antonio Rosmini et Alessandro Manzoni.

Contrairement aux catholiques traditionalistes qui sont plus ou moins opposés au libéralisme.

Pour Arnaud de Lassus, chrétien conservateur, le libéralisme catholique se définit comme étant : « essentiellement une tendance, chez des catholiques sincères, à exalter la liberté comme valeur première avec les conséquences que cela entraîne pour les principes qui régissent la vie sociale, politique et religieuse : on en vient à vouloir concilier des inconciliables, les principes sur lesquels étaient fondés la France chrétienne et ceux qui découlent de la Révolution. »[3]

Ce courant de pensée introduit en France une modernité de substance catholique et révolutionnaire, incarnée par le respect des principes de la laïcité. Largement représenté chez les clercs, il façonne le catholicisme français et le rend sensible aux idées modernes de tolérance, de réduction de l'Église au droit commun, d'exaltation de « la liberté comme valeur première » ; les intégralistes déclarent immédiatement que ce tour d'esprit va :

  • contre la vérité qui s'impose, de fait, à la raison de tous ;
  • vers une relativisation des dogmes du catholicisme;
  • et finalement de tous ses fondements : rite et liturgie, histoire sainte, hiérarchie ecclésiale et doctrine sociale.

Histoire

Phase préparatoire

Le créateur du libéralisme catholique est Félicité de Lamennais (1782-1854) qui, dans un premier temps, défend l'ultramontanisme avec Louis de Bonald et Joseph de Maistre ; cette théorie prône une Église catholique romaine forte, centralisée et dominée par le pape, seul garant de l'ordre social. C'est à Lamennais que l'on doit cette phrase : « Sans pape, point d'Église ; sans Église, point de christianisme ; sans christianisme, point de religion et point de société »[4]. Il va jusqu'à préconiser une séparation totale de l'Église et de l'État, sans pour autant abandonner ses thèses ultramontaines.

Puis, converti au libéralisme, aux côtés de l'abbé Henri Lacordaire et du comte Charles de Montalembert, ses collaborateurs au quotidien L'Avenir, il énonce :

« Les prérogatives dont les catholiques croient l’Église surnaturellement investie, appartiennent naturellement à l'Humanité ; elle est la véritable Église, instituée de Dieu par l'acte même de la création, et toutes ces hautes prérogatives, ces divins attributs, forment dans leur ensemble ce qu'on a appelé la souveraineté du peuple ; à lui, sur toutes choses, le commandement suprême, la décision dernière, le jugement infaillible : vox populi, vox dei (voix du peuple, voix de Dieu) »[5]

Ces principes sont condamnés par l'encyclique Mirari Vos du pape Grégoire XVI du . Déçu et refusant de se soumettre, Lamennais quitte l'Église catholique.

Phase de développement

À l'opposition entre libéraux et ultramontains à partir de 1850, c'est-à-dire pour les 20 ans de la fondation du Royaume de Belgique, et au retentissement considérable du Congrès de Malines de 1863 pendant lequel Montalembert définit complètement le libéralisme catholique, essentiellement en faveur :

répondit le coup d'arrêt du pape Pie IX par l'encyclique Quanta Cura de 1864 comprenant le Syllabus, collection de propositions erronées condamnées par l'Église, suivi d'une piqûre de rappel par Léon XIII dans l'encyclique Libertas Præstantissimum de 1888 :

« Il en est un grand nombre qui, à l'exemple de Lucifer...entendent par le nom de liberté ce qui n'est qu'une pure et absurde licence. Tels sont ceux qui appartiennent à cette école si répandue et si puissante et qui, empruntant leur nom au mot de liberté, veulent être appelés libéraux... Une pareille doctrine apporte le plus grand dommage tant à l'individu qu'à la société... dès que l'on répudie le pouvoir de Dieu sur l'homme et sur la société humaine... La multitude se laissera facilement aller à la sédition et aux troubles... »

Outre les papes, les pères Louis-Gaston Adrien de Ségur et Félix Sardá y Salvany ont fermement critiqué le libéralisme catholique.

En Suisse, les courants libéraux se sont confrontés aux catholiques ultramontains (forts dans les cantons ruraux et conservateurs) contribuant à la guerre du Sonderbund, aux Pays-Bas, où l'on critiqua notamment le dogme de l'infaillibilité papale, et dans d'autres pays européens pour donner naissance à l'Église vieille-catholique, à l'Église catholique libérale et à d'autres Églises minoritaires. Le catholicisme libéral a ensuite trouvé un terrain propice aux États-Unis, où existait une longue tradition de protestantisme libéral.

Postérité

En politique

Mais ce courant prospéra et les députés catholiques-libéraux ouvrirent la voie à la Troisième République, l'un de leurs chefs, Albert de Broglie, déclara notamment : « au lieu de choisir entre les principes de 89 et les dogmes de la religion catholique, purifions les principes par les dogmes et faisons-les marcher de concert... ».

En confirmation de l'influence de ce courant,

  • l'affaire du Ralliement de 1891-1892 avec le pape Léon XIII, par lequel il demande aux catholiques, le plus souvent royalistes, de s'investir dans les affaires de la République, contre le développement des socialistes et des radicaux.

« Le dernier siècle a détruit, sans rien leur substituer, les corporations anciennes qui étaient pour eux une protection. Les sentiments religieux du passé ont disparu des lois et des institutions publiques et ainsi, peu à peu, les travailleurs isolés et sans défense se sont vu, avec le temps, livrer à la merci de maîtres inhumains et à la cupidité d'une concurrence effrénée. Une usure dévorante est venue accroître encore le mal. Condamnée à plusieurs reprises par le jugement de l'Église, elle n'a cessé d'être pratiquée sous une autre forme par des hommes avides de gain et d'une insatiable cupidité. À tout cela, il faut ajouter la concentration entre les mains de quelques-uns de l'industrie et du commerce devenus le partage d'un petit nombre d'hommes opulents et de ploutocrates qui imposent ainsi un joug presque servile à l'infinie multitude des prolétaires. »

 Rerum Novarum, § 6

  • la création de la démocratie-chrétienne et du MRP, etc. ; jusqu'à l'étonnante conversion au libéralisme catholique du théologien thomiste Jacques Maritain.

Du côté des philosophes

  • Maurice Blondel (18611949) dont la thèse, l'Action, (1893) souhaite réintégrer le christianisme dans le champ de la pensée philosophique. Cela lui vaudra des déboires tant du côté de l'Université, anticléricale, qui mettra un certain temps à le nommer à un poste que du côté des théologiens qui l'accuseront de ne retenir du catholicisme qu'une vision acceptable pour ses contemporains. Quoique pris dans la crise moderniste, il ne fera l'objet d'aucune condamnation romaine. Sa thèse ne sera pas rééditée parce qu'il voulait en étendre le sujet et son œuvre sera décriée par la hiérarchie catholique jusqu'à Vatican II
  • Lucien Laberthonnière (18601932) prêtre oratorien et philosophe chrétien. Ses Essais de philosophie religieuse (1903) et son essai Le réalisme chrétien et l'idéalisme grec seront mis à l'Index en avril 1906. Le sujet était certainement trop proche de celui de la conférence L'Essence du Christianisme qui valut à Adolph von Harnack la célébrité dans la bourgeoisie européenne cultivée. Laberthonnière fut interdit de publication et de prédication préventivement. Il est aujourd'hui difficile de comprendre, à la seule lecture de ces ouvrages, la raison de cette condamnation. Dix ans après sa mort paraît son Equisse d'une philosophie personnaliste.
  • Henri de Lubac, s.j., cardinal, ami de Pierre Teilhard de Chardin dont il prend la défense dans un ouvrage intitulé La pensée religieuse du Père Teilhard de Chardin (paru seulement en 1962). Il découvre dans l'œuvre théologique de cet autre compagnon une pensée pour l'action et fait justice de l'une des maîtresses accusations portée par la Curie romaine, celle de nier le péché originel découvrant, dans le fil de l'œuvre, un pessimisme surmonté au lieu de l'optimisme naturaliste qu'elle lui prêtait. Henri de Lubac montre dans son œuvre une pensée du mystère de l'Église qui en fait un précurseur du concile Vatican II où il fut expert.

Notes et références

Notes

  1. Félicité de la Mennais a rédigé deux ouvrages sur le sujet : Essai sur l'indifférence en matière de religion, 1817 à 1823 (BNF 16632283) et Défense de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion, Paris, Méquignon fils aîné, , 2e éd. (BNF 30728448, lire en ligne).

Références

  1. « Liberalism (Religion) » (Notice Subject Headings), sur The Library of Congress (consulté le )
  2. « Liberté - Aspect religieux » (Notice rameau), sur BnF Catalogue général (consulté le )
  3. Arnaud de Lassus, Connaissance élémentaire du Libéralisme catholique, 1988.
  4. Félicité de la Mennais, De la religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil, Paris, bureau du Mémorial catholique, (BNF 30728569, lire sur Wikisource, lire en ligne), p. 181
  5. Félicité de la Mennais et E. D. Forgues (éditeur scientifique), œuvres posthumes publiées selon les vœux de l'auteur : mélanges philosophiques et politiques, Paris, Paulin et le chevalier, (lire en ligne), p. 149

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges Weill, Histoire du catholicisme libéral en France : 1828-1908, Slatkine, cop., 1979, coll. « Ressources » (no 35), , 2e éd. (1re éd. 1909) (BNF 34628979)

Articles connexes

Lien externe

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