Château de Fontenaille
Le château de Fontenaille, ancien couvent de Béthanie, est un édifice situé à Écommoy, en France.
Ne doit pas être confondu avec Château de Fontenailles.
Type | |
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Construction |
XVIIe siècle |
Patrimonialité |
Pays | |
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Région | |
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Commune | |
Adresse |
Fontenaille |
Coordonnées |
47° 48′ 57″ N, 0° 17′ 15″ E |
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Localisation
Le monument est situé dans le département français de la Sarthe, au sud-est du bourg d'Écommoy.
Histoire
La période gallo-romaine
Aux Ve et VIe siècles av. J.-C., les Cènomans, peuple celtique, s’établissent dans la région. Ils vivent de chasse, d’élevage et de culture, à proximité de la forêt de Bercé.
En 52 avant JC, Jules César bat Vercingétorix à Alésia. Progressivement la Gaule va être romanisée et donner place à la civilisation gallo-romaine. C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui une politique d’assimilation. Le réseau de communication de voies romaines va s’étendre, les routes stratégiques vont devenir commerciales. Elles sont entretenues et conçues pour durer, et tout au long vont s’installer les villas de l’époque impériale. Ces villas forment d’immenses domaines agricoles exploités efficacement par plusieurs centaines de serfs ou d’hommes libres.
L’empire romain s’étend de l’Angleterre actuelle au Maroc, de l’Espagne au Danube. Il connait une activité économique intense dont va profiter la population gauloise.
Cette période de développement et de prospérité va durer quatre siècles. Ce qui peut, à notre échelle actuelle du temps, nous sembler une éternité. Mais en histoire rien n’est éternel. Survient alors une période de trouble caractérisée par les grandes invasions barbares qui viennent d’au-delà du Rhin, dont celle des francs avec leur chef Clovis. Les institutions romaines s’effondrent, les notions de vie organisée, de service public s’effacent devant les lois et coutumes barbares.
A la même époque, le christianisme arrive de Rome apporté par les évêques comme saint Julien au Mans. La fondation des paroisses est un fait majeur de cette époque, car elles serviront de cellules de base de la nation jusqu’à la révolution. Dans cette période de troubles et d’anarchie, l’église devient un refuge et l’évêque un personnage local clé.
L’évêque Bertrand au VIe siècle fonde l’église de la couture au Mans, et à sa mort en 623 c’est l’évêque Hadouin qui est nommé par le roi Clotaire 2. Son ministère dure jusqu’en 654 et c’est dans son testament, dans lequel il lègue une vingtaine de villas, qu’apparait pour la 1ere fois la villa Iscomodiacum, située dans le pays du Belin. On sait donc que cette villa gallo-romaine construite au Ier siècle apr. J.-C., située en bordure de la voie romaine Le Mans-Tour appartenant au départ à un certain Scomodius, avait été rachetée par l’évêque Hadouin et léguée à l’abbaye de la couture au Mans.
Cette villa est maintenant fortifiée et ressemble à un petit château fort entouré d’habitations. Ce petit village va prendre le nom de la villa Scomodiacum dont le nom sera transformé en Ecommoy au fil des siècles.
Nous ne connaissons pas la localisation précise de cette villa, détruite lors des invasions et dont les pierres ont dû servir de matériaux pour les constructions suivantes. Est-ce le centre actuel de Ecommoy ? est-ce le site de Fontenaille ? dont le nom vient du latin Fontanalia, qui est une fête que les romains célébraient en l’honneur des nymphes des fontaines.
Cette villa, léguée à l’abbaye St Pierre-St Paul du Mans, va être occupée par des moines qui vont y vivre selon la règle, entre travail, lecture et prières, jusqu’à la destruction du monastère en 885 par les Normands.
La France nait au traité de Verdun en 843, lorsque les trois petits fils de Charlemagne se partagent les territoires de l’empire carolingien en trois royaumes. Ce qu’on appelle la Gaule depuis mille ans prend le nom de Francie. La dynastie des Capétiens succède à celle des Carolingiens, avec l’élection par ses pairs de Hugues Capet.
Les ducs et comtes nommés par Charlemagne en profitent pour conserver pour eux-mêmes les provinces qu’ils gouvernent, et les transmettre à leurs enfants. C’est l’apparition du régime féodal.
En 987, le vicomte Raoul de Beaumont relève de ses ruines l’abbaye de Saint-Pierre du Mans, tout en la maintenant sous sa propre autorité et la joignant à son domaine personnel, incluant la terre de Fontenailles.
Suit une succession de propriétaires. Le fief de Fontenaille relève alors de la baronnie de Château du Loir qui à partir de 1204 relève directement du roi de France. C’est le début de la guerre de Cent ans et le fief de Fontenailles est racheté par André d’Averton.
Passons rapidement et regardons les dates clés :
Fin de la guerre de cent ans, le Mans est libéré des Anglais en 1448, la cité redevient prospère, on replante les vignes, on reconstitue le cheptel, l’industrie textile redémarre avec les toiles du Maine. Le domaine de Fontenailles s’agrandit sous la famille de Scépeaux. En 1502, un droit de chapelle est attribué au seigneur, dédiée à la conception immaculée de Notre dame avec nomination d’un chapelain.
En 1509, les sources de la Guitonnière sont rachetées et alimentent toujours le château.
Suit la famille de Chevigné, dont une fille apporte en dot le fief à Arnault Brunet de Beauville, ami d'Henri IV, qui à sa demande accorde à Ecommoy trois foires et un marché en 1594 le vendredi qui deviendra le mardi en 1664. En 1610, Henri IV est assassiné par Ravaillac, Louis XIII a neuf ans, Marie de Médicis sa mère est régente, Richelieu va gouverner pendant trente ans. Peste, guerres, famines marquent la 1re partie du XVIIe siècle. En 1650, Richelieu qui combat les seigneurs rebelles fait raser beaucoup de châteaux-forts, dont celui de Fontenaille.
Les frères Fréart de Chantelou
En décembre 1660, Paul Fréart de Chantelou rachète à Charles de Lancy la terre de Fontenailles. Il est issu de la grande bourgeoisie du Mans, son père est notaire, allié à des familles de la magistrature, de la politique, des lettres et de l’église. Il est anobli en 1600. Famille de 7 enfants, Paul a un frère Rolland qui s’attache aux mathématiques, à l’étude de la perspective et de l’architecture. Paul apprend la musique, le chant, la danse et fait de nombreux voyages en Italie, il devient un spécialiste en matière d’art. Les 2 frères avaient pour grand-oncle Sublet de Noyers, ministre de Louis XIII, d’abord de la guerre, puis des bâtiments de France, puis des Beaux-Arts, qui devient le bras droit de Richelieu. Paul est attaché au ministre Sublet de Noyers, l’accompagne dans ses voyages, et accomplit des missions diplomatiques ou artistiques pour son compte.
Les frères Chantelou, Paul et Rolland, sont chargés de négocier le retour du peintre Nicolas Poussin en France, et partent le chercher à Rome. En 1642, Richelieu fait exécuter le marquis de Cinq mars accusé de conspiration contre lui. Richelieu meurt la même année. Louis XIII appelle Mazarin pour lui succéder, qui va œuvrer pour écarter Sublet de Noyers. Sa disgrâce diminue momentanément la fortune des Chantelou.
Paul Fréart épouse en 1656 Francoise Mariette, dame de Montmort, et devient gouverneur de château du Loir en plus de sa fonction de maitre d’hôtel du roi. Sur les deniers de son épouse, ils acquièrent donc la terre de Fontenaille.
Les frères Chantelou sont chargés par Colbert d’aller chercher en Italie le Bernin, sculpteur et architecte pour terminer les travaux du Louvre. Ils arrivent en France en 1665. Rolland rentre ensuite au Mans, et c’est lui qui sera l’architecte du château de Fontenaille tel qu’on peut en voir les restes.
Paul est le fondateur de la paroisse d’Ecommoy, son épouse et lui seront parrain et marraine de 2 cloches de l’Eglise. La chapelle du château était dotée d’un magnifique retable qui fut vendu en 1919 à un antiquaire du Mans.
En 1690 Barthélemy de Melo, sculpteur, séjourne à Fontenaille pour travailler à l’autel de l’église d’Ecommoy. C’est à lui que nous devons ces 2 frontons classés à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1943. Barthélémy de Melo sculpte également la statue de St Martin qui est désormais dans l’église d’Ecommoy.
Rolland Fréart de Chantelou passe les dix dernières années de sa vie entre le Mans et Fontenaille. Son frère Paul lui survit pendant 22 ans, il propose à Louis XIV de lui racheter ses collections, mais les caisses de l’état étant vides, les collections sont dispersées. Une petite partie se trouve aujourd’hui au Louvre.
Monsieur de Chantelou n’ayant pas d’enfant, le château passe dans les mains du petit fils de madame de Chantelou, Henri Louis Goin de Chapiseaux, capitaine des gardes du roi, gouverneur de château du Loir.
En 1703, Louis XIV élève le fief de Fontenaille au rang de marquisat, avec droits de haute, moyenne et basse justice, droits de foire et marchés, terres qui relèvent du roi en franc-alleu. Après son décès, son fils hérite mais décède sans enfant, et c’est son neveu le marquis de Turbilly, né à Fontenaille en 1717 qui en hérite.
Le marquis de Turbilly est un personnage intéressant, il ne fait pas partie de l’histoire de Fontenaille, mais ses travaux, généralement méconnus à l’époque, méritent que l’on en dise quelque mots.
Le marquis de Turbilly va revendre les terres de Fontenaille car après une carrière militaire il va se retirer sur les terres du château de Turbilly, où il a hérité d’un domaine de plus de 2000ha, près de la Flèche, et l’exploiter d’une façon tout à fait originale pour l’époque. C’est un esprit éclairé, physiocrate, il fait partie des encyclopédistes, écrit des traités sur l’agriculture, toujours à la recherche d’expériences positives. Le domaine dont il hérite est en mauvais état : les seules parties fertiles, dans les fonds de vallée, sont souvent gorgées d'eau. La douceur du climat angevin favorise certes la vigne et les arbres fruitiers, mais la culture du blé est exceptionnelle, le seigle et même le sarrasin sont les principales céréales...
"En 1737 moins du quart des terres est cultivé ; et fort mal. Les prairies bordant les ruisseaux sont des marais envahis par les joncs, les vignes sont ruinées, les bois ravagés par le bétail et les incendies. Les fermes...sont pour un tiers vacantes, une partie des habitants doit mendier pendant la moitié de l'année..."
Alors, « il entreprit de défricher les landes, de transformer les marais en prairies, de replanter les bois, les vignes, les haies et les avenues, de créer des pépinières et des étangs, d'inventer des instruments agricoles. Il créait une bergerie, introduisit la culture du mûrier et celle du peuplier, arbre mal connu dans les terres ingrates du Bas-Anjou, favorisait l'apiculture et la pisciculture, renouvelait la race des étables, ouvrait une carrière de meules de moulin, créait un four à chaux pour amender les terres.»
C'est lui qui introduisit la culture du lin et du chanvre permettant ainsi aux femmes des cultivateurs de travailler comme fileuses à la morte saison. Il introduit une nouvelle espèce de pin, le pin maritime adapté aux terres sablonneuses et au climat.
Turbilly crée des « prix d'agriculture » qui récompensent des cultivateurs méritants de la paroisse. Ce qui fait du marquis de Turbilly l'inventeur à la fois du "mérite agricole" et d'un événement qui s'appellera plus tard (au second Empire et la troisième république) le" comice agricole". La fin est moins brillante puisqu’il meurt ruiné à Paris."
Les Marquis de Ruzé d'Effiat
Fermons la parenthèse et revenons à Fontenaille : nous avons vu que le marquis de Turbilly met en vente Fontenaille et en juin 1772, le marquis Benoit Gabriel Armand de Ruzé d’Effiat devient propriétaire. Il appartient à une famille de militaire, illustre par son passé, d’origine Tourangelle. Lui-même est né en 1717 à Chenu, désormais dans la Sarthe, il est maréchal de camp, chevalier de Saint-Louis et fait toute sa carrière dans les armées du Roi. Il a épousé Madeleine Bouin de Noiré, avec laquelle ils auront un fils et une fille. La marquise décède en 1771, le marquis a 54 ans, sa fille est infirme, son fils est à l’armée, il ne souhaite sans doute pas rester en Touraine à proximité de Cinq mars la pile, avec le souvenir de son cousin Henri d’Effiat de cinq mars, décapité.
Quand le marquis de Ruzé d’Effiat acquiert Fontenaille, le château est une belle demeure entourée de jardins, avec douve ornementale, bassin avec jet d’eau, belles allées bordées d’une double rangée d’arbres. Le marquis est un bon administrateur, il fait établir à partir de 1777 un livre terrier par un feudiste qui répertorie tous les actes, titres de propriété et actes de gestion du domaine. Il entretient de bons rapports avec les chatelains voisins.
Son fils le comte Benoit Jean, militaire de carrière poursuit son ascension dans la hiérarchie et rend de temps visite à son père à Fontenaille. En 1789, c’est la révolution qui commence, le marquis reste à Fontenaille tandis que son fils émigre en Allemagne avec sa femme, qui décède pendant le voyage, et son fils, où ils resteront pendant dix ans.
Le marquis resté à Fontenaille est pris dans la tourmente locale de la révolution, il préside les opérations de vote lors de la création de la 1ere municipalité, prend en 1790 le commandement du bataillon local de la garde nationale. En 1794 c’est la guerre civile entre chouans et révolutionnaires, et c’est à cette époque que les deux tiers du château sont incendiés. Le château est inhabitable et le marquis se réfugie au Mans où il meurt en 1801.
Le comte de Ruzé et son fils qui a maintenant vingt ans rentrent d’Allemagne. Le château est en ruines mais les biens ne sont pas confisqués, le marquis son père, n’ayant pas émigré. Le comte et son fils se réfugient chez leur belle-mère et grand-mère madame Bouin, en attendant les travaux de reconstruction. Nous sommes sous la restauration, le comte qui à 68 ans, offre ses services au roi Louis XVIII et prend le commandement des gardes nationaux à Chinon. Il se retire ensuite au château de Chezelles où il décède à 87 ans. Ses séjours à Fontenailles ne furent ni longs ni nombreux.
Son fils, Armand de Ruzé, 3e seigneur de Fontenaille de la famille, est maire de Chinon de 1816 à 1828, puis député royaliste. À la chute de Charles X en 1830, il a cinquante ans et se retire de la vie publique. Sans enfant, lui et son épouse participent à de nombreuses œuvres de charité et de bienfaisance, ils participent à la construction de la nouvelle église d’Ecommoy, font don de la halle dîmeresse à la commune, qui deviendra la mairie (ancienne mairie). Ils font don de la grand-maison aux sœurs d’Evron pour en faire une école pour filles.
À l’extrémité de l’allée de Fontenaille, la halle du marché appartenait aux marquis d’Effiat en tant que privilège seigneurial. Ils la cédèrent à la commune qui y installa la mairie. Les d’Effiat construisirent un petit hôtel à l’extrémité de leur avenue, et lorsque la mairie déménagea, elle s’y installa. Le maire d’Ecommoy officie désormais sous le pigeonnier seigneurial. Nous sommes en 1870, le dernier seigneur de Fontenaille décède alors que la guerre avec la Prusse commence. Avec lui s’éteint le fief de Fontenailles. Son épouse décède 2 mois plus tard. Elle a choisi comme exécuteur testamentaire Monsieur de Montenon qui habite la Touraine. Au décès de son époux, Madame de Montenon vendra le domaine à M Jamin, directeur des minoteries du Mans, qui n’y résidera pas. Vers 1888, une dame du Mans, madame Boisseau veuve d’un fonctionnaire cherchait une maison assez vaste pour accueillir une petite communauté de sœurs et où elle pourrait venir faire des séjours.
La congrégation des Dominicaines de Béthanie
C’est ainsi que le 27 avril 1889, en fin de journée, s’installait un 1er groupe de sœurs de la congrégation des Dominicaines de Béthanie. Le lendemain matin la messe était de nouveau célébrée dans la chapelle de Marie Immaculée.
Béthanie est le nom du village où habitaient les 2 soeurs Marthe et Marie Madeleine. C’est une congrégation religieuse féminine contemplative et hospitalière qui accueille notamment les femmes qui sortent de prison et souhaitent vivre selon la règle de la congrégation. Elles vivent cloitrées, en autonomie, visitent les prisons, et font des travaux de couture. Le couvent se compose alors de la maison principale, qui accueille la partie administrative, la buanderie et loge quelques sœurs. La chapelle dans le pavillon, et dans l’autre le logement de l’aumônier et de l’homme d’entretien, l’hôtellerie. En 1893, 4 ans après leur installation un bâtiment supplémentaire est construit. Bâtiment qui reçoit en sous-sol les cuisines, au rdc le réfectoire et 2 étages de cellules. Puis en 1939, construction de leur propre chapelle dans le prolongement du bâtiment de 1893. La communauté va compter plus de 60 sœurs. Les jardins sont transformés en potagers, pâtures pour les animaux, vergers. La communauté va s’installer dans la vie courante d’Ecommoy, beaucoup d’habitants ont des souvenirs qui remontent à cette époque. Progressivement les vocations diminuent, les sœurs prennent de l’âge, leur nombre diminue tandis que les tombes se remplissent dans le cimetière du couvent. Le 31 aout 2002, la congrégation vend le couvent et les sœurs quittent Fontenailles, qui retourne à la vie civile.
Le château appartient dorénavant à une famille franco-ukrainienne, qui a à cœur de rénover et entretenir le château.
Architecture
Les deux pavillons jumeaux du XVIIe siècle élevés en bordure des douves et dépendant du couvent sont inscrits au titre des Monuments historiques depuis le [1].
Notes et références
- « Couvent de Bethanie », notice no PA00109747, base Mérimée, ministère français de la Culture
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- Julien-Rémy Pesche, Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe, t. 2 : Che-Lud, Le Mans, Monnoyer, (lire en ligne), p. 449
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