Chapelle seigneuriale de Boussu

La chapelle seigneuriale de Boussu est un édifice religieux de Boussu dont l'origine remonte au XIIe siècle. Elle a été reconstruite au XVIe siècle en même temps que l'église Saint-Géry qui lui est contigüe. Elle a servi de nécropole aux seigneurs et comtes de Boussu. La famille de Caraman, héritière des biens des Hennin-Liétard en 1804, a maintenu la tradition de s'y faire inhumer jusqu'à la fin du XIXe siècle. Désacralisée, la chapelle abrite aujourd'hui un musée d'art religieux.

Chapelle seigneuriale de Boussu

Mausolée de Jean de Hennin-Liétard et d'Anne de Bourgogne.
Présentation
Type chapelle seigneuriale
Début de la construction XVIe siècle
Style dominant Renaissance
Date de désacralisation oui
Protection  Patrimoine classé (1970, no 53014-CLT-0001-01)
 Patrimoine exceptionnel (2009, 2022, l'intérieur de la chapelle en ce compris les mausolées et les gisants, no 53014-PEX-0001-04)
Géographie
Pays Belgique
Région Région wallonne
Ville Boussu
Coordonnées 50° 26′ 02″ nord, 3° 47′ 42″ est
Géolocalisation sur la carte : Belgique

Description

Constituée d'une nef unique datant du XVIe siècle, la chapelle abrite trois mausolées, un transi et un gisant des XVIe et XVIIe siècles, deux dalles funéraires et deux urnes. Elle abrite aussi diverses œuvres d'art réparties dans les deux galeries supérieures, provenant de l’église Saint-Géry de Boussu et de l’église Saint-Martin d’Hornu. La crypte contient une trentaine de membres des familles de Hennin-Liétard et de Caraman. La chapelle et ses mausolées ont été totalement restaurés en 2015 par l'Institut royal du Patrimoine artistique[1].

Le mémorial

Le monument le plus ancien de la chapelle est un taulet[2] de pierre, bas-relief funéraire qui sert de mémorial à Thierry de Hennin-Liétard, mort à Venise en 1430, de retour de pèlerinage en Terre Sainte. La sculpture a subi des dégradations en 1572, en particulier au niveau du dais qui surmonte une Vierge à l’Enfant et une statue de Saint Christophe, toutes deux très abîmées[3].

Deux gisants

Le premier gisant est un transi, appelé « l'Homme à moulons », représentation fidèle d'un corps en putréfaction et couvert de vermine, en pierre de Baumberger. Datant de la première moitié du XVIe siècle, il est attribué à Colijn de Nole, artiste originaire de Cambrai, qui a travaillé principalement aux Pays-Bas, où il réalisa le tombeau de Renaud III de Brederode (1492-1556) à Vianen. Ce mausolée comporte aussi un transi dont le modèle est proche de celui de Boussu[4]. La statue de l'Homme à moulons a participé à l'exposition Entre Paradis et Enfer, mourir au Moyen-Âge, en 2011, à Bruxelles[5].

Le gisant en albâtre est attribué à Jacques Du Broeucq, architecte et sculpteur renommé, qui travailla pour Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, et construisit le château de Boussu pour Jean de Hennin-Liétard, premier comte de Boussu, dès 1539. D’une grande finesse d’exécution, ce gisant présente un personnage couché, à l’agonie ou qui vient de mourir, à l’aspect apaisé, contrairement au transi. Le gisant a retrouvé sa place d’origine sur un socle de marbre de Golzinne devant le mausolée de Jean de Hennin-Liétard[6]. Cette sculpture fut une des pièces maîtresses de l’exposition I Fiamminghi a Roma 1508-1608, en 1995[7].

Trois mausolées

Le premier mausolée est celui de Jean V de Hennin-Liétard, premier et grand écuyer de Charles-Quint, chevalier de la Toison d'or, premier comte de Boussu en 1555, et de son épouse, Anne de Bourgogne, arrière-petite-fille d'Antoine, grand bâtard de Bourgogne, demi-frère de Charles le Téméraire. Attribué à Jacques Du Broeucq, ce cénotaphe combine albâtre, marbre rouge de Rance et marbre noir de Dinant. En 1572, les Huguenots français ont envahi la région et vandalisé la chapelle, endommageant les tombeaux. Ce mausolée fut réparé immédiatement et les statues du comte et de son épouse remplacées par des copies dues à Luc Petit, artiste valenciennois élève de Du Broeucq[8].

Le deuxième mausolée présente deux comtes de Boussu et leurs épouses en orants, Maximilien I de Hennin-Liétard, 3e comte de Boussu, et son épouse, Charlotte de Werchin[9], leur fils, Pierre II de Hennin-Liétard, 4e comte de Boussu et son épouse, Marguerite de Croÿ. Entièrement réalisé en pierre d’Avesnes polychromée, ce tombeau est décoré de pilastres avec emblèmes de marine, à droite, Maximilien étant amiral de la flotte espagnole, et à gauche, avec canons et mousquets, Pierre étant général d’artillerie. Les quatre défunts sont agenouillés sur une table supportée par trois cariatides, figurant les vertus théologales de la Foi, la Charité et l’Espérance[10].

Le troisième mausolée combine un autel et un cénotaphe. De style baroque, il date d’environ 1650 et est consacré au cinquième comte de Boussu, Maximilien II de Hennin-Liétard, Grand maître d’hôtel des archiducs Albert et Isabelle, et son épouse Alexandrine-Françoise de Gavre. Il est composé d’éléments disparates : l’autel en pierre de Tournai provient du tombeau de Baudouin de Hennin-Liétard et de son épouse Jeanne de Mortagne, détruit en 1572 par les Huguenots, comme l’attestent les quatre blasons. La table et la marche de marbre blanc de Carrare ne sont pas non plus des pièces originales.

Au sommet du mausolée, avait été ajouté un retable en albâtre et bois doré du XVIe siècle, afin de compléter l’architecture traditionnelle des frontons brisés des autels de style baroque. Le bas-relief représente la scène de la Crucifixion avec la Vierge, Saint Jean, Saint Marc, Marie-Madeleine et les saintes femmes au pied de la croix, tandis que quatre cavaliers sont en arrière-plan entourés de soldats. La qualité de ces décorations d’albâtre combinées à des reliefs présentant des grotesques inspirés du style de Cornelis Floris de Vriendt a justifié en mai 2021 la restauration de cette section du mausolée et son placement dans une armoire blindée à hauteur d’homme[11].

Les dalles funéraires

La chapelle contient aussi deux dalles funéraires. La première est celle de Philippe de Hennin-Liétard (1535-1542), fils aîné de Jean V, orné des armoiries familiales et des symboles des quatre évangélistes. Seul le phylactère, peut-être une épitaphe, a été martelé soigneusement, pour une raison inconnue à ce jour. La seconde dalle de pierre bleue est celle de Marie-Béatrice de Velasco (1597-1599), fille de Don Luis de Velasco et d’Anne de Hennin-Liétard, sœur de Maximilien II. Deux urnes de marbre noir et blanc contiennent les cœurs de Louis-Charles-Victor Riquet de Caraman mort en 1839 et de son épouse Joséphine de Mérode-Westerloo, morte en 1824.

Le retable de la Vierge

Dès 2022, la chapelle abritera aussi le retable de la Vie de la Vierge qui se trouvait dans l’église Saint-Géry contigüe. Ce retable attribué à Passchier Borreman[12] a été confié fin janvier 2021 à l’Institut royal du patrimoine artistique pour une restauration et reviendra à Boussu vers la fin 2022[13]. Ce travail de restauration assurera aussi la réintégration des 12 statuettes volées en 1914, longtemps détenues par le musée Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam et récupérées en 2019 par décision judiciaire[14]. Le retable sera placé dans la galerie supérieure de la chapelle et protégé par une vitre blindée.

Notes et références

  1. Depuis 1970, l’intérieur de la chapelle seigneuriale ainsi que ses mausolées et gisants ont été ajoutés à la liste du patrimoine immobilier exceptionnel de la Wallonie.
  2. Au XVe siècle, on appelle taulet un bas-relief funéraire de l’école tournaisienne. Il correspond au terme « mémorial ».
  3. Douglas Brine, Two Memorials to Two Seigneurs : Baudouin and Thierry de Hénin-Liétard in Pious Memories, The Wall-Mounted Memorial in the Burgundian Netherlands, Leiden/Boston, Brill, 2015.
  4. Jos de Meyere, Het grafmonument van Reinoud III Van Brederode in de Grote kerk te Vianen, Utrecht, Uitgeverij Matrijs, 2010.
  5. Les transis de Boussu et de Vianen sont les seuls de ce type et de cette qualité dans le Benelux et les Hauts de France. Voir Entre Paradis et Enfer, mourir au Moyen-Âge, catalogue de l’exposition organisée à Bruxelles du 2 décembre 2010 au 24 février 2011, aux MRAH à Bruxelles, Bruxelles, Fonds Mercator / MRAH, 2010, pp. 158-159.
  6. Ce placement a été possible grâce au mécénat de la marbrerie Merbes-Sprimont et de son directeur, Francis Kezirian.
  7. I Fiamminghi a Roma 1508-1608, catalogue de l’exposition tenue à Bruxelles et Rome en 1995, Bruxelles, Société des expositions du palais des Beaux-Arts/ Snoeck-Ducaju & zoon, pp.176-177.
  8. Capouillez Marcel, La Chapelle funéraire des seigneurs de Boussu, Carnets du Patrimoine, 43, Namur, Institut du Patrimoine Wallon / Editions Labor, 2006.
  9. Charlotte de Werchin a d’abord épousé Charles de Hennin-Liétard, 2e comte de Boussu, mort en 1566 sans héritier. Elle épousa ensuite son beau-frère Maximilien en 1568 avec dispense papale. Voir Marcel Capouillez, Histoire et Généalogie des Seigneurs de Boussu de la famille de Hennin-Liétard (1202-1835), Boussu, Imprimerie Ledent, 1991.
  10. Dans l’iconographie de l’Espérance en Europe du Nord, le faucon encapuchonné est un attribut fréquemment utilisé, selon la maxime «Post tenebras, spero lucem (après les ténèbres, j’espère la lumière)», Livre de Job, chapitre 17, verset 12.
  11. Cornelis Floris 1514-1575: beeldhouwer architect ontwerper, Brussel, Gemeentekrediet, 1996.
  12. Borman a Family of Northern Renaissance sculptors, publié à l’occasion de l’exposition Borman and Sons. The Best Sculptors, Leuven, 20 septembre 2019- 26 janvier 2020, London/ Turnhout, Harvey Miller Publishers and the authors, 2019.
  13. Télé MB, Les Infos, 18-01-2021.
  14. Marc Metdepenningen, « Un combat de 100 ans: l’église de Boussu récupère ses statuettes », Le Soir, (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Marie Bantuelle, Le mémorial de Thierry de Hénin-Liétard en la chapelle seigneuriale de Boussu, t. 67, Gembloux, Imprimerie Duculot, coll. « Annales du cercle archéologique de Mons »,
  • Marcel Capouillez, La chapelle funéraire des seigneurs de Boussu, Institut du Patrimoine wallon et Labor, coll. « Carnets du patrimoine » (no 43), , 31 p..
  • « Boussu, chapelle seigneuriale », dans Le Patrimoine monumental de la Belgique, vol. 4 : Province de Hainaut, arrondissement de Mons, Mardaga, (lire en ligne), p. 84-86.
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