Charley Patton

Charlie Patton, mieux connu sous le nom de Charley Patton (né à Bolton dans le Mississippi en 1891 et mort à Indianola également dans le Mississippi le ) était un guitariste et chanteur de Delta blues américain. Patton est aujourd’hui considéré comme le « père du delta blues » et est une des figures antérieures les mieux connues de la musique populaire américaine.

Pour les articles homonymes, voir Patton.

Charley Patton
Naissance
Bolton (Mississippi)
Décès
Indianola dans le Mississippi
Activité principale Musicien, chanteur, guitariste
Genre musical Blues, Delta blues
Années actives 1910-1934

Des études récentes s'intéressent aux origines cherokee de Charley Patton et à l'influence des musiques amérindiennes sur sa propre musique[1],[2].

Biographie

Enfance

Élevé parmi ses onze frères et sœurs, Charley Patton vécut la plupart de sa jeunesse à Hinds County (Mississippi) avec ses parents, Bill et Annie Patton. En 1900, alors qu'il avait neuf ans, la famille de Charley Patton se déplaça dans la plantation Will Dockery, dans le delta du Mississippi. C’est à cet endroit que Patton développa son amour pour la musique. En 1905, à l’âge de 14 ans, Patton commença à prendre des leçons de guitare auprès d’Earl Harris[3], qui lui apprit la chanson You Take My Woman and Maggie. En peu de temps, il commença à jouer du blues. À Dockery, Patton tomba sous le charme du musicien Henry Sloan (en), qui avait un style peu commun, considéré aujourd’hui comme la première forme de blues. Patton suivit Henry Sloan dans la tournée de ses spectacles. En grandissant, Patton se détermina à quitter le Sud et son racisme, thème récurrent dans ses paroles. Dans ses chansons, Patton évoque souvent les conditions brutales et difficiles dans lesquelles vivaient les Noirs dans le Sud des États-Unis.

Ses débuts

Certificat de mariage de Charley Patton et Gertrude Lewis (1908).

Patton était un musicien qui ne cessait de voyager de ville en ville, gagnant difficilement toutefois sa vie, tout au long du Mississippi. À mesure qu’il commença à devenir populaire, il traversa la Géorgie, le Texas, le Tennessee, le Missouri et l'Illinois. En 1910, Patton était reconnu en tant qu'interprète et compositeur de chansons, ayant déjà à son actif Down the Dirt Road Blues, Banty Rooster Blues et sa chanson fétiche Poney Blues[4]. Il fréquenta au bout d'un certain temps Willie Brown, un guitariste qui deviendra plus tard un personnage récurrent dans sa carrière et dans ses enregistrements. Par ailleurs, le jeune guitariste Tommy Johnson apprend à jouer au contact de ces deux musiciens[5] et, peu après, s'étant déplacé du côté de Dockery, Johnson y joua du Delta blues mais également la chanson emblématique de Patton Poney Blues. En 1914, Patton travailla musicalement avec des membres de la famille Chatmon, notamment les piqués et le slide (bottleneck). Il est à noter que Bo, Sam, Lonnie Chatmon et le guitariste Walter Vinson (en) connurent plus tard le succès sous le nom de Mississippi Sheiks. Patton continua de jouer autour du Delta, allant au nord à Memphis, dans l'Arkansas ainsi qu'en Louisiane. En 1928, il travaille dans la plantation Will Dockery, près de Ruleville. C'est là qu'il rencontre le jeune Chester Arthur Burnett, le futur Howlin' Wolf, à qui il enseigne la guitare[6].

Sa carrière de bluesman

Patton a fait son premier enregistrement en juin 1929 à Richmond (Indiana)[7], avec quatorze chansons sur des 78 tours pour H. C. Speir, un propriétaire de magasins de disques qui était aussi le scout régional de la maison de disques Paramount pour ce qu’on appelait « race records ». Grâce au succès de sa session initiale, il fut invité quatre mois plus tard au nouveau studio de Paramount a Grafton, Wisconsin, où il enregistra vingt-huit chansons additionnelles. Le finger-picking polyrythmique de Patton, accompagnée par le tapping du corps de la guitare, créa une mélodie complexe de danse dont le musicien pouvait jouer pour trente minutes ou plus. Son House, qui enregistra une session de 1930 avec Patton et Brown se rappela que Patton rigolait avec le public en jouant la guitare derrière son dos ou entre ses genoux. Patton a inclus des symboles régionaux dans ses chansons, des endroits auxquels les acheteurs de disque locaux étaient familiarisés, y compris une chanson inspiré de Moorehead (Mississippi) intitulée Where the Southern Crosses The Do et une chanson inspirée de la ferme Parchman intitulé A Spoonful Blues. Contrairement à d’autres artistes de son temps comme Leadbelly, Patton avait de la difficulté à venir chercher le public blanc. Ses enregistrements étaient donc plutôt dirigés vers les acheteurs du pop rural contemporain afro-américains. La dernière session d’enregistrement de Patton eut lieu à New York en février 1934, deux mois avant sa mort.

Sa mort

Le 28 avril 1934, Charley Patton meurt d'une crise cardiaque, à la plantation Heathman-Dedham près d’Idianola (Mississippi)[7]. Sa tombe se situe à Holly Ridge Mississippi, et l’inscription de sa pierre tombale reconnait son rôle primordial dans le développement du Delta blues. Sans voir là une relation de cause à effet, notons plutôt son net penchant pour l'alcool et un tempérament bagarreur qui ne l'aurait de toute façon pas aidé à vivre beaucoup plus longtemps. L’homme qui a été marié huit fois durant sa courte vie, est reconnu aujourd’hui comme le premier grand Delta blues man.

Style musical

Composition

Artiste rugueux, de style comme de caractère, Charley Patton s'affirme comme le fondateur du delta blues en influençant les grandes figures du genre comme Big Joe Williams, Bukka White ou Robert Johnson. Son style varié y compris le blues, le gospel, le ragtime, la country, le folk et les chansons populaires. Il a un don pour le récit personnel et composait plusieurs ballades décrivant des évènements courant dans le monde. Sa chanson High Water Everywhere décrivait une grande inondation du Mississippi, et évoquait la souffrance éprouvée par les citoyens de Delta. Le pouvoir de sa voix est souvent plus évident dans sa musique plus gospel. La musique de Patton reflète la technique et l’esprit des spirituals de la période de l’esclavage (Mean Cat Blues), la danse country (Revenue Man Blues) les antécédents du blues et l’influence du ragtime (Hang it on the Wall) et la musique populaire (Some These Days I’ll be Gone). La musique de Patton démontrait les similarités essentielles entre le blues et la musique religieuse afro-américaine.

Chant

La langueur de sa voix, accompagnée par sa guitare, produisait des contrepoints rythmiques. Il était un interprète et un musicien souple et dynamique.

Jeu de guitare

Ses techniques de guitare étaient très variées : il utilisait de nombreux accordages, tonalités, le bottleneck et différentes techniques de picking. Les techniques de guitare de Patton nous offrent un regard sur les débuts de la guitare country-blues et aussi en fonction de son répertoire et du son de sa guitare. Son approche à la guitare provient de l’influence populaire du banjo et du piano. En jouant, il n’était jamais pressé et son pouvoir rythmique était accentué par des variations constantes et des accents surprenants. Il faisait souvent des pauses en jouant, créant des moments de tension qui se transformaient avec une emphase complètement différente.

Jeu de scène

Ses prestations publiques, dynamiques et extravagantes, accentuées par un chant brut et un jeu de guitare percutant contribuèrent à son succès. Charley Patton sur scène ne se contentait pas de jouer des morceaux de musique mais il offrait à son auditoire un spectacle total où il n'hésitait pas à faire le clown, jongler avec sa guitare et interpeler les spectateurs. Ainsi lui arrive-t-il de frapper violemment sa guitare en s'écriant « This is the way I beat my woman »[8] pour faire rire ses spectateurs masculins[9].

Héritage

  • Sa vie, sa musique et sa mort en ont fait une légende pour plusieurs générations de bluesmans et de rockeurs. Les chansons hypnotiques à trois accords de Patton ont profondément influencé John Lee Hooker de Clarksdale, qui a enregistré sa propre version de la chanson Pea Vine Blues de Patton.
  • Bukka White a déjà cité son « désir de devenir un homme aussi célèbre que Charley Patton » et a aussi démontré un penchant similaire pour jouer des chansons de danses pour des périodes prolongées.
  • Robert Palmer considère Charley Patton comme un des musiciens américains les plus importants du XXe siècle.
  • Bob Dylan a dédié sa chanson High Water (For Charley Patton) à Charley Patton sur son disque Love and Theft, de 2001. Il stipula : « If I made records for my own pleasure, I would only record Charley Patton songs. »
  • Le chanteur français Francis Cabrel fait référence à Charley Patton dans sa chanson Cent Ans de plus sur son disque Hors-Saison de 1999. Cabrel cite Patton comme une de ses principales influences blues, avec aussi Son House, Blind Lemon Jefferson, Robert Johnson, Howlin' Wolf, Blind Blake, Willie Dixon et Ma Rainey.
  • En 2005, le chorégraphe Ralph Lemon fut inspiré du bluesman Charley Patton pour la production de la troisième partie de Geography Trilogy, intitulée Come home Charley Patton. Cette pièce documente les injustices et la violence raciale de l’histoire américaine.
  • Le groupe de rock indépendant Gomez a enregistré une chanson sur leur album de 2006 How We Operate, intitulée Charley Patton Songs.
  • Il y a une photographie de Charley Patton dans le studio d’enregistrement du groupe The White Stripes pour leur album Icky Thump.
  • Jule Brown a enregistré un arrangement de Green River Blues de Patton, sur son album Smoke and Mirrors en 2006.
  • Mountain Men reprennent en 2017 sur leur dernier album Some of these Days.

Exemples

Discographie

Disques 78 tours originaux (dans l'ordre chronologique)

Titre Numéro de catalogue Date de publication Annotation
Paramount
Pony Blues/Banty Rooster Blues Paramount 12792 Juillet 1929
Prayer Of Death Pt.1/Prayer Of Death Pt. 2 Paramount 12799 Pseudonyme: Elder J. Hadley
Screamin’ And Hollerin’ The Blues/Mississippi Bo Weavil Blues Paramount 12805 Aussi pseudonyme: The Masked Marvel
Down The Dirt Road Blues/It Won’t Be Long Paramount 12854
A Spoonful Blues/Shake It And Break It But Don’t Let It Fall Mama Paramount 12869
Pea Vine Blues/Tom Rushen Blues Paramount 12877
Lord I’m Discouraged/I’m Going Home Paramount 12883
High Water Everywhere Pt. 1/High Water Everywhere Pt. 2 Paramount 12909 Avril 1930
Rattlesnake Blues/Running Wild Blues Paramount 12924
Magnolia Blues/Mean Black Cat Blues Paramount 12943 Juillet 1930
Mean Black Moan/Heart Like Railroad Steel Paramount 12953 août 1930
Green River Blues/Elder Greene Blues Paramount 12972 Septembre 1930
Jesus Is A Dying-Bed Maker/I Shall Not Be Moved Paramount 12986 Octobre 1930
Hammer Blues/When Your Way Gets Dark Paramount 12988 Novembre 1930
Moon Going Down/Going To Move To Alabama Paramount 13014 Décembre 1930
Some Happy Day/You're Gonna Need Somebody When You Die Paramount 13031
Circle Round The Moon/Devil Sent The Rain Blues Paramount 13040 Fin d'année 1930 / 1931
Dry Well Blues/Bird Nest Bound Paramount 13070 Printemps 1931
Some Summer Day Pt. 1/Jim Lee Blues Pt. 1 Paramount 13080 Printemps / Été 1931
Frankie And Albert/Some These Days I’ll Be Gone Paramount 13110 Début 1932
Joe Kirby/Jim Lee Blues Pt. 2 Paramount 13133 Début 1932
Vocalion
34 Blues/Poor Me Vocalion 02651
High Sheriff Blues/Stone Pony Blues Vocalion 02680 15 avril 1934
Love My Stuff/Jersey Bull Blues Vocalion 02782 1er septembre 1934
Oh Death/Troubled 'Bout My Mother Vocalion 02904 Avec Bertha Lee
Hang It On The Wall/Revenue Wall Blues Vocalion 02931 15 avril 1935

Compilations

  • 1929-1934 Spoonful Blues[10] 15 titres, chez Night Records (2018)
  • Complete Recordings 1929 - 1934[11] intégrale 97 titres, chez JSP Records (en)[12] (2010)

Notes et références

  1. (en) « 'Buried history': unearthing the influence of Native Americans on rock'n'roll », sur the Guardian, (consulté le ).
  2. « New York Guitar Festival | Charley Patton Tribute », sur web.archive.org, (consulté le ).
  3. (en) Edward Komara (dir.), Encyclopedia of the Blues, vol. 1 et 2, New York, Routledge, , 2e éd. (1re éd. 2004), 1440 p. (ISBN 0-415-92699-8, lire en ligne [PDF]), p. 748.
  4. Giles Oakley (trad. Hubert Galle), Devil's Music : Une histoire du blues The Devil's Music: A History Of The Blues »], Denoël, , 348 p. (ISBN 978-2-207-23120-3).
  5. (en) David Evans, Big Road Blues : Tradition and Creativity in Folk Blues, Berkeley, Calif./Los Angeles/London, University of California Press, , 379 p. (ISBN 978-0-520-03484-6, lire en ligne), p. 11.
  6. Collectif, Les dieux du blues, Éditions Atlas, , 312 p. (ISBN 2-7312-1790-1), p. 200.
  7. (en) Robert Sacre, Charley Patton : Voice of the Mississippi Delta, Jackson, University Press of Mississippi, , 256 p. (ISBN 978-1-4968-1856-0, lire en ligne).
  8. « C'est ainsi que je frappe mon épouse. »
  9. (en) David Whiteis, Southern Soul-Blues, Urbana, Ill., University of Illinois Press, , 344 p. (ISBN 978-0-252-09477-4, lire en ligne), p. 190.
  10. « Spoonful Blues, by CHARLEY PATTON », sur Night Records (consulté le ).
  11. Charley Patton – Complete Recordings 1929 - 1934 (2010, CD) (lire en ligne).
  12. « Vintage Blues | JSP Records », sur www.jsprecords.com (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Cleary, Beth. Performance Review: "Come Home Charley Patton": Part 3 of the "Geography Trilogy" Theatre Journal, 2005.
  • Harrison, Max. The Musical Times, vol. 112, n° 1536 (fév. 1971), p. 141.
  • Komara, Edward. Blues in the Round. Black Music Research Journal, Vol. 17, No. 1,1997. p. 3-36.
  • Santoro, Gene. Founder of the Delta Blues. The Nation, 1992.
  • Crumb, Robert. Mr Nostalgia. "Patton", 1998
  • Stewart, Lee. Screamin’ and Hollerin’ the Blues: The Worlds of Charley Patton. The Sunday Times. Londres, Angleterre, 2001.
  • Wald, Elijah. Charley Patton: a look under the mask! King of the Delta Blues », Sing Out!, 2002.
  • The Defenitive Charley Patton (Off the Beaten Track), Sing Out!, 2002.
  • Fahey, John. "Charley Patton (Blues paperbacks)" Studio Vista 1970

Liens externes

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