Cimetière de Picpus

Le cimetière de Picpus [pikpys] est un des deux cimetières privés de la ville de Paris, avec le cimetière des Juifs portugais. Il a été creusé en au fond du jardin du couvent de Picpus dont les religieuses, chanoinesses de Saint-Augustin, ont été chassées deux ans plus tôt, pendant la Révolution française. À l'entrée du cimetière se situe la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix de Picpus. C'est l'un des quatre cimetières du Paris de la Révolution.

Pour les articles homonymes, voir Picpus.

Cimetière de Picpus
Entrée du cimetière (portail bleu) et chapelle.
Pays
Région française
Commune
Adresse
Superficie
2,1 ha
Tombes
2 fosses communes
Personnes
1 306
Mise en service
Abandon
Patrimonialité
Coordonnées
48° 50′ 38″ N, 2° 24′ 00″ E
Identifiants
Find a Grave
Cimetières de France
Localisation sur la carte de Paris
Localisation sur la carte du 12e arrondissement de Paris
Personnalités enterrées
Marquis de La Fayette (inhumation post-révolutionnaire)

il abrite 1 306 victimes exécutées entre le 14 juin et le 27 juillet 1794, durant la dernière phase du règne de la Terreur. Aujourd'hui, seuls les descendants de ces victimes peuvent y être enterrés[1].

Le cimetière est inscrit au titre des monuments historiques en 1998[2]. Situé au 35, rue de Picpus dans le 12e arrondissement, il ne se visite que l'après-midi, de 14 h à 17 h, lundi au samedi (fermé dimanche et jours fériés).

Accès

Le cimetière de Picpus est desservi par les lignes de métro 1, 2, 6 et 9 à la station Nation et par la ligne 6 aux stations Picpus et Bel-Air. À proximité immédiate de l'entrée se trouve l'arrêt de bus Fabre d'Églantine desservi par les lignes de bus RATP 29, 56 et 71.

Historique

Le cimetière est situé sur l'ancien domaine du couvent des chanoinesses de Saint-Augustin (dites aussi de Notre-Dame de la Victoire de Lépante), installé en 1640 par Louis XIII. (Il reste un pavillon de cette époque ainsi que quelques vestiges de la chapelle). En , le couvent est fermé et devient bien national. Il est loué au citoyen Riédain qui en sous-loue une partie au citoyen Eugène Coignard.

Les fosses de la Grande Terreur

La guillotine est installée « place du Trône renversé » (devenu place de l'Île-de-la-Réunion) du jusqu'au . Environ 1 300 personnes, parisiennes ou provinciales, y sont exécutées. Afin de recueillir les corps des personnes condamnées à mort, à partir du , les autorités font creuser des fosses sur l'ancien terrain des chanoinesses, et percer une brèche dans un mur d'enceinte (au niveau des actuels numéros 40 et 42 de l'avenue de Saint-Mandé[3]). Cette brèche devait servir à faire entrer les chariots de cadavres[4].

Les fosses communes aujourd'hui. Les espaces en gravier marquent l'emplacement des fosses.

La partie Nord-Est du jardin de l'ancien couvent (devenu entre-temps « maison de santé Coignard »[5]) est choisie pour servir de fosses communes.

Une première fosse commune est creusée et les corps décapités y sont jetés. Une deuxième fosse est creusée quand la première est pleine (une troisième fosse a également été découverte en 1929, mais elle ne contenait pas de cadavres). La chapelle de l'ancien couvent est utilisée par les fossoyeurs comme bureau afin d'inventorier les vêtements dont ils dépouillaient les morts. La tradition précise que le sol de l'endroit étant argileux, le sang des victimes se putréfiait, provoquant des odeurs nauséabondes, d'autant que les fosses étaient seulement couvertes de planches jusqu'à leur clôture par de la terre[6].

Les noms des 1 306 personnes qui y sont enterrées sont gravés sur deux plaques de marbre accrochées près du chœur de la chapelle. Le jardin et ses fosses sont entourés d'un mur.

Réhabilitation

Entrée du cimetière de Picpus.

Le domaine est vendu le 19 fructidor an III ().

Le 24 brumaire an V (), le petit terrain rectangulaire renfermant les deux fosses communes est acheté en secret par la princesse Amélie de Hohenzollern-Sigmaringen (épouse d'Antoine Aloys, prince souverain de Hohenzollern-Sigmaringen), car le corps de son frère, le prince Frédéric III de Salm-Kyrbourg[7], guillotiné en 1794, y repose.

En 1802, une souscription est organisée par la marquise de Montagu pour acquérir l’ancien couvent des chanoinesses ainsi que les terrains avoisinant les fosses communes. Des familles dont les membres avaient été exécutés fondent le Comité de la Société de Picpus pour l'acquisition du terrain, afin d'y établir un second cimetière près des fosses (il n'y a pas de date précise de la fondation de la Société, mais la liste de souscriptions enregistre son premier versement en et elle est close en 1819).

En , le terrain de l'enclos devient la propriété de la « Société de l'Oratoire et du cimetière de Picpus » (aujourd'hui « Fondation de l'Oratoire et du cimetière de Picpus »).

Personnalités du comité

Plaque à l'emplacement de la porte de la Chapelle Picpus.

Dans une réunion tenue en 1802, les souscripteurs désignent onze d’entre eux pour former le Comité :

  1. Mme de Montagu, née L. D. de Noailles, présidente ;
  2. M. Maurice de Montmorency ;
  3. M. Aimard de Nicolaï ;
  4. Mme veuve Le Rebours, née Barville ;
  5. Mme veuve Freteau, née Moreau ;
  6. Mme la marquise de La Fayette, née Adrienne de Noailles ;
  7. Mme veuve Titon, née Benserot ;
  8. Mme veuve de Faudoas, née de Bernières ;
  9. Mme veuve Charton, née Chauchat ;
  10. M. Philippe de Noailles de Poix ;
  11. M. Théodule de Grammont.

Aujourd'hui encore, beaucoup de ces familles nobles utilisent le cimetière comme lieu d'inhumation. On y trouve également des plaques commémoratives en mémoire des membres de ces familles qui ont été déportés et morts dans les camps durant la Seconde Guerre mondiale.

Lieu de souvenir et de prière

Une communauté religieuse dirigée par la Mère Henriette Aymer de la Chevalerie et l’abbé Pierre Coudrin s’installe à Picpus en 1805. Ce sont les Sœurs de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Marie et de Jésus de l’Adoration Perpétuelle (pères et religieuses des Sacrés-Cœurs de Picpus) qui assurent, dès lors, un service à la mémoire des victimes et de leurs bourreaux.

Pendant la Commune de Paris, après la semaine sanglante durant laquelle des dizaines de milliers d'insurgés sont massacrés par les troupes légalistes commandées par Thiers, la communauté est de nouveau touchée : les Pères de Picpus Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu sont pris en otages et sont exécutés par les fédérés lors du massacre de la rue Haxo.

Sur le prospectus remis aux visiteurs de ce lieu de mémoire, il est précisé : « Comme l'ont voulu les fondateurs, l'on prie ici (…) non seulement pour les victimes, mais aussi pour leurs bourreaux, victimes eux aussi d'une des premières manifestations du totalitarisme opposé à toute dignité humaine. Picpus est également un lieu de méditation et de pardon pour l'excès des hommes égarés par les idéologies matérialistes, et, avec la participation de la Congrégation des Sœurs, un lien d'amour des hommes et de confiance dans l'avenir ».

Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, y est inhumé à côté de sa femme, née Adrienne de Noailles.

Son cercueil est recouvert avec la terre qu'il a ramenée de Brandywine. Un drapeau américain, qui flotte en permanence au-dessus de sa tombe est renouvelé tous les 4 juillet, date anniversaire de l'Indépendance des États-Unis. Le , une délégation américaine dépose une gerbe sur la tombe de La Fayette[8]. Ce geste est depuis lors réédité chaque 4 juillet à l'initiative de la Société des Cincinnati de France et de la Société des Fils de la Révolution américaine[9].

Localisation et visites

L'entrée du cimetière est située 35 rue de Picpus, dans le 12e arrondissement. La chapelle, où se trouve la liste des victimes, est tenue par les sœurs des Sacrés-Cœurs. Elle est faite de bois sombre et recouverte d'une couronne dorée. Elle porte le nom de la statue de Notre-Dame de la Paix, qui est exposée à gauche du chœur. Sculptée vers 1530, offerte par Henri de Joyeuse aux Capucins du monastère de la rue Saint-Honoré, les croyants lui attribuent de nombreuses guérisons miraculeuses[10], dont celle dit-on, du Roi-Soleil, guéri[11] d'une des nombreuses maladies dont il souffrait. C'est pourquoi une chapelle plus vaste a été construite, que le roi Louis XIV aurait inaugurée le .

Ce cimetière est l'un des rares cimetières en France où l'entrée est payante[12].

Tombes célèbres

La tombe de La Fayette, pavoisée d'un drapeau américain.

Notes et références

  1. Marie-Christine Pénin, « Cimetière de Picpus: cimetière révolutionnaire », Tombes & Sepultures.
  2. « Cimetière de Picpus et ancien couvent des chanoinesses de Picpus », notice no PA75120002, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. Jacques Hillairet, Le XIIe arrondissement et son histoire, Les Éditions de Minuit, (réimpr. 1989) (ISBN 2-7073-0556-1), p. 302
  4. Cimetière de Picpus (Cimetière révolutionnaire)
  5. Vie et histoire du 12e arrondissement, Hervas - 1999
  6. G. Lenotre, Le Jardin de Picpus, Librairie académique Perrin, Paris, 1928.
  7. d'une branche de la maison de Salm
  8. Une brève mentionne cet événement dans Le Nouvelliste du Morbihan : lire en ligne
  9. « Lieux de mémoire américains à Paris », sur usembassy.gov (consulté le ).
  10. Histoire de cette statue.
  11. fête de Notre Dame de la Paix, sur le site de la congrégation des sacrés-cœurs
  12. Cimetière de Picpus : descriptif, horaires, tarifs et coordonnées, Office du Tourisme et des Congrès de Paris.
  13. Le 4 juillet 1917, quatre mois après avoir débarqué dans la France en guerre, le lieutenant-colonel Charles E. Stanton dit « Lafayette, nous voici ! ». Article sur le site de la Société des Cincinnati de France, phrase attribuée à tort à John Pershing.
  14. Henri Thirion, Le Palais de la Légion d'honneur, ancien Hôtel de Salm : Dépenses et mémoires relatifs à sa construction et à sa décoration; les sculpteurs Moitte, Roland et Roquet. Étude précédée d'une notice historique sur le prince Frédéric de Salm-Kyrbourg, , 110 p.
  15. G. Lenotre, op. cit.

Voir aussi

Bibliographie

  • G. Lenotre, Le Jardin de Picpus, Librairie académique Perrin, Paris, 1928
  • Le Jardin Historique de Picpus, Horizons Blancs, Paris, juin 1970
  • Florence de Baudus, Le Lien du sang, Éditions du Rocher, 2000

Articles connexes

Liens externes

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