Clinker

Le clinker est un constituant du ciment, qui résulte de la cuisson à très haute température d'un mélange composé d'environ 80 % de calcaire (CaCO3 qui apporte l'oxyde de calcium, CaO) et de 20 % d'aluminosilicates (essentiellement des argiles :phyllosilicates) qui apportent les oxydes de silicium (SiO2), d'aluminium (Al2O3) et de fer (FeO et Fe2O3). La « farine » ou le « cru » est formé du mélange de poudre de calcaire et d'argile. La cuisson, ou clinkérisation, se fait à une température d'environ 1 450 °C, ce qui explique la forte consommation énergétique de ce processus.

Ne doit pas être confondu avec Clinger.

Nodules de clinker incandescent à la sortie du four

La clinkérisation explique en partie la contribution importante des cimenteries aux émissions de gaz à effet de serre.

Aspect

Nodules de clinker de ciment habituel après refroidissement

Le clinker se présente sous la forme de nodules durs et cristallisés, de teinte grise foncée pour les ciments habituels et verte pour le clinker de ciment blanc.

Le clinker pour ciment blanc est un clinker spécial à faible teneur en oxydes de fer et donc à point de fusion plus élevé (~1 750 °C) car les oxydes de fer manquent comme fondant (ou flux) dans le diagramme ternaire CaO – SiO2Fe2O3 pour abaisser son point de fusion. Le ciment blanc exige des matières premières (calcaire et argile) ne contenant que très peu d'oxydes de fer. La couleur verte de ce clinker très pur est due aux cations ferreux (Fe2+) davantage dilués dans la masse de sa matrice cristalline. Il est plus onéreux à produire en raison de sa consommation d'énergie plus élevée. Son usage coûteux le destine surtout aux ciments blancs utilisés pour le rejointoyage des carrelages à l'intérieur des bâtiments (p. ex. les locaux sanitaires) et aux bétons de parement (architectonique).

Composition

La composition des clinkers gris est représentée par quatre grandes phases cristallines caractéristiques de la chimie du ciment. Elles sont en moyenne les suivantes :

  • Ca3SiO5 : silicate tricalcique (SiO2 – 3 CaO) : 50 à 65 % (alite) ;
  • Ca2SiO4 : silicate bicalcique (SiO2 – 2 CaO) : 15 à 20 % (bélite) ;
  • Ca3Al2O6 : aluminate tricalcique (Al2O3 – 3 CaO) : 5 à 15 % (aluminate) ;
  • Ca4Al2Fe2O10 : ferro-aluminate tétracalcique (Al2O3 – Fe2O3 – 4 CaO) : 5 à 10 % (ferrite).

Ces quatre phases cristallines sont abbrégées respectivement C3S, C2S, C3A et C4AF en notation cimentière ; « C » représentant ici l'oxyde de calcium (CaO et non le carbone dans cette convention propre aux oxydes), combiné à : S, A et F, les trois autres oxydes respectivement de silicium (SiO2), d'aluminium (Al2O3) et de fer (Fe2O3).

La composition minéralogique des phases du clinker obtenu après cuisson des matières premières crues (raw materials en anglais) est fonction de la composition du mélange de ces matières, de la température, du combustible utilisé, du temps de cuisson et des conditions de refroidissement du clinker (trempe rapide du clinker à l’air pour le solidifier avant que le C3S (alite, la phase la plus recherchée du clinker) n'ait eu le temps de se convertir en C2S (bélite)).

Production du ciment à partir du clinker

Le ciment est produit à partir du clinker par broyage. Lors du broyage, des additifs (gypse, anhydrite, filler calcaire, cendres volantes, fumée de silice...) peuvent alors être ajoutés pour conférer au ciment certaines propriétés. Le clinker plus compact est plus facile à stocker, moins sensible à l'humidité, et moins cher à transporter que le ciment pulvérulent dont la densité volumique sèche est plus faible en raison du foisonnement des grains de clinker moulu. La granulométrie et la finesse du ciment obtenu déterminent sa vitesse de prise. Plus le clinker est moulu fin, plus la surface spécifique du ciment est élevée et plus rapide sera la prise de celui-ci après ajout d'eau lors de la préparation de mortier ou de béton. Plus un ciment est fin, plus élevée est sa résistance à la compression (essai sur prisme de mortier avec un sable de référence de granulométrie calibrée).

Qualité de clinker et environnement

Toxicité des matériaux du clinker

Selon le degré de pureté des ingrédients du cru, des résidus de métaux dits "lourds" (c'est-à-dire toxiques) (thallium, cadmium, mercure, sélénium...) peuvent être présents dans le clinker. Beaucoup de cimenteries utilisent aussi des pneus usagés (contenant des métaux lourds dans leur charge minérale) comme combustible alternatif ou brûlent des déchets industriels, dont les résidus toxiques condensables sont en principe piégés dans les phases minérales du clinker[1], puis de leurs hydrates correspondant après la prise du ciment.

Certains de ces métaux améliorent les propriétés de mise en oeuvre du ciment et du béton, tandis que d'autres les dégradent[2]. Ainsi, un peu de chrome[Combien ?] est susceptible d'accélèrer la prise du ciment et peut augmenter la résistance d'un béton bien préparé, cependant il a le grand défaut d'être un allergène responsable de dermatites de contact[3]. Par contre, le cadmium, le plomb, le chrome[Passage contradictoire (C'est contradictoire avec le contenu de la phrase précédente)], le zinc présents en quantités importantes dans le cru du ciment Portland et du ciment alumineux dégraderont les propriétés du ciment[2]. Comme le cadmium, le zinc est facilement incorporé au ciment Portland dont il augmente le temps de prise et diminue la résistance mécanique du béton[2]. Une quantité excessive d'oxyde de zinc (ZnO) dégrade la résistance des ciments d'aluminate de calcium[2]. Si le ciment est mal dosé, et le béton de mauvaise qualité (trop poreux, trop perméable, manque de ciment...), ces métaux toxiques peuvent partiellement être lessivés (lixiviation) et finir par se retrouver dans les stalactites et les concrétions formées par la lixiviation des ions calcium suivie par la carbonatation de la solution au contact du CO2 atmosphérique.

Emissions de gaz à effet de serre et utilisation d'énergie

La production du clinker est responsable de la majeure partie de la consommation d'énergie des cimenteries, et de leur empreinte carbone (consommation de carbone fossile et émissions de gaz à effet de serre)[4].

Système de quota européen

Cette production tient donc une place importante dans les activités, négociations ou révisions de quota échangeables (ou permis d'émissions transférables) de gaz à effet de serre dans le cadre du système européen de quota mis en place en 2005[5]. Une réduction, dans les produits finis, des taux de clinker ou son remplacement par des alternatives sont, dans ce contexte, des enjeux économiques et environnementaux nouveaux. Mais en 2005, il existait le « dilemme du clinker »[6]. En effet, d'une part, les émissions de CO2 d'une cimenterie peuvent être réduites, essentiellement en diminuant le taux de clinker dans le type de ciment produit (ciment sidérurgique (CEM III) à base de laitier de haut fourneau et ciments composés (CEM II et CEM V)). Cependant, d'autre part, le nombre de quota alloués est indexé à la production de clinker, et le prix de ce dernier n'augmente pas, ou uniquement via une hausse éventuelle du coût marginal de la production (due par exemple à une substitution partielle de combustible fossile par de la biomasse), ce qui n'incite pas à réduire le taux de clinker.[pas clair]

L'alternative est d'indexer le nombre de quota octroyé sur le tonnage produit de ciment et non de clinker, mais ceci pourrait avoir un effet pervers, qui serait d'encourager les cimentiers à simplement importer du clinker (plus transportable que le ciment) pour vendre des quota (ou en acheter moins). Les quota en APP[pas clair] pourraient alors être interdits aux cimentiers ne produisant pas leur clinker localement, mais selon certains, cette procédure risquerait d'être attaquée devant l'organe de règlement des différends de l'organisation mondiale du commerce (OMC).

Les cimenteries font partie des industries (avec la métallurgie et les centrales électriques thermiques notamment) où le captage du CO2 est envisagé pour réduire leur empreinte carbone et celles de leurs produits[7].

Étant donné la part de la consommation d'énergie dans le processus de clinkérisation, de manière générale l'impact environnemental d'un four augmente quand son efficacité énergétique diminue.

Analyse du cycle de vie

L'analyse du cycle de vie (ACV) du clinker varie fortement selon la consommation de ressources (plus ou moins renouvelables et polluantes) et selon les options techniques de production retenues par le cimentier[8].

Un modèle d'ACV a été récemment compilé à partir des données provenant de plus de 100 lignes de production de clinker (avec ou sans précalcination), et de données scientifiques et techniques provenant de la littérature et d'experts du domaine.

Le modèle d'ACV peut être mis à profit par l'industrie cimentière pour choisir des carburants alternatifs (ou des matières premières de substitution), ou communiquer sur sa responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Il peut aussi être utilisé par les autorités, ou les agences, chargées de l'environnement, de l'énergie ou du développement durable pour l'aide à la décision concernant, notamment, les études d'impacts, l'attribution de quota d'émission, ou l'autorisation de cotraitement de déchets (pneus, déchets industriels préparés, boues d'épuration séchées...). Les fours à ciment sont alors utilisés comme incinérateurs à très haute température pour éliminer les déchets toxiques. En termes de bilan global, une réduction des émissions de gaz à effet de serre, de diminution de la consommation de ressources, et surtout de réduction des impacts environnementaux globaux sont possibles.

Notes et références

  1. L. Pawlowski et al. (1999), Neutralization of Hazardous Wastes Combined with Clinker Manufacturing, in Chemistry for the Protection of the Environment, t. 3 (extrait avec books.google)
  2. M. Murata et F. Sorrentino, Effect of large additions of Cd, Pb, Cr, Zn, to cement raw meal on the composition and the properties of the clinker and the cement, Cement and Concrete Research, vol. 26, no 3, mars 1996, p. 377–385 (Institut national des sciences appliquées de Lyon, URA CNRS 341, GEMPPM France), résumé
  3. Chris Winder et Martin Carmody (2000), The dermal toxicity of cement, Toxicol. Ind. Health, août 2002, vol. 18, no 7, 321-331, DOI:10.1191/0748233702th159oa (résumé)
  4. International Energy Agency (1999). In: The reduction of greenhouse gas emission from the cement industry, IEA (International Energy Agency), Greenhouse Gas R&D Programme
  5. P. Quirion (2007), Comment faut-il distribuer les quotas échangeables de gaz à effet de serre ? , Revue française d'économie
  6. Demailly, D. et Quirion, P. (2006), CO2 abatement, competitiveness and leakage in the European Cement Industry under the EU ETS: grandfathering versus output-based allocation, Climate Policy, 6, 93-113 (résumé)
  7. F. Lecomte, P. Broutin et E. Lebas (2009), Le captage du CO2 : Des technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, sur books.google.com
  8. Michael Elias Boesch, Annette Koehler et Stefanie Hellweg, Model for Cradle-to-Gate Life Cycle Assessment of Clinker Production, Environ. Sci. Technol., 43 (19), p. 7578–7583, DOI:10.1021/es900036e, 3 septembre 2009 (résumé)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Prebay, Y., Ando, S., Desarnaud, E. et Desbarbieux, T. (2006), In: Les enjeux du développement durable au sein de l’Industrie du Ciment : réduction des émissions de CO2, Atelier Changement Climatique de l’École des Ponts.
  • (en) Michael Elias Boesch et Stefanie Hellweg (2010), Identifying Improvement Potentials in Cement Production with Life Cycle Assessment, Environmental Science & Technology, 2010, 44 23, 9143-9149.
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