Collégiale Saint-Évroult de Mortain

La collégiale Saint-Évroult de Mortain, classée en 1840 au titre des Monuments historiques[1], est une ancienne collégiale et une chapelle royale qui se dresse sur la commune française de Mortain dans le département de la Manche, en région Normandie.

Collégiale Saint-Évroult de Mortain
Façades ouest et sud.
Présentation
Type
Fondation
XIe siècle
Diocèse
Paroisse
Paroisse Saint-Evroult (d)
Dédicataire
Saint Évroult
Style
Religion
Patrimonialité
Site web
Localisation
Adresse
Coordonnées
48° 38′ 55″ N, 0° 56′ 31″ O

Localisation

La collégiale est située sur la commune de Mortain, dans le département français de la Manche.

Historique

Le chevet.
Vue de la nef vers l'abside.
Vue de la nef vers l'ouest.

La fondation

La collégiale de Mortain est fondée en 1082 par Robert, comte de Mortain, frère utérin de Guillaume, duc de Normandie et roi d'Angleterre.

Robert et son épouse Mathilde de Montgommery achèvent de bâtir l'église de Mortain et l'érigent en collégiale en honneur de Dieu et de saint Évroult avec le consentement du roi Guillaume, de ses barons et de Michel, évêque d'Avranches.

Robert établit des chanoines sur ses propres ressources pour le salut de son âme, du roi son frère, de ses ancêtres et de ses enfants. La collégiale a un doyen et huit prébendes, sept autres prébendes sont fondées par les barons du comte.

Guillaume, fils du fondateur, ajoute l'église d'Yvrandes avec le fief du curé pour le chanoine revêtu de la dignité de doyen. Un chanoine grand-chantre est institué avec des revenus particuliers. Pour les autres prébendes, le comte assigne l'église de Saint-Clément avec la portion appelée le désert, 15 acres de terre, la dîme de la paroisse et de la foire du lieu et celles des vacheries et des bergeries, la dîme de toute la forêt de la Lande Pourrie, des blés, du pannage, du pâturage et la dîme de la moitié de la foire de Saint-Pierre-d'Entremont.

Le comte Guillaume fonde une autre prébende avec toutes les églises de Tinchebray avec les dîmes et la terre de l'aumône, les dîmes de la foire Saint-Luc, de la forêt, pannage, moulins, fours, une rente sur le Trésor et deux acres de terre.

À la demande du comte Robert, Onfroy du Champ-Ernoult fonde une autre prébende avec l'église de Saint-Pierre près de Tinchebray avec sa dîme et 200 acres de terre sur cette paroisse. Raoul Vallée y ajoute 40 acres de terre.

Il est établi par le comte que dans tout le val de Mortain, il n'y aurait pas d'autre école que celle de Saint-Évroult et, si une autre est découverte, les livres seront confisqués par les chanoines et mis au trésor de la collégiale.

Les chanoines, chapelains particuliers du sire de Mortain, ont droit à une partie des offrandes, le doyen et le chantre ont droit à sa table quand il réside à Mortain. Ils sont libres et affranchis de toute coutume sur le territoire de Mortain. L'évêque d'Avranches affranchit la collégiale du synode et de toute coutume épiscopale.

Guillaume, roi d'Angleterre, Robert, comte de Mortain, sa femme Mathilde, son fils Guillaume, Guillaume, archevêque de Rouen, Michel, évêque d'Avranches, Eudes, évêque de Bayeux, Gaufride, évêque de Coutances et Gilbert Maminot, évêque de Lisieux assistent à la dédicace et souscrivent à la fondation[2].

Les prébendes

La collégiale possède deux prébendes de dignités, le doyen et le chantre, quatorze prébendes dont la prébende de Gorron à laquelle sera annexée la théologale.

Prébendes du Rocher, de Beuzeville, du Mesnil-Gilbert, de Condé, de Reffuveille, de Montigny, de Virey, de Husson, de Touchet, de la Mancellière, de Gorron, du Fresne, de Saint-Pierre de Tinchebray, de Notre-Dame de Tinchebray.

En 1575, le chapitre possède le fief de Saint-Barthélemy avec le patronage et la présentation de l'église paroissiale, un petit fief à Saint-Jean-des-Bois, un membre de fief en la bourgeoisie du Teilleul, la maison du doyenné de Mortain, les moulins le roi près de Pont-Bossard, les recettes de la foire de Saint-Pierre à Juvigny et diverses rentes[3].

Les études

À la suite de la guerre de Cent Ans et des troubles de la fin du XVIe siècle, l'écolâtre prébendé de Gorron n'est plus assez riche pour rétribuer des régents et l'instruction s'éteint.

En 1609 est affecté un docteur en théologie chargé de prêcher et de catéchiser avec cette prébende. Il prêche les dimanches et fêtes et donne trois fois par semaine une leçon publique de l'Écriture Sainte. Le titulaire d'une prébende préceptorale instruit gratuitement les jeunes enfants de la ville de Mortain. Il prêche, catéchise et fait des leçons et exhortations au chapitre et aux ecclésiastiques[4].

Vers 1700, les bourgeois de Mortain se plaignent que le théologal ne propose plus de régents et ils en nomment un auquel le chapitre donne une maison et des émoluments attachés à l'école[5].

En 1704, le duc d'Orléans rétablit le collège. En 1745, les prébendes sont modifiées et la prébende de Gorron est répartie entre le théologal élu par le chapitre et les régents du collège, le surplus est réparti entre le curé et ceux qui l'assistent au chœur. En 1789, le collège a quatre professeurs dont un laïc[6].

Le développement et la fin

Le fondateur de la collégiale, Robert de Mortain choisit Vital de Savigny comme chapelain et chanoine de la collégiale. Il occupe cette charge pendant 20 ans. En 1154, les habitants de Mortain s'emparent du corps de saint Guillaume Firmat et ses reliques sont élevées dans la collégiale en 1157 par Herbert, évêque d'Avranches, et Hugues, archevêque de Rouen[7]. Elles se trouvent toujours sur un autel du bas-côté sud de l'église.

L'église actuelle date de 1230 et est due au financement de Mathilde de Dammartin, belle-fille de Philippe Auguste[8]. Son mari, Philippe-Hurepel de Clermont, mort en 1234, était comte de Mortain depuis 1223. En 1256 et 1263, lors de ses visites pastorales, Eudes Rigaud, archevêque de Rouen, fait de nombreuses remarques sur la tenue et la non résidence de nombreux chanoines. Il nomme la collégiale CAPITULUM SANCTI FIRMATI, ce qui prouve qu'avec les reliques de saint Guillaume Firmat, l'église l'associe à saint Évroult[9].

Pendant les guerres de Religions, les chanoines sont inquiétés par les protestants. En 1562, ils protestent contre un édit du duc de Bouillon demandant qu'on leur laisse les armes et moyens de se défendre[10]. En 1582, la marquise de Montpensier donne aux dix vicaires, deux marguillers et quatre enfants de chœur, 12 acres de terre au « Breuil » de Maisoncelles[11] et vers 1600, le duc de Montpensier accorde à la collégiale 100 écus pour la réédification des orgues pillées par les protestants[12]. Pour une meilleure protection, en 1602, le parvis de l'église reçoit une clôture[13].

En 1700, le chapitre a deux dignités, le doyen et le chantre, quatorze chanoines, huit vicaires, deux sacristains et quelques habitués et chapelains qui jouissent de 2 500 livres de rente pour leur subsistance et l'entretien des chanoines présents, des huit vicaires et six enfants de chœur. Pour les réparations de l'église, le doyen a 400 à 500 livres de rente, le chantre 700 à 800 livres et le théologal chanoine de Gorron 3 000 livres[14]. En 1756, les chanoines sont réduits à douze sous la direction du doyen et du chantre. En 1791, les chanoines qui perdent leurs revenus sont indemnisés, le doyen du chapitre, Léon Des Roys titulaire de la prébende d'Équilly : 1 764 livres, Olivier de Cren de Kerbulo, grand chantre, prébendes de Cuves et Saint-Laurent n'a rien demandé, Étienne Julien Lebel, prébende de Tinchebray et curé de Mortain : 1 312 livres. À sa demande, le département lui donne le maître-autel, la lampe d'argent et le dallage en marbre de l'abbaye de Savigny. Les chanoines tenant les prébendes de Beuzeville : 1 161 livres, Husson : 1 649 livres, Condé : 1 034 livres, Touchet : 955 livres, Saint-Pierre-de-Tinchebray : 1 274 livres, Mesnil-Gilbert : 1 191 livres, h[pas clair] : 1 088 livres, Montigny : 800 livres, Fresne : 212 livres, Sablonière : 220 livres et le chanoine Michel Barbey : 1 026 livres[15].

Sigillographie

Sceau ogival du XVIe siècle du chapitre de Mortain : deux bustes à côté l'un de l'autre, celui de dextre tête nue, celui de senestre tête mitrée, accompagnés en haut et en bas d'une croix fleurie[16].

Description

De l'église primitive il ne reste que le portail roman de la façade sud, la nef étant du XIIIe siècle et l'abside de quelques années postérieures, ce qui lui donne un caractère extrêmement homogène.

L'aspect intérieur a été profondément modifié par la restauration de 1993 qui a mis en valeur la voûte en bois qui était recouverte de plâtre, limitait la hauteur de la nef et lui faisant perdre son élégance.

La collégiale, construite en granit, rappelle par ses profils et le détail de sa construction la cathédrale de Lisieux. Elle ne présente aucun des caractères de l'art normand et on peut la rattacher à l'Île-de-France.

Elle comprend une nef à neuf travées terminée par un chevet circulaire avec des bas-côtés qui se continuent autour du chœur formant un déambulatoire sur lequel s'ouvre une unique chapelle. Les bas-côtés sont voûtés d'ogives, la nef est soutenue par de grosses colonnes sur bases carrées, le tailloir supportant trois colonnettes et de grandes arcades réunissaient les nefs en cintres brisées avant la restauration. Le triforium est remplacé par de petites baies en tiers-point, dans l'abside qui est postérieure à la nef, les bases des colonnes sont circulaires et une seule colonnette part du tailloir vers le faîte de l'édifice. D'un point central de la voûte du déambulatoire partent cinq branches d'ogives. La chapelle de la Vierge est composée d'une baie droite et d'une abside voûtée d'ogives.

La façade très simple est divisée en trois parties par des contreforts. À la hauteur du chœur, le maître de l'œuvre avait projeté deux tours carrées, une seule (XIVe siècle) coiffée en bâtière est achevée et se distingue par la hauteur inusitée de ses baies géminées[17].

Les objets classés

Chrismale ou coffret de Mortain.
Chrismale de la collégiale Saint-Évroult de Mortain. Inscription runique.
  • Le chrismale ou coffret de Mortain, du VIIe siècle, consiste en une boite en forme de maison en bois de hêtre évidée, revêtue de lamelles de cuivre repoussé et doré, avec un couvercle à deux pans. Cet objet, anglo-saxon comportant une inscription en runes, est destiné à porter l'Eucharistie en voyage. Sur le toit est représenté un ange aux ailes déployées, mutilé par une fenêtre lorsque le chrismale est devenu reliquaire entre 1864 et 1899. Deux oiseaux se trouvent à côté de cet ange. À l'avant est représenté le Christ pantocrator entre saint Michel et saint Gabriel. Le faîtage du toit est décoré à ses extrémités par deux acrotères en forme de lyre. Une inscription en caractères runiques : QUE DIEU AIDE EADA QUI FIT CE KIISNEEL. Les runes localisent cet objet du nord de l'Angleterre où le chrismale était porté par des moines irlandais[18].
  • Les stalles du XVIe siècle sont au nombre de vingt-quatre, disposées en forme de « U » fermant le chœur des chanoines. Elles ont un rôle acoustique et les miséricordes permettent une longue station debout. Le travail de ses stalles est fort délicat, il y a de la finesse et de la naïveté dans les sculptures des miséricordes où on voit des anges, des personnages, des têtes d'aigles, des monstres, des lions, une bête monstrueuse avec la tête d'un homme et le corps d'un lion, un moine dans une attitude de frayeur, des têtes très laides, un berger jouant de la cornemuse, deux cordonniers avec leurs tabliers, un cheval ailé, un gros moine fort laid, une figure accroupie d'où partent des oreilles d'âne, un monstre avec la figure d'un homme et une queue de reptile, une femme tenant un objet, un monstre avec un corps de lion et un tête de singe, des sauvages[19],[20].
  • Le maître-autel de 1740 ou 1759 forme un ensemble composé du maître-autel et de ses emmarchements ainsi que sa garniture, composé d'une croix et de six chandeliers en bronze doré. La structure de l'autel est en marbre rouge de Saint-Berthevin, les encadrements des médaillons en marbre de Carrare, les médaillons en marbre jaune de Cossé et la base en blanc veiné des carrières limitrophes de Saint-Berthevin. Les garnitures sont d'époque Louis XVI[21].
  • La lampe de sanctuaire du XVIIIe siècle en bronze doré d'une hauteur de 3,33 m dont la lampe de 1,65 m porte les armoiries de l'abbaye de Savigny[22].
  • Le chandelier pascal en bronze argenté d'une hauteur de 1,18 m porte les armoiries de madame de Géraldieu, abbesse de l'abbaye Blanche, le fondeur est M. Le Clair[23].
  • L'orgue de tribune dont seul le buffet en bois du XVIIIe siècle est classé, restaurateur : Chéron[24].
  • Les tableaux : le baptême d'un nouveau né de la famille de Grainville est du XIXe siècle, peintre : Bazin[25]. Le pape Honorius II remettant à saint Norbert la bulle d'approbation de l'Ordre des Prémontrés provenant de l'abbaye de la Lucerne est de 1640, restauré en 1942, peintre : La Haie[26].

Annexes

Bibliographie

  • Victor Gastebois : Vieux Mortain, chapitre III, pages 113-161 (sur gallica)
  • Abbé Desroches, Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, (lire en ligne), p. 329 sur Gallica
  • Abbé Dessèches : Histoire du Mont-Saint-Michel, pages 218-223
  • Henri Moulin : La collégiale de Mortain
  • Hippolyte Sauvage : Le collège de Mortain, son passé, son avenir
  • De Gerville : « La collégiale », Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, tome I, pages 101-145
  • Marc Thibaut : « La collégiale de Mortain », communication au congrès archéologique de France, 1953
  • Léon Blouet : « La collégiale des comtes de Mortain »
  • Gilles Buisson : « Le collége de Mortain, 1082-1932 », Revue du département de la Manche, 1961, n° 9
  • A. Landurant : « Les enluminures du livre des Évangiles de la collégiale Saint-Évroult de Mortain », Revue du département de la Manche, 1983, n° 96
  • Dubosc : Inventaire sommaire des archives départementales de la Manche, série A, n° 490, 692, 696, 698, 715, 716, 717, 718, 719, 760, 737, 738, 1506, 1764
  • Bulletin monumental, 1911, pages 313-317
  • Bulletin monumental, 1839, page 369
  • Monuments historiques de la France, 1958 : « Le coffret de Mortain », pages 83-93

Articles connexes

Liens Externes

Notes et références

  1. « Église Saint-Evroult », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. Abbé Dumaine : Tinchebray et sa région, tome : 1, pages: 23-25, Vidimus en latin par Philippe de Valois en 1330, page 503.
  3. Mémoires de la société d'archéologie, de littérature, sciences et arts d'Avranches, 1898, page 202.
  4. Archives départementales de la Manche, A 717.
  5. Archives départementales de la Manche, A 718.
  6. Abbé Lerosey, Notices, mémoires et documents publiés par la société d'agriculture, archéologie et d'histoire naturelle du département de la Manche, 1904, pages: 105-106.
  7. Notices, mémoires et documents publiés par la société d'agriculture, d'archéologie et d'histoire naturelle du département de la Manche, page: 54.
  8. Sophie Droullours et Michel Hébert, Mortain et son canton, 10 communes du bocage du Mortainais, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 157 p. (ISBN 978-2-84706-410-0), p. 41.
  9. Visites pastorales d'Eude Rigaud, pages: 245 et 458.
  10. Archives départementales de la Manche, A 692.
  11. Archives départementales de la Manche, A 737.
  12. Archives départementales de la Manche, A 738.
  13. Archives départementales de la Manche, A 490
  14. Pierre Gouhier, L'intendance de Caen en 1700, page: 531.
  15. H. Sauvage, Mortain pendant la terreur.
  16. G. Demay, Inventaire des sceaux de Normandie, no 2371, page 261.
  17. Le bulletin monumental, 1911, pages: 313-317.
  18. « Notice n°PM50000733 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  19. « Notice n°PM50000732 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  20. Léon de la Sicotière dans Bulletin monumental, 1839, pages 373-381.
  21. « Notice n°PM50000734 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  22. « Notice n°PM50001502 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  23. « Notice n°PM50001501 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  24. « Notice n°PM50001566 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  25. « Notice n°PM50001368 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  26. « Notice n°PM50000740 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
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