Comité des secrétaires-généraux

Le Comité des secrétaires-généraux (néerlandais : Comité van de secretarissen-generaal) fut la plus haute autorité administrative belge durant l'occupation militaire allemande entre juin 1940 et juillet 1944[note 1]. Il fut créé par l'arrêté-loi du sur le transfert des pouvoirs en temps de guerre. Un accord de coopération avec l'administration militaire allemande fut conclu le . Le Comité était composé des hauts-fonctionnaires (Secrétaire-général) à la tête des principaux ministères.

Avis trilingue de l'administration militaire allemande concernant le rationnement en Belgique. La plupart des ordonnances de ce type furent prises après discussion avec le Comité.

Contexte

Le comité fut installé par le gouvernement d'Hubert Pierlot le et chargé de superviser le fonctionnement de base de l'État belge durant l'absence du gouvernement officiel[1] Alors que les ministres partaient pour Bordeaux, les secrétaires-généraux de chaque ministère reçurent l'ordre de rester au pays avec les autres fonctionnaires pour permettre à l'État de continuer à fonctionner[2].

Objectifs et rôles

Sous l'occupation allemande durant la Première Guerre mondiale, beaucoup de travailleurs belges ont fait acte de résistance passive en refusant de travailler pour administration militaire allemande. Cela avait mené à des représailles à grande échelle contre les civils, l'occupant tentant de mener sa politique par la force.

Le Comité espérait éviter que les Allemands soient impliqués dans l'administration quotidienne du territoire comme cela avait été le cas durant la Première Guerre mondiale et ainsi permettre à la Belgique de conserver un certain degré d'autonomie et d'indépendance[3]. Le Comité avait également espéré être capable de prévenir l'implémentation des politiques les plus radicales comme le travail forcé et la déportation[3]. La base légale du Comité fut la loi du qui permettait, en temps de crise, à un secrétaire-général d'exercer le contrôle entier sur son ministère sans avoir le statut de ministre[3].

Place au sein de l'administration allemande

Après la capitulation de l'armée belge le , les Allemands mirent sur pieds une administration militaire dirigée par un aristocrate et militaire de carrière, le général Alexander von Falkenhausen[4]. Une section de l'administration, appelée Militärverwaltungsstab et commandée par Eggert Reeder, fut responsable de l'administration quotidienne du territoire[1]. Le Militärverwaltungsstab transmettait ses ordonnances aux secrétaires-généraux en vue de leur exécution.

Secrétaires-généraux

Un premier Comité de cinq personnes fut installé après le départ du gouvernement en . En , ils furent rejoints par 5 secrétaires-généraux supplémentaires représentant d'autres ministères[2]. Au début de l'année 1941, il y eut un remaniement qui vit le remplacement de la plupart des secrétaires-généraux[5]. Le remaniement de 1941 introduisit des secrétaires pro-allemands comme Gérard Romsée qui était membre du parti flamand pro-nazi VNV[2].

Comité original

[2] Nom Ministère
Alexandre Delmer Président du Comité; Travaux publics
(Limogé en 1941)[5]
Jean Vossen Intérieur
Marcel Nyns Éducation nationale
Oscar Plisnier Finances
(Président du Comité à partir de 1941)[5]
Charles Verwilghen Travail et sécurité sociale
(Limogé en )[6]

Ajout d'août 1940

[2] Nom Ministère
Baron Ernst de Bunswyck Justice
Emile De Winter Agriculture
Victor Leemans Affaires économiques
J. Castau Transport et PTT
Edouard De Jonghe Colonies

Remaniement de 1941

[5] Nom Ministère
Gérard Romsée Intérieur
Gaston Schuind Justice
(Limogé en )[6]
A. De Cock Travaux publics
Gaston Claeys Transport
M. Van Hecke Colonies

Politique

Tout au long de l'année 1940, les secrétaires-généraux ont continué à suivre leur politique du moindre mal, influencée par la doctrine Galopin, dans l'espoir que les occupants respecteront le protocole établi durant la Convention de La Haye de 1907[5]. En , les Allemands purent opérer des changements fondamentaux dans l'organisation communale sans résistance malgré le Comité[3] Dès l'été 1940, le Comité est devenu de plus en plus divisé entre les membres désireux de renforcer la collaboration avec les Allemands, dirigé par Victor Leemans, et ceux qui souhaitaient rester strictement dans le cadre légal belge, dirigé par le baron Ernst de Bunswyck[5]. Les tensions augmentèrent entre les Allemands et le Comité en si bien qu'au début de 1941, les Allemands le remanièrent par la nomination de membres pro-nazis[5]. À partir de , il est devenu clair que le Comité ne serait plus en mesure de résister aux demandes allemandes, même celles en violation flagrante avec la Convention de La Haye[6].

À partir de 1942, les membres collaborationnistes du Comité purent poursuivre plus en avant leurs politiques. Au ministère de l'intérieur, Gérard Romsée favorisa la nomination de bourgmestres appartenant aux partis de droite pro-nazis Rex et VNV[6]. Il nomma également à la tête de la police belge le pro-allemand Emiel Van Coppenolle[6]. Au même moment, Leemans encouragea la fusion de divers bureaux centraux pour coordonner les industries (copiant ainsi la Gleichschaltung d'avant-guerre) et permettre une plus grande intégration économique avec l'Allemagne nazie[6]. Les autres membres du Comité ont également été responsables de la création d'autres groupes, comme l'Office national de travail (ONT) qui serait utilisé pour coordonner la déportation des travailleurs belges vers les usines en Allemagne à partir d'[7].

En , le Comité annonça qu'il refusait d'appliquer la législation anti-juive mais il ne put résister à sa mise en œuvre par l'administration militaire[7]. La position ambivalente du Comité signifia que les policiers et fonctionnaires belges n'avaient pas l'instruction de refuser de participer aux rafles dans le cadre de la solution finale à partir de 1942[7].

Critiques

En dépit de ses objectifs, le Comité fut en grande partie responsable de la facilité avec laquelle les Allemands purent mettre en œuvre leur politique en Belgique et fut incapable de modérer de nombreuses politiques allemandes comme la déportation forcée des travailleurs en Allemagne (mais reportée à ) ou la persécution des Juifs[8]. La délégation par les Allemands de tâches au Comité montre que les Allemands utilisèrent efficacement l'administration publique en place, ce qui permit une mise en œuvre beaucoup plus efficace que si cela avait été réalisé par la force[3]. Étant donné que la Belgique était dépendante de l'Allemagne pour les importations de nourriture dont elle avait besoin, le Comité fut toujours dans une position désavantageuse lors des négociations[3].

Le comité fut fortement critiqué par le gouvernement belge en exil à Londres pour l'aide apportée aux Allemands[6],[9]. Les secrétaires-généraux furent également impopulaires en Belgique même. En 1942, le journaliste Paul Struye les décrivait comme sujets à une croissante et quasi-unanime impopularité[10]. En tant que visage de l'autorité d'occupation allemande, ils devinrent également impopulaires parmi la population qui les blâma pour la mise en œuvre des exigences allemandes[6].

Après la guerre, plusieurs secrétaires-généraux ont été jugés pour collaboration avec l'occupant. Tous sauf 2 sont rapidement acquittés. Romsée fut condamné à 20 ans de prison et Schuind à 5 ans[8].

Notes

  1. Le fondement de la politique dite du moindre mal était que le maintien du contrôle sur les fonctions de l'État et le fonctionnement normal du gouvernement était la meilleure façon de préserver les intérêts belges. Cette politique constituait la base de la doctrine Galopin, qui a permis une collaboration limitée afin d'éviter les représailles allemandes potentielles ou le déclin industriel d'après-guerre.

Références

  1. (en) Mark Van den Wijngaert et Vincent Dujardin, La Belgique sans Roi, 1940-1950 (Nouvelle Histoire de Belgique, 1905-1950 (vol.2)), Bruxelles, Éd. Complexe, , 204 p. (ISBN 2-8048-0078-4)
  2. (en) Dictionnaire de la Seconde Guerre Mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille éd., , 527 p. (ISBN 978-2-87495-001-8), p. 408
  3. (en) Mark Van den Wijngaert et Vincent Dujardin, La Belgique sans Roi, 1940-1950 (Nouvelle Histoire de Belgique, 1905-1950 (vol.2)), Bruxelles, Éd. Complexe, , 204 p. (ISBN 2-8048-0078-4)
  4. Jay Howard Geller, « The Role of Military Administration in German-occupied Belgium, 1940–1944 », Journal of Military History, vol. 63, no 1, , p. 99
  5. (en) José Gotovitch et Paul Aron, Dictionnaire de la Seconde Guerre Mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille éd., , 527 p. (ISBN 978-2-87495-001-8), p. 409
  6. (en) José Gotovitch et Paul Aron, Dictionnaire de la Seconde Guerre Mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille éd., , 527 p. (ISBN 978-2-87495-001-8), p. 410
  7. (en) José Gotovitch et Paul Aron, Dictionnaire de la Seconde Guerre Mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille éd., , 527 p. (ISBN 978-2-87495-001-8), p. 412
  8. (en) José Gotovitch et Paul Aron, Dictionnaire de la Seconde Guerre Mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille éd., , 527 p. (ISBN 978-2-87495-001-8)
  9. (en) Thierry Grosbois, Pierlot, 1930–1950, Bruxelles, Racine, , 398 p. (ISBN 2-87386-485-0, lire en ligne)
  10. (en) Guillaume Jacquemyns et Paul Struye, La Belgique sous l'Occupation Allemande : 1940–1944, Bruxelles, Éd. Complexe, , Rev. éd., 439 p. (ISBN 2-87027-940-X), p. 141

Source

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Committee of Secretaries-General » (voir la liste des auteurs).
  • (nl)A. De Jonghe, De personeelspolitiek van de Militärverwaltung te Brussel gedurende het eerste halfjaar der bezetting (juni-december 1940). Bijdrage tot de studie van de Duitse Flamenpolitiek in Wereldoorlog II.
  • (nl)Nico Wouters, Oorlogsburgemeesters 40/45. Lokaal bestuur en collaboratie in België., Lannoo, 2004.
  • (nl)N.Wouters, De Führerstaat: overheid en collaboratie in België (1940-1944), Lannoo, 2006.
  • (nl)M. Van den Wijngaert, Tussen vijand en volk. Het bestuur van de secretarissen-generaal tijdens de Duitse bezetting 1940-1944 in: België in de Tweede Wereldoorlog. Deel 9, Het minste kwaad, uitg. DNB, Pelckmans, Kapellen, 1990. Disponible sur dbnl, 2008.
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