Commerce de Marseille

Le Commerce de Marseille est un navire de guerre en service dans la Marine française de 1788 à 1793, puis dans la Royal Navy britannique jusqu'en 1802. C'est un vaisseau de ligne de premier rang, portant 118 canons[1] sur trois ponts. Ce vaisseau ne doit pas être confondu avec le Commerce de Marseille (en), septième navire de la classe Téméraire, lancé en 1785. C'est un bâtiment qui est construit selon les plans types standardisés des ingénieurs Sané et Borda. Il est capturé par la Royal Navy au siège de Toulon et termine sa carrière en tant que bateau-prison quelques années plus tard.

Commerce de Marseille

Modèle réduit du Commerce de Marseille au 1/48 se trouvant à Marseille.
Autres noms HMS Commerce de Marseille
Type Vaisseau de ligne, classe Commerce de Marseille
Histoire
A servi dans  Marine royale française
 Marine de la République
Chantier naval Toulon
Commandé
Quille posée 1786
Lancement
Armé octobre 1790
Équipage
Équipage 1 130 hommes
Caractéristiques techniques
Longueur 65,18 mètres
Maître-bau 16,24 mètres
Tirant d'eau 8,12 mètres
Tonnage 5 095 tonnes
Propulsion voiles (3 250 m2)
Caractéristiques militaires
Blindage bois
Armement 118 canons

Construction

Le Commerce de Marseille est le premier d'une série de seize unités, la classe Commerce de Marseille. Ce sont les plus puissants navires de guerre de la fin du XVIIIe siècle, destinés à être les vaisseaux-amiraux des escadres françaises.

Les plans du nouveau modèle de vaisseau trois-ponts sont établis en 1784 par l'ingénieur Sané, qui est aussi l'auteur des plans des nouveaux modèles de frégates de 18, de vaisseaux de 74 et de 80 canons : la Marine royale cherche à faire des économies d'échelle en standardisant ses nouvelles unités.

La construction des deux premiers vaisseaux de 118 canons est ordonnée le , l'un à Toulon pour servir de navire amiral à la flotte du Levant, l'autre à Brest pour servir d'amiral à la flotte du Ponant. Celui de Toulon, construit de 1786 à 1790, est baptisé le Commerce de Marseille en l'honneur des négociants de cette ville qui participent au financement de sa construction par des dons importants réunis par leur chambre de commerce.

Caractéristiques

Le Commerce de Marseille sous pavillon royal et tricolore au début de la Révolution française.

La coque fait 196 pieds 6 pouces (soit 65,18 mètres) de long de l'étrave à l'étambot, 50 pieds de large (16,24 mètres) et 25 pieds de creux (8,12 mètres). Le volume approche les 3 000 tonneaux, avec un déplacement à plein de 5 100 tonnes ; malgré les 3 200 m2 de voiles, la vitesse ne dépasse pas les 9 ou 10 nœuds maximum.

Bien que dénommé « vaisseau de 118 canons », le vaisseau porte en fait 124[2] pièces d'artillerie si on compte les caronades :

Le poids total d'une bordée est de 1 368 livres de boulets.

Les essences utilisées sont surtout du chêne (pour la coque), avec un peu de pin et de sapin (pour les différents mâts[3], composés de plusieurs troncs maintenus par des cercles de fer). Les pièces d'artillerie et les boulets[4] sont en fer[5], les cordages en chanvre goudronné, les vingt-et-une voiles en toile de chanvre. L'étanchéité des œuvres vives est assurée par un calfatage au goudron, avec un doublage par 2 800 plaques en cuivre[6]. La décoration de proue et de poupe est assez simple, surtout comparée à celle du règne de Louis XIV.

Grâce à notamment deux peintures représentant le vaisseau, on sait comment le vaisseau est peint : la première batterie et la carène sont en noir de fumée (gris très sombre), les deuxième et troisième batteries en ocre jaune, le bastingage en bleu outremer (ce qui est rare car à l'époque le bleu est cher), les ponts et l'intérieur sont blanchis à la chaux sauf dans les batteries qui sont ocre rouge, la décoration est en jaune de Naples avec quelques éléments dorés à la feuille d'or.

Une courte carrière

Lancé le , le Commerce de Marseille est achevé en octobre 1790, mais il ne sert pas longtemps de navire amiral à l'escadre du Levant alors que la guerre avec l'Angleterre reprend au début de 1793. Avec la chute de la monarchie, les troubles dans Toulon, déjà nombreux depuis 1789, s’amplifient et tournent à la guerre civile. Le , la flotte anglo-espagnole de Hood entre dans la rade de Toulon ; le contre-amiral Saint-Julien donne l'ordre du branle-bas de combat, mais seuls quatre vaisseaux (dont le Commerce de Marseille, sans officier et commandé par l'équipage) sur dix-sept obéissent. La ville, avec l'arsenal et la majeure partie de la flotte[7], sont livrés aux Britanniques. Mais la contre-offensive républicaine s'organise et le , l'armée française entre dans Toulon, juste après l'appareillage de la flotte britannique de Samuel Hood. Celui-ci emmène avec lui trois vaisseaux capturés, dont le Commerce de Marseille. Les stocks de bois de l'arsenal et neuf vaisseaux sont incendiés[8].

Le grand trois-ponts passe sous pavillon anglais et devient le HMS Commerce de Marseille. Dans un premier temps, l'Amirauté britannique, qui souffre d'un certain complexe d'infériorité vis-à-vis des constructions navales françaises, fait de lui un véritable panégyriques après l'avoir essayé : « Vaisseau aux lignes exceptionnellement fines, un bon navire de haute mer [...]. En dépit de ses dimensions, il navigue comme une frégate, il a une bonne tenue à la mer. Peu de navires sont comparables à lui, c´est un remarquable navire, très sûr et aisé »[9]. Mais dans un deuxième temps, la marine anglaise semble ne pas savoir quoi faire de ce géant. L'un des plus importants constructeurs anglais, Gabriel Snodgrass, spécialiste des bâtiments de l’East India Company, juge les trois-ponts français comme « des monstres ridicules »[9]. A la même époque, les marins français eux-mêmes leur préfèrent les 80 canons, plus rapides et plus manœuvrants[9]. D'abord stationné à Portsmouth, le vaisseau part ensuite pour les Antilles, loin des combats que mène la Royal Navy dans les eaux européennes contre sa rivale française[10]. En 1795, une tempête l'abîme gravement. Le Commerce de Marseille est transformé en magasin flottant, puis en ponton-prison à partir de février 1799. Il est finalement démoli en 1802.

Notes et références

  1. Le vaisseau est de 118 canons, sans compter les six caronades qui portent la puissance de feu à 124 pièces d'artillerie.
  2. Selon le règlement de 1786 détaillant l'armement et l'équipage des nouveaux vaisseaux de 74, 80 et 118 canons.
  3. Pour porter toute la voilure il faut onze mâts, à raison de deux pour le beaupré, trois pour la misaine, le grand mât et l'artimon.
  4. Une dotation de 60 boulets est prévue pour chaque pièce d'artillerie.
  5. Le terme de « fonte » peut prêter à confusion, car aux XVIIe et XVIIIe siècles il désigne en fait du bronze, et non un alliage à base de fer (la fonte au sens contemporain). Il est évidemment hors de question de tirer des boulets de bronze, matière qui est six à sept fois plus cher que le « fer ». Il en est de même pour les canons, malgré une question de prestige : si au début du règne de Louis XIV tous les gros canons (36 et 24 livres) sont en « fonte » (bronze), ils sont remplacés rapidement par des canons en « fer » (fonte), qui deviennent majoritaires à partir de 1696. Source : Jean Peter, L'artillerie et les fonderies de la marine sous Louis XIV, éditions Economica, 1995.
  6. Le doublage au cuivre de la carène empêche les tarets et les algues de se fixer sur la coque, ce qui endommage et ralenti considérablement un navire.
  7. Le contre-amiral de Saint-Julien évacue la rade de Toulon avec sept vaisseaux, tandis que le commandant de la flotte, le comte de Trogoff, passe du côté des Britanniques.
  8. Les magasins de l'arsenal et les vaisseaux dans les bassins de Toulon sont incendiés par William Sidney Smith sur ordre de l'amiral Samuel Hood.
  9. Cité par Michèle Battesti dans napoleon.org, L'explosion de l'Orient, l'un des vaisseaux les plus puissants du monde. L’Orient est un sister ship du Commerce de Marseille.
  10. En utilisant des trois-ponts de 100-104 canons plus « classiques » comme le HMS Queen Charlotte, le HMS Royal George ou le HMS Victory.

Voir aussi

Bibliographie

  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française, Rennes, éditions Ouest-France,
  • Gérard Delacroix, Le Commerce de Marseille, 1788-1801 : vaisseau de 118 canons, L'Union, éditions Gérard Delacroix, (ISBN 2-9527406-0-7, présentation en ligne).
  • Jean-Michel Roche (dir.), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870, éditions LTP, , 530 p. (lire en ligne)

Liens internes

Liens externes

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