Crise irano-soviétique
La crise irano-soviétique appelée aussi crise iranienne ou crise d'Azerbaïdjan désigne les tentatives sécessionnistes des provinces kurde et azéri iraniennes, avec l'aide de l'URSS en 1945 et 1946, pour établir des États pro-soviétiques. Le nord de l'Iran avait été occupé par les troupes soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale ; la crise commença quand Staline refusa de retirer les troupes soviétiques d'Iran après la fin de la guerre. Cette crise fut la toute première épreuve de forces de ce qui allait devenir la guerre froide.
Date |
– (1 an et 1 mois) |
---|---|
Lieu | Iran |
Issue | Victoire iranienne. Dissolution de la République de Mahabad et du Gouvernement populaire d'Azerbaïdjan |
Iran | Gouvernement populaire d'Azerbaïdjan République de Mahabad Union soviétique |
Mohammad Reza Pahlavi Ghavam os-Saltaneh Haj Ali Razmara Fazlollah Zahedi | Jafar Pishevari Ahmad Kordary Qazi Muhammad Moustapha Barzani Ahmed Barzani |
Forces armées iraniennes | 12 750 Peshmergas |
Plusieurs centaines de morts. | Inconnues |
Crise irano-soviétique
L'invasion anglo-soviétique
À l’été 1941, l’Union soviétique et le Royaume-Uni cherchent à sécuriser une route de ravitaillement, alors que l'URSS est en pleine lutte contre l'Allemagne nazie sur le Front de l'Est. Les deux pays s'entendent pour occuper chacun une moitié de l'Iran au prétexte que le shah (roi ou empereur) Reza Chah Pahlavi, qui a déclaré la neutralité de son pays, refuse d'expulser les ressortissants de l’Axe. Les deux pays envahissent l'Iran avec des pertes légères : sans le soutien d'alliés militaires, les forces iraniennes sont rapidement submergées et neutralisées par les chars et l'infanterie britanniques et soviétiques. Les forces britanniques et soviétiques se rencontrent à Senna, à 300 km au nord-est de Hamadan, le 30 août. Faute de moyens de transport, les britanniques décident de ne pas déployer de troupes derrière la ligne Hamadan-Ahvaz. Pendant ce temps, le nouveau Premier ministre iranien Mohammad Ali Foroughi demanda à l'ambassadeur allemand à Téhéran de quitter l'Iran avec son personnel. Les ambassades allemande, hongroise, italienne et roumaine furent fermées et presque tous les citoyens allemands furent livrés à l'administration militaire britannique ou soviétique. Mais sous l'assertion selon laquelle il y avait encore des agents allemands en Iran, les troupes britanniques et russes décident d'occuper quand même Téhéran le . Un jour plus tard, Reza Shah est contraint d'abdiquer en faveur de son fils Mohammad Reza Pahlavi et est envoyé en exil par les Britanniques. Le 17 octobre, les troupes britanniques se replient vers le sud et les troupes soviétiques se replient vers le nord de l'Iran. Ainsi, l'Iran reste divisé en une zone d'occupation britannique et soviétique jusqu'à la fin de la guerre[1]. L'armée iranienne se voit également interdire de déployer ses propres forces dans les territoires occupés par les troupes soviétiques dans le nord de l'Iran. En conséquence, le gouvernement central de Téhéran perd vite le contrôle du nord du pays[2].
Déjà le 2 octobre 1941, le Parti communiste Tudeh, inféodé à l'URSS, est fondé. Parmi les membres fondateurs se trouvaient l'écrivain Bozorg Alavi. Soleiman Mohsen Eskandari fut élu premier président. Le parti prit vite de l'ampleur. Dans de nombreux endroits, des organisations régionales du parti se formèrent, principalement dans les zones industrielles en Azerbaïdjan, à Ispahan, dans le Gilan, le Mazandaran et le Khorassan. Lors de la première réunion du parti à Téhéran en 1942, on dénombra 120 délégués. En 1946, le parti Toudeh comptait déjà 26 000 membres et était devenu une force importante dans le paysage politique iranien[3]. En 1944, le parti Tudeh accède à la quatorzième assemblée du Majlis avec 8 de ses candidats, où il soutint inconditionnellement la politique de l'URSS.
Mohammad Reza Chah, qui succède à son père, conclut avec les puissances occupantes en janvier 1942 un traité prévoyant le retrait de leurs troupes six mois après la fin de la guerre. À la fin de la guerre, en septembre 1945, les cinq ministres des Affaires étrangères alliés conviennent, lors de leur rencontre à Londres, que ce retrait interviendra au plus tard le 2 mars 1946.
Très vite cependant, il devient évident que l'URSS est à l'affût d'un prétexte pour ne pas tenir compte de cet engagement. Trois raisons l'y poussent : l'absence, sur sa frontière sud, d’un glacis comparable à celui qu'elle a réussi à imposer en Europe ; la vulnérabilité des gisements du Caucase, d'où l'URSS tire alors l'essentiel de son approvisionnement en pétrole ; l'effort séculaire pour l'accès aux mers chaudes, l'ancienne Russie impériale a toujours convoité l'accès à ces mers dont les ports ne sont jamais prisonniers des glaces. En octobre 1944, face aux appétits soviétiques latents, le député Mohammad Mossadegh dépose devant le Parlement un projet de loi visant à interdire la ratification d'accord d'exploitation pétrolière à un ministre ou un autre notable (qui pourrait être un agent de l'étranger) sans accord préalable du Majlis. Le projet de loi est validé par le Parlement le 2 décembre[4].
Révoltes en Iran et revendications soviético-sécessionnistes
Le prétexte est fourni par une révolte survenue à Tabriz, capitale de l'Azerbaïdjan iranien (partie de l'Azerbaïdjan restée iranienne après l'annexion par l'empire russe, en 1828, du nord de cette province turcophone). En juillet 1945, Staline publie plusieurs décrets incitant à la sécession de la province iranienne d'Āzarbāydjān occupée par les soviétiques et la création d'une République autonome d'Azerbaïdjan[5],[6]. L'objectif de Staline était de placer les réserves et les exploitations pétrolières dans le nord de l'Iran sous le contrôle soviétique[7].
Fin octobre 1945, la gendarmerie de Tabriz signala que des camions transportant des armes étaient arrivés dans la ville et que le contenu avait été distribué à des sections de la population. Un peu plus tard, les postes de police de Tabriz et des environs ont été attaqués par des hommes armés. En novembre 1945, les soviétiques soutiennent ouvertement les insurgés, envoyant des troupes de l'Armée rouge supplémentaires pour empêcher les renforts de police et de gendarmerie envoyés au Kurdistan et à entrer dans les provinces. Le ministre iranien des Affaires étrangères Najm envoya une note de protestation à l'ambassade soviétique demandant à l'Union soviétique de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Iran au Kurdistan (ainsi qu'en Azerbaïdjan, toujours sous occupation soviétique et où le gouvernement iranien craint une expérience similaire). Les insurgés proclament, en , une république autonome azérie dont les postes clés sont tenus par des communistes, certains d’entre eux ayant déjà participé à une tentative analogue au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Dans la province voisine, les craintes du gouvernement iranien se concrétisent : les Kurdes cherchent également à établir un État indépendant à Mahabad. Dans la foulée des événements d'Azerbaïdjan, une autre république autonome nommée république de Mahabad est proclamée au Kurdistan iranien, qui s’empresse de conclure une alliance avec les insurgés de Tabriz. L’Armée rouge y empêche également la gendarmerie de rétablir l’ordre.
Le Tabriz est occupée par des membres armés du Fiqeh démocrate, qui constituent une Assemblée nationale de l'Azerbaïdjan et un gouvernement du peuple azerbaïdjanais avec Ja'far Pichevari désigné comme premier ministre à la vie[8]. Les troupes du général iranien Karim Varahram capitulent après la proclamation du gouvernement populaire d'Azerbaïdjan à Tabriz. Les soviétiques semblent avoir triomphé et se voient déjà avoir une plus grande influence en Iran ; une carte imprimée en 1943 à Bakou divisait l'Iran en plusieurs républiques indépendantes. La carte montre la République démocratique d'Azerbaïdjan, composée des Azerbaïdjan soviétique et iranien, la République du Kurdistan, sur le territoire de l'Ouest iranien jusqu'à Bushehr inclus, la République d'Arabistan, composée de la province de Khouzistan, de la République du Baloutchistan, incluant Kerman et Makran, la République de Khorassan, incluant la province du même nom, mais aussi l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, la République de Tabaristan qui comprenait les provinces limitrophes de la mer Caspienne et la République du Fars, qui couvrait le centre du territoire iranien[9].
La question du retrait des troupes alliées de l'Iran avait été discutée en détail à la conférence de Potsdam le . Il fut décidé que les troupes se retireraient de la capitale, Téhéran, mais resteraient stationnées en Iran jusqu'à six mois après la fin de la guerre avec le Japon. Après la chute des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki et la reddition japonaise le 2 septembre 1945, la date par déduction du gouvernement iranien du retrait des troupes alliées fut fixée au 2 mars 1946. Les gouvernements britannique et soviétique avaient accepté cette date de déduction[10].
Négociations avec Staline
À la mi-janvier 1946, le Premier ministre iranien Ebrahim Hakimi décide de saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies le , qui incita le gouvernement iranien à négocier directement avec l'Union soviétique, afin de trouver une solution concernant les mouvements séparatistes. Le 20 janvier 1946, le Premier ministre Hakimi démissionne en raison d'une menace de vote de défiance du parlement iranien. Sur la suggestion du Parlement iranien (Majlis), Ahmad Ghavam est nommé Premier ministre par le shah Mohammad Reza Pahlavi. Dans les derniers jours de , après des semaines de ce qu’il est convenu d’appeler une « intense activité diplomatique », Staline consent à recevoir le nouveau Premier ministre Ghavam os-Saltaneh, qui passe pour russophile et a pris des communistes dans son cabinet. Le chef du gouvernement iranien se rend à Moscou le 18 février 1946 pour des négociations.
Le 30 janvier, la résolution 2 du Conseil de sécurité invite les parties concernées à régler leurs différends et à faire rapport régulièrement. Les négociations entre le Premier ministre d'Iran Ghavam os-Saltaneh et le secrétaire général du PCUS Joseph Staline prennent deux semaines. Les exigences de Staline étaient que :
« 1. Les troupes soviétiques restent stationnées indéfiniment dans le nord de l'Iran.
2. Le gouvernement iranien reconnaisse l'autonomie de l'Azerbaïdjan.
3. L'Iran et l'Union soviétique établissent une compagnie pétrolière irano-russe qui prenne en charge l'exploitation, la production et la commercialisation de pétrole iranien ; l'Union soviétique devait recevoir 49 % des gains totaux de la société et l'Iran 51 %[11] »
Ghavam signe un communiqué selon lequel les négociations entre le gouvernement iranien et l'ambassadeur soviétique se poursuivraient. Londres annonce le retrait de ses propres forces d'Iran, comme convenu, pour le 2 mars 1946. Le 6, les États-Unis invitent fermement Moscou à en faire autant. 24 heures plus tôt, la Guerre froide est entrée dans le domaine public avec le retentissant discours par Churchill à l’université de Fulton dénonçant les efforts soviétiques pour étendre leur empire, où l’expression du Rideau de fer est utilisée pour la première fois.
Staline reste inflexible vis-à-vis de Ghavam et l'informe que l’Armée rouge continuera à stationner dans les provinces septentrionales de l’empire iranien et n’évacuera le reste de sa zone d’occupation que s’il reconnaît l’autonomie de l'Azerbaïdjan et accorde à l’URSS une concession sur le pétrole de la province ; les négociations n'avancent pas. C’est trop pour Ghavam qui rentre à Téhéran sans avoir donné son accord à Staline le 10 mars 1946.
Les plans soviétiques
Selon les documents de l'agence d'espionnage militaire iranienne, Staline projetait d'installer un gouvernement communiste, après l'occupation permanente de l'Iran par les troupes soviétiques qui aurait fait de l'Iran un État satellite pro-soviétique. Plus précisément, l'armée populaire du gouvernement populaire azerbaïdjanais de Jafar Pischevari devait partir du nord pour gagner Téhéran. Les unités communistes de Tabriz et Semnan devaient marcher vers l'ouest pour l'un et l'est pour l'autre pour atteindre Téhéran. À Téhéran, le parti communiste Tudeh devait organiser un soulèvement populaire. Le ravitaillement en nourriture de Téhéran devait être coupé par les membres du parti Tudeh à Qazvin et Firuz Kuh, entre autres, pour alimenter le mécontentement populaire vis-à-vis de l'administration du moment. Les troupes soviétiques en Iran auraient alors été obligées de s'occuper de la population[12].
Après le retour de Ghavam, et puisque aucun accord n'avait été signé, le chef d'état-major Arfa envoya des troupes depuis Téhéran au nord à l'ouest et à l'est du pays pour rétablir l'ordre en Azerbaïdjan et au Kurdistan ; mais celles-ci furent retardées par les troupes soviétiques avant d'arriver à leurs destinations, probablement les troupes communistes ayant pour objectif de se retrouver à Téhéran pour l'occuper. Face à ce déferlement de l'armée ennemie, l'état-major réagit : des unités de troupe sont mobilisées dans les provinces pour arrêter les organisations communistes. À Téhéran, tous les endroits importants sont occupés par ou placés sous la protection de plusieurs unités militaires. En raison du déploiement militaire massif de l'armée iranienne, la tentative de coup d'État communiste avorta[13].
Le début de la Guerre froide
Après cet incident, le président américain Harry S. Truman menaça Staline de graves conséquences, y compris l'utilisation d'armes nucléaires s'il ne retirait pas ses troupes de l'Iran[14]. Pour le président Truman, il ne faisait aucun doute que le contrôle du pétrole iranien par l'Union soviétique bouleverserait l'équilibre des pouvoirs mondiaux et porterait gravement atteinte à l'essor de l'économie occidentale. Sur l'insistance du gouvernement iranien, le jeune Conseil de sécurité des Nations unies avait été saisi une première fois le 30 janvier 1946 à propos du retrait des troupes soviétiques d'Iran. Le Conseil de sécurité avait appelé par sa résolution 2 l'Iran et l'Union soviétique à résoudre leurs différends, liés à l'invasion anglo-soviétique de l'Iran d'août 1941, considéré comme le début de la colonisation du territoire, par la voie diplomatique, ce qui n'avait pour l'instant débouché sur rien. La résolution exigea également que le Conseil de sécurité soit tenu régulièrement informé des négociations. La résolution du Conseil de sécurité n'échoua pas : le 25 mars 1946, Staline déclara que l'Iran et l'Union soviétique avaient donné leur accord de principe sur la question du retrait des troupes, et que les troupes soviétiques se retireraient d'Iran d'ici six semaines. Le Conseil de sécurité décida de laisser jusqu'au 6 mai 1946, date à laquelle ils seraient à nouveau convoqués, aux troupes soviétiques pour se retirer d'Iran, ainsi que pour régler la question sécessionniste iranienne par la résolution 3 du 4 avril 1946. Le 8 mai, le Conseil de sécurité déclara par la résolution 5 notait que le gouvernement iranien était incapable de détecter le retrait des troupes soviétiques et reporta toute action supplémentaire au 20 mai.
Staline recontacte le gouvernement iranien et précise ses termes de négociations : il promet d’évacuer la totalité de l’Iran avant le 9 mai si Ghavam donne son aval pour la création d’une société pétrolière contrôlée par l’URSS. Le Premier ministre persan accepte, mais à la condition que l’accord soit ratifié par un parlement à élire dans les sept mois suivant la fin de l’occupation étrangère. Le , le Premier ministre Ghavam et l'ambassadeur soviétique signent à Téhéran un accord stipulant que le gouvernement du peuple azerbaïdjanais entrera en négociations avec le gouvernement central dans sept semaines, et que la compagnie pétrolière irano-soviétique devant être créée aura 51 % de ses actions détenues par l'Union soviétique et 49 % par l'Iran. Seulement après, Staline déclara que l'Armée rouge se retirerait d'Iran dans les six semaines à compter du 24 mars 1946[15].
La crise iranienne était un signe du début de l'antagonisme entre les États-Unis et l'URSS et l'un des premiers événements de la Guerre Froide qui commençait.
Fin des mouvements séparatistes
Les troupes soviétiques se retirent, mais le parti communiste Tudeh organise des grèves massives à travers le pays à l'instigation de Staline pour faire pression sur le gouvernement iranien. Le 11 juin 1946, à Tabriz, les négociations entre le gouvernement central et Jafar Pischevari débattant de la poursuite de l'existence du gouvernement populaire azerbaïdjanais s'ouvrent. Le 13 juin 1946 est signé un accord dans lequel Pischevari demande une réforme agraire, l'occupation du poste de gouverneur d'Azerbaïdjan, de pouvoir s'occuper des questions de l'armée, de la perception des impôts et de fixer les dates des élections possibles. Le 15 juin 1946 Ghavam nomme Salamollah Javid, le ministre de l'Intérieur du gouvernement de l'Azerbaïdjan populaire, gouverneur officiel de l'Azerbaïdjan. Le 3 août 1946, le premier ministre effectue un remaniement ministériel et nomme des membres du parti communiste Tudeh aux postes de ministre de la santé, ministre de l'économie et ministre de l'éducation pour mieux accueillir Staline. En même temps, il nomme le général Haj Ali Razmara à l'inspection générale de l'Azerbaïdjan et du Kurdistan. Au Kurdistan, un gouvernement séparatiste était toujours au pouvoir et avait proclamé la République de Mahabad. La princesse Ashraf, sœur jumelle du souverain, est envoyée à son tour à Moscou pour ménager Staline et l'inciter à ne pas recommencer à soutenir les indépendantistes. Razmara mène la campagne militaire : il fait tomber la place forte de Zanjan le 13 novembre, où le Shah en personne se rend avec lui, paradant depuis son avion[16].
À la fin de l'année 1946, dans le sud de l'Iran, des émeutes éclatent dans les régions des Bakhtiaris et des Qashqais. Le Premier ministre Ghavam nomme alors le général Fazlollah Zahedi gouverneur de la province de Fars et l'envoie mater la révolte. Des grèves ayant éclaté dans les installations de la Anglo-Iranian Oil Company, Londres ne fut probablement pas étranger au soulèvement des tribus du sud. Également pressé par le shah, Ghavam se sépare de ses ministres communistes : en décembre 1946, Ghavam les remplace par des politiciens du Parti démocrate. Le 6 décembre 1946, les troupes de l'armée iranienne envahissent l'Azerbaïdjan et prennent Tabriz. Le 12 décembre 1946, Pischevari abandonne son poste et s'enfuit avec ses plus proches confidents en URSS. Les Soviétiques ont beau avoir multiplié les avertissements et massé d’importantes forces à la frontière, ils ne bougent pas. Le régime séparatiste de Tabriz, dont l'ex-président Pischevari trouve peu après la mort dans un accident de voiture, s’écroule en quelques jours. Quand les troupes iraniennes arrivent à Tabriz, elles sont accueillies par le peuple avec joie. Lorsque Mohammad Reza Chah arrive à la capitale de la province le 24 mai 1947, il reçoit la même jubilation que ses troupes. En juin 1947, le chah est célébré à son retour d'Azerbaïdjan à Téhéran comme le symbole de la préservation de l'unité du pays et le signe visible de l'habile politique diplomatique de son premier ministre. D'après Alinaghi Alikhani :
"J'étais étudiant et je me tenais à l'entrée de l'université de Téhéran. Le Shah était seul dans une jeep, non accompagné par les forces de sécurité, et a salué la foule qui l'a empêché de continuer tant elle était dense. Un colonel voulut dégager une allée pour la voiture du Shah, mais elle ne passa toujours pas. Le Shah était au sommet de sa popularité[17]. "
Peu de temps après, effrayé par la déconfiture de son voisin, le régime du Kurdistan tombe également. La République prosoviétique du Kurdistan, dont le chef, Moustafa Barzani, se réfugie en URSS avec un millier de ses partisans, disparaît donc aussi. On retrouve celui-ci à l’œuvre en Irak, à partir de 1958. La province du Kurdistan est occupée par les troupes iraniennes après le retrait des troupes soviétiques. Les dirigeants du mouvement séparatiste sont par la suite exécutés sur la place Chahar Cheragh à Mahabad.
Échec soviétique
Lorsque Moscou réclame la ratification de l’accord pétrolier, Ghavam os-Saltaneh fait valoir que les obstacles mis par les autorités de Tabriz à l’activité des formations favorables à Téhéran rendent impossible l’élection d’un nouveau parlement. C'est en réalité un habile coup diplomatique du premier ministre : il gagne tout à ce que le Parlement, très anti-soviétique à cause des événements, reste en fonction. Le 22 octobre 1947, le parlement iranien conclut la discussion finale sur l'accord de Ghavam avec l'Union soviétique pour établir une compagnie pétrolière commune. Le Parlement rejette par 102 voix sur 104 députés présents la formation d'une compagnie pétrolière soviético-iranienne et charge aussi le gouvernement d'entamer des négociations avec l'Anglo-Iranian Oil Company sur la refonte du contrat de concession existant. Dans le même mois, le gouvernement iranien signe un accord avec le gouvernement des États-Unis pour l'établissement d'une mission militaire américaine. Les Soviétiques se sentent trompés par les Iraniens[18].
Mais les éléments se retournent ensuite contre ce dernier : si le Chah le félicite largement pour la victoire fin 1946, près d'un an plus tard, leurs relations se sont grandement dégradées de par une certaine jalousie du roi à l'égard de son premier ministre, des rumeurs de mépris aristocratique de Ghavam os-Saltaneh pour la jeune famille impériale Pahlavi, et de nombreuses intrigues de Cour[16]. De plus, le gouvernement va chercher à améliorer les relations entre l'Iran et l'Union soviétique, l'URSS étant le plus grand voisin direct de l'ancienne Perse. Les Soviétiques exigent la démission de Ghavam comme condition pour les rétablir. Ghavam, acculé, renouvelle son vote de confiance au parlement le 10 décembre 1947. Mais sur les 112 députés présents, seuls 46 votent pour lui : il est obligé de démissionner. Le 28 décembre 1947, Ebrahim Hakimi (re)devient premier ministre d'Iran. Cet ultime rebondissement marqua la fin et la conclusion de la crise iranienne[19].
Sources et bibliographie
- Houchang Nahavandi et Yves Bomati, Mohammad Reza Pahlavi, le dernier Shah, Paris, Perrin, coll. « Biographies », 2013 (ISBN 978-2-262-03587-7), (OCLC 828407890)
- André Fontaine, La guerre froide 1917-1991, Éditions de la Martinière, 2004, (ISBN 2-84675-139-0)
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- (de) Jana Forsmann, Testfall für die „Großen Drei“. Die Besetzung Irans durch Briten, Sowjets und Amerikaner 1941–1946. Böhlau Verlag, Cologne / Vienne 2009, (ISBN 978-3-412-20343-6)
Voir aussi
Notes et références
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