Dactylonomie
La dactylonomie (du grec ancien : δάκτυλος / dáktulos « doigt » et νόμος / nómos « loi ») est l'art de compter par les doigts, de figurer les nombres par les doigts. Il s'agit d'une pratique couramment utilisée, notamment par les enfants. Selon les pays et les coutumes, on compte différemment sur ses doigts : en Occident, on compte généralement jusqu'à 10 en utilisant les deux mains. En Chine et au Japon, on peut compter jusqu'à 9 sur chaque main. En développant l'idée de façon mathématique, on peut encore pousser plus loin ce boulier naturel.
En plus de la numération, les doigts sont souvent utilisés pour figurer les nombres et effectuer des opérations simples : addition, soustraction, voire multiplication.
Méthode utilisée dans la Rome antique
L’écolier d’aujourd’hui peut compter sur ses doigts, mais, s’il s’en sert pour ajouter un nombre à un autre, il ne peut ajouter que des nombres au plus égaux à dix.
Les Romains n’avaient pas cette limite. La numération digitale (ou numérotation digitale), un système utilisé par les anciens Grecs et les Romains et décrit par Bède le Vénérable au VIIIe siècle, utilise un code qui exprime les nombres en fonction de la façon de plier les phalanges. La main gauche sert à exprimer les unités et les dizaines et la main droite à exprimer les centaines et les milliers en reprenant strictement les mêmes positions, mais les deux mains ensemble. On peut donc compter jusqu'à 99 sur une seule main, et jusqu'à 9 999 sur les deux mains[1],[2],[3].
Méthode occidentale
C'est un compte fondé sur la quantité de doigts levés (ou fermés).
En France et en Amérique du Nord, un poing fermé représente 0 (zéro) et une main ouverte représente 5 (cinq).
- Un doigt levé, quel qu'il soit, représente 1 ;
- le nombre représenté correspond au nombre de doigts levés ;
en utilisant les deux mains, qui totalisent 10 doigts (sauf polydactylie), on peut compter jusqu'à 10 en utilisant cette méthode. Elle conduit à utiliser un système décimal (c’est-à-dire de base 10).
L'ordre dans lequel les doigts sont considérés dépend des pays. En France par exemple, l'énumération sur les doigts se fait dans l'ordre en commençant par le pouce :
- 0 : poing fermé,
- 1 : pouce ouvert,
- 2 : pouce et index ouverts,
- 3 : pouce, index et majeur ouverts,
- 4 : les méthodes divergent : index, majeur, annulaire et auriculaire ou pouce, index, majeur, annulaire ouverts.
- 5 : pleine main (tous les doigts sont ouverts).
Dans certains pays d'Europe, notamment dans les Balkans, le pouce est le dernier doigt qu'on ouvre (1 : index levé)
Dans d'autres pays d'Europe, et souvent en France aussi, le comptage se fait en dépliant les doigts dans l'ordre : pouce, index, majeur, annulaire et auriculaire.
Il n'est pas rare de voir des configurations irrégulières comme un quatre avec seulement l'annulaire fermé ou encore un trois avec le pouce et l'index fermés.[réf. souhaitée]
Asie
La méthode chinoise est fondée sur la quantité et sur la symbolique des doigts. En utilisant cette méthode, on peut compter, en utilisant les deux mains, jusqu'à 18.
- 0 : une main fermée,
- 1 : un index levé,
- 2 : l'index et le majeur levés,
- 3 : l'index, le majeur et l'annulaire levés,
- 4 : l'index, le majeur, l'annulaire et l'auriculaire levés,
- 5 : la main ouverte,
- 6 : le pouce et l'auriculaire levés,
- 7 : le pouce touchant l'index et le majeur,
- 8 : l'index et le pouce levés,
- 9 : l'index levé à moitié replié (crochet)
- les index des deux mains se croisant représentent 10 (ou l'index et le majeur).
Au Japon, il existe une autre méthode, ou plus exactement, deux méthodes, puisque ce n'est pas de la même manière qu'un Japonais compte pour lui-même ou montre un chiffre à quelqu'un d'autre[4]. En effet, pour compter pour lui-même, un Japonais commencera main ouverte pour compter 0 puis fermera un doigt pour chaque chiffre en commençant par le pouce. À 5 la main est fermée, puis il rouvre les doigts en partant du petit doigt. 4 et 6 correspondent ainsi à la même disposition des doigts. Pour éviter les ambiguïtés quand on montre un chiffre à une autre personne, il y donc une autre méthode : on lève la main, paume tournée vers l'interlocuteur, et on lève le nombre de doigts nécessaires en finissant par le pouce. Au-delà de 5, on laisse la première main ouverte et on la recouvre avec des doigts de la seconde main pour compléter, sans utiliser le pouce (on s'arrête donc à 9). La seconde main est tournée face à la première, en biais, et décalée de façon que les dernières phalanges de la seconde main reposent en travers de la première. Pour montrer 10, les deux mains sont ouvertes et levées, paumes vers l'interlocuteur.
Méthode des phalanges
Un autre mode d'énumération consiste à compter les phalanges avec le pouce de la main. Ce type d'énumération conduit à utiliser un système duodécimal (c’est-à-dire de base 12). Le plus grand nombre représenté est 156 (soit treize douzaines).
L'énumération se fait de la façon suivante :
- 1 : le pouce pointe sur la première phalange de l'index,
- 2 : le pouce pointe sur la deuxième phalange de l'index,
- 3 : le pouce pointe sur la troisième phalange de l'index,
- 4 : le pouce pointe sur la première phalange du majeur,
- 5 : le pouce pointe sur la deuxième phalange du majeur,
- ...
- 12 : le pouce pointe sur la troisième phalange de l'auriculaire.
- 13 : la première main indique un; la seconde main indique une douzaine (13=1+1×12)
- ...
- 156 : la première main indique douze; la seconde main indique douze douzaines (156=12+12×12)
Méthode mathématique
Ces méthodes, démontrées mathématiquement, permettent presque d'atteindre facilement 410 avec deux mains. Cependant, elles sont inutilisables telles quelles, les calculs (changements de bases) étant souvent bien compliqués...
Système binaire
Les doigts peuvent, simplement, adopter deux positions : levé ou fermé, ce qui fait deux états. Soit 0 l'état « fermé » et 1 l'état « levé » : on se retrouve dans le cas d'un nombre binaire. Avec dix doigts, en adoptant le code binaire, on pourrait donc compter jusqu'à :
L'inconvénient étant le sens de lecture, on peut tenir une main dans un sens (vers l'interlocuteur) pour les valeurs les plus basses (less significant bits) et dans un autre sens (vers soi) pour les valeurs les plus élevées (most significant bits).
Dans ce cas, si la main gauche est vers soi et que la main droite est dans l'autre sens, le pouce gauche levé représente 512, pouce droit levé représente 1. Les deux mains ouvertes représentent 1 023. Apprennez à compter en binaire avec vos doigts
Système plus poussé
Il est possible d'aller encore plus loin dans la numération. D'une part, on peut utiliser les phalanges, qui permettent aux doigts de se plier, pour obtenir 4 états : levé, plié, fermé et tendu - à cause des limitations anatomiques de l'annulaire, les doigts « pliés » doivent toucher la base du doigt, les doigts « fermés » doivent toucher la paume de la main (comme lorsqu'on serre le poing). Ici, la numération se ferait en base 4, et on pourrait compter jusqu'à :
Plus encore, on pourrait utiliser la position des mains et éventuellement les croisements de doigts, voire des méthodes encore plus développées : une multiplication pour approcher le nombre, suivie d'une addition ou d'une soustraction pour ajuster et avoir le résultat exact - il suffit pour symboliser les opérations d'indiquer avec l'index des deux mains un + ou un × ou un -.
Bien évidemment, ces méthodes demandent de la part de leurs pratiquants de grandes capacités de calcul mental - et sont donc presque inutilisables. Cependant, si on dispose d'une grille répertoriant les positions des doigts et les chiffres représentés, alors il devient aisé de développer ce genre de techniques, au moins pour la méthode simple (binaire).
Opérations
Retenue
Une numération avec la main permet de mémoriser la retenue d'une opération. Dans ce cas, Il est fréquent d'indiquer la valeur numérique en appuyant un doigt sur une partie du corps (menton, front, crâne) ou sur la table de travail.
Multiplication par 9
Pour multiplier rapidement par 9 avec ses mains, il faut ouvrir ses 10 doigts, puis baisser le doigt correspondant au nombre multiplié (n), le nombre de doigts restants à gauche du doigt plié (x=n-1) forme le chiffre des dizaines, le nombre de doigts à droite (y=10-n) est le chiffre des unités. En effet : .
Par exemple 9 × 6 :
on plie le pouce droit, il reste les 5 doigts de la main gauche : 50 (5*10); et les 4 doigts de la main droite : 4 (4*1). Ainsi
Annexes
Liens internes
Liens externes
Références
- Philippe Cibois, « Compter sur ses doigts à Rome », sur le blog La question du latin
- Minaud, « Des doigts pour le dire », Histoire & mesure, XXI – 1, 2006
- Élisabeth Chardon, « Quand on comptait sur ses doigts jusqu'à 9999 », Le Temps, (lire en ligne).
Bibliographie
Jérôme Gavin et Alain Schärlig, Sur les doigts, jusqu'à 9999 : La numération digitale, des Anciens à la Renaissance, Presses polytechniques et universitaires romandes, , 164 p. (ISBN 978-2-88915-090-8)
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