Le Cauchemar de Darwin

Le Cauchemar de Darwin (Titre original en anglais : Darwin's Nightmare) est un film documentaire français réalisé par Hubert Sauper, sorti en 2004 et en salles en France le [1].

Le Cauchemar de Darwin

Titre original Darwin's Nightmare
Réalisation Hubert Sauper
Sociétés de production Mille et une productions
Pays de production France
Canada
Autriche
Belgique
Finlande
Suède
Genre film documentaire
Durée 110 minutes
Sortie 2004

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Ce film a rencontré un grand succès dans nombre de festivals de films en Europe et est sélectionné pour l'Oscar du meilleur film documentaire en 2006. Le propos général du documentaire, et en particulier ses suggestions que Mwanza en Tanzanie servait de plaque tournante au trafic d'armes et que des carcasses de poissons pêchés dans le lac Victoria étaient mangées par la population locale, ont généré une polémique après la sortie du film dont il ressortit que le film présentait certains éléments hors contexte.

Thématique du documentaire

Le documentaire prend pour argument de départ les trafics autour de l'aéroport de Mwanza, en Tanzanie, sur les bords du lac Victoria, mais, selon Hubert Sauper, ce n'est pas un film sur le lac Victoria, et encore moins sur un poisson, mais un film contre la mondialisation et ses conséquences.

Un poisson introduit dans les années 1960, la perche du Nil (Lates niloticus) a remplacé une grande partie des 200 espèces différentes de poissons endémiques (entraînant une modification du biotope et l'extinction de nombreuses espèces[2]) et son commerce, devenu florissant, alimente depuis près de vingt ans les tables et les restaurants des pays du Nord, avec des exportations qui peuvent dépasser 500 tonnes de filets de poissons par jour. La perche est préparée sur place dans des usines financées aussi par des organisations internationales et 40 % de la production reste pour nourrir la population locale, en lieu et place des petits poissons locaux plus faciles à conserver. Autour de cette exportation massive se développent tous les trafics liés à une urbanisation intense et brutale (usines de traitement) : prostitution, sida, violences diverses. L'auteur suggère que les avions cargo (russes ou ukrainiens) ne reviennent pas à vide et alimentent le trafic d'armes à destination de la région des Grands Lacs. L'affiche du film souligne cette hypothèse en figurant la silhouette d'une kalachnikov avec une arête de poisson.

Production

Le Cauchemar de Darwin est un documentaire du cinéaste autrichien Hubert Sauper, tourné en anglais sur six mois, de 2001 à 2004. C'est une coproduction internationale belge, autrichienne et française[3], soutenue par la chaîne franco-allemande Arte et la WDR.

Récompenses et distinctions

Récompenses

Nominations et sélections

Polémique

Le Cauchemar de Darwin a fait l'objet d'un vif débat quant à sa véracité, d'abord dans un article de Libération du , puis dans une contre-enquête publiée par Le Monde quelques jours plus tard. Dans cette dernière, Jean-Philippe Rémy écrit : « Les évidences visuelles sont parfois trompeuses. Des tonnes de "pankis", comme on nomme ces carcasses de perche, sont bien fabriquées sur les tréteaux du site de Nyamhongolo, à une dizaine de kilomètres de Mwanza, par des malheureux qui se souviennent du passage du "Blanc avec sa caméra" et le miment en train de les filmer. Seulement ces "pankis", contrairement à ce que suggère le film, ne sont pas destinés à la consommation humaine, mais à celle des poulets et des porcs. D'autres restes de poisson, un peu plus loin, sont bien destinés aux hommes. Ces morceaux plus que modestes, qui trouvent preneur dans toute la Tanzanie, sont quant à eux soigneusement lavés, puis fumés ou frits. »

Selon une source de l'agence IPS datant de 2009, la consommation de carcasses de poisson motivée par la pauvreté existerait en Afrique de l'Est et pas seulement en Tanzanie[9].

Ce qui sépare la réalité du film relève-t-il d'une erreur, d'une inexactitude ou d'une supercherie ? La question a de l'importance, alors que le film d'Hubert Sauper, après avoir rencontré un succès considérable auprès du public, remporté de nombreuses récompenses et fut même en compétition pour les Oscars fait l'objet d'une polémique, après la publication d'un article de la revue Les Temps modernes [10] signé François Garçon, contestant le sérieux des faits présentés.[11] Dans une réponse au Monde, Hubert Sauper déclara qu'il n'avait pas à se justifier et que « le scandale dont parle mon film n'[était] pas celui du lac Victoria ».

Lors de l'émission Arrêt sur images du , la question de la véracité du trafic d'armes, qui n'est pas avéré, est posée. Les armes qui ont été saisies sur l'aéroport de Mwanza l'ont été à la suite d'un problème technique sur un Antonov An-12 qui aurait dû atterrir en Tanzanie. Les 35 tonnes d'armes provenaient de Tel Aviv et allaient en Ouganda[12]. L'historien François Garçon s'est intéressé au film car celui-ci ne montre pas les images des armes du supposé trafic. Il reproche aussi le biais altermondialiste du film (interview radio sur France Inter le ) et publie un livre sur le documentaire[13]. Le , lors d'une émission de RFI animée par Benoît Ruelle, François Garçon réitère ses déclarations contre le film. Hubert Sauper décide d’entamer une procédure judiciaire pour diffamation en janvier 2008[14]. L'historien est condamné en première instance, le , à 500 euros d'amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation envers Hubert Sauper, pour avoir affirmé que le réalisateur aurait payé des enfants pour « jouer et rejouer des scènes ». Le tribunal estime toutefois que les autres propos de l'historien n'ont pas « dépassé les limites admissibles du droit de critique », notamment quand il qualifiait de « procédé d'une incroyable malhonnêteté » l'affirmation d'un lien entre l'abandon des enfants autour du lac et le commerce de la perche, quand il nie la réalité du commerce des armes et la destination des carcasses de poisson à l'alimentation humaine[15],[16]. François Garçon fait appel de la décision et perd. La cour d'appel dit dans son verdict rendu le que l'accusation de manipulation des enfants était diffamatoire sans que les exceptions d'établissement de la vérité des faits allégués et de bonne foi puissent jouer. Elle confirme que François Garçon ne disposait « manifestement pas d'une base factuelle suffisante pour formuler à l'encontre du réalisateur une telle accusation de manipulation des enfants et de tromperie sur la réalité des situations qu'il a filmées ». Sur la bonne foi, François Garçon, qui est professeur, aurait dû disposer d'une base factuelle suffisante et tenir compte de la nature de l'œuvre de Hubert Sauper, qui n'est pas un documentaire didactique mais un documentaire de création[16],[17].

Notes et références

  1. Laure Noualhat et Sylvie Briet, « La perche du Nil, poison d'Afrique : «Le Cauchemar de Darwin» dénonce l'exploitation intensive de ce poisson et ses effets catastrophiques sur l'écosystème et l'économie de la région du lac Victoria. », sur liberation.fr, Libération,
  2. Florian Bardou, « Frelon asiatique, moustique tigre... «Le coût des invasions biologiques double tous les six ans» », sur liberation.fr, Libération,
  3. Fiche UniFrance de film
  4. CADTM.
  5. Page du site de Venice Days concernant le prix Europa Cinemas
  6. Palmarès des César 2006
  7. Sélection Zabaltegi Festival Top
  8. Palmarès des Oscars 2006
  9. Même les têtes de poissons sont maintenant inabordables
  10. Les Temps modernes, no 635-636.
  11. Jean-Philippe Rémy, « Le cauchemar de Darwin », une supercherie, Le Monde, .
  12. People's Daily du 5 octobre 2001.
  13. François Garçon, Enquête sur le cauchemar de Darwin, Flammarion, 2006, (ISBN 978-2-08-210579-8).
  14. « Le cauchemar de Sauper », 20 Minutes, .
  15. « L'historien à l'origine de la polémique condamné », .
  16. Cour d'appel de Paris, 11e chambre, .
  17. Jean-Luc Porquet, « Le justicier n'était pas juste », Le Canard enchaîné, , p. 5.

Voir aussi

Sources et bibliographie

Films sur des thèmes similaires

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