Centre de données
Un centre de données (en anglais data center ou data centre), ou centre informatique[1] est un lieu (et un service) où sont regroupés les équipements constituants d'un système d'information (ordinateurs centraux, serveurs, baies de stockage, équipements réseaux et de télécommunications, etc.). Ce regroupement permet de faciliter la sécurisation, la gestion (notamment l'exécution de calculs et le refroidissement) et la maintenance des équipements et des données stockées.
Techniquement un centre de données fournit des services informatiques en environnement contrôlé (climatisation, poussières, alimentation, etc.) et sécurité (système anti-incendie, contre le vol et l'intrusion, etc.), avec une alimentation d'urgence et redondante.
Opérationnellement, un centre de données peut être exploité en interne par une entreprise ou mis à la disposition de plusieurs entreprises (en tant que service externe). Lorsqu'un datacenter est utilisé commercialement pour fournir une prestation de service à des particuliers ou des entreprises, on parlera de "cloud" (nuage) ou de "dématérialisation"[2], avec bien sûr la possibilité d'hybrider une solution interne (rapidité, sécurité des données hébergées notamment) et cloud (robustesse, maintenance, location de services à la demande).
Enjeux
Le gigantesque développement des centres de données ces dernières années (notamment pour le compte de sociétés de services comme Google, Amazon ou OVH en France) a rapidement créé des enjeux environnementaux, notamment liés :
- à leur consommation de métaux rares ou précieux et de terres rares ;
- à une consommation croissante d'électricité de l'ensemble des centres de données.
Pour des raisons économiques (coproduction) et commerciale (image de marque), la chaleur produite, notamment par les serveurs et les systèmes de stockage, peut être ensuite récupérée et exploitée.
Les centres de données sont responsables de 0,3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les centres informatiques représentent moins de 15 % de l'impact environnemental du numérique à l'échelle mondiale, tandis que les équipements utilisateurs en concentrent les deux tiers, et le réseau la part restante[3]. Selon l'association française The Shift Project, le numérique dans son ensemble était responsable de 3,7 % des émissions de CO2 mondiales en 2018, contre 2,5 % en 2013[4][source insuffisante].
Terminologie
Le terme « centre de données » est la traduction de l'anglais data center / data centre[5],[6]. Frédéric Bordage, expert en informatique durable et en sobriété numérique, lui préfère le terme « centre informatique »[7]. En effet, un centre informatique comporte non seulement des baies de stockage des données, mais aussi des serveurs, qui effectuent les traitements. D'autre part, sauf dans une logique de cloud computing intégral, les données sont réparties entre les centres informatiques et les terminaux des utilisateurs.
Description et histoire
Un centre de données est un bâtiment sécurisé contre l'intrusion et les risques naturels et technologiques, abritant différents équipements électroniques, des ordinateurs, des systèmes de stockage et des équipements de télécommunications. Le centre peut occuper une pièce, un étage ou de grands immeubles.
On y retrouve des serveurs 1U (surnommés « boîtes à pizza ») ou plus, « U » correspondant à une unité de hauteur de 4,445 cm (1,75 pouce), empilés dans des baies, lesquelles sont arrangées pour former des rangées simples, ce qui permet de circuler facilement parmi les serveurs, tant à l'avant qu'à l'arrière. Quelques appareils, ordinateurs centraux par exemple, sont de dimensions semblables à ces baies. Ils sont souvent placés à leurs côtés.
Avant la bulle Internet, des millions de mètres carrés destinés à abriter de tels centres furent construits dans l'espoir de les voir occupés par des serveurs. Depuis, la concentration des centres s'est poursuivie, avec le développement de centres spécialisés pour lesquels les défis les plus importants sont la maîtrise de la climatisation et surtout de la consommation électrique. Ce mouvement a été intégré dans l'informatique durable et vise à aboutir à des centres de traitement de données dits écologiques pour lesquels sont apparus des outils spécialisés[8].
Vers 2008, les centres de données Hyperscale (centre de données d'au moins 250 000 serveurs, dont la climatisation est optimisée) ont été créés pour les besoins croissants d'Amazon et Google note Bill Carter du projet Open Compute (créé en 2011 pour permettre à Facebook d'économiser l'énergie consommée par ses serveurs).
L'importance prise par les stockages de données associées à une activité et les mouvements d'acquisitions entre les entreprises peuvent pousser celles-ci à acquérir en interne des technologies ou à rechercher des prestataires spécialisés sur les centres de données, ayant la capacité d'assurer une interopérabilité entre des stockages de données disparates[9].
Fonctions
Un centre de données informatique (CDI, à ne pas confondre avec un centre de traitement informatique, CTI) regroupe des serveurs qui stockent des données au moyen de baies de stockage. La plupart des centres de données effectuent également des opérations sur ces données, de sorte qu'ils jouent également le rôle de CTI.
Les données et bases de données sont souvent devenues cruciales pour le fonctionnement des entreprises et de la société en général. Un nombre croissant de données sont dites personnelles ou sensibles, raison pour laquelle de hauts niveaux de sécurité et de service sont demandés aux centres de données, pour assurer l'intégrité et le fonctionnement de leurs appareils et éviter les attaques par déni de service.
Composantes
Elles doivent pour chaque centre assurer la bonne connexion réseau (internet, intranet, etc.) et une haute disponibilité du système d'information. Pour cela, des applications logicielles gèrent les tâches essentielles de l'« activité métier » des clients. Parmi ces applications, on retrouve des gestionnaires de bases de données, des serveurs de fichiers et des serveurs d'applications.
Composantes physiques
- Climatisation (précise et stable)
- Contrôle de la poussière (filtration de l'air)
- Unité de distribution de l'énergie
- Bloc d'alimentation d'urgence, et une unité de secours (Générateur, UPS)
- Système perfectionné d'alerte d'incendie
- Extinction automatique des incendies (par micro-gouttelettes ou gaz inerte)
- Plancher surélevé
- Conduites pour câbles au-dessus et au-dessous du plancher
- Surveillance par caméras en circuit fermé
- Contrôle des accès, ainsi que sécurité physique
- Surveillance 24/7 des serveurs dédiés (ordinateurs)
- Service de sécurité continuellement présent
- Câbles de paires torsadées de cuivre en Ethernet (Fast ou Gigabit) pour liaisons inter-[jarretières/switches/routeurs/firewall]
- Fibres optiques pour liaisons inter-sites ou inter-[jarretières/switches/routeurs/firewall]
Climatisation
La climatisation entretient une température homogène d'environ 20 degrés Celsius, essentielle car le fonctionnement des systèmes informatiques génère beaucoup de chaleur, et deviennent défectueux au-delà d'un certain seuil de température[10].
Un centre de traitement moderne est conçu pour optimiser le refroidissement de tous les serveurs, et donc réduire le coût énergétique de l'installation, permettant d'aussi réduire le coût d'hébergement.
La climatisation est généralement testée dès la réception du centre, couramment[réf. souhaitée] avec des aérothermes générant de l'air chaud, ou avec des bancs de charge (rackables) pouvant être insérés dans les baies si celles-ci sont déjà présentes.
La climatisation et les systèmes de refroidissement représentent de 40 à 50 % de la consommation énergétique des data-centers[11],[12].
Organisation de la climatisation
Au minimum, de l'air chaud est aspiré et de l'air froid insufflé sans organisation particulière, mais l'architecture du site est de plus en plus conçue pour éviter que l'air chaud et l'air froid se mélangent trop vite, afin d'économiser l'énergie. Des caches obturent les parties inutilisées des baies, pour ne pas perturber le flux d'air froid prévu.
Des couloirs chauds alternent avec des couloirs froids, un couloir sur deux insuffle l'air froid, par le côté avant des serveurs, via des baies grillagées, l'autre couloir aspire l'air chaud par l'arrière. Certains équipements réseau (ex: commutateurs réseau) peuvent avoir le refroidissement avant arrière ou arrière avant selon les besoins, ce qui simplifie le câblage. Le rendement est meilleur, mais l'air chaud peut encore partiellement se mélanger, à l'air froid en bout de rangée de baie ou par-dessus les baies[13]
Utilisation d'un cube de confinement avec corridor chaud, ou froid, selon les choix des constructeurs. Le « cube » dans lesquelles sont placées les baies, comporte un plafond et des portes à double ou triple vitrage, réduisant considérablement les échanges de température, seul un côté des baies échange l'air, avec les serveurs orientés en fonction du choix corridor chaud ou corridor froid. C'est aujourd'hui la solution optimale[14].
L'immersion du système dans un fluide réfrigérant (huile ou fluide minéral) est possible, encore expérimentale et réservée à des serveurs à haute intensité de flux de données et devant les traiter massivement[15].
Systèmes de production de l'air froid
Le compresseur frigorifique est la base des systèmes de refroidissement, cependant, ils peuvent comporter des bains liquides permettant d'améliorer le rendement. Le free cooling (refroidissement à air, éventuellement associé à une pompe à chaleur) permet de limiter le recours à des refroidisseurs et ainsi de réduire la facture énergétique. Le free cooling n'est intéressant que dans les implantations où l'air extérieur est froid suffisamment longtemps durant l'année. La climatisation peut être complétée par un refroidissement à eau (hydrocooling), l'eau étant 4 000 fois plus efficace que l'air pour extraire et évacuer la chaleur, la chaleur évacuée pouvant éventuellement être récupérées.
La chaleur, plutôt qu'évacuée à l'air libre, peut être valorisée dans des installations proches (voir section infra).
Composantes réseau
Ce sont notamment :
- les routeurs ;
- les commutateurs ;
- le pare-feu ;
- les passerelles ;
- le système de détection d'intrusion logicielle.
Sécurité
L'environnement physique des centres est sous stricte surveillance.
La surveillance du bon fonctionnement de la climatisation, elle-même essentielle au bon fonctionnement du matériel électronique.
L'alimentation de secours peut être fournie via un UPS et un générateur électrique ou via un groupe tournant (no-break) couplé à un accumulateur cinétique.
Dans le but de prévenir une perte d'alimentation électrique, toutes les composantes électriques, y compris les systèmes de secours, sont habituellement doublées. Les serveurs dits essentiels sont de plus alimentés par un système qui fait appel à deux sources électriques indépendantes à l'intérieur du centre.
Les centres ont habituellement un plancher surélevé de 60 cm, fait de dalles amovibles. Cet espace permet la libre circulation de l'air, tout comme il facilite le câblage d'alimentation et de données par des chemins de câble différents. Cependant, des centres de données sont sans plancher technique (alimentation par le dessus des racks, afin de supporter plus facilement des éléments lourds de type mainframe (IBM z10, etc.).
Ils ont souvent des systèmes complexes de prévention et d'extinction des incendies. Les centres modernes sont souvent équipés de deux systèmes d'alarme. Le premier détecte les particules chaudes émises par les composantes surchauffées de l'équipement, particules qui provoquent souvent un feu. De cette façon, il est possible d'éliminer à sa source un foyer d'incendie (parfois, il suffit d'éteindre un ensemble à soudure pour éliminer le risque d'incendie). Un deuxième système sert à activer un ensemble d'activités si un début d'incendie se manifeste. Ces systèmes sont également dédiés à une portion du centre de traitement de données. Couplés à d'excellentes portes anti-feu et autres appareils de confinement, il est possible de contrôler le feu et de l'éteindre sans affecter le reste du bâtiment.
Les systèmes conventionnels d'extinction du feu sont aussi nocifs que le feu pour les composants électroniques, c'est pourquoi des procédés alternatifs ont été développés. Certains utilisent l'azote, l'Argonite, le FM-200 ou le FK-5-1-12 (Novec 1230), alors que d'autres se rabattent sur l'émission de fines particules d'eau ultra-pure (cette eau n'est pas électriquement conductrice, ce qui n'endommage pas les composants électroniques).
La sécurité est aussi essentielle au fonctionnement de tels centres. L'accès physique à ces centres est restreinte au personnel autorisé, tout comme des caméras vidéo permettent de suivre les personnes sur place. Également, des gardes de sécurité veillent si le centre est grand ou contient des informations considérées comme essentielles.
Gestion thermique des centres de données
Les centres de traitement de données émettent beaucoup de chaleur. Ils doivent être continuellement réfrigérés ou tempérés.
Dans un centre de traitement de données, les onduleurs et la climatisation absorbent la moitié de l'énergie consommée (début du XXIe siècle). Les serveurs modernes (2012) peuvent supporter jusqu'à 45 °C[réf. nécessaire], mais demandent une température de 20 à 35 °C[17]. Un centre de taille moyenne requiert environ 600 000 mètres cubes d'air brassé par an[17].
L'efficience énergétique du serveur et du centre de données sont l'objet d'améliorations, de leur conception à leur utilisation, notamment par adaptation du besoin à la puissance du serveur, et free-cooling par eau ou air. Malgré les progrès faits sur les composants, plus efficients, les serveurs tendent à être de plus en plus compacts et denses (par surface)[réf. souhaitée].
De la fin des années 2000 à 2012, on est passé de 10 à 50 % de « serveurs virtuels » ; ces derniers peuvent aussi contribuer à optimiser la gestion des flux d'énergie[18].
Microsoft, arguant que la majeure partie de la population vit près des côtes alors que les serveurs en sont éloignés (ce qui allonge les délais de latence dans les connexions), teste en un « centre de données immergé » en mer (le Natick Project)[19]. Construit par Naval Group (ex-DCNS, français), il doit consommer 5 % de l'énergie qui serait nécessaire pour le même service à terre. Il doit être testé un an, bien que la structure soit prévue pour être immergée cinq ans, avec un premier serveur de capacité équivalente à quelques milliers de PC individuels ; de quoi stocker près de cinq millions de films numérisés[19]. Le système est immergé dans un cylindre amarré sur le fond au large de l'archipel des Orcades (nord de l'Écosse). Il est téléopéré et son alimentation provient d’énergies marines renouvelables[19].
Récupération de chaleur
L'importante chaleur extraite des serveurs est généralement rejetée à l'air libre. L'énergie extraite peut être valorisée, mais sa température relativement faible la limite à un transport sur moins d'un kilomètre, alors que les serveurs sont souvent isolés en banlieue. Des projets variés sont néanmoins testés ou exploités[17].
Dans les années 2010, des expériences visent à récupérer cette énergie et à la réutiliser pour des besoins énergétiques locaux ou de proximité (chauffage, réseau de chaleur, eau chaude sanitaire). Par exemple, l’université d'Amsterdam reçoit une eau gratuitement chauffée par le centre de données d'Equinix[20]. À Roubaix, cinq centres d’OVHcloud, hébergeur français, sont refroidis par eau et contribuent à chauffer des bâtiments proches. À Clichy, Global Switch chauffe une serre tropicale. À Marne-la-Vallée, le réseau Dalkia de chauffage urbain de Paris-Val d'Europe récupère la chaleur d'un centre de données de la ZAC du Prieuré pour chauffer un centre aquatique intercommunal et, à terme, offrir « 26 GWh de chaleur pour chauffer 600 000 m2 de locaux tertiaires et d'équipements, répartis sur 150 hectares », soit une économie de 5 400 tonnes de CO2 par an, l'équivalent des rejets de 5 000 véhicules. En Suisse, IBM chauffe la piscine d'Uitikon. À Montluçon, une « chaudière numérique » complétée par une pompe à chaleur fournit l'eau chaude de 48 logements[17].
À Montréal (Canada), un « silo de serveurs », grand comme un bâtiment de ville, est passivement refroidi et voit sa chaleur récupérée par une centrale en toiture et distribuée aux voisins. Il est testé à l'éco-campus Hubert-Reeves dans le Technoparc de Montréal (en)[21].
Réseau
Les communications à l'intérieur d'un centre se font maintenant presque exclusivement par Internet Protocol. Il contient donc des routeurs, des commutateurs et tout autre équipement qui permet d'assurer la communication entre les serveurs et le monde extérieur. La redondance est parfois obtenue en faisant usage de multiples équipements réseau de marques différentes.
Quelques serveurs servent à fournir aux utilisateurs de la société les services Internet et Intranet de base dont ils ont besoin : courriel, proxy, DNS, fichiers, etc.
Des équipements de sécurité réseau y sont aussi présents : pare-feu, VPN, systèmes de détection d'intrusion, etc. ainsi que des systèmes de monitoring du réseau et de certaines applications.
Applications
Les serveurs tendent à être virtualisés. En France, un tiers des serveurs hébergés dans des centres de données serait virtualisé et un cinquième à haute densité en 2011. Ces taux devaient doubler d’ici 2013[22].
Le but principal d'un centre de traitement de données est d'exécuter des applications qui traitent des données essentielles au fonctionnement d'une société. Ces applications peuvent être conçues et développées en interne par l'entreprise cliente ou par un fournisseur de progiciel de gestion d'entreprise. Il peut s'agir typiquement de ERP et CRM.
Souvent, ces applications sont réparties dans plusieurs ordinateurs, chacun exécutant une partie de la tâche. Les composantes les plus habituelles sont des systèmes de gestion de base de données, des serveurs de fichiers, des serveurs d'applications et des middleware[réf. nécessaire].
Gestion de la capacité d’un centre de données
La capacité d’utilisation d’un centre de données peut être limitée par plusieurs paramètres. Sur le long terme, les principales limites que rencontreront les exploitants seront la surface utilisable, puis la puissance disponible.
Dans la première phase de son cycle de vie un centre de données verra une croissance plus rapide de sa surface occupée que de l’énergie consommée.
Avec la densification constante des nouvelles technologies des matériels informatiques, le besoin en énergie va devenir prépondérant, équilibrant puis dépassant le besoin en superficie (deuxième puis troisième phase du cycle).
Le développement et la multiplicité des appareils connectés, des besoins en stockage et traitements des données font que les besoins des centres de données croissent de plus en plus rapidement. Il est donc important de définir une stratégie de développement du centre de données avant d’être « dos au mur ». Le cycle de décision, conception, construction est de plusieurs années. Il est donc important d’initier cette réflexion stratégique lorsque le centre de données atteint 50 % de son énergie consommée.
Le maximum d’occupation d’un centre de données doit se stabiliser autour des 85 % tant en énergie qu’en superficie occupée. En effet, les ressources ainsi ménagées serviront d’espace de manœuvre pour gérer les remplacements de matériel et permettra ainsi la cohabitation temporaire des anciennes et nouvelles générations.
Si cette limite vient à être dépassée durablement, il ne devient plus possible de procéder au remplacement des matériels, ce qui conduit inexorablement vers l’étouffement du système d’information.
Le centre de données est une ressource à part entière du Système d’information (SI), avec ses propres contraintes de temps et de gestion (durée de vie 25 ans), il doit donc être pris en compte dans le cadre des plans à moyens termes du SI (entre 3 et 5 ans).
Localisation des centres de traitement de données
En 2011, on dénombrait 2 087 centres de traitement de données dans le monde. Le Groupement des industries de l’équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés (Gimélec) estime à 130 le nombre de centres de traitement de données d'offreurs en France dont 40 % en région parisienne[23]. Globalement les centres de traitement sont dispersés sur l'ensemble du territoire avec des zones de concentration en partie liées au réseau urbain sur les départements de Paris, d'Île-de-France (essentiellement Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis), le Nord et les Bouches-du-Rhône. L'ouest et la région Rhône-Alpes sont également des zones privilégiées[24].
Mél Hogan, dans "Data flows and water woes: The Utah Data Center" (Big Data and Society, ), relève quant à lui 500 000 centres de données dans le monde en 2011, avançant même le chiffre de trois millions comme étant une estimation plus réaliste (estimations par Emerson Network Power et par The Register respectivement).
Les services informatiques des grandes entreprises sont généralement implantés dans des centres de traitement de données, dédiés ou mutualisés. Les plus gros centres dans le monde sont ceux des géants de l'internet comme Google, qui utilise des infrastructures modulaires basées sur des conteneurs qui peuvent héberger jusqu'à 1 160 serveurs[25] (voir Plateforme Google), ou Facebook qui a étendu son centre de traitement de Prineville dans l'Oregon[26]. Amazon a lui aussi implanté son centre de traitement dans l'Oregon compte tenu du faible coût de l'énergie dans cet État[27]. Apple a construit son plus gros centre à Maiden en Caroline du Nord[28], pour soutenir sa stratégie de développement de l'iCloud[29].
En 2019, le site danois datacentermap.com recense 4 798 centres de traitement de données dans 122 pays dans le monde[30], dont 1 756 aux États-Unis et 149 en France[31].
Enjeux énergétiques
En 2018 les cinq premières entreprises mondiales en capitalisation boursière sont Apple, Amazon, Alphabet, Microsoft et Facebook, qui dépassent des titans pétrogaziers que sont Shell et ExxonMobil (en , l'entrée en bourse de Saudi Aramco change la donne, puisque la capitalisation de cette entreprise dépasse 2 000 milliards de dollars[32]). Ces nouveaux géants et les GAFAM en général contribuent au réchauffement des milieux et au réchauffement climatique par l'énergie grise qu'ils consomment[15]. Cette tendance devrait s'amplifier avec le développement mondial d'Internet, de la vidéo en ligne, de la téléphonie sans fil, des objets connectés, du big data et la technologie blockchain. Un rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique de 2017 sur le numérique et l'énergie estime que la quantité de données à stocker et manipuler par les centres de données devrait tripler entre 2014 et 2020, ce qui doit inciter à les gérer avec la plus grande vigilance ; dans un premier temps, l'optimisation énergétique devrait permettre de limiter l'augmentation de la consommation à 3 % entre 2014 et 2020[15], mais ni l'informatique quantique, ni la bio-informatique ne semblent assez mûres pour permettre un saut technologique.
En 2018, 200 térawatts-heures (TWh) ont été nécessaires au fonctionnement des centres de données, soit 1 % de la demande mondiale d'électricité[15], équivalents à la production d'environ la moitié des réacteurs nucléaires de France (379,1 TWh[33] en 2017, pertes en ligne non comprises. L'augmentation de leur efficacité nullifiera encore jusqu'en 2028 l’augmentation de la consommation induite par un accroissement du trafic, selon Dale Sartor (responsable du Centre d'expertise sur l'efficacité énergétique dans les centres de données du laboratoire national Lawrence-Berkeley, du DOE), mais la demande en électricité devrait ensuite de nouveau augmenter rapidement[15]. En 2020, la consommation mondiale atteint 650 térawatts-heures, soit entre 1 % et 3 % de la production électrique mondiale[17].
Deux enjeux sont donc de réduire la consommation informatique mondiale d'énergie et de valoriser sa chaleur de récupération (voir section Gestion thermique des centres de données).
Le seul refroidissement du matériel informatique contribue directement à 0,3 % aux émissions totales de carbone, alors que la totalité de l'informatique émet 2 % de toutes les émissions mondiales, énergie grise non comprise[15]. L'empreinte carbone de l'informatique devrait encore beaucoup augmenter, de même que son empreinte eau (en 2014, les data centers américains ont consommé 100 milliards de litres d'eau dans les tours de refroidissement). La consommation électrique de l'informatique dans le monde dépassera probablement 20 % du total mondial avant 2030, dont le tiers pour les seuls centres de données[15]. La prospective reste délicate dans le domaine informatique, où l'innovation est rapide, mais si la cryptomonnaie (comme Bitcoin ou Ethereum) et la blockchain ou l'IA se développent sans se décarboner[34] et sans économiser l'énergie, notamment dans un contexte de gaspillage d'énergies et d'obsolescence programmée, la demande en énergie et en électricité sera encore très supérieure[15].
Anders Andrae, expert en TIC durables chez Huawei Technologies à Kista en Suède, estime que sans effort important, la consommation électrique des centres de données pourrait être multipliée par 15 entre 2015 et 2030, pour atteindre 8 % de la demande mondiale en électricité[35], mais ce chiffre est controversé[15].
Une hypothèse inverse est qu'une partie des données sera stockée et exploitée sur les millions d'ordinateurs selon le principe d'un centre de données distribuée[36] (voir infra), même si des centres de données sécurisés resteront a priori nécessaires pour les données sensibles, économique, militaires, de renseignement, de santé et personnelles notamment.
Le bas coût de l'énergie dans les années 2000-2010, permis par le gaz de schiste et la crise de 2008, ainsi que l'absence de taxe carbone ou de taxe générale sur les activités polluantes des centres de données, n'ont pas encouragé les économies d'énergie, mais des progrès sont faits[15].
De nombreux serveurs réalisent aussi des taches inutiles ; ainsi Jonathan Koomey a-t-il constaté en 2018 que presque un quart d'un échantillon de 16 000 petits serveurs installés dans des placards, gaines et sous-sols d'entreprises effectuaient en « zombies » des tâches obsolètes que des techniciens ou logiciels avaient oublié de désactiver. Selon une étude du Berkeley National Laboratory, transférer l'activité de 80 % des serveurs de petits centres de données américains vers des centres de très grande envergure plus performants entraînerait une économie de 25 % de leur consommation d’énergie[37].
Le Bitcoin, né en 2008, consommait déjà à lui seul 20 TWh d’électricité par an dans le monde en 2018, l'équivalent d'un peu moins de 10 % de la consommation des centres de données, selon Alex de Vries (consultant en données chez PwC)[38], mais il pourrait ne pas se développer autant que ce qu'espèrent ses promoteurs, ou migrer vers des types de blockchains humaines[39] ou moins énergivores, ou pourrait finalement ne pas répondre aux besoins de confiance dans les transactions[40]. L'utilisation généralisée de la blockchain par les bourses serait plus préoccupant.
Enjeux et impacts environnementaux
Selon Frédéric Bordage, expert en informatique durable et sobriété numérique, contrairement à une idée répandue, résultant d'une certaine surmédiatisation, l'impact environnemental des centres informatiques, certes important, ne représente en 2019 qu'environ 15 % de l'impact environnemental du numérique à l'échelle mondiale, loin derrière les équipements utilisateurs (plus des deux tiers) et le réseau[3].
L'empreinte écologique globale des centres de données grandit rapidement, mais elle aurait pu être réduite par une optimisation et un partage des ressources (de 25 % environ en 2010)[41] et pourrait encore l'être (voir ci-dessous).
Les impacts environnementaux se concentrent lors de :
- la fabrication : des bâtiments, des équipements liés aux bâtiments (groupes froid, groupes électrogènes, onduleurs, etc.) et des équipements informatiques et télécoms qu'ils contiennent ;
- l'utilisation du centre de données.
La fabrication concentre les pollutions et l'épuisement des stocks de ressources non renouvelables. L'utilisation se traduit essentiellement par des émissions de gaz à effet de serre (liées à la production de l'énergie consommée par le centre de données) et des émissions des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE).
Consommation d'électricité
Malgré des gains d'efficience énergétique des processeurs et en matière d'optimisation des réseaux[42] et d'efficacité énergétique des matériels informatiques[43], en raison de l'explosion des besoins, les gros centres de traitement de données sont des systèmes physiques et cybernétiques (Cyber-Physical System[44],[45]) qui consomment des quantités importantes et croissantes d'électricité[46]. Un centre de données de 10 000 m2 consommerait autant qu'une ville de 50 000 habitants[47] et un grand centre de données consomme 100 MW soit 1/10e de la production d’une centrale thermique[48].
« À l'échelle européenne, la Commission estimait en 2008 que les centres de données consommaient 56 TWh[49], dont la moitié pour refroidir les bâtiments[20] ».
Une des principales métriques utilisées pour évaluer l'efficacité énergétique d'un centre de données est l'indicateur d'efficacité énergétique ou PUE (pour Power Usage Effectiveness en anglais). Cet indicateur évalue la surconsommation électrique due à tous les équipements non informatiques du datacenter. Un datacenter idéal aurait un indicateur d'efficacité énergétique de 1, c'est-à-dire la totalité de la consommation électrique du datacenter serait consommée par les équipements informatiques.
Bilan carbone
Les centres de données sont responsables de 0,3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre[15].
Deux leviers pour améliorer le bilan carbone sont les économies d'énergie d'une part et l'écoconception avec valorisation de la chaleur produite d'autre part. Des mesures compensatoires (compensation carbone) sont aussi envisagées ou utilisées par certains acteurs. En 2011, le centre GrenoblIX est devenu le premier centre de données « écologique » en France[réf. nécessaire].
Alternative distribuée
Pour répondre à ces trois enjeux et après que l'expérience SETI@home a montré l'intérêt du calcul distribué (en utilisant dans ce cas des ordinateurs personnels connectés à l’Internet), certains opérateurs comme AMD ont envisagé de décentraliser leurs centres de traitement de données en un réseau distribué tel que proposé par[45] d'unités (petits centres de traitement de données bénéficiant chacun d'une éolienne, maillés entre eux par des fibres optiques[50]).
Des installateurs et propriétaires de centres de traitement de données et des producteurs d'énergie[51] pourraient à l'avenir associer leurs investissements dans un réseau électrique intelligent, éventuellement intégré dans l'« Internet de l'énergie » que Jeremy Rifkin propose dans son concept de troisième révolution industrielle.
Le cloud computing pourrait alors évoluer vers un modèle totalement décentralisé, nécessitant une « gestion dynamique du refroidissement »[52],[53] (refroidir là où il faut et quand il faut, et passivement tant que possible[53]), ainsi qu'une conception différente de la sécurité des serveurs et de leurs données, de la gestion distribuée des données, de la gestion de l'énergie[54] et de la capacité des réseaux de centres de traitement de données à s'autoadapter aux fluctuations des besoins, mais aussi de l'énergie disponible[55]. Leurs réponses doivent être plus élastiques[56], sans augmentation globale des consommations d'énergie, dans le cadre d'un green cloud[57] qui reste à inventer.
Au début des années 2000, une solution complémentaire des précédentes apparait, qui pourraient être réservée aux données à fortement sécuriser. Elle consiste à développer des réseaux de serveurs en grande partie virtuels (ou plus précisément partagés et distribués, utilisant une partie des ressources des ordinateurs familiaux et d'entreprises ou les utilisant quand leur propriétaire ne les utilisent pas ou les sous-utilisent[58], ce qui demande aussi de repenser la sécurité informatique). Pour cela, des systèmes d'allocation sécurisée des ressources et de répartition des tâches (éventuellement différées quand elles ne sont pas urgentes) doivent encore être testés et validés à grande échelle. Dans tous les cas la recherche et développement est à développer[59].
Radiateurs numériques : C'est un pseudo radiateur électrique (il irradie la chaleur fatale informatique sous forme de chaleur utile. Les cartes mères et leurs processeurs remplacent tout ou partie de l'élément chauffant à effet joule[60].
En 2013, une expérience propose de délocaliser des serveurs chez des particuliers en lieu et place de radiateurs[61].
Le , dans le cadre du Projet Natick, Microsoft et Naval Group ont immergé leur premier datacenter au large des Orcades en Écosse fonctionnant complètement en autonomie avec des énergies renouvelables.
Classification des centres de traitement de données
L'organisme Uptime Institute a défini une certification des centres de traitement de données en quatre catégories, appelées « Tier ».
Notes et références
- cf la section terminologie
- Livre Blanc « Datacenters, une chance pour la France », sur le site globalsecuritymag.fr.
- Frédéric Bordage, Sobriété numérique, les clés pour agir, Buchet Chastel, 2019, p. 57.
- Hugues Ferrebœuf (dir.), Lean ICT - Pour une sobriété numérique, The Shift Project, , 88 p. (présentation en ligne, lire en ligne [PDF]), p. 59.
- Commission d’enrichissement de la langue française, « centre de données », FranceTerme, Ministère de la Culture (consulté le ).
- « centre de traitement de données », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ).
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Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
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Liens externes
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