Dioscorea alata
L'igname ailée, grande igname ou cambarre (Dioscorea alata) est une espèce de plantes du genre Dioscorea et de la famille des Dioscoreaceae. C'est une plante lianescente cultivée traditionnellement de l'Inde à l'Asie du Sud-Est en passant par Madagascar et l'île de la Réunion. Elle a été cultivée pour ses tubercules comestibles partout sous les tropiques.
Pour les articles homonymes, voir Ube.
Description
Cette liane dioïque est caractéristique avec ses tiges à 4 angles ailés, dextrogyres[1], jusqu'à 10 m de long, glabres, portant souvent des petits bulbes aériens (elle est dite bulbifère). Ces bulbilles apparaissent à l'aisselle des feuilles; en général leur poids va de 20 à 100 g.
Les feuilles opposées dans le haut (et alternes pour celles du bas) sont entières, glabres, ovales, à base cordée (avec un sinus profond), à apex brusquement acuminé, de 12 × 8 cm.
Les fleurs mâles sont disposées en longues panicules composées d'épis flexueux verticillés, les fleurs femelles en épis simples. Les individus femelles sont moins fréquents que les mâles. La pollinisation et fécondation naturelle est pratiquement inexistante mais des fruits parthénocarpiques sont parfois observés.
Le fruit est une capsule rigide, luisante, à 3 larges ailes, de 2-3 cm de diamètre.
Le tubercule comestible a une chair blanche ou jaune-crème ou mauve suivant la variété ; sa taille et sa forme sont aussi très variables. Dans la variété "Pacala", la tête s'élargit à son diamètre maximal (8 à 15 cm) et le corps cylindroïde à fusiforme, s'atténue progressivement dans le tiers inférieur. Il fait de 20 à 40 cm de long et pèse de 2 à 5 kg. Il est remplacé chaque année.
Évolution et diversité variétale
Dioscorea alata est originaire d'Asie du Sud-Est mais serait inconnue à l'état sauvage. Elle partage de nombreux caractères avec une espèce typiquement mélanésienne, D. nummularia, si bien que certains auteurs[2] pensent que la Nouvelle-Guinée serait son centre de diversité et qu'elle aurait été aussi domestiquée dans cette région puis distribuée dans tout le monde tropical.
Des travaux récents suggèrent cependant que D. alata aurait d'abord divergé entre cultivars sud-asiatiques et cultivars pacifiques. La domestication de cette espèce se serait produite indépendamment dans ces deux régions du monde. Par la suite, certaines variétés auraient été introduites en Inde et, de là, en Afrique, qui elle-même aurait servi de berceau pour l'introduction de D. alata dans les Caraïbes[3].
La plupart des variétés connues en Afrique de l'Ouest ont été introduites au XVIe siècle. Son introduction en Amérique a été assurée par les Portugais et les Espagnols dans les années 1500.
Dénomination et utilisation
Il existe des centaines de cultivars de D. alata, qui résultent en grande partie de mutations spontanées propagées par multiplication clonale[3].
Au Cambodge, elle est appelée ដំឡូងឈាមមាន់ (littéralement "tubercule sang de poulet", allusion à la coloration du tubercule), et elle est principalement utilisée pour confectionner des soupes et des salades.
En Chine, on parle de shenshu (参薯 shēnshǔ)。 Ce végétal pousse à l'état sauvage dans la province du Hubei, où il est consommé comme légume ou utilisé en médecine chinoise traditionnelle.
Elle est connue aux Antilles françaises sous le nom de igname Saint-Martin[4]. À La Réunion, où, actuellement, elle n'est plus cultivée ni utilisée dans la cuisine réunionnaise, elle est appelée cambarre, kambar[5] ou kãbar[6]. Utilisée comme le manioc en pâtisserie, elle donnait des gâteaux d'une couleur rouge peu commune. Elle faisait partie des ingrédients traditionnels que l'on trouvait dans les Hauts de l'île. On pouvait la trouver sur les marchés, notamment dans la ville du Tampon dans le Sud de l'île, sous la forme d'une racine qui se reconnaissait par ses petits points violets visibles sur la chair plutôt blanchâtre.
Elle peut être frite, bouillie et peut personnaliser les apéritifs.
- = Dioscorea aculeata L.
- = D. fasciculeata Roxb.
- = D. sativa auct.
- ≡ D. esculentus Lour.
- ≡ Dioscorea colocasiifolia Pax
- ≡ Dioscorea sapinii De Wild.
Composition
Une variabilité importante existe dans la composition des différents cultivars. Les variétés anciennes très riches en anthocyanes ont une chair colorée en rose, mauve ou violet.
Les tubercules contiennent un alcaloïde toxique et amer, la dioscorine[7] qui impose une cuisson avant leur consommation. Il a été mis aussi en évidence 35 composés volatils[1] : terpènes, cétones, aldéhydes, hydrocarbures aromatiques, composés sulfuriques et alcools.
Une étude menée sur 16 variétés cultivées à Ibadan au Nigeria a donné une variation pouvant aller du simple au double dans la composition en protéines brutes (4,3 à 8,7 % de la masse sèche) des tubercules[8].
Le taux d'humidité qui varie de 66 % à 78 % influe sur la texture et la capacité de conservation. Cette étude a donné les résultats suivants pour la composition moyenne en protéines, sucres, amidon et fibres alimentaires totales, en % de matière sèche de la farine :
Farine | |||
---|---|---|---|
Protéines | Sucres | Amidon | Fibres al. |
6 | 6 | 68 | 7 |
Cette étude a montré que le taux d'humidité et de protéines de cette igname est relativement élevé comparé à d'autres racines ou tubercules et qu'elle possède un taux appréciable de phosphore, calcium, potassium, zinc, manganèse et cuivre. Le taux de sodium est bas.
Elle est une source de vitamine B1 (thiamine), B6 (pyridoxine) et C.
- Tige ailée
- Port
- Tubercule et racines de l'igname Dioscorea alata
- Gâteau fait avec de l'ube.
Utilisations
Les ignames sont d'une grande importance économique et alimentaire dans les régions tropicales des pays en développement.
Quoique cultivée en moindre quantité que les ignames d'Afrique, D. alata a la plus large répartition de toutes les ignames puisqu'elle est cultivée en Asie, dans les îles du Pacifique, en Afrique et dans les Caraïbes[9].
L'igname a une grande valeur nutritive en raison de sa richesse en glucides, en fibres alimentaires et minéraux. Mais ce n'est pas un produit alimentaire équilibré[8]. Elle est riche en vitamine C mais pauvre dans les autres micronutriments.
Aux Philippines où elle est appelée ube (en pilipino), elle est la source d'un pigment violet.
En Nouvelle-Calédonie, l'igname D. alata est le légume sacré des Kanaks et peut être désigné par une multitude de noms (jusqu'à 72)[10]. De la préparation des champs à la récolte, la culture de l'igname détermine les grands événements comme le sacre du chef, les mariages, les alliances ou les deuils[10]. Elle est à la base des chants, des danses, des légendes et des fêtes qui rythment l'année (voir l'igname dans la société kanak).
Références
- Lucien Degras, L'igname, plante à tubercule tropicale, Maisonneuve & Larose, , 408 p.
- Annie Walter, Vincent Lebot et Chanel Sam, Jardins d'Océanie, IRD,
- (en) Sharif Bilal Muhammad et al., « Genome-wide genotyping elucidates the geographical diversification and dispersal of the polyploid and clonally propagated yam (Dioscorea alata L.) », Annals of Botany, (ISSN 1095-8290, lire en ligne)
- en créole comme ziyanm, ziyanm blan, ziyanm Sen Marten
- Dictionnaire du créole mauricien
- Dictionnaire étymologique des créoles français de l'océan Indien
- qui provoque des convulsions
- (en) F.D. Baah, B. Maziya-Dixon, R. Asiedu, I. Oduro, W.O. Ellis, « Nutritional and biochemical composition of D. alata (Dioscorea spp.) tubers », Journal of Food, Agriculture & Environment, vol. 7, no 2,
- *Mignouna, H.D., Abang, M.M., & Asiedu, R. (2003). Harnessing modern biotechnology for tropical tuber crop improvement: Yam (Dioscorea spp.) molecular breeding. Available online
- Emmanuel Kasarhérou, Béalo Wedoye, Roger Boulay, Claire Merleau-Ponty, Guide des plantes du chemin kanak, Nouméa, Agence de développement de la culture kanak, , 77 p. (ISBN 978-2-909407-76-0), p. 18-19
Liens externes
- (en) Référence Flora of North America : Dioscorea alata
- (en) Référence Flora of China : Dioscorea alata
- (en) Référence Madagascar Catalogue : Dioscorea alata
- (en) Référence Catalogue of Life : Dioscorea alata L. (consulté le )
- (fr) Référence Tela Botanica (La Réunion) : Dioscorea alata L.
- (fr) Référence Tela Botanica (Antilles) : Dioscorea alata L.
- (fr+en) Référence ITIS : Dioscorea alata L.
- (en) Référence JSTOR Plants : Dioscorea alata L.
- (en) Référence GRIN : espèce Dioscorea alata L.
- Portail de la botanique
- Alimentation et gastronomie
- Portail de la Nouvelle-Calédonie