Flèche de Notre-Dame de Paris
La flèche de Notre-Dame de Paris est la flèche qui surmonte la croisée du transept de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
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96 m |
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48° 51′ 11″ N, 2° 21′ 00″ E |
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Au cours de son histoire, la cathédrale connaît deux flèches : la première, édifiée vers 1220-1230, est fragilisée par les intempéries et démontée à la fin du XVIIIe siècle ; la seconde, construite par Eugène Viollet-le-Duc et inaugurée en , s'effondre en au cours d’un important incendie qui ravage les combles de la cathédrale.
La question de la construction éventuelle d'une troisième flèche fait débat dans les mois suivant l'incendie. Une reconstruction à l'identique est finalement préférée en .
Flèche d’origine
Une première flèche est édifiée au-dessus de la croisée du transept, entre 1220 et 1230. Elle repose sur un système de charpentes « fort ingénieux et bien conçu », selon les constatations faites en examinant la souche subsistant à son emplacement, juste avant la reconstruction du XIXe siècle[1] : toutes les pressions reposent sur les quatre piliers du transept. Ornement d'importance, cette flèche exerce aussi la fonction d'un clocher doté, au début du XVIIe siècle, de « six petites cloches, non comprise la cloche de bois »[2]. Elle s'élève à 78 mètres au-dessus du sol de la cathédrale.
En , en raison du vent et du pourrissement de la charpente, la grande croix qui la surmontait tombe avec les reliques placées dans la pointe de la flèche[3]. Celle-ci commence à s'affaisser dès le milieu du XVIIIe siècle sous l'action du vent. Elle est démontée de 1786 à 1792.
- La cathédrale sur le plan de Truschet et Hoyau, dit plan de Bâle (1553).
- La cathédrale sur le plan de Paris de Claes Jansz Visscher (1618).
- La cathédrale dans le Pontifical romain de Jean de Mauléon, évêque de Comminges, BnF, Ms. lat. 1226 (2), fol. 1v (ca 1525-1530).
- Vue de l'île de la Cité avec Notre-Dame de Paris, par Nicolas-Jean-Baptiste Raguenet (1752).
Flèche de Viollet-le-Duc
La cathédrale reste sans flèche jusqu’à sa restauration, commencée par Jean-Baptiste Antoine Lassus et poursuivie, après sa mort en 1857, par Eugène Viollet-le-Duc. Inspirée par celle de la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans (elle-même inspirée par celle de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens)[4], la nouvelle flèche est réalisée au milieu du XIXe siècle par l'entreprise de charpente Auguste Bellu — qui a déjà travaillé à Orléans — pour la structure en bois et par les ateliers Monduit pour la couverture métallique. Elle est inaugurée le .
- Notre-Dame sans flèche dans les années 1850 (Édouard Baldus).
- Construction de la flèche vers 1853.
- La toiture et la flèche photographiées vers 1860, après l'installation de la nouvelle flèche (Charles Marville).
- La flèche en 2018, surplombant la cathédrale et l'île de la Cité.
Architecture
De style néo-gothique, la flèche culmine à 93 mètres, soit 21 mètres de moins que celle de la cathédrale d'Orléans. Son manteau de plomb pèse quelque 250 tonnes. Il recouvre une structure d'environ 500 tonnes, composée entièrement de chêne de Champagne[5],[6],[7].
La flèche est entourée de quatre couronnes de créatures légendaires en tant que figures de gardien mythologiques. La galerie inférieure est constituée de fenêtres gothiques à deux voies avec un quatre-feuilles couronnant. Les arches sont chacune recouvertes de 21 bourgeons de rose (Isaïe 11,1), qui désignent la patronne de la cathédrale comme un symbole de la rosa mystica (rose mystique), invoquée dans les litanies de Lorette[8],[9],[10]. La galerie supérieure s'ouvre dans des fenêtres à une voie avec des traceries en forme de nez. Entre les deux galeries, une guirlande d'épines de fer complexes pend autour de la tour, symbolisant la Sainte Couronne conservée dans la cathédrale[11],[12]. Les pignons s'élevant au-dessus de la galerie supérieure sont chacun décorés de trois-feuilles, d'une fenêtre à quatre-feuilles et d'une dernière fenêtre à lancette. Entre les pignons, deux couronnes de pinacle s'élève sur deux étages. Le sommet de la tour octogonale est orné de douze couronnes de fleurs rampantes. Une couronne de roses (Siracide 24,18) et de lis (Cantique des Cantiques 2,2) de la vierge Marie forme la conclusion de la tour, au-dessus, une croix de six mètres de haut surmontée d'un coq de cuivre. La guirlande de roses peut être interprétée comme une indication de la prière du rosaire, la guirlande de lis est généralement un symbole de la virginité perpétuelle de Marie[13],[12],[14].
- Plan.
Statues des douze apôtres
La flèche est encadrée à sa base, entre chaque portion de toiture, de statues monumentales des douze apôtres en cuivre repoussé. Celles-ci sont placées les unes en dessous des autres, par quatre rangées de trois. Orienté vers les points cardinaux, chaque groupe surmonte une figure du tétramorphe symbolisant les évangélistes : le taureau pour Luc, le lion pour Marc, l'aigle pour Jean et l'ange pour Matthieu. Œuvre d'Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume, les statues s'inspirent de l'esthétique du XIIIe siècle. Tous les apôtres regardent Paris à l'exception de saint Thomas, patron des architectes. Il présente les traits de Viollet-le-Duc[15] et se tourne vers la flèche, comme pour la contempler. À la base du poinçon central (un pilier de bois qui soutient la flèche), une plaque en fer, vissée à l'achèvement des travaux, comporte le dessin d'une équerre et d'un compas se croisant, symbole compagnonnique comme maçonnique, ainsi qu’un acronyme à la gloire du Grand Architecte de l’Univers[alpha 1]. Certains en déduisent que Viollet-le-Duc et Bellu, tous deux mentionnés sur la plaque, étaient francs-maçons[16]. Mais la plaque comporte aussi le nom de Georges, un compagnon charpentier (dit « indien ») du « Devoir de liberté », l'une des branches du compagnonnage[17].
- L'aigle de saint Jean au premier plan.
- Le taureau de saint Luc au premier plan.
- L'ange de Matthieu au premier plan.
- Détail de la statue de saint Thomas, sous les traits de Viollet-le-Duc.
- Saint André
- Saint Pierre
- Saint Matthieu
- Saint Jude
- Saint Barthélémy
- Saint Simon
- Saint Jacques le Mineur
- Saint Paul
- Saint Jacques le Majeur
- Saint Jean
- Saint Philippe
- Saint Thomas
- Le bœuf de saint Luc
- Le lion de saint Marc
- L'aigle de saint Jean
- L'ange de saint Matthieu
Coq
Le coq en cuivre repoussé situé au sommet de la flèche, d'un poids d'environ 30 kg, également œuvre d'Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume[18], contient trois reliques : une petite parcelle de la Sainte Couronne, une relique de saint Denis et une de sainte Geneviève[19]. Le morceau de la Sainte Couronne est installé par Viollet-le-Duc en 1860. Après la restauration du coq en 1935, il y est replacé par le cardinal Verdier, archevêque de Paris[20]. Le coq agirait donc comme un « paratonnerre spirituel » protégeant les fidèles.
- Le coq, surmontant une croix de direction.
- Détail du coq.
- Le coq exposé au ministère de la Culture après l’incendie.
Usages
En 1999, des militants escaladent la flèche pour commémorer le soulèvement tibétain de 1959, comme l'avait fait l'alpiniste Chantal Mauduit en 1997[21]. Sylvain Tesson en fait l'ascension une centaine de fois dans les années 1990[22].
Jusqu'à sa chute, la flèche est un point du réseau géodésique français[23].
Travaux de restauration
Dans le cadre d'un programme global de restauration de la cathédrale d'une durée de dix ans et dont le coût était estimé à 60 millions d'euros, une opération de travaux de restauration de la flèche débute le par la dépose, à l'aide d'une grue de 80 mètres, des seize statues transportées dans l'entreprise périgourdine Socra, à laquelle a été confiée la restauration financée par le mécénat[24],[25]. Elles doivent être restaurées deux à deux en atelier, alors que les quatorze autres devaient trouver place dans le chœur de la cathédrale pour y être exposées pendant les travaux de restauration de la flèche, dont la durée prévue était de trois ans pour un coût de 11 millions d'euros[26].
La restauration de la cathédrale dans les années 1990 n'avait concerné que la façade occidentale. La flèche n'avait pas fait l'objet de travaux depuis 1935-1937[27]. Or, plus de 160 altérations repérées sur l'édifice ont rendu sa restauration indispensable. Des cassures, déchirures, soulèvement de plaques, fissures sur les soudures ont altéré l'étanchéité de sa couverture de plomb, mettant en péril l'intégrité de sa charpente[28].
En outre, la couverture de plomb devait, comme les statues, faire l'objet de prélèvements et d'analyses pour déterminer la nature de la pellicule qui les recouvre, aucune information n'ayant été retrouvée dans les documents relatifs aux travaux de restauration précédents. La maîtrise d'ouvrage de l'opération a été confiée au service de la Conservation régionale des monuments historiques au sein de la direction régionale des Affaires culturelles d'Île-de-France et la maîtrise d'œuvre à l'architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve[26]. Des travaux de même ampleur sur la flèche devaient être ensuite programmés tous les 80 ans[29].
Destruction par incendie
Le , vers 18 h 50, un incendie se déclare dans la charpente de la cathédrale. Rapidement, le feu se propage à l'ensemble du toit. La chaleur, estimée à plus de 800 °C[30], fait fondre le plomb enveloppant l'armature en bois de la flèche, qui ne tarde pas à s'enflammer à son tour. Puis l'incendie émet des fumées toxiques et de nombreuses particules[31]. Pour prévenir tout risque d’intoxication, les habitations voisines sont évacuées[31].
La partie haute de la flèche s'effondre vers 19 h 45[32]. Sa chute provoque la destruction d'une partie des voûtes de la nef[33], notamment celle de la quatrième travée. L'effondrement de la partie basse sur elle-même entraîne la destruction de la croisée du transept.
Les seize statues entourant la flèche avaient été déposées quatre jours auparavant, le , et envoyées à la Socra pour restauration[24],[25]. Elles ne sont donc pas affectées par l'incendie. Le coq situé au sommet de la flèche s'en détache lors de la chute. D'abord cru perdu, il est retrouvé le lendemain de l'incendie[34]. Abîmé, il est confié lui aussi à la Socra. La dépose du reliquaire était programmée pour [35].
- La flèche en feu, entourée d’un fort dégagement de fumée.
- La flèche juste avant et juste après son effondrement.
Chronologie
Projet de reconstruction
Le , le Premier ministre, Édouard Philippe, annonce le lancement d'un concours international d'architecture pour décider s'il faut réédifier la flèche[36]. Dans l'affirmative, il conviendra de définir la nature de cette reconstruction : à l'identique de celle de Viollet-le-Duc ou d'une structure inédite[37].
L’architecte Jean Nouvel appelle à ce que la flèche de Viollet-le-Duc soit reconstruite à l’identique, estimant que celle-ci « fait partie des choses intangibles de la cathédrale »[38]. À l’inverse, Roland Castro déclare dans un premier temps ne pas être contre une flèche nouvelle, puis opte également pour une reconstruction à l'identique[39],[40]. Dans les semaines qui suivent l’incendie, plusieurs agences d’architecture émettent des propositions novatrices pour reconstruire la flèche[41],[42].
Le , il est annoncé que le président Emmanuel Macron a acquis « la conviction » qu'il faut restaurer la flèche à l'identique de son état avant l'incendie[43],[44]. Le concours d'architecture est alors abandonné, suscitant les critiques d'architectes qui dénoncent une décision « conservatrice » et « populiste » du chef de l'État[45].
Dans la culture populaire
Peinture
Entre 1909 et 1910, le peintre Robert Delaunay réalise une série de tableaux et d’aquarelles autour de la flèche de la cathédrale, qu’il associe à l’idée de la locomotion aérienne[46]. Il signe plusieurs œuvres représentant la flèche vue d’en haut, derrière laquelle on aperçoit les ponts de Paris[47].
- La Flèche de Notre-Dame (1909), musée de Grenoble.
- La Flèche de Notre-Dame (1909), collection particulière.
- La Flèche de Notre-Dame (vers 1909-1910), collection particulière.
Chanson
La flèche est mentionnée dans les paroles de la chanson de 1952 Notre-Dame de Paris, écrite par Eddy Marnay, composée par Marc Heyral et créée et interprétée par Édith Piaf : « […] Henri Quatre / Verdâtre / Aime sous son verre de gris[alpha 2] / La vieille flèche / Qui lèche / Le plafond gris de Paris […] »[48].
Jeu vidéo
La flèche de Viollet-le-Duc apparaît dans le jeu vidéo d'action-aventure et d'infiltration Assassin's Creed Unity[49], développé par Ubisoft Montréal et sorti en 2014[50]. L'édifice y est représenté de manière assez détaillée et il est possible pour les joueurs de le faire gravir par l'extérieur par un personnage. L'intrigue et l'action se déroulant durant la Révolution française, la présence de cette flèche du XIXe siècle dans le jeu est cependant un anachronisme, assumé par la créatrice principale du décor du jeu, car, selon elle, aurait été décevante pour les joueurs une représentation de la flèche d'origine, qui à cette époque était endommagée et sur le point d'être démantelée[51].
Cinéma et télévision
Dans Le Bossu de Notre-Dame, sorti en 1996, Quasimodo escalade la flèche en chantant Rien qu’un jour[52]. La représentation de la flèche de Viollet-le-Duc dans le film d’animation des studios Disney constitue également un anachronisme, l’intrigue se déroulant en 1482[53].
Notes et références
Notes
- C'est-à-dire Dieu, bâtisseur de l'univers dans la tradition compagnonnique incluse dans un phylactère.
- Conformément aux versions du texte selon les sources présentes sur l'Internet, qui toutes orthographient « verre de gris » (de vin gris), alors qu'on s'attendrait plutôt à trouver l'orthographe « vert-de-gris ».
Références
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- Dubu, Histoire, description et annales de la basilique de Notre-Dame de Paris, Paris, Maison Saigner et Bray, , p. 24 [lire en ligne].
- Cindy Roudier-Valaud, « La flèche de Notre-Dame de Paris était inspirée de celle de la cathédrale d'Orléans, et bâtie par le même charpentier », La République du Centre, .
- Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle, B. Bance, , p. 461 [lire en ligne].
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- (de) Josef Scharbert, Genoveva Nitz: Artikel „Lilie“, Marienlexikon, hrsg. im Auftrag des Institutum Marianum Regensburg e.V. von Remigius Bäumer und Leo Scheffczyk, Band 4, St. Ottilien 1992, S. 121-122.
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- Aude Le Gentil, « Hugo, Piaf, Picasso, Aragon… Quand Notre-Dame de Paris inspire les artistes », sur Le Journal du dimanche, (consulté le ).
- William Pereira, « Incendie à Notre-Dame de Paris : “La cathédrale a été notre référence pour tout ce qu’on a construit ensuite”, explique le producteur d’Assassin’s Creed », sur 20 minutes, .
- Mathilde Lizé, « Assassin's Creed Unity : Notre-Dame comme vous ne l'avez jamais vue ! », sur Le Point, .
- [vidéo] Visionner la vidéo sur YouTube.
- Le Bossu de Notre-Dame sur Allociné.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Raoul Vergez, Les illuminés de l'art royal : 8 siècles de compagnonnage, Julliard, coll. « Presses Pocket », , 319 p. (ISBN 2-266-01325-4), p. 253-265.
Articles connexes
Liens externes
- « La flèche de Notre-Dame », sur notredamedeparis.fr.
- « Notre-Dame de Paris : petite histoire de la flèche », sur culture.gouv.fr, ministère de la Culture.
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