Franc-archer

Les francs-archers sont des soldats roturiers créés par l'ordonnance de Montils-lès-Tours du 28 avril 1448 édictée par le roi de France Charles VII.

Franc-archer

La création des francs-archers par Charles VII.
Enluminure extraite des Vigiles de Charles VII, vers 1484, BnF, département des manuscrits, ms. Français 5054, fo 136 ro.

Création 1448
Dissolution 1481
Pays Royaume de France
Allégeance Royaume de France
Branche Infanterie
Type Unité militaire
Effectif 8 000 (1448)
16 000 (1466)
Guerres Guerre de Cent Ans
Ligue du Bien public (1465)
Guerre de Succession de Bourgogne
Batailles Campagne de Normandie (1449-1450)
Bataille de Guinegatte (1479)

Soldats de complément à l'Ost et aux compagnies d'ordonnance, les francs-archers sont mobilisables à tout moment quand la situation militaire l'exige. Astreints à plusieurs entrainements annuels, ils bénéficient en contrepartie de l'exemption de la taille à l'origine du nom de « franc ». Le nombre de soldats recrutés est déterminée en proportion de la population de chaque paroisse du royaume, représentant à leur apogée jusqu'à 2% de la population du royaume de France pour un contingent d'approximativement 16 000 hommes.

Les francs-archers furent efficaces durant la dernière phase de la Guerre de Cent ans et durant la Ligue du bien public (1465). Toutefois lors de la Guerre de Succession de Bourgogne ils furent considérés par le roi Louis XI comme les principaux responsables de la défaite de la Bataille de Guinegatte (1479) et dissous peu après en 1480.

Origine

Plusieurs facteurs sont à l'origine de la création des francs-archers :

Tout d'abord, au cours de la guerre de Cent Ans, les batailles de Crécy et d'Azincourt avaient montré l'insuffisance de l'archerie française face aux arcs longs anglais.

Les périodes de trêves militaires dans la guerre de Cent Ans sont par ailleurs marquées par les exactions des Écorcheurs dans le royaume. Ces derniers sont d'anciens mercenaires du roi sans soldes vivant sur le pays par les pillages.

Pour corriger ces deux problèmes, le roi Charles VII promulgue la création de la milice des franc-archers par l'ordonnance du 28 avril 1448, rédigée à Montils-lez-Tours.[1]. Celle-ci dispose que chaque paroisse ou groupe de cinquante ou quatre-vingts feux doit pouvoir fournir un homme équipé qui doit s'entraîner chaque dimanche au tir à l'arc et participer aux montres d'armes[2]. La taille personnelle étant justifiée par la non-participation des roturiers à l'activité militaire, ces archers occasionnels en sont dispensés, ainsi que de certaines charges, d'où leur nom de francs-archers. Il reçoit, en outre, 4 francs de paye par mois de service effectif[3].

Le modèle des « francs archiers » royaux fut probablement pris sur la milice d'archers que les ducs de Bretagne levaient, par paroisse, depuis 1425[4].

Le but est de créer un corps de réserve à l'échelle du pays afin de compléter l'armée royale qui se base sur les Compagnies d'Ordonnance instaurées trois ans auparavant et sans recourir à des mercenaires face aux pillages provoqués par les Écorcheurs. L'apport, estimé à 8 000 soldats, est loin d'être négligeable. Cela dit, les franc-archers sont mobilisés à l'échelle de la province, non du royaume, afin de rejoindre rapidement l'armée.

Historique

Infanterie de trait moins prestigieuse que les soldats d'ordonnance montés, les francs-archers sont recrutés parmi les notables roturiers au sein de chaque paroisse, y compris dans les villes qui entretiennent leur propre milice urbaine (les franc-archers d'Aurillac s'entrainent avec les arbalétriers de la ville). Le franc-archer des paroisses rurales, lui, ressemble probablement à certains gardes champêtres du XXe siècle[5].[source détournée]

À partir de 1451, ils sont encadrés par des capitaines permanents qui ont pour mission de les passer en revue deux ou trois fois par an en temps de paix et de les mener au combat en temps de guerre. C'est ainsi que les francs-archers participent et se comportent bien aux derniers combats de la guerre de Cent Ans, notamment à la bataille de Formigny en 1450 et à la bataille de Castillon en 1453 où nombre d'entre eux perdent la vie. En 1466, soit peu après la Ligue du Bien public, le roi Louis XI double leurs effectifs afin de disposer d'une infanterie en masse. Il est fort probable que la bataille de Montlhéry et le désastreux traité de Conflans, en 1465, participent à lancer la réforme des franc-archers.

Chacun de ces corps correspond à un quartier du royaume et se subdivise en 8 bandes de 400 à 500 hommes commandées par des capitaines. L'un de ces capitaines a autorité sur les sept autres et porte le titre de capitaine-général. La chambrée est l'unité de base, elle réunit des voisins qui ont l'habitude de s'entrainer ensemble. Suivent la dizaine, quinzaine, soixantaine puis la centaine. L'encadrement se fait par des membres de la petite noblesse.

Parmi les capitaines-généraux on peut citer[3] :

  • Aymar de Puysieu dit Cadorat, bailli de Mantes, capitaine-général des francs-archers du Nord-Ouest de la France.
  • Pierre Aubert de La Grange, bailli de Melun, capitaine-général des francs-archers du Nord-Est de la France.
  • Rauffet de Balzac, sénéchal de Beaucaire capitaine-général des francs-archers du Sud-Est de la France.
  • Pierre Comberel de Lisle, capitaine-général des francs-archers du Sud-Ouest de la France.

Malgré les mesures prises par le pouvoir royal, les franc-archers ont mauvaise presse: comme le dit Brantôme « ce n'estoit la plupart que marauts, belîtres, mal armèz, mal complexionnèz, fainéants, pilleurs et mangeurs de peuple »[5]. Louis XI n'en put tirer qu'un très faible parti durant les guerres contre les ducs de Bretagne et de Bourgogne durant lesquelles ils se montrent peu efficaces, comme aux sièges de Nesle, de Roye et de Beauvais en 1472. L'inefficacité des francs-archers apparut surtout à la bataille de Guinegatte[6] ; l'historien Philippe Contamine leur y fait porter l'essentiel de la responsabilité de la défaite française[7].

À la suite de ces campagnes, l'institution des francs-archers fut abolie par Louis XI en 1481[8] pour être remplacés par une infanterie permanente organisée sur le modèle suisse, connues sous le nom de bandes françaises ou bandes de Picardie.

Ces hommes de pied du Moyen Âge avaient eu un grand nombre de sobriquets comme rustres[9], péons[10], ribauds[11], bidaux[12], pétaux[13], taupins[14], piquichins[15],[5].

En 1523, les francs-archers seront toutefois rappelés dans les armées par François Ier. En 1534, ils subissent une métamorphose et deviennent les légionnaires[3].

Équipement

De 1448 à 1465

L'acte fondateur de 1448 décrit l'équipement requis par archer, aux frais de la paroisse:

Rapidement, les villes qui regroupent plusieurs paroisses prennent en compte les dépenses de leurs franc-archers. La comptabilité de certaines villes permet de rendre compte de la diversité de l'équipement. Ainsi chaque franc-archers d'Aurillac a une arbalète à poulies, une salade sans visière (sauf l'un d'entre eux), un jaque et un hoqueton (rouge, vert et blanc à croix brodée "Auvergne"). Ceux de Montferrand ont un hoqueton de cuir qu'ils mettent entre le pourpoint et la brigandine, ainsi qu'un autre hoqueton en étoffe sur lequel figure une croix blanche, et portent aussi une arbalète comme c'est fréquent dans le sud du royaume. Les franc-archers de Compiègne portent un gorgerin de mailles qui protège le cou, les archers ont un jaque de futaine et de toile tandis que les quelques arbalétriers sont équipés comme leurs homologues auvergnats.

De 1466 à 1475

Les réformes de Louis XI profitent du doublement des effectifs pour recruter des coutiliers ou des piquiers bon marché. Selon les instructions d'Aymar Cadorat tous doivent remplacer leur brigandine usagée par un jaque de 25 à 30 toiles (dont plusieurs de cuir) et porter un pourpoint sans manches pour ne pas être gêné.

  • L'archer est censé avoir une salade sans visière, un arc avec trousse, une dague à rouelles, une épée bâtarde et une bocle si besoin.
  • L'arbalétrier doit avoir une salade à visière, une arbalète à poulies avec un carquois contenant 18 carreaux et une épée courte portée à l'arrière. pour ne pas les gêner lors du tir à genoux.
  • Les vougiers disposent d'une salade à visière et de gantelets mais ils n'ont qu'une dague longue.
  • Les piquiers sont équipés de la même manière mis à part qu'ils ont une lance en guise d'arme d'hast et une épée à la place de la dague.

Là encore la comptabilité nous renseigne beaucoup sur les détails de l'équipement. Les archers de Compiègne ont des brassards de tir, l'officier aurait une bavière et tous portent une jupe de mailles en plus de ce qui a déjà été dit. Parmi ceux de Lyon, les demi-lanciers ont des gantelets tandis que les vougiers ont des mitons, tous portent une brigandine et une salade avec un gorgerin de mailles; leur officier porte un corset de métal. Ceux d'Aurillac, Saint-Pourçain et Montferrand ont tous des brigandines.

Après 1475

L'armement s'alourdit pour les porteurs d'armes d'hast avec un nombre croissant de cuirasses et d'armes à feu. Certains franc-archers continuent d'être entretenus pour assurer la défense de la ville comme à Compiègne. Lors du regain d'activité sous François Ier, leur équipement est similaire aux autres fantassins.

Notes et références

  1. France Auteur du texte, Ordonnances des rois de France de la troisième race,.... Quatorzième volume, Contenant les ordonnances depuis la vingt-cinquième année du règne de Charles VII, jusqu'à sa mort en 1461 / par M. de Bréquigny,..., (lire en ligne)
  2. Michel Mollat, « La reconstruction (1440-1515) » tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Bordas Larousse, 1999, p. 346.
  3. Louis Suzanne, Histoire de l'ancienne infanterie française.
  4. Claude Gauvard (dir.), Alain de Libera, Michel Zink, Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, Quadrige/PUF, 2002, p. 560. Texte de cette ordonnance.
  5. Louis Suzanne, Histoire de l'ancienne infanterie française, T. 1.
  6. Michel Mollat, « La reconstruction (1440-1515) » tiré de Histoire de la France des origines à nos jours sous la direction de Georges Duby, Bordas Larousse, 1999, p. 351.
  7. Philippe Contamine (directeur), Des origines à 1715, Presses universitaires de France, Paris, 1992, dans André Corvisier (directeur), Histoire militaire de la France (ISBN 2-13-043872-5), p. 213.
  8. Certains auteurs pensent que la farce intitulée Le monologue du franc archier de Baignollet, retrouvée dans le Recueil de Copenhague, a joué un rôle non négligeable dans la disparition des francs-archers. Voir Le monologue du franc archier page XVII.
  9. De rusticus : rural, rustique, campagnard.
  10. Traduction de pedones, pedites c'est-à-dire piétons mais on peut le voir dans le sens de péon aux colonies espagnole qui est un terme méprisant.
  11. De l'italien ribaldo qui signifie un vaurien, un débauché.
  12. Modification française de vié d'aze des Gascons.
  13. Sobriquet rappelant des habitudes grossières et primitives comme pétaudière pour désigner un endroit où chacun fait ce qu'il veut sans égard pour ses voisins.
  14. Surnom donné aux francs-archers qu'on voyait sortir de leur trous pour aller en guerre mais qui se dépêchaient d'y entrer au moindre bruit.
  15. Piquichin ou piquinichin diminutif de l'espagnol pequino petit.

Bibliographie

  • Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge : études sur les armées des rois de France, 1337-1494, t. 1, Paris, École des hautes études en sciences sociales, coll. « Les réimpressions des Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales », (1re éd. 1972, Mouton), XXXVIII-450 p. (ISBN 2-7132-1816-0, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne].
  • Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge : études sur les armées des rois de France, 1337-1494, t. 2, Paris, École des hautes études en sciences sociales, coll. « Les réimpressions des Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales », (1re éd. 1972, Mouton), 757-V p. (ISBN 2-7132-1816-0).
  • Denis Diderot, Jean Le Rond d'Alembert, Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, etc., vol. 15, p. 310 : article « Franc-archer ».
  • Philippe Contamine, Charles VII : une vie, une politique, Paris, Perrin, , 560 p. (ISBN 978-2-262-03975-2, présentation en ligne).
  • Théo Parlalidis, Guide des gens de guerre sous Charles VII, XVe siècle, Editions La Muse, coll. «compléments d'histoire», 2019, 74p. (ISBN 978-2-490870-04-2)

Voir aussi

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