Gregory Chelli
Gregory Chelli (en hébreu : גרגורי שלי), connu sous le pseudonyme d’Ulcan (en hébreu : אולקן'), né à Paris en 1982, est un « hacktiviste » franco-israélien[1] se présentant comme un « militant sioniste » ; il est principalement connu pour ses attaques informatiques contre divers médias, et son harcèlement de personnes qu'il considère comme ses ennemis politiques[2]. Ulcan est un expert en social engineering, Zataz le compare à Kevin Mitnick et Ehud Tenenbaum[3].
Pour les articles homonymes, voir Chelli.
Nom de naissance | Grégory Chelli |
---|---|
Alias |
Ulcan |
Naissance |
Paris (Île-de-France) |
Nationalité |
Française Israélienne |
Activité principale |
À la fin des années 2000, il est un temps membre de la Ligue de défense juive[4]. Il se fait par la suite connaître sur Internet en réalisant des canulars téléphoniques et en les publiant sur un site Web intitulé Viol Vocal, qui héberge également des impostures commises par d'autres participants. À partir de 2013, il utilise ces méthodes dans le cadre de son militantisme politique[5],[6]. Durant l'été 2014, en réaction à des critiques émises par la presse française sur l'offensive israélienne sur le territoire de la bande de Gaza, il s'attaque à divers médias français, d'une part par techniques de piratage informatique comme le DDoS ou le defacing[7],[8], et d'autre part en s'en prenant personnellement à des journalistes et à leurs familles, qu'il harcèle par téléphone et sur Internet[9].
Biographie
Gregory Chelli est né en 1982, dans le seizième arrondissement de Paris[10]. Ses parents sont des Tunisiens de confession juive[11]. Il va à l'école du Val d'Or, à Saint-Cloud (1988-1992) puis à l'École des Roches à Verneuil-sur-Avre (1992-1993).
En 2007, Ulcan publie une vidéo dans laquelle il s'en prend à un joueur de World of Warcraft sur un serveur TeamSpeak, logiciel de chat audio utilisé par les joueurs de jeu vidéo. À la suite du succès de cette vidéo, il décide de mettre en ligne plusieurs clashes ou canulars dits « hardcore », dans le but de choquer et d'amuser les auditeurs.
Fin 2008, il s'associe à la Ligue de défense juive[4] pour s'attaquer à diverses personnalités qu'il juge antisémitismes. Avec l'aide de membres de la LDJ, ils mettent le feu à la moto de Thomas Werlet, le président du Parti solidaire français. Pour cette affaire, il sera jugé et condamné à 18 mois de sursis avec mise à l’épreuve avec soin obligatoire, interdiction de sortir du territoire et de fréquenter tout membre de la LDJ. En 2009, Gregory Chelli a notamment été condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis après avoir participé, avec la LDJ, au saccage d'une librairie « pro-palestinienne ».
Il crée en 2010 un « site internet pour adultes » en Roumanie[5],[10].
Il fonde en 2011 un site de chat en ligne, ViolVocal où Ulcan et les utilisateurs du site appellent en direct pour réaliser des canulars téléphoniques, et les rediffusent par la suite.
Il quitte la France et s'installe à Ashdod, station balnéaire en Israël[10].
Durant l'année 2014, Gregory Chelli se lance dans une campagne de cybermilitantisme et de harcèlement contre divers médias français et des personnes qu'il considère comme des ennemis d'Israël[12] : une information judiciaire est ouverte contre lui en à la suite de ses attaques contre des sites Web[10]. La France accuse Israël de ne pas coopérer en matière judiciaire dans cette affaire. Le week-end du 25 et , Gregory Chelli est entendu par la police d'Ashdod, information démentie par la Ligue de défense juive[13],[14].
Le , le parquet de Paris demande son renvoi en cour d'assises[15]. En , le juge ordonne également qu'il soit jugé pour ses autres canulars[16]. En , la Cour de cassation casse le jugement pour raisons procédurales et renvoie son dossier au juge d'instruction[17].
Pratiques et méthodes
ViolVocal
ViolVocal, parfois orthographié « Viol Vocal », est un salon de chat audio et vidéo, hébergé sur Camfrog (en), lancé par Ulcan en 2011.
Ulcan et les participants, parfois mineurs, effectuent des clashs ainsi que des canulars téléphoniques en direct, dont du swatting, et écoutent ceux-ci.
Dans le cadre de ce site, Gregory Chelli met en place une technique permettant de se faire transmettre par un service de police les renseignements du système de traitement des infractions constatées, en se faisant passer pour un policier. Il publie ainsi les renseignements concernant plusieurs rappeurs français, dont Booba, La Fouine et Rohff[18],[19].
En 2014, Malicia Darkwave, alors victime des canulars de Gregory Chelli, crée l'album « vocal intrusion » et notamment le titre « vulcan » avec des extraits audio du site ViolVocal[20].
Le site connaît plusieurs fermetures et réouvertures.
Militantisme politique
Dans le cadre de son engagement politique, Gregory Chelli emploie des techniques de piratage informatique, et des méthodes téléphoniques comparables à celles utilisées lors des canulars publiés sur son site ViolVocal. Il s'en prend ainsi aux sites internet dont le contenu politique lui déplaît, mais aussi directement à certaines personnes, voire aux familles de ces dernières. Pour mener ses opérations, il reprend les techniques de ViolVocal afin d'obtenir des informations auprès de la police. Il tente ainsi de se procurer les antécédents judiciaires des personnes qu'il vise, parmi lesquelles le journaliste Pierre Haski (également d'origine juive tunisienne), l'islamologue Tariq Ramadan ou l'écrivain d'extrême droite Hervé Ryssen[10]. Pour abuser ses victimes ou les forces de l'ordre, il utilise notamment le phreaking — qui lui permet de falsifier le numéro de l'appelant[5] — ou se procure des codes radio utilisés pour l'identification des commissariats de police[21].
Attaques contre des sites internet
Pendant la Guerre de Gaza de 2014, Ulcan multiplie les attaques contre les médias qu'il juge pro-palestiniens[22] : il effectue, avec plusieurs des membres de ViolVocal, des attaques DDoS contre Rue89[23],[24],[25], Libération, Médiapart, Arrêt sur images ainsi que plusieurs sites politiques à qui il reproche leurs positions sur le conflit israélo-palestinien[26], comme le site du NPA Franche-Comté ou du député socialiste Yann Galut[27]. En , il s'attaque aux sites de France Inter et de France Info qu'il rend brièvement inaccessibles[28]. Il diffuse un message revendiquant ces attaques et accusant les médias qu'il a visés de ne respecter « ni la présomption d'innocence, ni les droits de réponse », de « mentir » ou de « diffamer » quand « il s'agit des juifs, d'Israël ou de [lui] »[29].
En 2013, le site de Dieudonné est piraté et la base de données de ses membres est divulguée par un hacker anonyme[30]. Ulcan revendiquera plus tard être l'auteur de ce hack[31]. En 2016, c'est au tour du site d'Alain Soral de subir le même sort[32].
Harcèlement
Outre les sites des médias, Gregory Chelli prend également pour cible des artistes et des journalistes, dont Pierre Haski, de Rue89 : en , il appelle la police en se faisant passer pour ce dernier et déclare avoir tué son épouse et s'être retranché armé à son domicile. Le journaliste a par ailleurs fait l'objet sur Twitter de menaces de mort de la part d'« Ulcan », qui a également dévoilé ses coordonnées personnelles[9].
Les Éditions Demos annulent la sortie d'un livre de l'écrivaine Émilie Courts, dont la famille a également été prise pour cible, sous la pression des menaces de Gregory Chelli[33] à l'automne 2011. Le livre voit tout de même le jour en [34].
Il s'en prend également à un autre journaliste de Rue89, Benoît Le Corre, dont il appelle les parents pour leur faire croire que leur fils est mort. Il utilise également la technique du swatting en appelant la police pour déclarer un meurtre à l'adresse des parents du journaliste, afin d'y provoquer un assaut du GIGN[35]. Quelques jours plus tard, le père de Benoît Le Corre subit un infarctus dont il meurt deux semaines après. Un des médecins réanimateurs cité par Rue89 a estimé qu'« On ne peut pas clairement établir une corrélation entre le stress et l'infarctus, mais on a envie de dire que ce n'est pas étranger[36],[37] », cependant le rapport d'expertise médicale de deux cardiologues, figurant au dossier des juges d’instruction saisis dans cette affaire, établit que « le stress a été un facteur déclenchant direct et certain, révélant son état antérieur[38] ». « Ulcan » a ensuite téléphoné au journaliste pour le narguer[39].
Selon un article d’Arrêt sur images du , la personne chargée de l'enquête de police concernant Ulcan, Michel Thooris, par ailleurs secrétaire général du syndicat policier d’extrême droite France Police, serait un proche de la Ligue de défense juive[40]. Selon le magazine Le Point, Ulcan « bénéficierait de complicités en France au sein de la police et dans une partie de la communauté juive »[41].
Le , Gregory Chelli réitère ses attaques contre Pierre Haski. Il appelle un commissariat en se faisant passer pour ce dernier, déclarant avoir « poignardé sa femme » et « ouvert le gaz dans l'immeuble », ce qui provoque une intervention des forces de l'ordre en pleine nuit au domicile du journaliste[42].
L'Agence France-Presse révèle, le , que le juge d'instruction ordonne le renvoi de Gregory Chelli aux assises, notamment pour « violences volontaires avec préméditation ayant entraîné la mort sans intention de la donner », comme le demandait, en , le parquet de Paris[43],[44].
Il est, en , jugé à Paris pour six affaires de harcèlement[45]. Le , le tribunal correctionnel de Paris le condamne en son absence à deux ans et demi de prison pour une partie des faits qui lui étaient reprochés. Son avocat Gilles-William Goldnadel annonce vouloir faire appel du jugement[46].
Bassem Braïki
Bassem Braïki est un blogueur lyonnais qui se fait connaître avec une vidéo à la suite des attentats du où il appelle les musulmans de France à s'unir contre les terroristes[47]. Par la suite, il s'en prend à Booba qui, selon lui, dégrade l'image de la femme arabe dans ses textes et fait annuler son concert du à Lyon[48].
Ulcan, qui soutient Booba, provoque Bassem sur ViolVocal et celui-ci lui répond : « On va refaire une Ilan Halimi, appelez-moi Youssouf Fofana. » Il est interrogé par la police pour ses propos[49],[50].
Liens avec d'autres faits similaires
Après les tueries de à Toulouse et Montauban, un jeune participant à ViolVocal, Foued M., passe environ 1 350 appels répartis à travers la France, antisémites et faisant l'apologie de Mohammed Merah auteur des tueries, et envoie plusieurs mails de menaces aux responsables de l'école juive Ozar Hatorah de Toulouse[51],[52]. Il est condamné à trois mois de prison ferme en par le tribunal correctionnel de Toulouse[53]. Cet individu a été identifié puis dénoncé par Gregory Chelli. À ce propos il déclare :
« Étant donné que j’ai un site de chat, sur lequel les consommateurs s’amusent et font des canulars, on me fait porter le chapeau pour tout ce qui est dit et fait. Un peu comme si Mark Zuckerberg était personnellement responsable de tout ce qui est écrit sur Facebook[54]. »
Selon un journaliste, « la motivation […] résidait dans la volonté de faire rire un groupe qui se retrouve le soir sur internet »[51], et un policier décrit le fonctionnement du chat : « [Les participants] ne se connaissent pas, se retrouvent via le net à dix, quinze ou vingt et se lancent des défis. Un des participants appelle, les autres écoutent[51]. »
Le , une fausse alerte attentat est déclenchée à Paris, concernant l'église Saint-Leu-Saint-Gilles. Elle est revendiquée par deux personnes se disant mineures, désignés sous les pseudonymes de « Tylers Swatting » et « Zakhaev Yamaha » et présentés comme des admirateurs de Grégory Chelli. Selon leurs propos[55], tels que rapportés par le site web de L'Obs, « Le projet initial était de swatter une mosquée mais après Saint-Étienne-du-Rouvray on s'est dit que ça marcherait mieux avec une église ». Ulcan a condamné cet acte et identifié un des suspects. Il affirme n'avoir aucun lien avec ces individus[56],[57].
The Patriot
En 2017, Grégory Chelli fait l’objet d’un documentaire israélo-canadien, d'une durée de 72 minutes, réalisé par Daniel Sivan[58], The Patriot, présenté au festival international DocAviv en Israël, dans lequel il relate son combat contre l'antisémitisme[59],[60], qui a fait d'ailleurs l'objet d'une vive polémique lors du Fipa de Biarritz[61],[62],[63]. Une lettre ouverte signée de Pierre Haski, Daniel Schneidermann et Denis Sieffert, visés par des actions d'Ulcan, est publiée le sur le site de Politis.fr[64].
Notes et références
- Philippe Pascot, “Du goudron et des plumes” : Délits d’élus Tome 2 : Essais : documents, Max Milo, , 320 p. (ISBN 978-2-315-00777-6, lire en ligne), p. 265.
- « L’escalade d’Ulcan, hacker sans foi ni loi », sur Libération, .
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- Alexandre Poplavsky, « Fausse alerte à Paris : les auteurs identifiés par le hacker Ulcan », sur estrepublicain.fr, .
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- (en) Lianne Kolirin, « France seeks arrest of hacker who declared war on Jew-hate », sur thejc.com, .
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- V. F., « Fipa à Biarritz : polémique autour de la présentation du documentaire sur le hacker Ulcan », sur Sudouest.fr, (consulté le ).
- n. c., « Des victimes du hacker Ulcan interpellent un festival à propos d'un documentaire », sur Liberation.fr, (consulté le ).
- Bixente Vrignon, « FIPA de Biarritz : un film sur le hacker extrêmiste Ulcan fait polémique », sur France Bleu Pays Basque, (consulté le ).
- Pierre Haski, Daniel Schneidermann et Denis Sieffert, « Une lettre ouverte à la présidente du Festival international de programmation audiovisuelle », sur Politis.fr, (consulté le ).
Liens externes
- « Ulcan, un “hacktiviste” qui inquiète », La Presse
- « Le hacker et le journaliste », Radio France International
- « Que peut faire la justice face à Ulcan, le hacker de Rue89 ? », Les Inrockuptibles
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