Guillaume d'Estouteville
Guillaume d'Estouteville (prononcer /de.tut.'vil/), cardinal, supposé né après 1400, mort le à Rome, est un prélat normand, trente-quatrième abbé du Mont Saint-Michel, de 1444 à 1483.
Ne doit pas être confondu avec Guillaume d'Estouteville († 1414).
Sa famille
Originaire de Normandie, sa famille était l'une des plus puissantes de Normandie et richement possessionnée dans le pays de Caux, autour du château de Valmont. Né en 1403[1] ou vers 1412 à Valmont ou Estouteville-Écalles, il était fils de Jean d'Estouteville (1378-1435), seigneur d'Estouteville et de Valmont, chambellan du duc d'Orléans et Grand bouteiller de France, et de Marguerite d'Harcourt, fille de Jean VI d'Harcourt, chef de la plus ancienne et la plus célèbre famille de Normandie, après celle des ducs[2].
Il était frère cadet de Louis d'Estouteville (1400-1464), seigneur d'Estouteville et de Valmont, sénéchal de Normandie et Grand-Bouteiller de France, qui s'illustra notamment, avant l'accession de son frère à la tête de l'abbaye en 1444, par neuf ans de défense acharnée du mont Saint-Michel contre les assauts anglais, de 1425 à 1444. Il est le neveu de l'archevêque de Rouen Louis d'Harcourt (1382-1422)[2].
Biographie
Début de carrière
Il devient moine bénédictin du prieuré Saint-Martin-des-Champs[1]. Il suit des études à Paris puis Angers où il obtient une licence en décret avant 1435[2]. Il obtient un doctorat en droit canon[1]. Prieur de Saint-Martin-des-Champs[1], protonotaire apostolique en avril 1433, il est prébendé et archidiacre à Lyon puis précepteur en 1440[2]. En 1433, il est chanoine d'Angers et archidiacre d'Outre-Loire[2].
Guillaume d'Estouteville est élu évêque d'Angers le [1] puis confirmé le , il ne peut pas en prendre possession[1]. Il résigne le . En compensation, il administre le Couserans[2] et Digne, où il est nommé le et dont il prend possession le 8 novembre[1]. Il est consacré le à Florence, probablement par le pape Eugène IV[1].
L'accumulation des bénéfices
Il est créé cardinal le [2] et reçoit le titre de Saint-Sylvestre et Saint-Martin des Monts le [1].
Il cumule différents postes et bénéfices : administrateur de Porto en 1459, d'Ostie, doyen du Collège des cardinaux en 1472, de Mirepoix en 1440[3], de Nîmes le , de Lodève en janvier 1450[4], de Maurienne en 1453[5], abbé du Mont Saint-Michel (de 1444 à 1483), de Saint-Gildas-des-Bois (1450-1462), de Saint-Ouen de Rouen (1462-1483), de Montebourg (1466-), de Bonnecombe (1475-1483), prieur de Saint-Martin-des-Champs (1471-1483), de Saint-Magloire de Léhon (1440-1483) [2]...
Le , l'élection du chapitre de la cathédrale de Rouen désigne deux candidats : Philippe de la Rose et Richard Olivier. Guillaume d'Estouteville, légat du pape en France depuis septembre 1451 obtient l'appui de Charles VII et est transféré à Rouen le . Il prend possession le par Louis d'Harcourt, archevêque de Narbonne, et fait son entrée solennelle le . Il sera archevêque de Rouen jusqu'à sa mort en 1483. Dès 1455, il quitte définitivement Rouen pour Rome et nomme des vicaires qui administrent en son nom[2].
Cardinalat
Il est l'un des cardinaux chargé par Eugène IV en 1445 puis par Nicolas V le de la cause de la canonisation de Bernardin de Sienne[1].
Nommé légat en France le , il est chargé de la réforme des écoles et du rétablissement de la paix entre l'Angleterre et le Saint-Siège[1]. Il est délégué en 1452 par le pape Nicolas V (1447-1455), aux fins de rouvrir le dossier relatif au procès de condamnation de Jeanne d'Arc, jugée et condamnée en 1431 à Rouen par un tribunal ecclésiastique à la solde de l'occupant anglais. Il rencontra au préalable, en , le roi de France Charles VII, alors en résidence à Tours. L'enquête officielle s'ouvrit le à Rouen, avec le concours de Jean Bréhal, inquisiteur de France, prieur du couvent Saint-Jacques de Paris.
À la suite de cette enquête, Jean Bréhal rédigea un Summarium, qui fut étudié par diverses autorités ecclésiastiques durant les deux années qui suivirent, et obtint du nouveau pape Calixte III (1455-1458) un rescrit ordonnant l'ouverture d'un nouveau procès[1], supervisé au nom du pape par trois commissaires : l'archevêque de Reims Jean Juvénal des Ursins, l'évêque de Paris Guillaume Chartier et l'évêque de Coutances Richard Olivier. Les audiences du procès en nullité de la condamnation de Jeanne d'Arc (couramment appelé – à tort – « procès de réhabilitation ») se tinrent pour l'essentiel à l'archevêché de Rouen, désormais dirigé par Guillaume d'Estouteville, à partir de , pour aboutir, le , à la cassation du jugement de mai 1431.
En 1455, il est membre de la commission chargée de la formation de la flotte papale contre les turcs. Après l'élection du pape Pie II en 1458, il l’accompagne au congrès de Mantoue le . Il reçoit au nom du pape en 1461 la reine Charlotte de Chypre. Il accompagne à nouveau le pape à Ancône en juillet 1464. Il est chargé du rétablissement de l'ordre parmi les croisés. À la suite de la mort de Pie II et de l'élection de Paul II, il devient un des trois commissaires généraux de la croisade en novembre 1464. Il est nommé membre de la commission pour les affaires de la Bohême au début 1465. Il participe au conclave de 1471 qui élit Sixte IV et consacre le nouveau pape le [1].
En 1472, il fut doyen du Collège des cardinaux et en 1477, il devint camerlingue[2].
Nommé légat en France le , il décline et est remplacé par Francesco Maria Scelloni-Visconti, évêque de Viterbo. Le , il accompagne le pape Sixte IV à Foligno pour fuir la peste présente à Rome[1].
Au cours de son cardinalat, il aura participé aux conclaves de 1447 (élection du pape Nicolas V), 1458 (élection du pape Pie II), 1464 (élection du pape Paul II) et 1471 (élection du pape Sixte IV) et n'aura manqué que celui de 1455 qui voit Calixte III devenir pape[1].
Un mécène
Au cours de sa carrière, il engagera de nombreux travaux, notamment en Italie. Il aménage la place Navone sur un ancien cirque antique et reconstruit le palais Saint-Apollinaire dont il fait sa résidence. Il élève le palais archiépiscopal de Velletri, reconstruit les fortifications de Fracasti, construit de nouvelles églises pour Cori et Tolentino[2], et Saint-Augustin à Rome. Il relève des ruines Ostie[1] et édifie la cathédrale d'Ostie[2]. Il répare le toit des bas-côtés de la basilique Sainte-Marie-Majeure et embellit l'église Saint-Louis-des-Français de Rome[1].
En France, il restaure l'archevêché de Rouen où il élève une nouvelle aile[1]. Il dépense 50 000 livres et réalise les cinq premières travées de la nef de l'abbatiale Saint-Ouen, les vitraux du transept et un jubé aujourd'hui disparu[6]. Il relève la forteresse de Gaillon démantelée par les Anglais et réalise le chœur de l'abbatiale du Mont-Saint-Michel[2].
Héritage
Il meurt à Rome le [1]. Son corps reste à Rome tandis que son cœur est ramené à Rouen et inhumé dans la nef, dans le tombeau qu'il avait fait élever à partir de 1474, une dalle de marbre noir surmonté d'un gisant en albâtre[2]. Enterré dans l'église Saint-Augustin de Rome, l'emplacement de sa tombe est aujourd'hui inconnu. Son buste est érigé au XVIIe siècle près de la porte de la sacristie[1].
L'inventaire de ses biens a relevé des centaines de bagues, une collection de 114 camées ou intailles, de l'argenterie, des manteaux et une bibliothèque de 269 volumes. Il aura été le cardinal le plus riche de son temps[2],[1].
Il aura eu avec Girolama Togli cinq enfants dont deux qu'il dote de domaines et châteaux[2].
Parentés
Avec les Valois
Descendants au 4e degré de Charles de Valois (1270-1325), Louis et Guillaume étaient tous deux relativement proches parents[7], à des degrés divers, de plusieurs protagonistes de la Guerre de Cent Ans, liés de près ou de loin à l'épopée de Jeanne d'Arc :
- le roi de France Charles VII (et son fils Louis XI),
- le duc de Bourgogne Philippe le Bon (et son fils Charles le Téméraire),
- le roi d'Angleterre Henri VI (fils d'Henri V ci-dessous),
- le duc d'Alençon Jean II dit « le Beau Duc »,
- le prince-poète Charles d'Orléans (1391-1465), duc d'Orléans, prisonnier des Anglais de 1415 à 1440,
- et son demi-frère Jean d'Orléans, comte de Dunois dit « le Bâtard d'Orléans ».
Voir l'article : Liens de parenté entre les Estouteville et les Valois.
Avec les Plantagenêt
Les Estouteville étaient également apparentés, à un degré légèrement plus éloigné, à quatre autres descendants de Philippe le Bel, roi de France et frère aîné de Charles de Valois :
- Henri V (1387-1422), roi d'Angleterre (1413-1422) (père d'Henri VI ci-dessus),
- son frère Jean de Bedford (1389-1435), régent de France (1422-1435),
- son frère Humphrey de Gloucester (1390-1447), régent d'Angleterre (1422-?),
- leur oncle illégitime Henri Beaufort (1375-1447), dit le « cardinal de Winchester », qui assista à l'ensemble du procès de condamnation de Jeanne d'Arc et s'entretint plusieurs fois avec la prisonnière.
Voir l'article : Liens de parenté entre les Estouteville et les Plantagenêt.
Armoiries épiscopales
Ses armes étaient : Écartelé, aux 1 et 4: burelé de gueules et d'argent de dix pièces au lion de sable, armé, lampassé et couronné d'or, brochant sur le tout(Estouteville); au 2 et 3: de gueules à deux fasces d'or (Harcourt); sur le tout, d'azur, à trois fleurs de lis d'or, à la cotice de gueules, brochant sur le tout (Bourbon)[2],[8].
Notes et références
- The Cardinals of the Holy Roman Church: Consistory of December 18, 1439 (III)
- Vincent Tabbagh (préf. Hélène Millet), Fasti Ecclesiae Gallicanae 2 Diocèse de Rouen : Répertoire prosopographique des évêques, dignitaires et chanoines des diocèses de France de 1200 à 1500, Turnhout, Brepols, , 447 p. (ISBN 2-503-50638-0), p. 130-136
- Il laisse l'évêché de Mirepoix à Eustache de Lévis-Léran.
- Il est nommé à ce poste par le pape Nicolas V.
- Il abandonne l'évêché de Lodève à Bernard de Casilhac, mais le conserve jusqu'en 1462 pour être remplacé par Jean de Corguilleray, abbé de Saint-Ouen qu'il remplace dans ses fonctions.
- Lucien-René Delsalle, Des monastères urbains: Saint-Ouen de Rouen dans « Rouen à la Renaissance, sur les pas de Jacques Le Lieur », L’Armitière, Rouen, 2007, p. 347-356.
- Contrairement à ce qui est dit par erreur dans le Jeanne d'Arc de Régine Pernoud et Marie-Véronique Clin (Paris : Fayard, 1986), dans le chapitre « Charles le Victorieux », section « Réouverture du dossier », les frères Estouteville ne semblent pas avoir eu pour grand-mère maternelle une sœur du roi Charles V.
- Arnaud Bunel, Armorial illustre des Archevêques de Rouen, v.1.1, 2010.
Voir aussi
Bibliographie
- Ambroise Angley (18xx-18xx, historien et prêtre), Histoire du diocèse de Maurienne, Saint-Jean-de-Maurienne, impr. de J.-B. Héritier, , 500 p. (lire en ligne), « LXVIII. Guillaume d'Estouteville. Cardinal », p. 248-257.
Liens externes
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- (en) British Museum
- (en) Grove Art Online
- (en) Union List of Artist Names
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