Empilement compact
L'empilement compact est la manière d'agencer des sphères dans l'espace afin d'avoir la plus grande densité de sphères, sans que celles-ci se recouvrent.
« Arrangement compact » redirige ici. Pour Arrangement, voir Arrangement (homonymie).
Pour les articles homonymes, voir Empilement.
C'est un problème que l'on se pose en général en géométrie euclidienne dans l'espace à trois dimensions, mais on peut aussi le considérer dans le plan euclidien (les « sphères » étant alors remplacées par des cercles), ou dans un espace euclidien à n dimensions (n > 3), avec des hypersphères, ou encore dans un espace non euclidien.
Arrangement compact de cercles dans un plan
Sur un plan, on peut disposer au maximum six cercles de rayon r autour d'un cercle de même rayon. Les centres de trois cercles en contact définissent un triangle équilatéral puisqu'ils sont distants de 2r les uns des autres. Chaque angle valant 60° (π/3), on peut mettre ainsi 6 triangles avec un sommet en commun pour former un hexagone régulier.
On peut constater aisément que c'est l'organisation la plus compacte qui soit en rangeant des billes de même volume dans une enceinte de taille appropriée.
La densité surfacique de cet arrangement est :
Joseph-Louis Lagrange prouva en 1773 qu'aucun arrangement régulier n'est plus dense. Tel n'est pas le cas lorsque les cercles n'ont pas la même taille (voir l'arrangement de rondelles d'agrumes).
Empilement compact de sphères
Considérons trois sphères de même diamètre en contact sur un plan (plan A). On peut placer une quatrième sphère, toujours du même diamètre, posée sur le creux entre les trois premières, les centres des sphères formant un tétraèdre régulier.
En positionnant ainsi des sphères dans les creux du plan compact A, on obtient un deuxième plan compact (plan B). Lorsque l'on ajoute un troisième plan, on peut mettre les sphères soit en correspondance avec celles du premier plan (plan A), soit dans une troisième possibilité de placement définissant un nouveau plan compact (plan C). Et ainsi de suite : superposition (régulière ou non) de plans A, B ou C (deux lettres consécutives devant toujours être différentes).
En 1611, Johannes Kepler conjecture que c'est l'arrangement spatial le plus compact. En 1831, Carl Friedrich Gauss démontre la conjecture de Kepler sous réserve que l'arrangement soit régulier (sur un réseau)[1]. Le cas général est démontré par Thomas Hales en 1998 (suivi de quatre années de vérifications par des mathématiciens) et formellement prouvé en 2014, toujours par Thomas Hales.
Il existe ainsi trois types de plans compacts A, B et C qui peuvent en se combinant engendrer une infinité de types d'empilements compacts, qui constituent un exemple de polytypisme :
- A-B-A-B… empilement dit « hexagonal compact » ;
- A-B-C-A-B-C… empilement dit « cubique compact » ou « cubique à faces centrées » du nom du réseau de Bravais qui lui correspond ;
- A-B-A-C-A-B-A-C… empilement dit « double hexagonal » ;
- A-B-C-B-A-B-C-B… ;
- …
Quel que soit l'arrangement, chaque sphère est entourée de 12 autres sphères et la densité volumique vaut dans tous les cas :
Dimensions plus élevées
Dans les espaces euclidiens de dimension supérieure à 3, le problème d'empilement compact se généralise aux hypersphères. Les densités des arrangements réguliers les plus compacts sont connues jusqu'en dimension 8 et pour la dimension 24 (voir l'article « Constante d'Hermite »).
En 2016, Maryna Viazovska annonce que le réseau E8 (en) fournit l'empilement optimal (pas forcément régulier) en dimension 8[2],[3], et peu après, en collaboration avec d'autres mathématiciens, elle produit une preuve similaire montrant que le réseau de Leech est optimal pour la dimension 24[4],[5]. Elle reçoit la médaille Fields pour ces découvertes en 2022[6].
Asymptotiquement, la densité de l'arrangement le plus compact (régulier ou non) décroît exponentiellement en fonction de la dimension n. Il n'y a pas de raison de penser que les arrangements les plus denses soient réguliers en général. Néanmoins le meilleur encadrement connu sur est le même dans les deux cas[7] :
Application en cristallographie
En cristallographie, les atomes ou les ions peuvent s’organiser en couches compactes. C'est notamment le cas pour les structures métalliques, les cristaux n'étant formés que d'un seul type de particules. Si on les modélise par des sphères, l’empilement est compact lorsque les sphères sont en contact.
Les deux principaux types d'empilement compact sont :
- hexagonal compact hc (ou hcp pour Hexagonal close-packed) : les couches d’atomes s’empilant suivant l’ordre ABAB, le polyèdre de coordination des atomes est un anticuboctaèdre ;
- cubique à faces centrées cfc (ou ccp pour cubic close-packed) : les couches d’atomes s’empilant suivant l’ordre ABC, le polyèdre de coordination des atomes est un cuboctaèdre.
Exemples :
La densité volumique porte le nom de compacité. Le taux de remplissage est d'environ 74 % (26 % de vide).
Structure vs. réseau
Dans la structure cubique compacte, les atomes sont situés en correspondance des nœuds du réseau cubique à faces centrées et pour cette raison la structure cubique compacte est souvent dite aussi structure cubique à faces centrées.
En revanche, dans la structure hexagonale compacte les atomes ne sont pas sur les nœuds du réseau mais en position ⅓,⅔,¼ et ⅔,⅓,¾, qui sont équivalents dans le groupe d'espace (P63/mmc, n° 194). Le réseau de la structure hexagonale compacte est un réseau hexagonal primitif.
Références
- Conway et Sloane 1999, chap. 1, p. 8.
- (en) Frank Morgan, « Sphere Packing in Dimension 8 », sur The Huffington Post, (consulté le )
- (de) Andreas Loos, « Mathematik: So stapeln Mathematiker Melonen », Die Zeit, (ISSN 0044-2070, lire en ligne, consulté le )
- (en-US) Lisa Grossman, « New maths proof shows how to stack oranges in 24 dimensions », sur New Scientist, (consulté le )
- (en) Erica Klarreich, « Sphere Packing Solved in Higher Dimensions », Quanta Magazine, (lire en ligne, consulté le )
- (en-US) Kenneth Chang, « Maryna Viazovska: Second to none in any dimension. », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
- Conway et Sloane 1999, chap. 1, p. 20.
Voir aussi
Bibliographie
- (en) John Horton Conway et Neil Sloane, Sphere Packings, Lattices and Groups, Springer, , 3e éd. (1re éd. 1993) (lire en ligne)
- (en) Thomas Hales, « A proof of the Kepler conjecture », Ann. of Math., vol. 162, , p. 1065-1185 (lire en ligne)
- Joseph Oesterlé, « Empilements de sphères », Séminaire Bourbaki, vol. 32, no 727, 1989-1990 (lire en ligne)
- Joseph Oesterlé, « Densité maximale des empilements de sphères en dimension 3 », Séminaire Bourbaki, vol. 41, no 863, 1998-1999 (lire en ligne)
Articles connexes
- Empilement aléatoire compact
- Structure cristalline
- Théorème des empilements de cercles (en)
- Porisme de Steiner
- Maryna Viazovska
Liens externes
- Calcul de la compacité
- Souhir Boujday, « Empilements compacts », sur UPMC
- (en) Herminio López Arroyo, « Let's give away some balls », sur Matifutbol — Exemple concret d'empilement compact.
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