Histoire de l'Équateur

L'Équateur est un pays indépendant depuis le 4 juin 1830[1].

L'époque précolombienne

Il a été retrouvé des traces de civilisation connue sous le nom de Valdivia qui serait apparue vers 3000 av. J.-C., et aurait disparu vers 1500 av. J.-C. Ensuite, vers 500 apr. J.-C. sont apparus les premiers Amérindiens avec leurs formes organisées de peuplement, et les créations d'État qui restèrent en place jusqu'au VIIIe siècle. Enfin, les Incas intégrèrent tous ces peuples sous leur domination à partir du XVe siècle, avec leur organisation sociale très développée et leur expansionnisme très marqué. Le site d'Ingapirca (mur de l'inca) est le site le mieux conservé de l'époque inca[2].

L'arrivée des Espagnols

Les conquistadores espagnols arrivent sous le commandement de Francisco Pizarro en 1532[3]. Ils sont interprétés par les magiciens du pouvoir inca comme le présage de la fin de leurs temps, immobilisant de facto toute réaction coordonnée[4] du peuple Inca. Cet affaiblissement du pouvoir inca permet, après une résistance faible issue du contraste des armes de guerre des deux camps, aux Espagnols la conquête du nouveau royaume de Quito deux ans plus tard. De nombreux indigènes meurent au cours des années qui suivent à cause des maladies jusqu'alors inconnues apportées par les envahisseurs.

L'Audience de Quito (autre nom de l'Équateur) est d'abord un territoire placé sous l'autorité du vice-roi du Pérou. Puis, de 1717 à 1723, elle est intégrée à la vice-royauté de Nouvelle-Grenade, dont la capitale est Bogota (Colombie). Elle est par la suite placée sous l'autorité de Lima jusqu'en 1739, puis de nouveau sous celle de la Nouvelle-Grenade.

L'indépendance

Les premiers mouvements contestataires se produisent au XVIIIe siècle tandis que les souverains Bourbons tentent de faire passer d'importantes réformes qui ont notamment pour effet d'alourdir considérablement la fiscalité.

En 1803, les Indiens de Guamote et Columbe se soulèvent contre la dîme, un impôt en faveur de l'Église[5].

Une nouvelle insurrection contre l'Espagne a lieu en 1809. À cette époque, l'Espagne est depuis 1808 en guerre contre l'invasion de son ancien allié, l'Empire français de Napoléon Ier, qui a profité des désaccords entre Charles IV et son fils Ferdinand VII pour nommer roi d'Espagne son frère Joseph Bonaparte. Mais cette tentative d'autonomisation, dont le but est plus de contrer l'« usurpateur » que de conquérir l'indépendance, est mise au pas par les forces du vice-roi du Pérou.

Il faut attendre l'année 1820, tandis qu'au Nord la lutte menée par Simón Bolívar a quasiment abouti à l'indépendance de la Nouvelle-Grenade et du Venezuela pour qu'un nouveau soulèvement se produise, cette fois dans la ville portuaire de Guayaquil, dont l'indépendance est obtenue le . Le nouvel État, nommé Province libre de Guayaquil, entreprend une campagne pour libérer le reste de la Real Audiencia de Quito, mais après une victoire lors de la bataille de Camino Real le , l'armée de Guayaquil se trouve en grande difficulté après les défaites de Huachi et Tanizahua, alors que dans le même temps la ville de Cuenca qui s'était libérée le est retombée sous le joug espagnol après la bataille de Verdeloma, le .

Au pied du mur, le président de Guayaquil, José Joaquín de Olmedo, demande l'aide de Simón Bolívar, qui envoie en janvier 1821 le général José Mires à Guayaquil avec armes et munitions. Le , le général Antonio José de Sucre débarque à son tour avec des renforts colombiens. Après plusieurs batailles entre Guayaquil et Quito, l'armée de Guayaquil, désormais dirigée par Sucre et renforcée par des troupes argentines envoyées du Pérou par José de San Martín, remporte une victoire décisive le lors de la bataille de Pichincha, près de Quito et obtient la capitulation des troupes espagnoles de la Real audiencia. À la suite de la rencontre de Guayaquil entre Bolívar et le Libertador argentin José de San Martín, la région devient partie intégrante de la République de Grande Colombie, fondée et dirigée par Bolívar, qui englobe aussi le Venezuela, le Panama et la Colombie.

Le XIXe siècle

Le le Distrito del Sur déclare son indépendance vis-à-vis de la Grande Colombie. Puis le , cette indépendance devient effective et le Distrito del Surprend officiellement le nom de République de l'Équateur. Le général Juan José Flores, l'un des héros de la guerre d'indépendance, en devint le premier président (ou plutôt instaure sa dictature personnelle), avant d'être chassé du pouvoir en 1845 après un intermède de Vicente Rocafuerte. En fait, de 1830 à 1948, l'Équateur connut plus de soixante-deux gouvernements successifs, de type présidentiel, militaire ou dictatorial. Le pouvoir alterna entre les partis conservateurs et les partis libéraux représentant la bourgeoisie créole.

En 1832, le nouvel État prit possession des îles Galápagos. À l'issue d'une longue période d'instabilité, le conservateur Gabriel García Moreno réunifia le pays en 1860, en chassant de Guayaguil le général Franco, qui était soutenu par le dictateur péruvien Castilla. Directement ou indirectement, Garcia Moreno gouverna l'Équateur pendant une quinzaine d'années, avec le soutien de l'Église catholique, mais il fut assassiné en 1875.

Eloy Alfaro organisa en 1895 une révolution libérale, Président de 1895 à 1911 avec une interruption entre 1901 et 1906, il propose dès sa prise du pouvoir de « mettre fin à la théocratie », rédige une Constitution sans référence à Dieu dans son préambule et met fin au Concordat avec l'Église catholique. Son deuxième mandat voit également l'inauguration de la ligne de train reliant Quito à Guayaquil. Sur le plan politique, la liberté de presse et d'opinion est reconnue ; l'élection présidentielle se fait au suffrage universel direct pour quatre ans avec une clause de non rééligibilité immédiate. Sur le plan social, Alfaro crée des écoles, des collèges, des écoles normales. Il abolit les dimes et impôts sur les propriétés indigènes les plus pauvres, témoignant ainsi d'une préoccupation inédite de l’État pour le sort des indigènes. Le libéralisme équatorien se scinde en deux tendances : les modérés, groupés autour de Leónidas Plaza et des notables du parti, veulent mettre un frein aux réformes entreprises par Alfaro ; cette tendance se tourne vers les propriétaires terriens, la bourgeoisie d'affaires et le clergé. De l'autre, les radicaux, fidèles à Alfaro, veulent continuer les réformes contre les privilèges subsistant du vieux système patriarcal colonial. Alfaro est finalement renversé en août 1911. Après un nouvel exil à Panamá, il reprend les armes à Guayaquil, mais est cette fois vaincu et exécuté avec certains de ses partisans..

Le XXe siècle

Au cours de la première moitié du XXe siècle, le mouvement ouvrier émerge et se structure dans le pays : en 1909 puis en 1922 se tiennent deux « Congrès ouvriers ». La grève générale de novembre 1922 à Guayaquil est réprimée dans le sang par l'armée le 15 novembre, faisant plusieurs centaines de victimes. Cette répression est l'événement qui par sa marque sanglante marque le début des luttes syndicales en Équateur, selon les mots de l'historien Jorge Salvador Lara. En 1926 est fondé le Parti socialiste de l'Équateur, dont une scission rejoint la IIIe Internationale en 1931 sous le nom de Parti communiste de l'Équateur.

Revendications équatoriennes sur le Pérou

En 1910, un nouveau conflit avec le Pérou éclata, en 1920, une crise toucha l'industrie du cacao, en 1925, le président libéral Carlos Alberto Arroyo del Río fut renversé par une révolte militaire qui instaura José María Velasco Ibarra (l'une des figures emblématiques du pouvoir équatorien) pendant les années 1934 et 1935 avec le soutien de la faction conservatrice.

En 1941, le Pérou envahit l'Équateur dans sa région amazonienne, la guerre qui s'ensuivit s'acheva par la signature d'un traité du protocole de Rio en 1942, qui attribua au Pérou la moitié du territoire équatorien et presque la totalité de sa forêt amazonienne. Le pays orienta donc sa politique extérieure vers une coopération avec les autres États continentaux et en 1948, il devint l'un des membres signataires de la charte de l'Organisation des États américains. Le conflit cité précédemment recommença brièvement en 1950 et en 1960 mais sans apporter de changements significatifs à la carte politique de la région.

En 1952, Velasco Ibarra, à la tête d'une coalition politique, fut de nouveau candidat à la présidence de la république ; il dirigea le pays entre 1952 et 1956, puis entre 1960 et 1961. En 1963, l’armée renverse le président Carlos Julio Arosemena Monroy qu'elle accuse faussement « d'avoir des sympathies pour le communisme »[6]. D'après l'ex agent de la CIA Philip Agee, en fonction plusieurs années en Équateur, les États-Unis auraient incité ce coup d’État pour éliminer un gouvernement qui refusait de rompre avec Cuba.

De 1963 à 1966 une nouvelle dictature s'installa, mais en juin 1968, Velasco Ibarra fut réélu, mais son mandat ressembla à une nouvelle dictature. En février 1972, un dernier coup d'État fut mené par le général Guillermo Rodríguez Lara. Pendant les quatre années de sa présidence, il utilise les revenus des ressources pétrolières du pays pour le doter d'infrastructures : hôpitaux, écoles, routes, etc. Il tente de faire appliquer un début de réforme agraire mais doit composer avec l'inflexibilité des grands propriétaires, le conduisant à son tour à radicaliser sa position : « Et plus d'oligarchie, de classes dominantes qui foulent au pied la majorité, plus de reste de féodalisme ! Je n'ai accepté ni n'accepterai aucune influence étrangère. » La Texaco Gulf interrompt l'extraction et l'exportation de pétrole, tandis que Washington suspend son soutien militaire. En dépit des pressions extérieures et du conflit avec les élites économiques, le dialogue entretenu entre le gouvernement et le mouvement social permet à l’Équateur de bénéficier de quatre ans de stabilité sans précédent. En janvier 1976, il est « démissionné » par le vice-amiral Alfredo Poveda. Celui-ci purge l’armée de ses éléments progressistes, réaligne le pays sur Washington et effectue une transition vers un régime politique libéral[6].

Les années 1970 virent l'apogée de l'exploitation des gisements pétroliers de l'Équateur, qui en devint le deuxième plus grand exportateur d'Amérique latine derrière le Venezuela. Ses nouveaux revenus lui procurèrent les fonds d'investissement étrangers dont il avait besoin, mais stimulèrent également l'inflation et augmentèrent les inégalités sociales. Un référendum sur le projet d'une nouvelle constitution et la mise en place d'une élection présidentielle future se déroula en 1978 et l'année suivante, Jaime Roldós Aguilera, le chef de la Concentration des forces populaires, fut élu président. Il décida de réformer l'agriculture en 1975 dont la structure archaïque était très pénalisante (40 % des terres cultivables étant possédées par 1 % de la population) et cette réforme se mit en place en 1980. Mais des incidents frontaliers dégénérèrent en mars 1981 en conflit armé avec le Pérou. Les deux camps s'apaisèrent grâce à l'arbitrage international.

En mai 1984, León Febres Cordero Rivadeneira devint le nouveau chef de l'État ; il orienta de nouveau la politique économique vers le libéralisme, mais son gouvernement dut faire face, en 1986 à la mutinerie du général Franck Vargas et en 1987, à un puissant séisme dans l'Oriente qui fit 3 000 morts.

En 1988, le socialiste démocrate Rodrigo Borja Cevallos fut élu mais dut affronter dès juin 1990, le mouvement des Indiens pour la reconnaissance de leurs droits, les tribus indiennes paralysèrent le pays par une grève pacifique (voir CONAIE). Ce Levantamiento indien fut un véritable électrochoc pour le pouvoir politique et malgré l'opposition de l'armée et de la plupart des partis politiques, le président Borja accorda à la confédération des Shuars la propriété de 11 000 km2 de territoire en Amazonie. Une répression discrète était conjointement menée par des groupes paramilitaires qui éliminaient certains chefs indiens.

En 1990, 45 % de la population vivent dans l’extrême pauvreté[7].

En 1992, Sixto Duran Bellen accéda à la présidence, son mandat fut marqué par une loi de développement agraire et le maintien de la croissance économique, par de nouvelles tensions avec le Pérou et en janvier 1995 par une lutte armée. La cause était un territoire disputé, appelé la cordillère du Condor, couvrant une superficie de 340 km2 dans une région montagneuse mais potentiellement riche en pétrole et constituant un débouché sur l'Amazonie. Après la signature du cessez-le-feu en mars 1995, les négociations aboutirent à la création d'une zone démilitarisée, toutefois les tensions persistèrent.

En 1996, Abdala Bucaram, appartenant au PRE (Parti roldosiste équatorien), fut élu Président de la République et nomma Rosalía Arteaga au poste de vice-président. C'était la première fois qu'une femme atteignait un tel niveau en politique. Il prend comme conseiller l'ancien ministre argentin de l’économie, Domingo Cavallo, de tendance néolibérale. Le gouvernement annonce des hausses massives des tarifs publics et l’élimination des subventions sur des articles de première nécessité. Les syndicats et le mouvement indigène déclenchent une grève générale. L’ampleur du mouvement social est telle que les « élites » prennent peur. Le 6 février 1997, le Congrès destitue le président, devenu très impopulaire après plusieurs affaires de corruption[8].

En juillet 1998, le chrétien démocrate Jamil Mahuad (qui était l'ancien maire de Quito) est élu président. Il doit faire face à une situation économique difficile, liée notamment à la crise asiatique. La monnaie est dévaluée de 15 %, les prix des combustibles et de l’électricité quintuplent, ceux des transports publics augmentent de 40 %. Le gouvernement s’apprête à privatiser plusieurs secteurs clés de l’économie : pétrole, électricité, télécommunications, ports, aéroports, voies ferrées et poste. La répression d'une première grève générale fait trois morts. La situation sociale est critique : plus la moitié de la population est victime du chômage, 60 % vivent sous le seuil de l’extrême pauvreté, les employés publics ne sont plus payés depuis trois mois. Une nouvelle hausse de la TVA, associée à la suppression des subventions au gaz domestique, aux tarifs électriques et au diesel, déclenche un nouveau mouvement social. En province, à Latacunga, l’armée tire sur les indigènes qui coupent la route Panaméricaine, faisant 17 blessés par balles[8].

En outre les scandales de corruption affolent l'opinion publique. L’ex-vice-président Alberto Dahik, architecte du programme économique néolibéral, fuit à l'étranger après avoir été mis en examen pour « utilisation douteuse des fonds réservés ». L’ex-président Fabián Alarcón est arrêté, accusé d’avoir couvert plus de mille emplois fictifs. Le président Mahuad est mis en cause par Noboa pour avoir reçu de l’argent du narcotrafic pendant sa campagne électorale. Plusieurs grands banquiers sont également cités dans des affaires. En mai 1999, dans le cadre de l'accord de paix signé en octobre de l'année précédente, les frontières en Amazonie entre l'Équateur et le Pérou sont définitivement fixées en mettant fin à un long litige frontalier (vieux d'un siècle et demi et à l'origine de plusieurs conflits)[8].

Le XXIe siècle

L'annonce de l'abandon de la monnaie nationale (le sucre) au profit du dollar dans les premiers jours de l'année 2000 provoqua dès le 9 janvier, un soulèvement populaire à Quito. L'armée et la police refusèrent de rétablir l'ordre public et de charger les manifestants qui pressaient les portes du palais présidentiel. Le 11 janvier, le Congrès et la Cour Suprême furent dissous, et dans le même temps, un gouvernement patriotique d'unité nationale rassemblant 21 parlements provinciaux fut instauré. Le 21 du même mois, lors d'une marche sur la capitale, les rebelles purent voir le ralliement de l'armée à leurs côtés. Le haut commandement n'entendait alors qu'un soutien à une solution constitutionnelle. La réelle passation de pouvoir se fit pendant cette nuit où la confusion était totale lorsque le président Jamil Mahuad dut fuir le palais pour sa propre sécurité et le lendemain, le vice-président, Gustavo Noboa fut investi au cours d'une cérémonie célébrée au siège du Commandement conjoint, en présence des hauts commandants de l'armée de terre, de la marine et de l'aviation[9]. Étant le sixième président équatorien en quatre ans, Noboa annonça immédiatement son intention de maintenir la dollarisation de l'économie et appela à la réconciliation nationale. Tandis que, dans la Sierra, la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (Confédération des Nationalités Indigènes de l’Équateur appelé aussi Conaie) poursuivait la mobilisation des rebelles, le président procéda au mois de mai de cette année 2000 à un remaniement militaire et proposa un projet d'amnistie pour tous les maquisards.

Le , Lucio Gutiérrez l'un des anciens colonels impliqués dans cette action de janvier 2000, devint, à l'aide de la Conaie mais aussi des partis centristes, président de l'Équateur. Il est destitué en 2005, remplacé par son vice-président Alfredo Palacio. Lors des élections générales de 2006, Rafael Correa, économiste de gauche, est élu, il mène un projet de nouvelle constitution qui est approuvé par referendum en 2008 ce qui provoque des nouvelles élections générales. Il est réélu en 2009. Le , une crise politique entraine une mutinerie de la police. Le président Rafael Correa est mis en danger, mais les militaires rétablissent la situation[10].

Notes et références

  1. (fr) « Histoire de L'Équateur », sur equateur.americas-fr.com (consulté le )
  2. H. Consejo Provincial del Cañar - Ingapirca
  3. (fr) « Article complet sur l'Équateur », sur www.tlfq.ulaval.ca (consulté le )
  4. (peuple au fonctionnement centralisé)
  5. Christian Rudel, L'Équateur, Karthala, (lire en ligne), p. 133.
  6. Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte, , p. 54, 323 et 324
  7. Loïc Ramirez, « Difficile construction de la santé publique en Équateur », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )
  8. « Poker menteur en Equateur », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )
  9. un article du monde diplomatique
  10. (fr) Équateur: retour à la normale au lendemain d'une rébellion policière, AFP, 2 octobre 2010

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