Hydravion à coque
Un hydravion à coque (en anglais : flying boat) est un type d'hydravion avec une coque intégrée au fuselage. Sans nécessairement devoir y recourir, il peut comporter également des flotteurs d'appoint.
Il diffère par sa conception et souvent par sa taille de l'hydravion à flotteurs, appelé en anglais « floatplane », second type d'hydravion qui fait uniquement appel à des flotteurs fixés sous le fuselage, moins marins, mais plus légers et donc plus rentables en exploitation. Un hydravion à flotteurs est généralement un avion classique dont les flotteurs remplacent les roues d'origine (de nombreux modèles de Cessna sont modifiés de la sorte).
L'hydravion à coque a connu une grande popularité de la Première Guerre mondiale jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour un usage aussi bien civil que militaire, grâce à sa grande taille et à sa capacité à desservir des destinations dépourvues d'aéroports. Le développement progressif de ceux-ci a aujourd'hui cantonné ce type d'hydravion à des niches bien particulières, telle que celle de bombardier d'eau. Les hydravions conservent aussi quelques niches comme le transport dans les archipels, ou encore l'accès à des zones dépourvues de routes et d'aéroport.
Caractéristiques techniques
Forme de la coque
Les hydravions à coque ont l'avantage d'être plus marins que les hydravions à flotteurs (qui reposent uniquement sur des flotteurs), du fait de la forme de leur coque, analogue à la carène d'une vedette rapide, dont les formes planantes facilitent le déjaugeage. Pour éliminer plus rapidement la friction contre l'eau, la coque présente un redent (ou redan) légèrement en arrière du centre de gravité.
Réserve de flottabilité
La coque, dont l'avant est en forme de « V », est volumineuse, de façon à fournir une importante réserve de flottabilité. Pour leur permettre d'affronter des mers formées sans risque, les hydravions à coque disposent en effet d'une réserve de flottabilité allant de 70 % à 100 % ; dans ce dernier cas, la réserve de flottabilité permet de supporter le double du poids prévu pour l'appareil sans qu'il ne coule[1].
Flotteurs d'appoint
Les hydravions à coque sont toujours plus stables sur la mer que les hydravions à flotteurs[2], d'autant plus qu'ils ont fréquemment de petits flotteurs d'appoint sous les ailes. En effet, dans la mesure où la relative étroitesse de leur coque ne procure pas une stabilité initiale suffisante, ces flotteurs — situés sous les ailes et non sous le fuselage — fournissent un couple de redressement très élevé en cas de basculement accidentel sur le côté. En temps normal cependant, sur une mer parfaitement lisse, ces flotteurs ne touchent pas la surface de l'eau[1]. Le Consolidated PBY Catalina a adopté une solution particulièrement élégante au problème aérodynamique que posaient les flotteurs d'appoints, reprise sur la plupart des hydravions à coque ultérieurs : ils sont montés sur des pylônes qui pivotent, et, en vol, ils deviennent les saumons des ailes[3]
Les hydravions à coque peuvent affronter des mers plus formées que les hydravions à flotteurs, qui ne peuvent atterrir ou décoller que sur des surfaces où les vagues ne dépassent guère une trentaine de centimètres.
Inconvénients
Ce type d'hydravion a l'inconvénient, sur le plan de la rentabilité commerciale, d'entrainer un poids accru, du fait de la nécessité de concevoir une coque réellement apte à résister aux contraintes générées par la mer[4]. Or un tel accroissement du poids ne se justifie qu'en l'absence d'aéroport, et lorsque les seuls plans d'eau utilisables peuvent être agités.
Appareils amphibies et hydravions exclusifs
La plupart des hydravions à coque possèdent aussi un train d'atterrissage qui leur permet d'utiliser des pistes sur la terre ferme. Cependant, il existe des modèles dépourvus de train d'atterrissage, et donc exclusivement capables de se poser et de décoller sur l'eau. C'était par exemple le cas du Boeing 314[5].
Lignes régulières
Particulièrement utilisés entre les deux guerres mondiales, les hydravions à coque comptaient alors parmi les plus grands avions existants ; leur coque robuste leur permettait de décoller de lieux que l'absence de terrains d'aviation suffisants n'aurait autrement pas permis de desservir.
Ce type d'appareil est né à la suite de l'offre d'une importante somme d'argent (10 000 livres, dans une compétition dotée de 50 000 livres de récompense au total) par le Daily Mail en 1913, destinée à récompenser la création d'un avion capable de traverser l'Atlantique[6]. Ce prix a généré une collaboration entre les pionniers anglais et américains de l'aviation, aboutissant au Curtiss H-1.
Le Curtiss NC-4 a été le premier avion à traverser l'Atlantique en 1919, en passant par les Açores. Un seul des trois (le NC-4, les deux autres étant le NC-1 et le NC-3) qui tentèrent l'aventure parvint à effectuer la traversée en totalité[7]. Dans les années 1930, les hydravions à coque ont rendu possible l'ouverture de liaisons aériennes régulières entre les États-Unis et l'Europe, ouvrant aussi de nouvelles lignes vers l'Amérique du Sud et l'Asie. Foynes, en Irlande et Botwood (Terre-Neuve) étaient les points d'arrivée de nombreux vols transatlantiques. Là où n'existaient pas encore d'aéroports où même de terrains d'atterrissage suffisants, les hydravions à coque pouvaient se poser près de petites îles, sur des fleuves, ou près de la côte, pour pouvoir refaire le plein et se ravitailler. Les Boeing 314 Clipper de la Pan Am offrirent à cette époque la possibilité de voler vers de lointaines destinations de l'Extrême-Orient, ajoutant une touche de romantisme à l'aventure aérienne.
Dans les années 1930, nombre d'entreprises produisent des hydravions commerciaux[8] : Dornier en Allemagne, Boeing et Sikorsky aux États-Unis, Latécoère en France, comptent parmi les plus importantes.
Les lacs étaient particulièrement appréciés comme zones d'envol et d'arrivée des hydravions, étant moins vulnérables aux conditions météos que l'océan. Ainsi, en France, des hydravions à destination, par exemple, des Antilles, prennent leur envol du Lac de Biscarrosse et de Parentis[9]. Dans l'océan Pacifique, des atolls sont utilisés comme Guam, Wake et Midway sont utilisés pour construire des bases de ravitaillement des hydravions : l'atoll est une étendue d'eau quasiment fermée, qui reste calme même si la mer alentour est agitée, c'est le terrain idéal pour les hydravions[10].
La Seconde Guerre mondiale a précipité la fin des hydravions de ligne. De nombreux aérodromes construits pour les besoins du conflit deviennent disponibles pour le transport aérien civil, que ce soit en Europe, en URSS, en Amérique du Nord, en Afrique du Nord, ou sur les îles du Pacifique. Il en va de même pour les avions terrestres de transport militaire qui les utilisaient et des usines produisant ces avions. La demande pour des hydravions de ligne disparait presque totalement au lendemain du conflit[11]. Rares sont les nouveaux hydravions de ligne construits après le conflit. Le Latécoère 631, dont le développement avait commencé juste avant la guerre, n'est produit qu'à dix exemplaires. L'énorme Saunders-Roe Princess à turbopropulseurs, dont le prototype vole en 1952, ne trouve aucun acheteur, il marque la dernière tentative de commercialiser un hydravion de ligne[12].
- Saunders-Roe Princess
Utilisations militaires
Les hydravions à coque jouent un rôle militaire pendant la Première et surtout la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la seconde guerre mondiale, les hydravions sont massivement utilisés par les Américains et les Britanniques. Des appareils tels que le PBY Catalina, le Short Sunderland et le Grumman Goose sont utilisés principalement pour la patrouille maritime (anti-navire et anti-sous-marine), et pour le sauvetage des équipages des avions et navires perdus. Ils mènent parfois des opérations d'attaque contre des cibles terrestres, mais leur rôle dans cette fonction est mineur[13]. Les hydravions à coque ont également servi d'avions de reconnaissance : en mai 1941, le cuirassé allemand Bismarck a été repéré par un Catalina durant une patrouille de routine à partir d'une base de la Royal Air Force en Irlande du Nord[14].
Les Japonais utilisent leur Kawanishi H8K dans des rôles similaires. L'Allemagne utilise aussi les Blohm & Voss BV 138 pour rechercher des convois alliés[15].
Le dernier grand projet d'hydravion à coque militaire (en laissant de côté le cas particulier les Ekranoplans) est le quadriréacteur Martin P6M SeaMaster américain. L'US Navy veut l'utiliser comme bombardier nucléaire, mais aussi comme moyen de déployer très rapidement des mines marines. L'appareil vole en 1955 mais le projet est abandonné[16].
- Le Consolidated PBY Catalina de lutte anti-sous-marine, attaque antinavire et sauvetage
- Blohm & Voss BV 238, plus grand avion jamais produit par les forces de l'Axe.
- Sauders-Roe SR A/1, projet insolite de chasseur à réaction.
- Le Martin P6M SeaMaster, bombardier à capacité nucléaire.
Autre rôles
Bombardiers d'eau
Les hydravions à coque sont largement employés comme bombardiers d'eau. Ils partagent cependant cette fonction avec des avions terrestres (y compris des avions aussi massifs que des Il-76), des hydravions à flotteurs et des hélicoptères. Dans les années 1950, de nombreux Consolidated PBY Catalina de la Seconde Guerre mondiale sont convertis comme bombardiers d'eau pour la lutte anti-incendie, notamment en Californie. Excellant dans ce rôle, où quelques exemplaires sont encore actifs en 2020, ils inspirent la conception d'hydravions à coque spécifiquement conçus pour ce rôle[17]. Le plus notable est le Canadair CL-215 canadien, dont la conception reprend des idées du Catalina[18]. Entré en service en 1969, il a été utilisé si largement que le mot « canadair » a été lexicalisé pour signifier « bombardier d'eau ».
Des hydravions à coques récents ont été conçus largement pour le rôle de bombardier d'eau, tout en étant adaptables à d'autres fonctions : il s'agit du Canadair CL-415 (héritier à turboprops du CL-215), du Beriev Be-200 russe, et du ShinMaywa US-2 japonais.
Hydravions à coque célèbres
Entre parenthèse, la date de premier vol :
- Curtiss H-1
- LeO H-242
- Boeing 314 Clipper (1938) : Long-courrier civil.
- Consolidated PBY Catalina (1935) : patrouille, bombardement, usages civils.
- Blohm & Voss BV 238 (1944) : prototype de transporteur.
- Short Solent 3 (1946) : avion de ligne.
- Hughes H-4 Hercules, baptisé « Spruce Goose » par ses critiques (« L'oie en sapin ») (1947) : transporteur militaire géant.
- Martin P6M SeaMaster (1955) : prototype de bombardier stratégique.
- Canadair CL-215 (1967) : Bombardier d'eau.
- Canadair CL-415 (1993) : Bombardier d'eau.
- Beriev Be-200 (1998) : bombardier d'eau.
- ShinMaywa US-2 (2003) : sauvetage en mer.
Les hydravions à coque dans la culture populaire
- Le film Les Aventuriers de l'arche perdue présente un hydravion à coque, avec lequel Indiana Jones quitte San Francisco pour gagner d'abord Hawaï, et se rendre ensuite au Népal, sa destination finale. Ce gros hydravion de la Pan American est un véritable avion de ligne, comparé à l'hydravion à flotteurs — beaucoup plus petit et rustique — que l'on voit apparaître dans le premier épisode du même film, en Amérique du Sud, en 1936. L'hydravion à coque en question est un Short Solent 3, qui n'est entré en service qu'au milieu des années 1940[19].
- Les aventures de Tintin sont contemporaines (pour les premiers albums, situés dans les années 1920 ou 1930) de l'âge d'or de l'hydravion en tant que transport transocéanique. On en trouve dans plusieurs albums de l'avant-guerre, notamment un LeO (Lioré-Olivier) H-242 des lignes aériennes syldaves dans Le Sceptre d'Ottokar, dans L'Oreille cassée[20] et dans les dernières images des Les Sept Boules de cristal. Un hydravion allemand Arado 196 est embarqué sur une catapulte à bord du navire océanographique Aurore lancé à la recherche de l'astéroïde tombé en mer dans l'album L'Étoile mystérieuse.
- Le plus grand hydravion à coque jamais construit, d'une envergure supérieure même à celle d'un Airbus A380, avec 97,54 mètres contre 79,80 mètres, est le Hughes H-4 Hercules (également connu sous le surnom de « Spruce Goose »), qui figure dans le film sur la vie de Howard Hughes de Martin Scorsese de 2004, The Aviator[21].
- Le film d'animation japonais de 1992, Porco Rosso, présente un hydravion à coque. Il s'agit d'un appareil fictif cependant, car, si l'avionneur italien Savoia-Marchetti a effectivement produit un hydravion « Savoia S.21 (en) », celui du film ne lui ressemble pas[22]. Hayao Miyazaki n'avait en effet jamais vu de Savoia S.21, et s'est inspiré en fait de ses souvenirs d'enfance du Macchi M.33[23].
- Le romancier Patrick Deville, dans Peste et Choléra (2012) évoque l'hydravion LeO H-242 qui emporte Alexandre Yersin tout au long du récit, pour un dernier voyage vers l'Indochine, qui sera aussi le dernier vol de la compagnie Air France avant l'occupation allemande[20].
Notes et références
- (en) Flying Boat Design Considerations - GlobalSecurity.org
- « Seaplanes are always better on the water than float planes » — Flying float planes and sea planes
- (en) Ragnar J. Ragnarsson et Jim Laurier, US Navy PBY Catalina Units of the Atlantic War, Osprey Publishing, (lire en ligne), p. 8
- Rapports, volume I, Blondel La Rougery, 1921 [présentation en ligne]
- (en-US) « The Plane That Had It All: The Rise and Fall Of The Boeing Clipper 314 », sur Simple Flying, (consulté le )
- (en) Curtiss H-1 America - Across the Atlantic - GlobalSecurity.org
- Curtiss NC-4, sur airandspace.si.edu (consulté le 22 mars 2016).
- Mohr, B., & Schömann, J. (2007). Seaplane data base
- « Histoire de notre musée sur l'hydravion à Biscarrosse (Landes) », sur Musée de l’Hydraviation | Biscarrosse (consulté le )
- René La Bruyère, « Bases navales et bases d'hydravions dans le Pacifique », Politique étrangère, vol. 3, no 3, , p. 250–265 (DOI 10.3406/polit.1938.5664, lire en ligne, consulté le )
- (en) « How World War II Killed the Flying Boat », sur airandspace.si.edu (consulté le )
- Peter London, Saunders and Saro aircraft since 1917, Putnam, (ISBN 0-85177-814-3 et 978-0-85177-814-3, OCLC 18950681, lire en ligne)
- (en) Andrew Hendrie, Flying Catalinas: The Consoldiated PBY Catalina in WWII, Pen and Sword Aviation, (ISBN 978-1-78303-631-8, lire en ligne)
- (en) Inland Waterways News Flying-boats in Fermanagh- Inland Waterways News [PDF]
- (en) Algeu Kreniski, « The Use of Seaplanes as an Advanced Weapon Systemxc », thèse, NAVAL POSTGRADUATE SCHOOL MONTEREY CA, (lire en ligne, consulté le )
- (en) « Cancelled: The Navy's SeaMaster », sur Air & Space Magazine (consulté le )
- (en) « KILLER CAT », sur www.evergreenmuseum.org (consulté le )
- Olivier GABRIEL, « Le bombardier d'eau Canadair CL-215 de la Sécurité civile (1969 - 1996) », sur netpompiers, (consulté le )
- (en) Raiders of the Lost Ark : Did You Know?- IMDb
- Voir Diacritiques : "Les esperluettes de Patrick Deville".
- The Aviator - Trivia, sur imdb.com (consulté le 22 mars 2016).
- Le Savoia S.21 était en réalité un biplan.
- (en) Helen McCarthy, Hayao Miyazaki: master of Japanese animation : films, themes, artistry, Stone Bridge Press, Inc., 1999, p. 164
Bibliographie
- K. M. Molson et A. J. Shortt, Les hydravions à coque Curtiss HS, Canadian Government Publishing, 1994 (ISBN 978-0-6609-1665-1), 149 pages
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- (en) « Flying float planes and sea planes », sur Bush-planes.com (consulté le )
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