Jean-Charles Joseph Aubin
Jean-Charles Joseph Aubin (1747-1829), né et mort à Saint-Omer (Artois, département du Pas-de-Calais), est un ecclésiastique de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe. Il est principalement connu pour avoir été le premier conservateur de la bibliothèque de la ville de Saint-Omer. Les collections se composent alors de plus de quarante mille ouvrages d'une richesse incomparable, comportant plusieurs manuscrits, mais dans le plus grand désordre. La richesse du patrimoine de Saint-Omer lui vaut de compter parmi les Villes et Pays d'art et d'histoire. Le mérite de Jean-Charles Joseph Aubin a consisté à trier, classer et ordonner ce fonds exceptionnel.
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nationalité | |
Activité |
Religion | |
---|---|
Ordre religieux |
Biographie
Jean-Charles Joseph Aubin nait à Saint-Omer, paroisse Sainte-Marguerite, le [1]. Baptisé le lendemain, il est le fils de Jean Aubin, « maçon de style[2] », et de Marie Catherine Blanchet (Blachet ?). Son père, le parrain et la marraine savent signer[2].
Il fait ses études au collège de Saint-Bertin de Saint-Omer, se familiarise avec la vie monastique sous l'abbé Charles de Gherboode d'Espaing[1], puis entre chez les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur à l'abbaye Saint-Ouen de Rouen. Il y devient sous-prieur et bibliothécaire[3]. Il exerce la fonction de bibliothécaire dans l'abbaye pendant plus de vingt ans[4]. Pendant cette période, il se rend dans les principales bibliothèques de Paris pour observer leur organisation[1].
La Révolution française, en abolissant les congrégations religieuses en 1790 (Histoire des congrégations chrétiennes en France), l'oblige à quitter le couvent malgré ses protestations. Il revient dans sa ville natale, après avoir été un temps professeur à l'école militaire[1], et pour vivre, et entretenir sa mère âgée et sa sœur infirme, y tient un petit pensionnat[3], ouvert dans l'enceinte de l'abbaye de Saint-Bertin alors à l'abandon. Il se propose de s' y livrer à l'éducation[5].
Sa nomination en tant que bibliothécaire de Saint-Omer va lui assurer un revenu modeste[6] (six cents francs) puis en 1813, huit cents, et plus tard mille francs[4] mais certain, et arrive ainsi à le sortir d'une situation difficile et précaire[4].
Il travaille à la bibliothèque jusqu'en 1827, date à laquelle il donne sa démission (il a 80 ans[4]).
Jean-Charles Joseph Aubin meurt à Saint-Omer le , à l'âge de 82 ans. Appelé « Mr[7]» sur l'acte de décès, ce qui n'est pas courant, les témoins qui déclarent son décès sont journaliers et ne savent pas signer[7].
Bibliothécaire de Saint-Omer
Un fonds exceptionnel
En 1792, à la suite de la suppression des ordres monastiques, les livres et manuscrits des communautés religieuses de l'Audomarois sont confisqués et en l'absence de directives précises, sont entassés dans une salle de l'ancienne abbaye de Saint-Bertin[8]. Au total, il s'agit d'environ quarante mille volumes et manuscrits provenant de cette abbaye, du chapitre de la cathédrale et d'autres fonds, comme celui de l'abbaye de Clairmarais[3].
Sont ainsi rassemblés 887 Manuscrits ( IXe siècle–XVIIIe siècle) dont 549 provenant de l’abbaye de Saint-Bertin, 116 manuscrits de l’abbaye cistercienne de Clairmarais, 35 autres qui arrivent du chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Saint-Omer, dont une vie de saint Omer (Audomar de Thérouanne) enluminée au XIe siècle[9], ou encore de l'abbaye Sainte-Aldegonde de Longuenesse, et du couvent des Dominicains de Saint-Omer[8]. S'y trouvent également environ 150 incunables (1450-1500), dont un tome de la célèbre Bible de Gutenberg à 42 lignes[8]. Ce patrimoine hors normes compte encore une première édition de Shakespeare redécouverte récemment et bien d'autres richesses[10]. A cet ensemble remarquable s'ajoute les différents ouvrages possédés par les congrégations religieuses évoquées, dont « la superbe bibliothèque de Saint-Bertin...pour la richesse de ses manuscrits et le grand nombre de ses livres et volumes en tout genre,...une des plus amples et considérables de la France[11] ». De plus, avaient été apportés en ce lieu tous les livres des déportés (condamnés à la déportation pour incivisme par le tribunal révolutionnaire)[12].
Créateur de la bibliothèque municipale
Un décret du ordonne que dans chaque district soit formé un dépôt littéraire ou bibliothèque publique[13]. Il est prévu de transférer les ouvrages dans une grande salle du 1er étage de l'ancien collège des Jésuites wallons, mais celui-ci étant alors transformé en caserne, ils demeurent dans les greniers de l'ancien collège de Saint-Bertin. Un ancien oratorien Spitallier est désigné comme bibliothécaire, sans qu'il puisse agir efficacement : en 1795, il se plaint des ravages causés par les souris et les rats[14] dans les livres restés en monceaux[15].
En 1798, sous l'influence de Pierre Daunou, une école centrale du département du Pas-de-Calais est créée à Boulogne-sur-mer, en application d'un décret de fin 1795[16]. Pour enrichir la bibliothèque de l'établissement, le bibliothécaire Jean-Baptiste Isnardi vient prélever à Saint-Omer 85 manuscrits parmi les plus remarquables et 500 imprimés, soit vingt-cinq caisses[16]. Cette action provoque l'irritation de la municipalité de Saint-Omer qui décide de créer sa propre bibliothèque[8] et entreprend les démarches utiles à cette fin, en luttant d'abord contre le projet de répartir le fonds de Saint-Omer entre plusieurs villes du département[16].
L'abbaye de Saint-Bertin étant en cours de démantèlement, la ville décide le déplacement des ouvrages et des boiseries de la bibliothèque de l'abbaye dans la salle déjà prévue en 1794 [8], le . Le transport terminé le , après cent six voyages en voiture[17], elle nomme le même jour le bibliothécaire en titre. Jusqu'à cette date, n'avaient été désignées que des personnes chargées dès 1794, de faire un tri parmi les ouvrages, notamment pour désigner ceux à fournir à l'arsenal à fin de gargousse, et l'ancien oratorien Spitallier qui n'avait pu vraiment agir[13].
Le , la ville décide d'utiliser l'expérience de bibliothécaire de Jean-Charles Joseph Aubin, présenté « comme un citoyen instruit dans la partie bibliographique et reconnu pour avoir toutes les qualités requises pour en exercer dignement les fonctions[5] », et lui confie la bibliothèque de la ville, le tout étant dans le désordre le plus complet[3].
Jean-Charles Joseph Aubin, « professionnel de qualité[14] » accomplit un énorme travail de tri et classement : il aménage les locaux, rédige le catalogue, met en ordre les collections, après un premier classement, range les livres sur les rayons[3]. Il lui faut « tirer du chaos et de la poussière[4] », tous les livres entassés à la suite du transfert de 1799. En 1803, on lui donne un sous-bibliothécaire pour l'aider dans sa tâche immense[4].
Le labeur qui va l'occuper « vingt-deux ans[4] » est la rédaction du catalogue, qu'il faut sans cesse reprendre au fur et à mesure de l'avancée du travail[4].
Il se donne à son emploi jusqu'au , date de sa démission[18], et facilite la tâche de ses successeurs : il est légitimement considéré comme le créateur de la bibliothèque de Saint-Omer[3].
Grâce à son action, la bibliothèque de la ville a pu ouvrir au public en 1805[19].
Œuvre
Jean-Charles Joseph Aubin s'est attelé pendant toute la durée de ses fonctions à rédiger le catalogue de la bibliothèque, soit trois gros volumes[20]. Il suit l'ordre du classement des libraires de Paris[21], le troisième volume étant consacré aux livres imprimés dans le XVe siècle[22]. Il escompte pouvoir le publier grâce à un financement par la ville pour payer l'imprimeur mais ne l'obtient pas. Il fait alors hommage de son manuscrit à la municipalité qui, par une délibération du en ordonne le dépôt à la bibliothèque publique. Le conseil municipal lui octroie en même temps une indemnité de mille deux cents francs et le préfet lui fait également un don, au titre du département[23]. L'auteur effectue son don à la municipalité avec une dédicace dans laquelle il présente son travail et le système de classement adopté[23]. Le catalogue lui-même est précédé d'une « Préface ou Avis préliminaire[24] », où l'auteur expose dans quel esprit il a conçu le catalogue (présentation des livres, courte analyse de ceux-ci, ordre des matières[24]).
Le titre qu'il a donné à son œuvre, datée de 1823, reflète l'ampleur de la tâche accomplie :
Catalogue raisonné des livres imprimés de la bibliothèque de Saint-Omer, suivi du catalogue des manuscrits disposés par ordre de matières de facultés, suivant le système bibliographique de Debure par Jean-Charles Joseph Aubin, ancien bénédictin de la congrégation de St Maur, et bibliothécaire de la ville de Saint-Omer[25].
Hommages
- Jean-Charles Joseph Aubin est fait bibliothécaire honoraire de la ville de Saint-Omer, avec maintien d'une partie de son traitement, lors de sa démission[26].
- Par la suite, son nom est donné à la salle patrimoniale de l'actuelle bibliothèque de l'agglomération : la salle Aubin contient les plus riches collections anciennes et les archives municipales, elles-mêmes également très riches[27].
Notes et références
- Henri Piers, cité dans la bibliographie, p. 231
- « Etat civil Saint-Omer - Paroisse Sainte-marguerite, Année 1747 », sur Archives départementales du Pas-de-Calais, Archives en ligne, p. 894
- J. Balteau, cité dans la bibliographie
- Chanoine Bled, cité dans la bibliographie, p. 209
- Henri Piers, option citée, p. 232
- Frédéric Barbier, cité dans la bibliographie, p. 69 parle d'un traitement « médiocre »
- « Etat civil Saint-Omer, Année 1829 », sur Archives départementales du Pas-de-Calais Etat civil en ligne, p. 692
- « Le Fonds Ancien », sur www.bibliotheque-agglo-stomer.fr (consulté le )
- « Manuscrits », sur bibliotheque-numerique.bibliotheque-agglo-stomer.fr (consulté le )
- rcordonnier, « Les fonds anciens de Saint-Omer: Six ans de découvertes », sur Histoire du livre (consulté le )
- Chanoine Bled, cité dans la bibliographie, p. 201
- Chanoine Bled, option citée, p. 204-205
- Chanoine Bled, option citée, p. 204
- Frédéric Barbier, cité dans la bibliographie, p. 69
- Chanoine Bled, option citée, p. 206
- Chanoine Bled, option citée, p. 207
- Chanoine Bled, option citée, p. 208
- Henri Piers, option citée, p. 233
- « La bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer », sur www.patrimoines-saint-omer.fr (consulté le )
- Chanoine Bled, option citée, p. 210
- Frédéric Barbier, option citée, p. 70
- Frédéric Barbier, option citée, p. 71
- Chanoine Bled, option citée, p. 211-212
- Chanoine Bled, option citée, p.212-213
- Manuscrits de la bibliothèque de Saint-Omer, 1845, p. 386, lire en ligne
- Chanoine Bled, option citée, p. 217
- « Archives / Fonds local », sur www.bibliotheque-agglo-stomer.fr (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- J. Balteau, « Aubin (Jean-Charles-Joseph) », dans Dictionnaire de Biographie française, Tome IV, Paris, 1948, Letouzey et Ané.
- Chanoine Oscar Bled, « Les origines de la bibliothèque de Saint-Omer », dans Mémoire de la Société des Antiquaires de la Morinie, Tome XXXI (1912-1913), Saint-Omer, 1913, p. 197 à 232, lire en ligne.
- Henri Piers, Variétés historiques sur la Ville de Saint-Omer, Saint-Omer, 1832, p. 231 à 233, lire en ligne.
- Frédéric Barbier, Le berceau du livre : autour des incunables, Genève, 2004, Société des bibliophiles de Guyenne, p. 69 à 71, lire en ligne.
- M. J. Le Glay, « Aubin Jean Charles Joseph », dans Biographie universelle ou Dictionnaire historique des hommes qui se sont fait un nom..., Tome IX, Paris, 1856, p. 12, lire en ligne.
Articles connexes
- Portail du catholicisme
- Portail du Nord-Pas-de-Calais