Léa Roback
Léa Roback ( - ) est une syndicaliste, militante communiste et féministe canadienne (québécoise). Elle est considérée comme une pionnière du féminisme au Québec.
Léa Roback | |
Léa Roback, vers 1920. | |
Naissance | Montréal, Canada |
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Décès | |
Allégeance | Parti communiste du Canada |
Cause défendue | Féminisme Communisme |
Autres fonctions | syndicaliste, libraire |
Biographie
Enfance et formation
Née à Montréal le [1], cette fille d’immigrants juifs polonais grandit à Beauport, dans la région de Québec, avant de revenir à Montréal avec sa famille en 1918[2],[3]. Elle parle le yiddish à la maison, le français avec ses camarades de Beauport et l'anglais à l'école protestante qu'elle fréquente[3]. Son modèle de jeunesse est sa grand-mère maternelle qui était une femme indépendante[réf. nécessaire].
C’est tout d’abord en travaillant à la British American Dyeworks, lorsqu'elle a 16 ans, qu’elle prend conscience des différences entre les diverses couches de la société montréalaise[3] : « On nous avait appris qu’il y avait des riches et des pauvres, que c’est la volonté du Bon Dieu et qu’on aurait notre récompense au ciel. Moi j’ai pour mon dire que c’est ici la vie[4] !». Léa Roback y travaille un certain temps pour ensuite se trouver un emploi de caissière au théâtre Her Majesty’s sur la rue Guy. Grande lectrice et férue de littérature française, c’est en y travaillant qu’elle économise la somme nécessaire afin d’aller étudier cette discipline à l’Université de Grenoble en France.
Léa Roback voyage beaucoup au cours de sa jeunesse. Dès son retour de Grenoble, elle rejoint sa sœur à New York. Puis, c’est au tour de son frère Henri, installé à Berlin[5], de recevoir la visite de Léa après avoir séjourné quelque temps à Barcelone. Nous sommes alors en 1929, Hitler amorce son ascension sur la scène politique allemande et les groupes nazis prolifèrent, Léa devient membre du Parti Communiste du Québec (qu'elle quittera en 1958). Roback explique qu'elle est séduite par les socialistes, mais qu'elle croit qu'ils ne mettent pas leurs paroles en action, d'où son appui au marxisme-léninisme[réf. nécessaire]. Dans son entretien avec Nicole Lacelle (1988), elle déclare que c’est au cours de cette période qu’est née chez elle une véritable conscience politique.
Les années 1930
En 1932, la situation s’envenime, Léa, qui est étrangère, et juive de surcroît, se voit contrainte de revenir à Montréal. La dirigeante de sa cellule étudiante communiste à l'Université de Berlin lui avait recommandé de partir. Elle fait tout de même, en 1934, un séjour de quelques mois en Union soviétique où elle passe bien près de se marier, mais son désir de liberté et d’indépendance l’en empêche[réf. nécessaire]. Installée pour de bon dans la ville qui l’a vu naître, Léa Roback ne chôme pas longtemps et amorce une longue carrière consacrée à lutter contre de nombreuses inégalités sociales. Peu après son retour, elle participe à l’organisation de l’action en faveur des sans-travail dirigée par Norman Béthune. Léa Roback travaille aussi au Young Women’s Hebrew Association (YWHA, Association des jeunes femmes juives) où elle met notamment en contact avec des médecins compétents des jeunes femmes désirant avoir recours à l’avortement. À cette époque, elle recrute de manière clandestine pour le Parti communiste du Canada[6]. En 1933, elle contribue à mettre sur pied la Guilde des travailleuses de la robe[2].
En 1935, elle ouvre la première librairie marxiste de Montréal[7] — le Modern Book Shop, sur la rue De Bleury[8] — ce qui lui vaut de se faire connaître des autorités policières[9]. Ses activités politiques inquiètent sa mère, mais sont acceptées par son père. En 1936, elle travaille au service de l’éducation de l’Union Internationale des ouvrières du vêtement pour dames, mieux connu sous le nom d’Union de la robe, dont elle est l'organisatrice syndicale[5]. Les femmes travaillant alors plus de 60 heures par semaine à un petit salaire, elle mène une grève de 5 000 femmes en 1937, un événement appelé la grève des midinettes[10]. C'est pendant les années 1930 qu'elle développe une amitié avec Madeleine Parent qui est alors étudiante en sociologie à l'Université McGill[11]. Roback organise le syndicat de RCA Victor en 1941, où elle demeurera jusqu'en 1951. En moins d'un an, 95 % des employés de RCA Victor du quartier Saint-Henri sont syndiqués[5]. Elle y obtient le premier contrat syndical pour femmes en 1943. Elle ne cherche pas à grimper dans la hiérarchie du pouvoir syndical[réf. nécessaire]. La même année (1943), elle devient organisatrice politique de Fred Rose, premier candidat communiste à être élu aux Communes[2].
Léa Roback a aussi livré un combat pour permettre l’accès aux résidents de Saint-Henri à des logements décents, et ce, dès l’époque de l’administration du maire Camillien Houde au tournant des années 1930. Durant ces années, Léa Roback luttait aux côtés de Thérèse Casgrain pour l'obtention du droit de vote des femmes québécoises[6]. L’éducation était également une cause qui lui était chère. Lors de son passage à l’Union de la robe, lorsqu’elle tenait la librairie marxiste, en distribuant des tracts dans la rue, activité qu’elle adore et accomplit jusqu’à la fin de sa longue vie, Léa Roback a toujours eu à cœur la nécessité de diffuser l’information permettant de mettre en lumière quelconque injustice : « Penser que le citoyen moyen est un idiot relève du mythe. Lorsque je distribue des tracts, les uns se disent intéressés, d’autres sont prêts à écouter, et de retour à la maison, ils en parlent à leur entourage. Ça fait boule de neige. De là des résultats concrets[12] ».
1960 à 1996
Léa Roback ne cessera jamais de militer contre « l’inhumanité de l’homme envers son prochain »[réf. nécessaire]. Dans les années 1960, elle devient membre du collectif La Voix des femmes au côté de Madeleine Parent, Thérèse Casgrain et de Simonne Monet-Chartrand. Par la suite, son attention se porte sur la guerre du Viêt Nam, sur le régime d’apartheid en Afrique du Sud, pour l’accès libre à une éducation de qualité.
Féministe, elle s’est battue pour l’obtention du droit de vote, pour le droit à l’avortement, pour l’accès à la contraception. À 83 ans, elle participe, sous une pluie battante, à la marche des femmes pour l’équité salariale. Contre le racisme et l’intolérance, elle est à la fois aux côtés des Canadiens français, des Juifs, des noirs Sud-Africains ou de toutes autres minorités lorsque leurs droits sont bafoués. Quant à la classe ouvrière, elle en fait certainement partie, et y organise la résistance par son travail dans le milieu syndical. Contre le bellicisme de la classe dirigeante, elle s’oppose en se joignant aux pacifistes dénonçant la guerre du Viêt Nam. Plus tard, à l’époque du président Reagan, elle milite contre la prolifération des armes nucléaires. En 1985, elle devient spécialement membre de l'Institut canadien de recherche sur les femmes[6].
À une époque où l’homosexualité n’était pas encore un mot qui se prononçait, Léa Roback fait des tabous et cultive des amitiés sincères avec quelques homosexuels bien connus, ce qui lui attire les foudres de ses employeurs.[réf. nécessaire] De cette trop courte liste qui ne recense que des éléments connus de l’action de cette pionnière, il en ressort un esprit libre, indépendant et rempli d’une grande humanité. Celle dont la mère lui avait appris que la mort est la seule justice au monde n’a visiblement jamais accepté cet état de fait.[réf. nécessaire]
Comme le souligne l'hommage qui lui est consacré sur le site web de la Fondation Léa Roback, elle ne cessera de lutter que lorsqu’elle sera « happée en plein combat » à l'âge de 96 ans[8]. Léa Roback est décédée le à Côte-des-Neiges après avoir chuté accidentellement dans les escaliers de sa résidence pour personnes âgées[2].
Sa mémoire est aujourd’hui perpétuée par le travail de la Fondation Léa-Roback, qui a été créée à l'occasion de son 90e anniversaire en 1993 pour offrir des bourses d'études à des femmes socialement engagées. Le Centre de recherche Léa-Roback sur les inégalités sociales de santé de Montréal a également été nommé en son honneur, tout comme la Maison Parent-Roback, dans le Vieux-Montréal, qui abrite des organismes dont le mandat est de venir en aide aux femmes[13]. Sophie Bissonnette a réalisé un documentaire sur sa vie en 1991[10].
Distinctions
- 2000 - Chevalier de l'Ordre national du Québec
Une rue a été nommée en son honneur dans les années 2000. La rue Léa-Roback se trouve à Montréal, dans le quartier Saint-Henri et jouxte le Canal-de-Lachine.
De plus, une rue du même nom a été nommée également en son honneur dans l’arrondissement Beauport de la ville de Québec, où elle a passé un moment de sa jeune vie.
Citations
- « L'ouvrier d'aujourd'hui n'est pas l'ouvrier ou l'ouvrière qu'on avait dans les années 1930. Ils savent se protéger, ils ont leur syndicat. » ()
- « On ne peut pas vivre pour soi-même, ça, je l'ai appris à la maison. »
Notes et références
- (en) Catherine Blais, « The Adventures of Lea Roback », sur jewishpubliclibrary.org (consulté le )
- Mathieu Boivin, « Une militante de la première heure s'éteint », Le Soleil, , A 9 (lire en ligne)
- Drouin, François, « Des lumières dans la Grande Noirceur », Cap-aux-Diamants : La revue d'histoire du Québec, no 28, (ISSN 0829-7983 et 1923-0923, lire en ligne, consulté le )
- Pedneault, H. Mars 1983. « Entrevue avec Léa Roback : Propos d’une batailleuse », La vie en rose, No. 10, p. 50
- Madeleine Parent, « Léa Roback 1903-2000 », Relations, octobre - novembre 2000, p. 5-6 (lire en ligne)
- « Léa Roback » dans L'Encyclopédie canadienne, Historica Canada, 1985–. (consulté le ).
- (en) Merna Forster, 100 Canadian Heroines : Famous and Forgotten Faces, Dundurn, , 319 p. (ISBN 978-1-55002-514-9, lire en ligne), p. 214.
- « Léa Roback : 1903-2000 », Fondation Léa Roback, .
- Lucie Leboeuf, « Léa Roback ou comment l'organisation syndicale est indissociable de la vie de quartier », Dossiers Vie ouvrière, , p. 461-470 (lire en ligne)
- « Zoom in », Séquences : La revue de cinéma, nos 153-154, (ISSN 0037-2412 et 1923-5100, lire en ligne, consulté le )
- Amélie Daoust-Boisvert, « Madeleine Parent 1918-2012 », Le Devoir, , G-2 (lire en ligne)
- Anonsen, F. Automne 1986. « Léa Roback, plus de cinquante ans de militantisme », Canadian woman studies : Les cahiers de la femme, Vol. 7, no. 3, p. 105.
- Étienne Plamondon Émond, « Léa Roback, la Fondation et les causes », Le Devoir, , G-4 (lire en ligne)
Annexes
Bibliographie
Ouvrages, chapitres
- Pierre Anctil (dir.) et Simon Jacobs (dir.), Les Juifs de Québec : quatre ans d’histoire, Montréal, Presses universitaires du Québec, , 264 p. (ISBN 978-2-7605-4248-8, présentation en ligne)
- Nicole Lacelle, Entretiens avec Madeleine Parent et Léa Roback, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, (1re éd. 1988), 173 p. (ISBN 2-89091-252-3, présentation en ligne)
- Louis Fournier, « Léa Roback: 30 ans de militantisme communiste », dans Robert Comeau et Bernard Dionne (dir.), Le droit de se taire. Histoire des communistes au Québec, de la Première guerre mondiale à la Révolution tranquille, Montréal, VLB, , 545 p. (ISBN 978-2-89005-361-8, lire en ligne), p. 386-406
- Merrily Weisbord, Le rêve d'une génération : les communistes canadiens, les procès d'espionnage et la guerre froide, Montréal, VLB, , 398 p. (ISBN 2890052710)
Articles
- Andrée Lévesque, « Figure marquante du syndicalisme québécois : LEA ROBACK (1903-2000) », L'aut' journal, (lire en ligne)
- Michel Rioux; Maude-Emmanuelle Lambert, « Léa Roback » dans L'Encyclopédie canadienne, Historica Canada, 1985–. (consulté le ).
- Élaine Audet, « Léa Roback, vivante pour l'éternité », sur sisyphe.org,
- Victor Teboul, «Léah Roback. Continuer le combat», Une femme, un vote, ministère des Communautés culturelles et de l'immigration, Gouvernement du Québec, 1990, p. 52-53.
- (en) Frances Anonsen, « Léa Roback, plus de cinquante ans de militantisme », Canadian Woman Studies / Les cahiers de la femme, vol. 7, no 3, , p. 105 (lire en ligne)
- Héléne Pedneault, « Entrevue avec Léa Roback : Propos d’une batailleuse », La vie en rose, no 10, , p. 50-52 (lire en ligne)
- Lucie Leboeuf, « Léa Roback ou Comment l'organisation syndicale est indissociable de la vie de quartier », Dossiers «Vie ouvrière», vol. 28, no 128, , p. 461-470 (lire en ligne)
Autres
- «Léa Roback : indignée, battante, humaniste», Désautels le dimanche, Radio-Canada, , 10 min 28 s.
- «Léa Roback et Madeleine Parent. Complément à l'émission Lorraine Pagé [archive]», Les militants, les militantes, Ferisson, 2016, 7 min 25 s.
- «Léa Roback, le goût de l'action», à l'émission de télé En toute liberté, Radio-Canada, , 16 min 55 s.
- Sophie Bissonnette (réalisatrice), Des lumières dans la grande noirceur, Montréal, Productions Contre-Jour, 1991, 90 min.
- Victor Teboul, entrevue avec Léah Roback à l'émission «Les socialistes juifs» (1re et 2e parties), dans le cadre de la série de 14 émissions, intitulée La Communauté juive du Québec, diffusée sur la chaîne culturelle de Radio-Canada en 1982.
Articles connexes
Liens externes
- Centre de recherche Léa-Roback
- Site de la Fondation Léa Roback
- Maison Parent-Roback
- Parti communiste du Québec
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