L'Homme des Hautes Plaines

L'Homme des hautes plaines (High Plains Drifter) est un film américain réalisé par Clint Eastwood et sorti en 1973.

L'Homme des hautes plaines
Paysage près du lac Mono.
Titre original High Plains Drifter
Réalisation Clint Eastwood
Scénario Ernest Tidyman
Musique Dee Barton
Acteurs principaux
Sociétés de production The Malpaso Company
Pays de production États-Unis
Genre western
Durée 105 minutes
Sortie 1973

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Premier western dirigé par Clint Eastwood, ce film reprend la mythologie de l'homme sans nom déjà exploitée dans la trilogie de Sergio Leone : Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la Brute et le Truand. Le film est aussi inspiré du travail avec un autre réalisateur, Don Siegel. Le meurtre de Kitty Genovese, en 1964, a inspiré la trame du film.

Synopsis

En plein désert de l'Ouest sauvage, un étranger, tout de noir vêtu, arrive à Lago, un village terrorisé par des bandits. Rapidement attaqué lui-même, l'homme sans identité va bientôt affirmer sa présence en tuant trois assaillants alors qu'il est chez le barbier. Alors qu'il sort, Callie le bouscule volontairement et l'insulte ; l'homme sans nom l'emmène alors dans une grange et la viole. Impressionnés et terrifiés par le personnage, les habitants vont lui demander de tuer trois autres bandits, Stacey Bridges, Bill Borders et Cole Carlin, qui ont juré de détruire la ville. Le shérif lui propose un crédit illimité pour mener à bien l'opération. Il se rend alors chez l'épicier, donne des bonbons à des enfants indiens, une pile de couverture à leur père et prend une poignée de cigarillos pour lui. Puis il se rend chez le bottier où il prend des bottes neuves et une selle neuve. Ensuite il va au saloon et offre une tournée générale et nomme Mordecai, le nain qui travaille chez le barbier, shérif et maire de la ville. On apprend, au cours du film, qu'un marshal a été tué par les bandits à coups de fouet sans que les habitants interviennent.

L'homme sans nom organise la défense et réquisitionne la plupart des hommes de la ville pour l'entraînement. Il demande à des menuisiers mexicains de fabriquer une table de banquet. Ils prennent le bois sur la grange du gérant de l'hôtel de la ville. Celui-ci se défend. Mais l'homme sans nom s'en moque et lui demande d'expulser ses clients de son hôtel. Les commerçants se révoltent. L'homme sans nom demande également aux habitants des draps et des pots de peinture rouge.

Pendant ce temps, les trois desperados ont été relâchés de prison et se dirigent vers Lago. En chemin, ils rencontrent trois voyageurs avec trois chevaux. Ils les tuent et leur volent montures et vêtements. Plus loin, une des bêtes faiblit et ils la tuent.

Après que l'Étranger a passé la nuit avec Callie, les commerçants se réunissent. Certains tentent d'assassiner l'étranger en le frappant par surprise avec des gourdins dans sa chambre d'hôtel. L'étranger réplique en dynamitant sa chambre et en abattant un à un les assaillants. Seul le chef d'équipe, Morgan Allen, arrive à s'échapper. Le maire de la ville, pour s'excuser de l'acte des agresseurs, propose 500 $ par tête ; l'étranger demande 500 $ par oreille, soit 3 000 $ en tout. En allant dans sa chambre, il attrape la femme de l'hôtelier, Sarah Belding. Elle commence par lui résister mais est finalement consentante. Elle lui parle de la mort du marshal Duncan. Les hommes de la ville sont réquisitionnés pour enterrer les morts et repeindre la ville en rouge. L'étranger marque en rouge sur le panneau d'entrée de la ville « Hell », qui signifie « l'enfer ». On comprend la raison de la mort du marshal Duncan. En fait, il avait découvert que la mine était la propriété de l'État et qu'elle devait normalement être fermée. Les habitants de Lago ont payé les trois truands pour l'assassiner.

Pendant ce temps, Morgan Allen, blessé au bras, arrive à la rencontre des truands. Il négocie avec eux. Stacey veut qu'il lui donne la combinaison du coffre pour prendre l'argent. Allen refuse, Stacey le tue. L'homme sans nom observe la scène du haut d'une colline et leur tire dessus. Il arrache l'oreille de l'un d'eux et leur lance de la dynamite. Puis il retourne à Lago.

Les bandits arrivent en ville et voient le banquet dressé en leur honneur. Après avoir tué plusieurs habitants, ils se rendent dans le saloon et menacent les autres habitants quand, tout à coup, un coup de fouet attrape la gorge de Bill Borders et le tire dehors. L'homme sans nom fouette Bill à mort, comme les desperados l'avaient fait pour Jim Duncan. Peu après, l'homme sans nom attrape Cole par le cou et le pend. Il abat ensuite Stacey. Enfin, Mordecai abat Lewis Belding (propriétaire de l'hôtel et ex-mari de Sarah qui a décidé de le quitter) qui voulait tuer l'étranger dans le dos.

Dans la version française, lors de la scène finale, on apprend que l'étranger n'était autre que le frère du marshal Duncan. Dans la version originale, Mordecai dit à l'étranger qu'il n'a jamais su son nom; celui-ci lui répond qu'il le connaît, laissant entendre qu'il pourrait être l'esprit vengeur de Jim Duncan ou, plus simplement, un membre de sa famille. L'étranger s'éloigne à cheval dans la plaine surchauffée et disparaît comme un fantôme.

Fiche technique

Distribution

Production

Le lac Mono où se situe Lago

Genèse et développement

Dans sa première réalisation, Un frisson dans la nuit (1971), certains producteurs reprochent à Clint Eastwood son manque de présence à l'écran. L'acteur-réalisateur accepte donc pour son film de revenir au western et d'incarner un personnage omniprésent, dans la veine de ceux qu'il a incarnés dans la trilogie du dollar de Sergio Leone[2].

Universal Pictures acquiert les droits d'un court récit d'Ernest Tidyman  a priori long de seulement 9 pages[2]  qui a notamment remporté l'Oscar du meilleur scénario adapté en 1972 pour French Connection. Très marqué par les circonstances du meurtre de Kitty Genovese à Brooklyn, en 1964, et la non-intervention de nombreux témoins présents lors de l'agression, Clint Eastwood demande au scénariste de s'en inspirer pour l'intrigue du film[3],[Note 1]. Le scénario est, de plus, teinté d'allégories et d'humour noir influencé par Sergio Leone[4].

Distribution des rôles

On trouve dans ce film l'acteur Geoffrey Lewis, qui tournera encore six fois avec Clint Eastwood (Le Canardeur, Doux, dur et dingue, Bronco Billy, Ça va cogner, Pink Cadillac, Minuit dans le jardin du bien et du mal).

Autres habitués des aventures eastwoodiennes à quatre re-prises encore 1 Dan Vadis dans L'Épreuve de force, Doux, dur et dingue, Bronco Billy, Ça va cogner ici Dan Carlin ; 2 John Mitchum dans L'Inspecteur Harry, Magnum Force L'inspecteur ne renonce jamais,Josey Wales hors-la-loi ici le directeur du pénitencier ET 3 Jack Kosslyn dans Un frisson dans la nuit Breezy ( Eastwood réalisateur) Magnum Force La Sanction , ici le sellier.

Et à trois re-prises encore 1 John Quade dans Josey Wales hors-la-loi , Doux, dur et dingue, Ça va cogner ici Jake Ross et 2 William O'Connell   dans Josey Wales hors-la-loi, Doux, dur et dingue, Ça va cogner, ici le barbier.

Chuck Waters, ici le palefrenier à casquette et cheveux longs, est identifié comme acteur dans Doux, Dur et Dingue (un motard des veuves noires) et comme cascadeur dans 3 films Magnum Force Bronco Billy et Haut les flingues! ( pas d’identification autre)

1 Walter Barnes, ici le shérif Sam Shaw , lui, fut accueilli deux fois encore dans Doux, dur et dingue et Bronco Billy, tout comme 2 Jack Ging, ici Morgan Allen, dans Pendez-les haut et court et   Un frisson dans la nuit et 3 Russ McCubbin dans Ça va cogner Le retour de l'inspecteur Harry , ici Fred Short.

Autre présent John Hillerman , le majordome Higgins de la série Magnum ici en bottier.

Il manque dans les récapitulatifs plusieurs acteurs qui jouent les 3 bivouqueurs attaqués par les frères Carlin, les 2 menuisiers mexicains et la grande dame rousse expulsée avec Mme Blake.

Tournage,

Le tournage a lieu en Californie (lac Mono, forêt nationale d'Inyo) et dans le Nevada (Sierra Nevada, lac Winnemucca)[5].

Le tournage a duré six semaines et s'est terminé deux jours avant la date prévue. Le budget du film a également été moindre que ce que l'on avait prévu[2].

Universal Pictures voulait que le film soit tourné dans le backlot de leurs studios. Clint Eastwood refuse et choisit de tourner en extérieur, dans des décors créés pour l'occasion[2]. Le décor de Lago a été construit sur les bords du lac Mono, à 500 kilomètres de Hollywood, dans la Sierra Nevada de Californie, un site jugé « hautement photogénique » par le réalisateur. Une équipe de 46 techniciens et 10 peintres ont travaillé dix heures par jour pendant huit jours pour construire 14 maisons et un hôtel de deux étages avec porche et escalier extérieur. Les décors furent détruits à la fin du tournage[6].

Accueil

Critique

À sa sortie, L'Homme des hautes plaines reçoit globalement de bonnes critiques aux États-Unis.

Pour le New York Times, même si la violence est ommiprésente dans le film, il est clair que ni Ernest Tidyman ni Clint Eastwood ne se prennent vraiment au sérieux. le personnage de l'étranger dans L'Homme des hautes plaines était manifestement une parodie intense du personnage de l'homme sans nom que Clint Eastwood devait jouer dans les westerns de Sergio Leone[7].

Pour le Time, le film cultive à l'excès tous les clichés du western dénoncés par la culture pop[8].

Le film réalisera 15 millions de dollars au box office, un score modeste pour l'époque.

En France, plusieurs critiques de L'Homme des hautes plaines s'inscriront dans la ligne des accusations de fascisme de films des années 1970 portées par exemple par des critiques comme Roger Ebert et Pauline Kael[9] contre Dirty Harry de Don Siegel[10]. Une sorte de « jeu » s'était alors propagé dans la presse à cette époque pour être celui qui « taperait » le plus fort sur Clint Eastwood. Ainsi Jean-Claude Guignet dans La Revue du cinéma dénonce une « apologie du fascisme », pour Guy Teisseire dans L’Aurore, le film mettait en scène « le parfait héros nazi » et J. Sorel voit dans Témoignage chrétien un « bel aryen blond »[11]. En 1974, un texte collectif signé du pseudonyme Albert Bolduc et publié dans la revue Positif déclare même que le film devait ainsi être assimilé à un « Mein Kampf de l’Ouest »[12].

L'accueil global du film évoluera avec le temps. Il est considéré par le Motion Pictures Guide comme un des meilleurs westerns des années 1970. En France, Olivier Père écrit, dans Les Inrockuptibles : « Eastwood est encore redevable du style de Leone, mais aussi du baroquisme de Siegel. (...) Dans sa fureur iconoclaste, le film se situe à une étape intermédiaire de (son) œuvre »[13].

Une demi-siècle après sa sortie, le film peut être vu comme un condensé en un seul personnage du bon, la brute et le truand, et l'ambiguïté du scénario épuré permet d'en comprendre la dimension purement fantasmatique[14].

Box-office

Le film engrange 16 558 740 $ aux États-Unis. En France, le film totalisera 790 646 entrées[15].

Commentaires

Analyse

À sa sortie, L'Homme des hautes plaines a été taxé de film « fasciste » par la presse française. Le journaliste Jacques Zimmer s'interrogera, quelques années plus tard, et écrira notamment « il est curieux de voir taxé d’idéologie d’extrême droite le bon vieux thème du solitaire venu réparer une injustice et soumettant à la loi une collectivité qui l’a nommé marshall par réflexe de peur. (…) Le même scénario, produit par Kramer sous le titre du Mercenaire de minuit, avait été salué unanimement comme une parabole contre le racisme et la violence »[2]. Certains commentaires anglo-saxons dénoncent par ailleurs les deux viols perpétrés par le héros, l’idéalisation et la justification qu’en donne le film : les femmes victimes étaient membres du village qu’il fallait punir, elles finissent par éprouver du plaisir et l’une en vient même à soutenir son violeur [16],[17] .

Thèmes

Premier des quatre westerns qu'Eastwood réalisera, L'homme des hautes plaines rassemble tous les thèmes que le réalisateur développera dans ses œuvres, notamment celui de la vengeance, qui sera au cœur de Josey Wales hors-la-loi et d’Impitoyable. De même, son personnage de l'étranger préfigure celui du pasteur de Pale Rider, le cavalier solitaire[18]. Ne pouvant pardonner la médiocrité et la veulerie des habitants, l'étranger va les forcer à repeindre leur ville en rouge et à la renommer Hell (enfer) et nomme comme maire et shérif leur souffre-douleur habituel, un nain. Toutes ces images et symboles confèrent au film une dimension à la fois crépusculaire et fantastique.

L'identité de l'étranger

À la toute dernière scène, quand l'Étranger quitte la ville, il croise Mordecai occupé à inscrire le nom de l'ancien shérif Duncan sur sa pierre tombale. Mordecai lui dit qu'il n'a jamais su son nom. Dans la version originale, l'Étranger lui répond « Si, tu le sais »[18].

Dans les doublages français, italien, allemand et espagnol, l'étranger répond : « C'est celui que tu graves, celui de mon frère. Prends-en soin. »[19]. Cette version correspond, en fait, au script original du film. La fin avait été changée pour laisser l'hypothèse du frère possible, mais permettre également d'imaginer que l'étranger est un esprit vengeur[20].

John Wayne

Après la sortie de L'Homme des Hautes Plaines, Clint Eastwood propose à John Wayne de faire un western ensemble. Ce projet de long-métrage intitulé The Hostiles (Meurtres sous contrôle) écrit par Larry Cohen portait sur l'association entre deux propriétaires d'un ranch, l'un jeune et l'autre vieillissant, face à des ennemis qui tentent de les assaillir.

Mais John Wayne répond à Clint Eastwood pour critiquer son film dont il estime qu'il ne restitue pas correctement l'histoire des pionnniers de l'Ouest. Clint Eastwood ne répondra pas à sa lettre mais dira dans un interview à Kenneth Turan publiée en 2012[21] : « J'ai compris que nous étions de deux générations différentes, et qu'il ne comprenait pas ce que je faisais. » Il précisera que son western était plus conçu comme une fable qu'un film sur la colonisation de l'Ouest et qu'il a toujours préféré incarner des personnages ambigus et faillibles plutôt que les héros américains typiques personnifiés par John Wayne[22].

Clint Eastwood envoie malgré tout une nouvelle version du script de The Hostiles à John Wayne. Lorsque Michael Wayne tend à son père le scénario lors d'une sortie en bateau, l'acteur balance ce qu'il considère comme « un tas de merde » par-dessus bord[23].

Clin d’œil

Les pierres tombales du cimetière portent les noms des cinéastes Sergio Leone et Don Siegel. À ce sujet, Clint Eastwood déclara : « J'ai enterré mes réalisateurs »[2].

Notes et références

Notes

  1. Ce même fait divers où tous les témoins d'un crime ne réagirent pas, inspirera plus tard le réalisateur Lucas Belvaux pour son film 38 Témoins sorti en 2012.

Références

  1. (en) Dates de sortie sur l’Internet Movie Database
  2. « Critique de film L'Homme des hautes plaines », sur DVD Classik (consulté le )
  3. (en) Michael Munn, Clint Eastwood : Hollywood's loner, Robson, , p. 127
  4. (en) Patrick McGilligan, Clint : the Life and Legend, Harper Collins, , p. 221
  5. (en) Locations sur l’Internet Movie Database
  6. (en) Michael Munn, Clint Eastwood : Hollywood's loner, Robson, , p. 129
  7. Vincent Canby, 'High Plains Drifter' Opens on Screen, NYT, 20 avril 1973.
  8. Richard Schickel, Low Pun, Time, 23 avril 1973
  9. Pauline Kael, Dirty Harrry : Saint Cop,  28 décembre 2017. New Yorker, January 15, 1972.
  10. Ben Alpers, Fascinating “Fascism”: the Other F Word in Seventies Cultural Criticism, Society for U.S. Intellectual History,19 mai 2014.
  11. Antoine Royer, L'Homme des hautes plaines, Critique, dvdclassik,19 octobre 2013.
  12. Albert Bolduc, L'Homme des hautes plaines, Critique, Positif n° 155, Janvier 1974, p. 66.
  13. L’Homme des hautes plaines - Les Inrockuptibles.com
  14. Antoine Desrues, L'Homme des Hautes Plaines : le western qui imposa Clint Eastwood comme le plus badass des cow-boys, 28 août 2022.
  15. box-office - JP's box-office
  16. « r/todayilearned - TIL the Clint Eastwood's character rapes a women in "High Plains Drifter" », sur reddit (consulté le )
  17. « There's Something Disturbing About Clint Eastwood When He Masturbates », sur setsuled.livejournal.com (consulté le )
  18. Secrets de tournage - Allociné
  19. High Plains Drifter (1973) — Trivia — IMDb
  20. Clint Eastwood: Interviews, Revised and Updated
  21. Mary Lea Bandy, Kevin Stoehr, Ride, Boldly Ride: The Evolution of the American Western, University of California Press, 2012, p. 238-248.
  22. Charlie Smith, Clint Eastwood blasted by John Wayne in angry letter: 'He would not understand',  Express UK, 15 juin 2022.
  23. Kevin Romanet, L'Homme des hautes plaines : quand John Wayne s'en prenait à Clint Eastwood à cause du film, Cineseries, 28 août 2022.

Liens externes

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