Le Château de Barbe-Bleue
A kékszakállú herceg vára
A kékszakállú herceg vára
Genre | opéra |
---|---|
Nbre d'actes | 1 acte |
Musique | Béla Bartók |
Livret | Béla Balázs |
Langue originale |
Hongrois |
Sources littéraires |
La Barbe bleue de Charles Perrault |
Durée (approx.) | 60 minutes |
Dates de composition |
février–septembre 1911 |
Création |
24 mai 1918 Opéra de Budapest |
Création française |
1954 Strasbourg |
Personnages
- Le duc Barbe-Bleue (baryton ou basse)
- Judith, sa nouvelle épouse (soprano ou mezzo-soprano)
- Le Barde (rôle parlé)
- Les trois anciennes épouses de Barbe-Bleue (rôles muets)
Pour les articles homonymes, voir Barbe-Bleue (homonymie).
Le Château de Barbe-Bleue (en hongrois : A kékszakállú herceg vára, littéralement Le Château du duc de Barbe-Bleue), opus 11, Sz. 48, est l'unique opéra de Béla Bartók.
La musique est composée sur un livret de Béla Balázs, entre février et septembre 1911, sous l'influence du Pelléas et Mélisande de Claude Debussy (composition de 1902, livret de Maurice Maeterlinck).
Pour ce qui est du système modal utilisé, le langage musical de Bartok est en partie né du système pentatonique (gammes à cinq notes), courant dans la Hongrie traditionnelle. En effet, son style est grandement imprégné par l'étude de la musique traditionnelle hongroise, un art alors oublié, que Bartok avait été collecter avec son ami le compositeur Zoltán Kodály, dans la Hongrie campagnarde et la Transylvanie, mais aussi en Roumanie et en Slovaquie. Le style Béla Bartók se rattache par cette œuvre et par les suivantes, au courant européen d'« identité nationale », né au XIXe siècle. En ce sens, il succède à la composition de style romantique (issue des légendes du monde germanique au début du XIXe siècle).
Béla Balázs écrit le livret au printemps 1910, à partir du poème de Maurice Maeterlinck Ariane et Barbe-Bleue en partant du conte de Perrault modifié par les ballades séculaires de Transylvanie[1]. Ce livret est proposé aussi par Béla Balázs à Zoltán Kodály, qui avait été à Paris en mai 1907 avec lui assister à la création d’Ariane et Barbe-Bleue musique de Paul Dukas[1].
Le Château de Barbe-Bleue est créé à l'Opéra de Budapest le avec Olga Haselbeck (Judith) et Oszkár Kálmán (Barbe-Bleue), dans une mise en scène de Dezső Zádor et sous la direction d'Egisto Tango. La création française a lieu à la Radiodiffusion-télévision française le sous la direction Ernest Ansermet et dans une adaptation en français de Michel Dimitri Calvocoressi ; la première scénique est donnée à l'Opéra-Comique en 1960, avec Xavier Depraz (Barbe-Bleue).
Introduit par un prologue parlé, Le Château de Barbe-Bleue est composé d'un seul acte, dont le déroulement est scandé par l'ouverture successive des sept portes du château. Il ne met en scène que deux chanteurs, Barbe-Bleue (baryton-basse) et Judith (soprano ou mezzo-soprano), ainsi qu'un narrateur dans le rôle du barde qui ouvre l'opéra par un prologue.
Sa durée approximative est d'une heure.
Argument
Ayant délaissé son fiancé et quitté ses parents, Judith arrive dans la demeure de son nouveau mari, le duc Barbe-Bleue, dont elle est la quatrième épouse. Elle lui demande l'accès à toutes les portes du château, pour, dit-elle, y faire entrer la lumière.
Barbe-Bleue, d'abord réticent, cède au nom de l'amour, mais la septième porte fait l'objet d'un interdit particulier que Judith va transgresser au prix de sa déchéance, elle trouvera derrière celle-ci les femmes disparues de Barbe-Bleue encore en vie.
Genèse de l'œuvre : le conte de Charles Perrault
Paru en 1697, le conte de Charles Perrault, La Barbe bleue, aborde le thème de la déloyauté conjugale : l'épouse supposée soumise à son mari s'avérant irrespectueuse des règles établies, elle encourt la mort pour avoir désobéi. Le conte parle des tentations auxquelles l'être humain succombe et de leurs conséquences possibles.
Analyse de l'œuvre
Huit ans avant Balázs, Maurice Maeterlinck avait écrit Ariane et Barbe-Bleue. Paul Dukas en tira son unique opéra. Mais le livret hongrois est aux antipodes de celui de l'écrivain belge : ses protagonistes n'ont rien en commun avec Ariane et son époux. Le seul fait notable que Balázs a repris de Maeterlinck - et qui s'oppose aussi à Perrault - est qu'il n'y a pas d'épouse assassinée, mais des femmes cloîtrées. Ici, elles sont muettes alors qu'avec Dukas, elles sont en quelque sorte « ressuscitées » par Ariane. Avec Balázs, personne ne triomphe, c'est une tragédie de l'amour, un échec du couple qui nous est révélé. La déclaration au départ du barde introduit cet univers dont le spectateur, qui « lève le rideau des cils »[1].
Barbe-Bleue, quasi inexistant dans Ariane et Barbe-Bleue est le personnage central de l'opéra de Bartók. Généreux, amoureux, il multiplie toutefois ses mises en garde à son épouse et instaure la limite au-delà de laquelle il y a danger pour Judith, donc pour le couple. Cette limite n'est plus matérialisée par une porte unique à ne pas franchir comme dans le conte. Ici, sept portes constituent autant de lieux secrets révélateurs de l'âme du maître des lieux. Cette multiplicité des lieux tenus fermés leur confère un caractère moins inaccessible. Judith obtient l'ouverture des cinq premières portes avec une relative facilité malgré la dureté exprimée par la musique forte et le texte concis. Mais la réticence de Barbe-Bleue à répondre aux questions de son épouse et à ouvrir la dernière porte , après celle de la salle du lac des larmes blanches, s'effondre devant l'insistance d'une épouse obnubilée par le sang (dit aussi par la rumeur qu'elle connaissait) qu'elle ne fait que voir (les objurgations de son mari, loin de la dissuader, semblent au contraire l'encourager).
Judith, reprenant les symboles de toutes les autres épouses, va les rejoindre, et bien qu'encore en vie n'en sont pas moins figées, apparaissant dématérialisées ou subsistant symboliquement dans le registre du souvenir de la psyché de Barbe-Bleue …
Le choix du prénom Judith reste assez obscur. Si l'on se réfère à la Judith biblique, on peut dire que toutes deux partagent un trait de caractère : la détermination. Toutes deux parviennent à leurs fins, la première avait séduit Holopherne pour mieux l'assassiner, celle qui nous intéresse ira jusqu'au bout de son désir : mettre à nu la psyché de son époux.
Chez Perrault, c'est la terreur qui sous-tend l'action, l'épouse succombe à sa curiosité malgré la peur que lui inspire son époux. Avec Balázs et Bartók, la dramaturgie est réduite à une tension croissante perceptible dans l'absence de dialogue des protagonistes. Elle s'incarne dans le registre passionnel.
Balázs n'a gardé du conte de Perrault que sa quintessence : la tentation, le désir d'assouvir une curiosité. Quant à Barbe-Bleue, il n'est plus l'époux terrorisant et sanguinaire mais au contraire un être attentionné, porteur d'une souffrance cachée (le lac de larmes) qui l'humanise et ne le rend jamais monstrueux. Ce n'est plus de lui que va survenir le danger, c'est Judith qui en sera l'instigatrice.
Nous ne sommes plus ici dans le registre de la simple désobéissance décrit par Perrault mais dans un autre plus complexe qui va au-delà d'un simple écart de confiance. C'est dans l'œuvre l'expression récurrente de sa volonté de faire entrer la lumière dans ce lieu.
Cet opéra aux symboles nombreux et riches laisse entrevoir dès les premières minutes avec l'ouverture de la première porte un certain climat fataliste repris par le thème du sang, quasi omniprésent dans l'œuvre. C'est comme si l'amour entre Judith et Barbe-Bleue était déjà condamné. Cette impression est renforcée par les suintements permanents des murs du château. Au fur et à mesure que se joue le drame, lentement au départ puis de façon accélérée, la tension monte d'un cran, la nervosité de Judith s'amplifie jusqu'à la culmination de la tension psychologique à l'ouverture de la dernière porte et les accusations de celle-ci qui signent la fin d'une idéalisation amoureuse. Mais il est trop tard quand Judith comprend le processus morbide (au sens psychanalytique du terme) qu'elle a déclenché.
Le sang est communément associé à la vie. Toutefois, au-delà d'une lecture freudienne du symbole, son épanchement (sur les armes, le trésor, les fleurs, les nuages) est à considérer dans un retournement symbolique. Sans doute doit-on y lire les prémices d'une déprojection amoureuse, voire le signe plus général que quelque chose se meurt. Est-ce la mort même de Barbe-Bleue dont Judith et le château seraient les symboles annonciateurs ? Il est difficile de répondre à cette question tant l'opéra se prête à une pluralité d'interprétations, de par la multiplicité des symboles et le caractère allégorique de l'œuvre. Ce qui est certain, c'est qu'avec Judith finalement associée à la nuit, un cycle s'achève[2].
Instrumentation
Quatre flûtes (dont deux jouant piccolos), deux hautbois, un cor anglais, trois clarinettes, (en la et si bémol, les deux premières jouant petites clarinettes, la troisième jouant clarinette basse), quatre bassons (le quatrième jouant contrebasson), quatre cors (en fa), quatre trompettes (en si bémol), quatre trombones, un tuba basse, deux harpes, un célesta, un orgue, timbales, grosse caisse, tambour piccolo, tam-tam, cymbales (plus cymbale suspendue), xylophone, triangle, cordes, sur scène quatre trompettes, quatre trombones. S'y ajoute un chœur sans paroles ad libitum pour l'ouverture des portes.
Discographie
Version originale en hongrois
Versions traduites
Vidéographie
Direction | Orchestre | Barbe-Bleue | Judith | Langue | Mise en scène | Date d'enregistrement | Label (et date d'édition) |
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Guennadi Rojdestvenski | Orchestre symphonique du Bolchoï | Evgeni Kibkalo | Nina Poliakova | russe | Vitali Golovin | 1963 | |
Georg Solti | Orchestre philharmonique de Londres | Kolos Kováts | Sylvia Sass | hongrois | Miklós Szinetár | son 1979scène 1981 | Decca, DVD, 2008 |
Ádám Fischer | Orchestre philharmonique de Londres | Robert Lloyd | Elizabeth Laurence | hongrois | Dennis Marks | 1988 | Kultur Video, DVD, 2009[6] |
James Levine | Orchestre du Metropolitan Opera, New York | Samuel Ramey | Jessye Norman | anglais | Göran Järvefelt | 1989 | House of Opera |
Notes et références
- Claire Delamarche, "Présentation de l'opéra « Le Château de Barbe-Bleue » Lyon, Orchestre national de Lyon dir. Léonard Slatkin, 28/30 janv 2016."
- Cette analyse est inspirée du livret de l'Avant-Scène Opéra n° 149-150 : Le Château de Barbe-Bleue (Bartók) / Ariane et Barbe-Bleue (Dukas), Ed. Premières Loges, ISSN 0764-2873, Nov.-Déc. 1992.
- Le livret comporte un prologue parlé, confié au personnage du Barde dont c'est la seule intervention sur scène ; toutefois il n'apparaît pas dans tous les enregistrements.
- Une des versions de référence selon Diapason, Dictionnaire des disques et des compacts : guide critique de la musique classique enregistrée, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », , 3e éd., xiv-1076 (ISBN 2-221-05660-4, OCLC 868546991, BNF 34951983), p. 46. Le preneur de son étant l'un des fils du compositeur, Peter Bartok.
- Concert donné à New York à l'Avery Fischer Hall le mercredi 25 mars 1981, jour du centième anniversaire de la naissance du compositeur. Cf. compte-rendu paru dans le New York Times le 27 mars 1981.
- fiche IMDb
Bibliographie
- Stéphane Goldet, Le Château de Barbe-Bleue (Bartók) / Ariane et Barbe-Bleue (Dukas), traduction de Natalia et Charles Zaremba, L'Avant-Scène Opéra n° 149-150, novembre-, Éd. Premières Loges, (ISSN 0764-2873), (OCLC 1035779464). Rééd. 2018, no 303 (ISSN 0295-1371), (OCLC 1027474539).
- Jean-François Zygel, « Le Château de Barbe-Bleue : « Un geyser musical de 60 minutes » », Diapason, Paris, no 392, , p. 36–38 (ISSN 1292-0703).
- Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Fayard, coll. « Les indispensables de la musique », , 1819 p. (ISBN 978-2-213-60017-8, OCLC 417460276, BNF 39099667)
- (en) Rita Honti (Thèse de musicologie), Principles of Pitch Organization in Bartók’s Duke Bluebeard’s Castle, Université d'Helsinki, , xii-362 (OCLC 608334095, lire en ligne [PDF]).
- Claire Delamarche, Béla Bartók, Paris, Fayard, , 1052 p. (ISBN 978-2-213-66825-3 et 2-213-66825-6, OCLC 826847938, BNF 42797998), p. 238–258.
Liens externes
- Ressources relatives à la musique :
- MusicBrainz (œuvres)
- (en) Carnegie Hall
- (de) Operone
- Analyse de B. van Langenhove
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