Grotte des Cottés (Saint-Pierre-de-Maillé)

La grotte des Cottés ou grotte des Cottets est située à Saint-Pierre-de-Maillé, dans le département français de la Vienne, en Poitou-Charentes, région Nouvelle-Aquitaine.

Ne pas confondre avec la Cotte, site préhistorique à Jersey (îles Anglo-Normandes).

Grotte des Cottés
Localisation
Coordonnées
46° 41′ 40″ N, 0° 50′ 35″ E
Pays
Région
Département
Commune
Voie d'accès
D11
Caractéristiques
Altitude de l'entrée
~70 m
Signe particulier
site préhistorique éponyme du Châtelperronien évolué, et d'un interstade de la glaciation de Würm
Cours d'eau
Occupation humaine
Localisation sur la carte de France
Localisation sur la carte de Nouvelle-Aquitaine
Localisation sur la carte de Poitou-Charentes
Localisation sur la carte de la Vienne

Elle a la particularité de présenter une séquence archéologique continue depuis la fin du Paléolithique moyen jusqu’au début du Paléolithique supérieur, incluant ainsi le Moustérien, le Châtelperronien et les premières phases de l'Aurignacien. Louis Pradel l’a établie comme gisement éponyme du Châtelperronien évolué, sur la base de la « pointe des Cottés », une pointe de Châtelperron élancée. Si ce Châtelperronien évolué constitue bien une phase finale du Châtelperronien, il pourrait être l’un des rares témoignages du comportement des tous derniers Néandertaliens de la façade ouest de l’Europe.

Situation

Le site se trouve dans la vallée de la Gartempe, à environ 1,6 km au nord de Saint-Pierre-de-Maillé et à moins de 100 m au sud du château des Cottets. Il est desservi par la D11[1].

Toponymie

La carte de Cassini du XVIIIe siècle nomme le hameau « Petit Coté » (avec un autre lieu appelé « le Coté », situé d'après la carte de Cassini au nord-ouest du premier[2] mais qui, selon les cartes plus récentes, se trouve au nord, au sommet de l’escarpement formé par les coteaux de la vallée de la Gartempe, et fait face à cette vallée autant qu'à celle de son affluent au nord appelé la Carte  ; ce deuxième hameau s'appelle de nos jours « les Vieux Cottets »[1]).

Sur la carte d'état-major du XIXe siècle (1820-1866), il porte le nom de « les Cotets »[3].

La carte IGN actuelle donne le nom « les Cottets »[1]. Cependant l’ensemble de la littérature archéologique ancienne et actuelle utilise le nom « les Cottés »[N 1].

Fouilles

En 1880, R. de La Rochebrune fouille la grotte ; il y trouve deux niveaux d'occupation : Moustérien et Aurignacien. L'abbé Henri Breuil donne un compte-rendu de ces fouilles en 1906[4],[5].

Louis Pradel la fouille à partir de 1951[4], et F. Lévêque entre 1972 et 1984[6].

En 2006, Marie Soressi entreprend de nouvelles fouilles[7].

Vestiges humains

En 1881, les couches récentes livrent un squelette d’Homme moderne, en position fœtale. Perdu à la fin des années 1960, Marie Soressi retrouve ce squelette dans les années 2000[7].

Stratigraphie

En 2008, Soressi et al. déterminent les couches suivantes :

  • couche 8 : Moustérien
  • couche 6 : Châtelperronien
  • couches 4 et 2 : phases anciennes de l’Aurignacien[8],[9]. La couche 4 peut être divisée en deux sous-couches[10]. Certaines parties des couches de l'Aurignacien ancien (couches 2 à 4) sont enrobées de matrice sédimentaire rouge, couleur que Soressi attribue à de l'ocre[8].

Les couches 6 à 8 témoignent d'une occupation du site partagée entre hommes et carnivores[10]. Entre la couche 6 et la couche 4 se trouve une mince couche archéologiquement stérile[11].

Archéologie

Les couches moustériennes et châtelperroniennes (donc néandertaliennes) sont séparées du proto-aurignacien (associé à Homo sapiens) par une période d'environ 1 000 ans (correspondant à la mince couche stérile mentionnée plus haut). Mais l'industrie lithique montre une contemporanéité du Châtelperronien et de l'Aurignacien.

Par ailleurs, le proto-Aurignacien et les débuts de l'Aurignacien proprement dit semblent contemporains, ce qui indique une transition rapide de l'un à l'autre dans cette région. Les hommes modernes occupent la grotte des Cottés vers 39 500 ans AP, une période qui coïncide à peu près avec le début de la phase froide de l'évènement de Heinrich 4[11].

« Pointe des Cottés »

La « pointe des Cottés » a été définie à partir d'une série de 33 exemplaires qui, d'après Pradel, représentent « l'élément essentiel d'un niveau périgordien » à l'industrie plus avancée que le Châtelperronien et moins avancée que le Gravettien. Ce niveau périgordien a été trouvé sous une couche stérile[12] mince, identifiée en 1959 par Pradel comme un niveau archaïque du Gravettien[4]. Cette couche stérile est suivie par un horizon de l'Aurignacien I ; Pradel note que cet horizon aurignacien semble « attardé »[12].

Soressi définit la pointe des Cottés comme une « pointe de Châtelperron élancée »[13]. Pradel la décrit comme un outil lithique à bords abattus, plus effilé, plus étroit, plus mince et en somme plus leptolithique que ceux de Châtelperron (grotte des Fées) et moins que ceux de la Gravette (sur Bayac en Dordogne)

Origine des matériaux lithiques

Les fouilles Soressi montrent qu'au fil du temps les usagers de la grotte s'approvisionnent en matériaux lithiques à des sources de plus en plus éloignées du site. L'outillage lithique témoigne de voyages jusqu'au Grand Pressigny (25 km au nord), et dans la vallée du Cher au nord-est (~80 km)[9].

Parures

De 2006 à 2008, les fouilles Soressi trouvent dans les déblais des fouilles précédentes une dizaine d'objets de parure[14], dont une canine de renard percée, une parure d'anneaux en os et des perles[15]. En 2008, la fin de l'Aurignacien ancien livre une perle en ivoire[14],[15].

Animaux et climat

La proportion de vestiges de renne (animal de climat froid) sur l'ensemble des restes d'animaux, croît au fil des temps, ce qui indique une baisse notable de la température entre le Moustérien et le plus récent niveau de l'Aurignacien[16],[17].

Interstade des Cottés

L'interstade des Cottés est souvent cité dans la littérature spécialisée. C'est un interstade (période de radoucissement relatif) de la glaciation de Würm, appartenant à l'interpléniglaciaire du Würm III (ou SIO 3)[18],[19], de 37 650 à 33 350 ans AP[20]. Arlette Leroi-Gourhan (1983), pionnière de la paléopalynologie, propose de l'arrêter à 34 500 ans AP[21],[22], Momplaisir (2003) le fait commencer à 39 000 ans AP. Il a porté ou porte encore d'autres noms : « Göttweig » (Bayer 1927, Momplaisir 2003[18]), « Hollabrunn » (Götzinger 1938), « Oberfellabrunn » (Brandiner 1954), « Stillfried A » (Fink 1954), « Mittelwürminterstadial » (Woldstedt 1956)[23]. Il recouvre une partie du Châtelperronien[24].

Voir aussi

Bibliographie

  • [Breuil 1906] Henri Breuil, « Les Cottés, une grotte du vieil âge du Renne, à Saint-Pierre-de-Maillé », Revue de l'école d'Anthropologie, (présentation en ligne, lire en ligne [PDF] sur documents.univ-toulouse.fr, consulté le ).
  • [Pradel 1959] Louis Pradel, « Le Périgordien II de la grotte des Cottés (commune de Saint-Pierre-de-Maillé, Vienne) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 56, nos 7-8 « Travaux en retard », , p. 421-427 (lire en ligne [sur persee], consulté le ).
  • [Pradel 1963] Louis Pradel, « La pointe des Cottés », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 60, nos 9-10, , p. 582-590 (lire en ligne [sur persee], consulté le ).
  • [Roussel & Soressi 2013] Morgan Roussel et Marie Soressi, « Une nouvelle séquence du Paléolithique supérieur ancien aux marges sud-ouest du Bassin parisien : Les Cottés dans la Vienne », dans Pierre Bodu, L. Chehmana, L. Klaric, L. Mevel, S. Soriano, Nicolas Teyssandier, Le Paléolithique supérieur ancien de l’Europe du Nord-ouest. Réflexions et synthèses à partir d’un projet collectif de recherche sur le centre et le sud du Bassin parisien, coll. « Mémoires de la Société préhistorique française » (no 56), , sur researchgate.net (lire en ligne), p. 283-298.
  • [Soressi & Roussel 2008] Marie Soressi et Morgan Roussel, « Saint-Pierre-de-Maillé – Les Cottés » (opération archéologique no 204537, 2006 - 2008), Archéologie de la France - Informations (ADLFI), (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté le ).
  • [Soressi & Roussel 2009] Marie Soressi et Morgan Roussel, « Saint-Pierre-de-Maillé – Les Cottés » (opération archéologique no 204537, 2009), Archéologie de la France - Informations (ADLFI), (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté le ).
  • [Soressi et al. 2013] Marie Soressi, Morgan Roussel, Morgane Liard et William Rendu, « Saint-Pierre-de-Maillé : Les Cottés », dans Bilan scientifique de la région Poitou-Charentes 2012, DRAC-SRA (Ministère de la culture et de la communication), , sur researchgate.net (lire en ligne), p. 239-240.
  • [Talamo et al. 2012] (en) Sahra Talamo, Marie Soressi, Morgan Roussel, Mike Richards et Jean-Jacques Hublin, « A radiocarbon chronology for the complete Middle to Upper Palaeolithic transitional sequence of Les Cottés (France) », Journal of Archaeological Science, vol. 39, no 1, , p. 175-183 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ).

Notes et références

Notes

  1. Pour le nom « les Cottés », voir par exemple la bibliographie de cet article.

Références

  1. « Les Cottets, carte interactive » sur Géoportail. Couches « Cartes IGN classiques », « Limites administratives » et « Hydrographie » activées. Vous pouvez bouger la carte (cliquer et maintenir, bouger), zoomer (molette de souris ou échelle de l'écran), moduler la transparence, désactiver ou supprimer les couches (= cartes) avec leurs échelles d'intensité dans l'onglet de "sélection de couches" en haut à droite, et en ajouter depuis l'onglet "Cartes" en haut à gauche. Les distances et surfaces se mesurent avec les outils dans l'onglet "Accéder aux outils cartographiques" (petite clé à molette) sous l'onglet "sélection de couches".
  2. « Les Cotets sur la carte de Cassini, carte interactive » sur Géoportail.
  3. « Les Cotets, carte interactive » sur Géoportail. Couches « Carte d'état-major (1820-1866) » et « Cartes IGN classiques » activées.
  4. Pradel 1959, p. 421.
  5. Breuil 1906.
  6. Soressi & Roussel 2008, paragr. 7.
  7. Soressi & Roussel 2008, paragr. 2.
  8. Soressi & Roussel 2008, paragr. 12.
  9. Soressi & Roussel 2008, paragr. 13.
  10. Soressi & Roussel 2008, paragr. 17.
  11. Talamo et al. 2012, Abstract (résumé).
  12. Pradel 1963, p. 582.
  13. Soressi & Roussel 2008, paragr. 1.
  14. Soressi & Roussel 2008, paragr. 18.
  15. Soressi & Roussel 2008, Annexes, fig. 1.
  16. Soressi & Roussel 2008, paragr. 16.
  17. Soressi & Roussel 2009, paragr. 11.
  18. [Momplaisir 2003] Michel-Ange Momplaisir, Propédeutique à L'Anthropologie Biologique, Coconut Creek, Floride, Educa Vision, , 554 p. (lire en ligne), p. 195.
  19. [Defleur 1983] Alban Defleur, Atlas préhistorique du Midi méditerranéen (5) : Feuille de Carpentras, Marseille, CNRS, , 222 p. (lire en ligne).
  20. [Sanchez 1997] (en) Maria F. Sanchez Goñi, « Les changements climatiques du Paléolithique supérieur. Enquête sur le rapport entre paléoclimatologie et préhistoire », Zephyrus, no 49, , p. 3-36 (ISSN 0514-7336, lire en ligne [PDF], consulté le ), p. 4.
  21. [Leroi-Gourhan 1997] Arl. L.-G., « Chauds et froids de 60000 à 15000 BP », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 94, no 2, , p. 151-160 (lire en ligne, consulté le ).
  22. [Broglio 1989] Alberto Broglio, « Le début du Paléolithique supérieur dans les régions méditerranéennes d'Europe », dans Giacomo Giacobini, Hominidae : Actes Du 2ème Congrès International de Paléontologie Humaine – Turin, 28 septembre-3 octobre 1987, Milan, Jaca Book, (lire en ligne), p. 437. Broglio cite les propositions d'Arl. Leroi-Gourhan et C. Leroyer en 1983.
  23. [Valoch 1967] Karel Valoch, « La subdivision du Pléistocène récent et l'apparition du Paléolithique supérieur en Europe centrale », Quaternaire, vol. 4, no 4, , p. 263-269, p. 263. Valoch cite l'intestade de Göttweig comme étant à la transition Würm I-II, ce qui correspond aux anciennes divisions du Würm. Voir la page référencée pour le détail du changement de la chronologie établie pour le Würm et subséquemment de la notation de ses subdivisions.
  24. [David et al. 2001] Francine David, Nelly Connet, Michel Girard, Vincent Lhomme, Jean-Claude Miskovsky et Annie Roblin-Jouve, « Le Châtelperronien de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne). Données sédimentologiques et chronostratigraphiques », bulletin de la Société préhistorique française, t. 98, no 2, , p. 207-230 (DOI 10.3406/bspf.2001.12483, lire en ligne, consulté le ).
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