Listuguj
Listuguj est une réserve autochtone du Gouvernement mi'gmaq de Listuguj située en Gaspésie au Québec (Canada). C'est la plus ancienne des deux réserves indiennes de la rive sud de la Gaspésie. Jusqu'en 1994, la toponymie officielle de la réserve était Restigouche, après quoi on lui a préféré l'orthographe de Listuguj. La réserve a été assignée exclusivement à la nation en 1853 par le gouvernement du Bas-Canada.
Listuguj | |||||
Panneau à l'entrée de Listuguj | |||||
Administration | |||||
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Pays | Canada | ||||
Province | Québec | ||||
Région | Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine | ||||
Statut municipal | Réserve autochtone | ||||
Grand chef | Darcy Gray | ||||
Code postal | G0C 2R0 | ||||
Constitution | 1853 | ||||
Démographie | |||||
Population | 1 805 hab. (2014) | ||||
Densité | 42 hab./km2 | ||||
Géographie | |||||
Coordonnées | 48° 00′ 58″ nord, 66° 42′ 21″ ouest | ||||
Superficie | 4 287 ha = 42,87 km2 | ||||
Divers | |||||
Code géographique | 06804 | ||||
Localisation | |||||
Géolocalisation sur la carte : Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
Géolocalisation sur la carte : Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
Géolocalisation sur la carte : Québec
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Liens | |||||
Site web | www.listuguj.ca | ||||
Le territoire traditionnel des membres de la nation Listiguj est appelé district de Gespegewagi. La nation comptait en 2003, 3 152 membres, dont 1 879 vivaient sur la réserve. La totalité des membres maintiennent leurs attaches avec la Listuguj via les moyens de communication modernes et de visites lors d'événements annuels tels la célébration du saumon (Salmon Harvest) en juin, la Sainte-Anne (St. Ann's Day) en juillet et le grand pow wow en août[1].
Le mot « Listuguj », souvent orthographié « Restigouche » en anglais et « Ristigouche » en français, est à l'origine de plusieurs toponymes régionaux dont la rivière Ristigouche. Listuguj est aussi le nom utilisé pour désigner une des formes traditionnelles d'écriture du micmac qui est utilisé en Gaspésie.
Politique
Tous les membres de la nation, peu importe leur lieu de résidence, participent tous les deux ans à l'élection du chef et des douze conseillers selon les règlements électoraux de la loi sur les Indiens du Canada. La nation Listuguj est alliée aux autres communautés micmaques de la Gaspésie et du Nord du Nouveau-Brunswick dans le but de promouvoir leurs droits ancestraux et l'autogouvernance de leurs territoires traditionnels Gespe'gewa'gi (« la fin des terres »). La nation Listuguj a toujours été un fervent défendeur des droits des Amérindiens au Canada et continue d'avoir des pourparlers avec le gouvernement du Québec sur l'accès aux territoires traditionnels[1]. Les membres de la nation obtinrent le droit de vote au Canada en 1960 à la suite d'un amendement de la loi électorale du Canada[2],[3]. En 2001, les trois communautés se sont unies pour créer le Secrétariat Mi'gmawei Mawiomi, un grand conseil pour la nation micmaque, avec pour objectif de se donner des services en commun, d'établir des relations économiques surtout pour la pêche et la foresterie et de se préparer aux prochaines négociations territoriales avec le gouvernement[4].
Géographie
Le district Mi'gmaq de Gespe'gewa'gi s'étend de la rivière Miramichi jusqu'à la pointe de la péninsule gaspésienne, un territoire portant donc sur les provinces de Québec et du Nouveau-Brunswick. La principale ressource naturelle est le saumon et les autres produits des eaux et des forêts, dont le bois[1].
À la fois nourriture traditionnelle et animal sacré, le saumon était l'emblème des Indiens de la réserve de Listuguj, ce que vient rappeler une sculpture érigée au Nouveau-Brunswick juste en face des collines boisées où se sont établis les premiers Micmacs du Québec[5].
Un pont relie Listuguj à Campbellton.
Histoire
Pré contact européen
Les premiers Amérindiens arrivèrent il y a 10 000 ans, c'étaient les Algonquiens, des chasseurs-cueilleurs. À l'arrivée des Européens, les Mi'gmag étaient semi-nomades, ils maintenaient deux résidences, leurs campements d'hiver, pour se protéger des intempéries et chasser l'anguille, puis en été sur le littoral pour la pêche au saumon, perche, hareng et fruits de mer, de la chasse (orignal, caribou, porc-épic), et même sur des bateaux allant en haute mer pour pêcher loups marins[6] et baleines. Ils vivaient dans des wigwams allongés et des tipis[7]. Les Mi'gmag de Listuguj se tenaient au courant des événements de la nation entière grâce à un système de communication de «coureurs» et avaient un langage écrit rudimentaire[3].
Post contact européen
Les premières relations blancs-autochtones furent assez pacifiques, possiblement parce que selon leurs légendes, ils attendaient la venue d'étrangers sur de gros vaisseaux, et donc n'étaient pas surpris de les voir arriver et ont immédiatement été ouverts à faire des affaires avec eux. Les plus grands changements sociaux eurent lieu dans le sud du territoire, entre 1610 et 1680, qui vit la conversion au catholicisme, et la ratification du tout premier traité territorial avec le Vatican[3]. Une première mission est construite en 1745 desservie par les Capucins. Les réfugiés Acadiens furent les prochains à s'installer dans la région, à la suite de la Déportation des Acadiens de la Nouvelle-Écosse 1755[8]. Les relations avec les Mi'gmag étaient paisibles car les Mi'gmag étaient des alliés de la France. En 1759, après la défaite de Montcalm par James Wolfe sur les plaines d'Abraham, on enjoignit à la France d'envoyer 4 000 soldats et des vivres afin de tenter de reprendre Québec. Mais le , ce ne sont que cinq navires marchand et la frégate Le Machault avec 400 soldats qui quittent Bordeaux pour la Nouvelle-France. Seuls le Machault, le Bienfaisant et le Marquis-de-Malauze atteignent le Saint-Laurent le et apprennent qu'une flottille anglaise y est, alors ils changent de cap pour se réfugier au fond de la baie des Chaleurs où ils remontent la Restigouche et installent des batteries de tir sur ses rives. À l'été 1760, la communauté de Restigouche comptait quelques familles acadiennes et 150 familles Mi'gmag. Les vivres des 3 voiliers français étaient très appréciés[9].
Bataille de Restigouche
La bataille de Ristigouche fut la dernière de la guerre de Sept Ans entre les Anglais et les Français. La flottille anglaise arriva le avec un navire de soixante-dix canons et deux frégates. Du côté français, trois navires, les batteries de tir sur les rives et une coalition de Mi'gmag et des troupes diverses acadiennes et françaises. L'échange dura plusieurs jours et, le , lorsque le Machault et le Bienfaisant furent trop endommagés, ils furent sabordés afin d'empêcher les Anglais d'avoir les vivres. Ces vivres tant attendues ne parvinrent donc jamais à Québec et la Nouvelle-France capitula le . La nouvelle ne parvint à Restigouche que le et la petite garnison se rendit 6 jours plus tard. C'était la fin du régime français en Amérique du Nord[10].
Escarmouche à Restigouche en 1981
En 1980, depuis déjà plusieurs décennies, les pêcheurs de Listuguj se servent de filets pour capturer le saumon arrivant dans l'estuaire de la Restigouche. Les droits de pêche font partie des droits ancestraux décrétés par le gouvernement fédéral. Le , le ministre québécois des Loisirs, chasse et pêche, Lucien Lessard, envoie un télex au chef de Listuguj, Alphonse Metallic, exigeant que les filets soient retirés en moins de vingt-quatre heures, soit le à minuit.
La première descente. Le à 11 h 20, arrivèrent un hélicoptère et 550 policiers provinciaux pour effectuer une descente et enlever les filets de pêche illégaux. Les lignes téléphoniques furent coupées et il y eut une douzaine d'arrestations brutales dont deux de moins de 18 ans. Du côté du Nouveau-Brunswick, le pont était barré par la Gendarmerie royale du Canada mais ils n'ont pas pu empêcher les étudiants de revenir à Listuguj à la sortie de l'école, qui se faufilèrent. Les dix hommes furent incarcérés à la prison provinciale de New-Carlisle. Listuguj reçut l'appui de Dale Riley, président de la fraternité des nations indiennes, suivi d'un appui de la part de plusieurs groupes autochtones au Canada, dont un blocage de sympathie du pont Mercier à Montréal par les Mohawks de Kahnawake. La Conférence des Chefs, qui devait avoir lieu à Victoria en Colombie-Britannique, a été déplacée à Restigouche.
La deuxième descente. Le , neuf jours plus tard à 5 heures, les policiers ont tenté d'effectuer une nouvelle descente. Les pêcheurs ont tenté de récupérer leurs filets avant qu'ils ne soient confisqués mais les policiers ont tiré sur les pêcheurs avec des balles en caoutchouc et des bombes lacrymogènes. Des Amérindiens de partout au Canada (et d'aussi loin que l'Alaska) sont venus prêter main-forte à Listuguj.
Ces deux événements de fermeture de pont suscitèrent chez les populations blanches quelques problèmes, mais l'accès entre les provinces n'était pas complètement coupé puisque l'on pouvait tout de même utiliser le traversier pour passer entre Miguasha et Dalhousie. En 1982, Édith Butler, chanteuse acadienne, sur des paroles de Luc Plamondon, relatait les événements en chanson, «Escarmouche à Restigouche» qui fut bannie des ondes[11].
Le procès . Au palais de justice de New-Carlisle, les avocats avait négocié une entente avec le procureur stipulant que si les accusés plaidaient coupables, ils auraient sentence réduite avec sursis et 25 $ d'amende. Deux pêcheurs ont refusé par principe. En cours, le juge s'est rangé du côté des policiers et a déclaré que les photographies étaient truquées et que les témoins des accusés mentaient, les accusés reçurent un an de liberté surveillée et 250 $ d'amende. Donald Germain et Robert Barnaby réitérèrent leur innocence et promirent d'aller en cour d'appel.
Ouverture de la pêche commerciale au saumon. En , ironiquement, le ministère Lucien Lessard décrète qu'il était inutile de restreindre la pêche du côté québécois de la baie alors qu'au Nouveau-Brunswick il n'y avait pas de restrictions. Alors il a ouvert la pêche.
L'appel. En , la cour supérieure du Canada rendit son jugement : « N'eut été des erreurs de droit et de fait... », voilà les mots prononcés par la cour supérieure du Canada. Il est possible qu'ils n'aient pas été condamnés et les sentences ont été cassées et annulées par le juge Louis Doiron
En 1984, la cinéaste Abénakise Alanis Obomsawin acquit les droits à la chanson «Escarmouche à Restigouche» pour la bande sonore de son film Les événements de Restigouche. Dans l'interview entre Lessard et Obomsawin à la fin du film, Lessard indique qu'il regrette que ces événements aient créé des conséquences négatives sur les gens de Listuguj[12].
Éducation
Avant l'arrivée des Européens, les Autochtones assuraient leurs propres enseignements. Durant les premiers siècles de colonisation, ils fréquentaient sans grand enthousiasme l'école de missionnaires des Capucins. En 1920, le ministre des Affaires indiennes instaure le système des Day School et à Listuguj, ces cours sont administrés par les sœurs du Saint-Rosaire. Visant à donner sept années d'instruction académique sur la réserve même. La fréquentation augmente lentement au fil des années, surtout grâce à une allocation aux familles dont les étudiants fréquentaient l'école en 1947, puis en 1950, le nombre croissant d'étudiants était suffisant pour justifier la construction d'une nouvelle école. Les cours s'y enseignent également en français et en anglais. En 1960, la création du système de polyvalentes pour les adolescents force les étudiants de Listuguj à fréquenter l'école de Pointe-à-la-Croix. Après l'incendie de 1966, les adolescents ont dû fréquenter l'école secondaire de Campbellton, où ils pouvaient recevoir, outre l'anglais, quelques enseignements en langue mi'gmag. À partir de 1997, un nouveau programme éducatif emmène la construction d'une nouvelle école primaire moderne nommée «Alaqsite’W Gitpu» (Aigle qui va voler)[13].
Population
Au XVIIIe siècle, la réserve de Listuguj est scindée et plusieurs groupes de familles partent s'installer ailleurs, soit dans le nord du Nouveau-Brunswick, soit dans l'embouchure de la Cascapédia (où le gouvernement leur octroya par la suite le statut de réserve et près de Gaspé (où ils s'étalèrent largement sans établir de communauté spécifique). Les Mi'gmag de Pointe-Navarre - Gespeg (Gaspé) ont conclu une entente avec le parc national Forillon pour y déménager leur village à pointe-Penouille[14]
Année | Population |
---|---|
2003 | 1879 |
2001 | 1442 |
1996 | 1296 |
1991 | 1134 |
1760 | 350 |
Municipalités limitrophes
Notes et références
- Traduit de en:Listuguj Mi'gmaq First Nation le 30 oct. 2007
- http://www.danielnpaul.com/CanadianVotingRights-1960.html (en) Droit de vote au fédéral pour les amérindiens
- http://mrc.uccb.ns.ca/mikmaq.html (en) Université du Cap Breton - Mi'kmaq resource centre
- http://autochtones.gouv.qc.ca/relations_autochtones/profils_nations/micmacs.htm Secrétariat aux affaires autochtones - Québec
- GEO N°404 d'octobre 2012 p.101
- référence, citation ou lien
- http://www.acadian-home.org/Mikmaq-history.html (en) Histoire acadienne - Mi'gmag
- Listuguj sur L'Encyclopédie canadienne
- http://www.pc.gc.ca/lhn-nhs/qc/ristigouche/natcul/natcul2a_F.asp Parcs Canada - Lieu historique national du Canada de la Bataille-de-la-Ristigouche - Le contexte
- http://www.pc.gc.ca/lhn-nhs/qc/ristigouche/natcul/natcul2a_F.asp Parcs Canada - Lieu historique national du Canada de la Bataille-de-la-Ristigouche - La bataille
- http://www.onf.ca/enclasse/doclens/visau/index.php?mode=theme&language=french&theme=30665&film=2736&excerpt=612117&about=3&interview=7 Entretien avec Alanis Obomsawin au sujet des droits sur «Escarmouche à Restigouche»
- Alanis Obomsawin, « Les événements de Restigouche » [film documentaire], sur ONF.ca, 1984 (consulté le )
- http://www.encyclobec.ca/main.php?docid=511 Encyclobec Institut national de la recherche scientifique - Urbanisation, Culture et Société - La scolarisation chez les Micmacs de la Gaspésie au XXe siècle
- http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2007/10/10/005-parc-forillon_n.asp Entente avec les Micmacs de Gespeg, 10 octobre 2007
- « Statistique Canada - Profils des communautés de 2006 - Listuguj, IRI » (consulté le )
- « Statistique Canada - Profils des communautés de 2016 - Listuguj, IRI » (consulté le )
- « Statistique Canada - Modifications aux chiffres de population et des logements, Recensement de 2016 » (consulté le )
Articles connexes
- Autochtones du Québec
- Éric Plamondon, Taqawan (2017)
Liens externes
- Site officiel
- Government of Canada's Department of Indian and Northern Affairs First Nation profile
- Listuguj sur L'Encyclopédie canadienne
- Mikmaqonline
- Ressources relatives à la géographie :
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