Louis Peyramont
Louis Peyramont est le nom de plume de Louis-Félix Rigondaud, né à Limoges le [1] et mort le à Saint-Maur-des-Fossés[2], journaliste français.
Pour les articles homonymes, voir Peyramont.
Louis Peyramont | |
Portrait par Oswald Levens (La Nouvelle Lune, 30 janvier 1887). | |
Nom de naissance | Louis-Félix Rigondaud |
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Naissance | Limoges |
Décès | Saint-Maur-des-Fossés |
Nationalité | Français |
Profession | Journaliste |
Années d'activité | 1865-1891 |
Médias actuels | |
Fonction principale | Rédacteur en chef |
Historique | |
Presse écrite | La Revanche |
Biographie
Louis-Félix Rigondaud naît en 1839 dans une maison de la place des Bancs, à Limoges. Son père, Pierre Rigondaud, est marchand[1]. Son futur pseudonyme, Peyramont, serait, selon un journaliste, le nom d'une aïeule[3]. Cependant, aucun des grands-parents de Louis Rigondaud ne portait ce patronyme[4].
Précepteur en Hongrie vers 1860, Rigondaud se passionne dès cette époque pour l'Europe centrale et l'Europe de l'Est. Par la suite, il se convaincra de la nécessité d'opposer le panslavisme à un pangermanisme dangereux pour la France[5].
Quelques mois après avoir commencé sa carrière de journaliste[6], Peyramont couvre la bataille de Sadowa pour L'Indépendance belge[5]. Spécialisé dans les questions internationales, il devient le collaborateur et correspondant de plusieurs journaux français, et principalement du Soleil d’Édouard Hervé. En 1873, il fonde la Correspondance slave, une agence de presse destinée à diffuser en trois langues des informations telles que le compte-rendu du procès Bazaine, mais cette société fait faillite dès l'année suivante[3].
En 1880, Peyramont fait paraître une Statistique universelle (Paris, A. Ghio), un tableau comparatif des différents pays[7]. En décembre de la même année, alors qu'il dirige une revue littéraire, Paris-Magazine, il devient le rédacteur en chef de L'Unité nationale, journal du matin à cinq centimes, de nuance gambettiste[8]. Ce quotidien cesse toutefois de paraître régulièrement dès le milieu de l'année 1882, tandis que Léonce Ferret remplace Peyramont[9]. Ce dernier, entré en désaccord avec l'évolution politique de Gambetta[5], est en effet parti fonder un nouveau journal intitulé La Révision le [10].
Les connaissances de Peyramont en politique étrangère expliquent qu'il ait quelquefois été consulté ou employé comme intermédiaire par certains diplomates ou hommes politiques. Il fait ainsi état de contacts avec Thiers, Saint-Vallier, Gambetta, Chaudordy ou encore le duc Decazes[6]. Le , alors qu'il travaille pour Le Soleil, Peyramont obtient une entrevue à Baden-Baden avec le prince Gortschakoff, ministre des Affaires étrangères de Russie[11]. Cette rencontre aurait contribué au rapprochement franco-russe face à la future Duplice[12]. Exagérant sa propre influence diplomatique, Peyramont n'hésite pas à se présenter comme un ennemi redoutable de Bismarck, attribuant à cette inimitié partagée son expulsion de Berlin en 1878, pendant le congrès diplomatique organisé dans la capitale allemande. Il a également été expulsé de Roumanie où, sous couvert d’œuvres humanitaires pour le compte de la Société française de secours aux blessés, il aurait fomenté des troubles[3].
En , il tente de lancer le « Journal parlé » (causeries sur l'actualité illustrées de caricatures par Alfred Le Petit) à l'ancien théâtre de l'Athénée de la rue Scribe[13]. Il est cependant expulsé de ce lieu dès , car ce local, fermé par arrêté préfectoral en tant que salle de spectacles, lui avait été loué pour y faire des conférences et non des représentations théâtrales[14].
La Revanche
En , Peyramont fonde Le Succès, qui a l'ambition de devenir un « Gil Blas des familles »[15] et dont le rédacteur en chef est Emmanuel Arène. Quand Peyramont finit par en prendre la direction, Le Succès se consacre davantage à la politique étrangère[15]. Après avoir cessé de paraître dès le mois de mai suivant[16], le journal renaît le sous un autre titre.
Désormais doté de bureaux situés au no 3 de la place de l'Opéra, il est rebaptisé La Revanche. Ce nouveau titre est explicite car son rédacteur en chef, devenu propriétaire du journal en grâce à un prêt accordé par son frère[3], y développe un revanchisme (en faveur d'une reconquête militaire de l'Alsace-Lorraine) et un antigermanisme tapageur. Le bandeau contient les armoiries des deux provinces perdues ainsi que la devise : « Gaulois point ne renonce »[17]. Pour assurer la publicité de la Revanche, Peyramont engage des hommes-sandwich portant chacun une grande caricature représentant l'Europe menacée par l'Allemagne, celle-ci étant figurée sous la forme d'une pieuvre coiffée d'un casque à pointe, combattue par la France et la Russie. Craignant le trouble à l'ordre public, le préfet de police fait confisquer ces « placards »[18].
La Revanche ayant été présentée comme un journal boulangiste par le journaliste du Figaro Ph. de Grandlieu (Léon Lavedan), Peyramont rétorque que le général Boulanger est parfaitement étranger à la création et à la rédaction du journal. Plutôt favorable au ministre de la Guerre dans les premiers numéros de La Revanche[19], Peyramont affirmera plus tard n'avoir pas été boulangiste « une seule minute » et accusera Boulanger, ce « fantoche », d'avoir voulu détourner le mouvement patriotique[20]. De fait, Peyramont s'est détaché assez tôt de la Ligue des patriotes pour tenter de fonder sa propre ligue des « Revancheurs »[21].
Le , jour du Mardi gras, la façade du journal arbore, outre des drapeaux français et russes, un transparent lumineux célébrant la victoire électorale des candidats protestataires en Alsace-Lorraine. Les autorités craignant un attroupement et des désordres, les drapeaux et le transparent sont retirés sur ordre du commissaire de police Touny, à la faveur d'un accident de circulation qui détourne momentanément l'attention du public[22]. Peyramont est arrêté le lendemain[3] et incarcéré à Mazas[23]. Accusé d'avoir exposé l’État à une déclaration de guerre, il est inculpé, pour la première fois depuis 1834, selon les termes de l'article 84 du Code pénal : « Quiconque aura, par des actions hostiles non approuvées par le gouvernement, exposé l’État à une déclaration de guerre, sera puni du bannissement »[24]. Le secrétaire d’État aux Affaires étrangères allemand, Herbert von Bismarck, charge alors son ambassadeur, Münster (de), de féliciter son homologue français, Flourens, pour ce gage donné à la paix entre les deux pays[25]. Comparaissant le mois suivant devant la Cour d'assises de la Seine, Peyramont est acquitté par le jury[3].
Quelques semaines plus tard, Peyramont et son journal lancent une virulente campagne contre Charles Lamoureux, directeur de la Société des nouveaux concerts, qui a annoncé des représentations de Lohengrin à l'Éden-Théâtre. Dans un contexte de fortes tensions franco-allemandes suscitées par l'affaire Schnæbelé, La Revanche présente la musique de Wagner comme une provocation[26]. En raison de la violence des manifestations organisées par Peyramont, Lamoureux décide de mettre fin aux représentations et d'assigner le journaliste en justice[27]. Peu lue (avec seulement 1 200 exemplaires vendus sur un tirage de 25 000)[28], La Revanche cesse bientôt de paraître. Quatre ans plus tard, l'agitation anti-wagnérienne reprend, à l'instigation de Francis Laur, Lohengrin étant cette fois-ci à l'affiche de l'Opéra de Paris. Ne voulant pas être en reste, Peyramont rédige sept nouveaux numéros de La Revanche[26] et manifeste à l'Opéra en compagnie de Michel Morphy.
L'antigermanisme de La Revanche était si outrancièrement va-t-en-guerre que certains observateurs considéraient Peyramont comme un agent provocateur chargé d'entraîner l'opinion publique française vers un désastreux nouveau conflit[29]. Cette rumeur est reprise en 1893 au Reichstag par le député (SPD) August Bebel, qui accuse Bismarck d'avoir voulu pousser la France à la guerre en achetant, à Paris, « un des journaux les plus ardents à demander la revanche »[30]. Se considérant directement visé, Peyramont écrit alors à Bebel pour le sommer de s'expliquer et adresse une demande de démenti à l'ancien chancelier[31], qui lui répond que le propos du député socialiste « est aussi bête que mensonger »[32].
Marié à Julie-Alix Didelot (1842-1892), Louis Rigondaud est le père de trois enfants :
- Jeanne (1870-1899), épouse de l'homme de lettres Paul-Louis-Joseph Boulanger (1872-1949) ;
- Louis-Félix (1872-1899), qui partageait la russophilie de son père puisqu'il a réalisé en 1891 le trajet Paris-Moscou à pied, en compagnie de Gustave Marait, collaborateur de L'Univers illustré[33]. Il a été sous-officier au 4e régiment de chasseurs[34] ;
- Charles-Gaston (1876-1889), mort dans un accident de chasse à Chennevières-sur-Marne[35].
Après les derniers numéros de La Revanche, Peyramont se retire du journalisme et se consacre davantage à des opérations financières. En 1897, il crée ainsi une société anonyme, La Colonisation française, dont le siège est installé à son domicile, au no 51 de la rue Vivienne[36]. Cette société est cependant dissoute dès l'année suivante[37].
En 1896, lors du procès de l'affaire Max Lebaudy, Peyramont témoigne en faveur de Carle des Perrières[38].
Références
- Registre des naissances de la commune de Limoges, acte no 1225 du 21 décembre 1839.
- Registre des décès de la commune de Saint-Maur-des-Fossés, acte no 473 du 12 novembre 1900.
- Georges Lefèvre, « L'affaire de La Revanche », Le Radical, 14 mars 1887, p. 2-3.
- Registre des mariages de la commune de Limoges, acte no 244 du 15 décembre 1830.
- Paul Leconte, « Louis Peyramont », La Nouvelle Lune, 30 janvier 1887, p. 2.
- Émile Gautier, « Peyramont : fin d'un Français », La Science française, no 303, 16 novembre 1900, p. 195-196.
- Journal des débats, 14 mai 1880, p. 2.
- Émile Mermet, Annuaire de la presse française, 1881, p. 54 et 82.
- Émile Mermet, Annuaire de la presse française, 1883, p. 107.
- Le Gaulois, 13 novembre 1881, p. 1.
- Journal des débats, 30 septembre 1879, p. 2.
- Paul Marcel, « L'Entente franco-russe », Gil Blas, 19 octobre 1891, p. 2-3.
- Le Gaulois, 13 décembre 1883, p. 2.
- Journal des débats, 11 février 1884, p. 2.
- Maurice Talmeyr, Souvenirs de journalisme, Paris, Plon-Nourrit, 1900, p. 95-112.
- Le Gaulois, 14 mai 1886, p. 2.
- Le Gaulois, 10 octobre 1886, p. 2.
- Journal des débats, 15 octobre 1886, p. 3.
- René Kerviler (dir.), Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, L. I, t. 5, Rennes, 1891, p. 265-267.
- Paul Marcel, « Le suicide du général Boulanger », Gil Blas, 3 octobre 1891, p. 2.
- J.-H. de Vriès, « M. Louis Peyramont et le Quand Même », Quand Même, Lyon, 24 avril 1887, p. 1.
- Me Pathelin, « Affaire Peyramont », La Justice, 13 mars 1887, p. 2.
- Le Réveil républicain, 15 avril 1894, p. 1.
- Joseph-André Rogron, Code pénal expliqué, Paris, Plon, 1865, p. 60.
- Ministère des Affaires étrangères : Commission de publication des documents relatifs aux origines de la guerre de 1914, Documents diplomatiques français (1871-1914), 1re série, t. VI, p. 465.
- Martine Kahane et Nicole Wild, Wagner et la France, Paris, Herscher, 1983, p. 65-74.
- Le Gaulois, 20 avril 1887, p. 3.
- Bertrand Joly, « La France et la Revanche (1871-1914) », Revue d'histoire moderne et contemporaine, avril-juin 1999, p. 343, n. 100.
- Francisque Sarcey, « Chronique politique », Les Annales politiques et littéraires, 6 mars 1887, p. 145.
- Journal des débats, 27 janvier 1893, p. 3.
- Journal des débats, 29 janvier 1893, p. 3.
- Journal des débats, 31 janvier 1893, p. 3.
- Le Petit Parisien, supplément littéraire illustré, 19 avril 1891, p. 6.
- Le Figaro, 22 octobre 1899, p. 2.
- Journal des débats, 26 août 1889, p. 3.
- Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 15 octobre 1897, p. 2860.
- Archives commerciales de la France, 27 avril 1898, p. 514.
- Le Radical, 14 mars 1896, p. 2.
Voir aussi
Bibliographie
- Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900), Paris, Honoré Champion, 2005, p. 321-322.
Liens externes
- Guillaume Doizy, « Le Journal Parlé et les facéties d'Alfred Le Petit », sur le site caricaturesetcaricature.com.
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