Médée (Charpentier)
Médée est une tragédie lyrique française en cinq actes et un prologue, composée en 1693 par Marc-Antoine Charpentier pour l'Académie royale de musique, avec un livret de Thomas Corneille, dont l'histoire est reprise de la mythologie grecque. Elle a été créée le [1] à Paris.
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Livret | Thomas Corneille |
---|---|
Langue originale |
Français |
Dates de composition |
Marc-Antoine Charpentier |
Création |
Paris |
Création
Les décors de la première à Paris en 1693 sont imaginés par Jean Berain[2], dessinateur du roi, en charge de nombreux projets autour du théâtre chanté de cette période.
L'opéra reçut un accueil mitigé de la part du public parisien, ce qui fera de Médée l'unique ouvrage du genre composée par Charpentier[3]. Son insuccès sera en partie attribué à la part belle que fait la musique à l'influence italienne en lieu et place de la musique française, attendue par le public[4].
On ne dénombre qu'une dizaine de représentations lors de la création, entre décembre 1693 et mars 1694[5] et une seule reprise en 1700 à Lille. Il faudra attendre 1984 pour qu'une production soit donnée à l'Opéra National de Lyon, dirigée par Michel Corboz et mis en scène par Robert Wilson[6].
L'histoire
En asile chez le roi de Corinthe, Créon, Médée, magicienne, se voit trahie par son époux, Jason, qui la trompe avec Créuse, la fille de Créon, malgré son amour inconditionnel et les nombreux sacrifices qu'elle a fait pour lui.
Elle va manigancer sa revanche en semant la mort autour d'elle. Avec un sortilège, elle rend fou le roi, qui finira par se suicider. Elle tue l'amante en l'empoisonnant par la robe qu'elle lui a offert, puis ses enfants, ceux de Jason, laissant ce dernier en vie pour prolonger sa souffrance.
Rôles
Rôle | Tessiture | Distribution de la création[1] |
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Médée, princesse de Colchos | soprano | Marthe Le Rochois |
Nérine, confidente de Médée | soprano | |
Jason, prince de Thessalie | haute-contre | Louis Gaulard Dumesny |
Arcas, confident de Jason | ténor | |
Créon, roi de Corinthe | basse | Jean Dun |
Oronte, prince d'Argos | baryton | |
Créuse, fille de Créon | soprano | Fanchon Moreau |
Cléone, confidente de Créuse | soprano | |
Troupe de Corinthiens | ||
Troupe d'Argiens | ||
Un petit Argien, déguisé en amour | ||
Troupe de captifs de l'Amour | ||
Troupe de démons |
Argument
Représentations
Une production à l'Opéra Royal du Château de Versailles eut lieu en mai 2017, donnant lieu à trois représentations de la tragédie lyrique, dirigée par David Fallis et mis en scène par Marshall Pynkoski.
Discographie
- Irma Kolassi, Médée, Nadine Sautereau, Créuse, Paul Derenne, Jason, Doda Conrad, Créon, Flora Wend, Cléone, Ensemble vocal et instrumental, dir. Nadia Boulanger. Enregistrement de 1953, report CD IDIS 6493 2006. (extraits)
- Jill Feldman, Médée, Gilles Ragon, Jason, Agnès Mellon, Créuse, Jacques Bona, Créon, Sophie Boulin, Nérine, Philippe Cantor, Oronte, Chœur et Orchestre Les Arts Florissants, dir. William Christie - 3 LP 1139.41 / CD Harmonia Mundi HMC 901139.41. (1984). (durée 3 heures) report 2019. Premier enregistrement mondial réalisé grâce à une souscription et avec l'aide de la société Marc-Antoine Charpentier. À cette occasion, la société Harmonia Mundi édite 100 exemplaires LP hors commerce numérotés de 1 à 100 signés par William Christie. Roger Tellart écrit dans le journal Le Monde : "Un des très grands moments de l'opéra français". Les récompenses suivent : Grand Prix du Disque Académie Charles Cros, La Référence Compact magazine, Sélection Télérama ffff, Diapason d'or, Le Timbre d'Argent de la revue Opéra, Diamant de Harmonie panorama musique; à l'international, Gramophone award 1985, International Record Critics Award Montreux 1985, Prix Opus 1985 USA. Choc de Classica 2019.
- Lorraine Hunt, Médée, Mark Padmore, Jason, Monique Zanetti, Créuse, Bernard Deletré, Créon, Noémie Rime, Nérine, Jean-Marc Salzmann, Oronte, Les Arts Florissants, dir. William Christie - 3 CD Erato 4509-96558-2. (1995) (durée 3 h 15). 10 de Répertoire, Choc du Monde de la Musique, Diapason d'or, Diamant Opéra magazine.
- Stéphanie d'Oustrac, Médée, François-Nicolas Geslot, Jason, Gaëlle Méchaly, Créuse, Bertrand Chuberre, Oronte, Renaud Delaigue, Créon, Hanna Bayodi, Caroline Mutel, Andres J. Dahlin, Emiliano Gonzalez Toro, Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, Le Concert spirituel à l'Opéra royal du château de Versailles (le ), dir. Hervé Niquet, mise en espace et réalisation Olivier Simonet - 2 DVD Armide classics 2004. (durée 150 minutes environ). La tragédie lyrique a été représentée sans le prologue.
Postérité
"A tout seigneur tout honneur : il eut été anormal de ne pas ouvrir les offres spéciales 84-85 par le grandiose opéra de Charpentier, enregistré, devons nous encore le souligner (que tous les professionnels de la musique se couvre la tête de cendres), pour la première fois. C'est le grand "truc" de la rentrée. C'est une réalisation qui comptera désormais parmi les plus vitales que le disque ait engendrées. Il est d'ailleurs assez troublant de penser qu'un peu plus, sans la générosité d'une centaine de donateurs, le projet capotait et que le chef d’œuvre endormi depuis sa création (1693) n'aurait pas été réveillé. Mais le prince charmant était têtu. William Christie s'est battu comme un beau diable pour que son dessein triomphe. Déjà l'enregistrement, bientôt l'ouvrage sur scène. Et quel ouvrage!, que l'on nous cachait ainsi. Geyser de trois heures pleines à craquer, chaque plage frôle les trente minutes. Le fait est assez rare pour être mentionné - ou nos pauvres oreilles n'en peuvent, mais, les miennes d'oreilles, en tout cas, qui durent s'y reprendre à mainte reprise pour assimiler toutes les richesses dont la partition est gorgée. Entre nous rien, de tel pour que s'établisse la preuve que l’œuvre en question "tient" la distance. Nous en connaissons tous des "coups au cœur" qui s'effilochent à chaque audition. La Médée de Charpentier, je vous le promets, n'est pas de ces coquettes dont on a trop vite fait le tour. Mais la tension dramatique qui régit toute l’œuvre nous aveugle trop, l'instrumentation est d'une telle subtilité, la psychologie des personnages est si raffinée, que nous autres hommes du XXe siècle finissant, ne savons plus ou donner de la tête pour maitriser le sublime déluge. Je le répète, sur le beau texte de Corneille (Thomas pas l'autre), Charpentier a dressé un monument d'une incroyable magnificence. Ses Oratorios, surtout son David et Jonathas, nous avaient mis la puce à l'oreille : Mais qu'attendait donc le grand Marc-Antoine pour écrire un véritable opéra? La réponse nous est donnée par les Lullistes qui empêchaient coûte que coûte l'intrus de pénétrer dans ce qu'ils considéraient comme leur imprenable bastion. L'Académie Royale de Musique. Il fallut à Charpentier quelques appuis princiers pour forcer le passage. La cabale des Lullistes eut le dernier mot et Médée connut un échec impitoyable.
Charpentier n'avait plus que quelques années à vivre, il n'eut pas le courage d'entreprendre la composition d'un nouvel opéra. Si on se plaint à juste titre, de la mise aux oubliettes d'un ouvrage aussi primordial de la musique occidentale, il faut bien reconnaitre que nul avant ces toutes dernières années n'aurait eut suffisamment de connaissances stylistiques pour nous révéler la partition dans sa vérité. Que ceux qui vouent "les barroqueux" aux gémonies, dorénavant tournent sept fois leur langue dans leur bouche. Sans les Harnoncourt, les Hogwood, les Kuijken, les Christie, ou irions nous ? Qu'entendrions nous? Je n'ose le formuler.
Avec William Christie, puisque c'est de lui qu'il s'agit, aujourd'hui le désert s'est repeuplé, les zombies s'en sont retournés : Le XVIIe siècle français nous illumine à nouveau. Sans se soucier du "marketing" ou du "star-system", Christie a repoussé ce miroir aux alouettes que représentent les Dive et les Divas du Bel Canto italien, et fait appel à des voix rompues au style français, à sa prosodie, à sa métrique si particulière. C'est un des atouts de cette reconstitution. Un pan de notre histoire musicale se découvre. Et c'est le grand éblouissement. La Leçon. La Victoire." Paul Meunier Télérama N°1815 du . (Technique 7,5/10, manquant d'une dynamique que le CD qui nous est promis devrait lui rendre).
Éditions du livret
- 1693 : Paris, Académie royale et Christophe Ballard, 79 p. [lire en ligne]
- 1695 : Amsterdam, Antoine Schelte, 69 p. [lire en ligne]
- 1984 : commentaire Jean Duron, Paris, L'Avant-scène opéra, no 68, 163 p.
- 1993 : Caen, Théâtre de Caen, et Arles, Actes Sud, 168 p. (ISBN 2-7427-0069-2) : fac-similé du livret de 1693
- 1994 : Paris, Opéra-Comique, 91 p.
Notes et références
- Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Fayard, coll. « Les indispensables de la musique », , 1819 p. (ISBN 978-2-213-60017-8), p. 263
- « Paris, 1693 : Création de « Médée » de Marc-Antoine Charpentier », sur radiofrance.fr, (consulté le )
- « Charpentier : Médée », sur chateauversailles.fr, (consulté le )
- Catherine Duault, « Médée, tragédie en musique et enjeu esthétique », sur www.opera-online.com, (consulté le )
- (en) nickfuller, « 116. Médée (Charpentier) », sur operascribe.com, (consulté le )
- « Médée », sur www.opera-online.com (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Olivier Schmitt, Atys & Médée : Passion baroque, photos Michel Szabo et Jacques Moatti, Paris, éd. du Cyprès, Opéra-Comique, 1993, 78 p. (ISBN 2-909819-03-5)
Liens externes
- Partition complète sur Gallica de la BNF
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