Marceline Loridan-Ivens

Marceline Rozenberg est née de parents juifs polonais émigrés en France depuis 1919. Son père devient un petit industriel fabricant de textile et sa mère une commerçante[5]. Au début de la Seconde Guerre mondiale, sa famille s'installe dans le Vaucluse. Elle fait du scoutisme au sein de la Fédération française des Éclaireuses, comme « petite aile » (branche des 8-12 ans)[6]^,[7]. D'origine juive, elle n'est pas croyante[5].

À 15 ans, elle est arrêtée en tant que juive par la Milice française et la Gestapo en même temps que son père, Shloïme Rozenberg[8]^,[9]. La famille vit alors au Domaine de Gourdon à Bollène dans le Vaucluse[10].

Elle est déportée à Auschwitz-Birkenau par le convoi 71 du 13 avril 1944, le même que celui de son père[10], de Simone Veil[11]^,[12], avec laquelle la liera une amitié « indéfectible[13] », de Ginette Kolinka[14]^,[15]^,[16] et de Anne-Lise Stern. Elle est ensuite transférée à Bergen-Belsen, et finalement au camp de concentration de Theresienstadt. Elle recouvre la liberté à la libération du camp, le 10 mai 1945[17] par l'Armée rouge.

À son retour en France, elle apprend la sténotypie et la dactylographie[5]. Elle épouse Francis Loridan, jeune ingénieur en travaux publics, engagé sur des chantiers lointains. Ils divorcent des années plus tard mais elle souhaite conserver son nom[18].

Elle adhère au Parti communiste français en 1955 et le quitte un an plus tard. Elle croise alors des « déviationnistes », comme le philosophe Henri Lefebvre ou le sociologue Edgar Morin[19], tape des manuscrits pour des intellectuels dont Roland Barthes, travaille au service reprographie d'un institut de sondage, est « porteuse de valises » pour le FLN[5] et fréquente les nuits parisiennes de Saint-Germain-des-Prés[20]. En 1971, elle est signataire du Manifeste des 343 pour la dépénalisation de l'avortement[21].

En 1961, Jean Rouch et Edgar Morin la filment dans Chronique d'un été ; elle y apparaît dans des plans devenus célèbres par un monologue sur sa déportation et le vide laissé par la disparition de son père[5]. Elle entre par le biais de ce film dans le monde du cinéma.

Elle se consacre initialement à des documentaires sur des peuples en lutte. En 1962, elle réalise avec Jean-Pierre Sergent un premier documentaire, Algérie année zéro, sur les premiers pas du pays après l'indépendance[22]. Le film est interdit en France et en Algérie, et reçoit le Grand Prix du festival de Leipzig en 1965[23].

En 1963, elle rencontre et épouse le réalisateur de documentaires Joris Ivens, de trente ans son aîné. Ils forment ensemble un couple de cinéastes soudés[5]. En fonction des films, elle l'assiste ou coréalise avec lui. Ils réalisent notamment ensemble Le 17e parallèle en 1968[24], pour lequel ils s'immergent dans les combats de la guerre du Vietnam. Au Vietnam, ils sont reçus par Hô Chi Minh[20], qui leur donne l'autorisation de se déplacer sur les lignes de front.

De 1972 à 1976, pendant la révolution culturelle déclenchée par Mao Zedong, elle travaille en Chine et réalise avec son époux Joris Ivens la série de douze documentaires Comment Yukong déplaça les montagnes[25], ayant obtenu un laisser-passer du Premier Ministre Zhou En-lai pour circuler librement[5]. Critiqués par Jiang Qing, épouse de Mao, ils doivent quitter précipitamment la Chine[26]. Les deux réalisateurs résistent aux demandes de coupes formulées par le gouvernement chinois[26]. À sa sortie en France, le film est largement critiqué comme un support de propagande, dans le contexte d'une prise de distance occidentale avec la Chine maoïste^{[réf. nécessaire]}.

Elle prend plus tard de la distance avec cette démarche cinématographique, la qualifiant de « simpliste et naïve »[22] et parlant d'« héroïsation de la révolution »[24].

En 2003, à 75 ans, elle réalise son premier film de fiction, La Petite Prairie aux bouleaux, avec Anouk Aimée, très inspiré de son parcours dans les camps, qui évoque aussi les différentes facettes de sa mémoire en tant que survivante[27]. Le titre est la traduction du nom polonais Brzezinka, germanisé en Birkenau.

Tombe de Joris et de Marceline Loridan-Ivens au cimetière du Montparnasse (division 12).

Elle écrit plusieurs essais autobiographiques, avec l'appui de journalistes, où son expérience de la déportation apparaît perpétuellement en toile de fond. Elle affirme que « on ne vit pas après Auschwitz, on vit avec en permanence (...) La vie quotidienne vous confronte tout le temps au souvenir. Cela pénètre profondément votre vie. (...) Et je me suis souvent comportée après les camps comme si j’y étais encore. »[28].

L'essai Et tu n'es pas revenu revient sur son expérience de la déportation et sur sa conviction que la France n'a pas regardé en face son rôle dans la Shoah[4]. Il est écrit sous forme de lettre à son père, mort en déportation[28]. L'essai Ma vie balagan est consacré davantage à sa vie au retour des camps, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés puis à ses choix de cinéaste. Dans L'Amour après, elle explore la difficulté de reconstruire son rapport à son corps, à l'amour et à la sexualité après la déportation, et revient sur ses relations amoureuses notamment avec Georges Perec[29].

Jusqu'à la fin de sa vie, elle donne des conférences et témoigne dans les collèges et les lycées sur la Shoah[20].

Elle estime que l'antisémitisme reste vivace en France, s'alarme de la faiblesse des réactions publiques à ce sujet, et estime que les leçons qui auraient du être tirées de la Shoah ne l'ont pas été en France[30]^,[31].

À ses obsèques, le 21 septembre 2018, au cimetière du Montparnasse à Paris, la rabbine Delphine Horvilleur prononce son oraison funèbre[32].

• 2003 : La Petite Prairie aux bouleaux — Sous le nom de Marceline Loridan-Ivens

• 2014 : La Loi, téléfilm de Christian Faure, jouée par Aurélia Petit ;
• 2021 : Rose, d'Aurélie Saada, jouée par Michèle Moretti ;
• 2022 : Une jeune fille qui va bien, de Sandrine Kiberlain: jouée par Françoise Widhoff
• 2022 : Simone, le voyage du siècle, d'Olivier Dahan: Sylvie Testud et Esther Valding

• Césars 1977 : César du meilleur court-métrage documentaire pour Une histoire de ballon, lycée n° 31 Pékin
• 2015 : prix de l’Académie Lilas
• 2015 : prix Jean-Jacques-Rousseau de l'autobiographie pour Et tu n'es pas revenu (Grasset)

• Commandeure de l'ordre national du Mérite Elle est directement promue au grade de commandeure par décret du 15 mai 2015 pour ses 56 ans de services[33].
• Commandeure de l'ordre des Arts et des Lettres Elle est promue au grade de commandeure par l’arrêté du 9 juillet 2014[34].
• Officière de la Légion d'honneur Elle est faite chevalière le 2 octobre 1992 puis est promue officière le 13 juillet 2010[1].

Plaque de la place en son nom à Montreuil.

• À Paris, la promenade Marceline-Loridan-Ivens lui rend hommage. Il s'agit d'une partie du Parc des Rives de Seine (6^e et 7^e arrondissements), entre la place Justin-Godart et le 31 quai Voltaire. L'inauguration a lieu le 10 mai 2019 par la maire de Paris Anne Hidalgo[35].
• À Montreuil en Seine-Saint-Denis se trouve une place en son nom à l’intersection du boulevard Henri Barbusse et de la rue du Midi.

• Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Beate et Serge Klarsfeld, 1978 ; nouvelle édition : Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF), 2012
• Frédérique Berthet, dans La Voix Manquante (Paris, éditions P.O.L, 2018, 304 p. ( (ISBN 978-2-8180-4321-9), Prix CNC 2018 du livre de cinéma), fait de l’apparition de Marceline dans Chronique d’un été un évènement en soi, et éclaire l’analyse sensible du film par une enquête historique au présent sur les lieux de la déportation de la petite Rozenberg.

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  • WorldCat
• « À réécouter, les propos chocs de Marceline Loridan, ancienne déportée » sur France Inter
• Marceline Loridan-Ivens, l'intégrale en cinq entretiens (2012) — « Je suis née tout de suite rousse, gauchère et juive ! » série en cinq parties de l'émission « À voix nue » par Sandrine Treiner, sur France Culture, diffusée originellement en avril 2012 [audio]
• "On ne revient jamais vraiment d'Auschwitz".

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