Marie-Thérèse d'Autriche (1638-1683)

Marie-Thérèse d’Autriche[1], née le à l'Escurial et morte le à Versailles, est infante d'Espagne, infante de Portugal et archiduchesse d'Autriche. Par son mariage avec Louis XIV, elle devient reine de France et de Navarre.

Marie-Thérèse d'Autriche
Marie-Thérèse, reine de France par Henri et Charles Beaubrun.

Titres

Reine de France et de Navarre


(23 ans, 1 mois et 21 jours)

Prédécesseur Anne d'Autriche
Successeur Marie Leszczyńska

Régente du royaume de France


(2 mois et 1 jour)

Biographie
Titulature Infante d'Espagne
Infante du Portugal
Archiduchesse d'Autriche
Reine de France
Reine de Navarre
Dynastie Maison de Habsbourg
Nom de naissance María Teresa de Austria y Borbón
Naissance
Escurial (Castille)
Décès
Versailles (France)
Sépulture Nécropole de Saint-Denis
Père Philippe IV d'Espagne
Mère Élisabeth de France
Conjoint Louis XIV
Enfants Louis de France
Anne-Élisabeth de France
Marie-Anne de France
Marie-Thérèse de France
Philippe-Charles de France
Louis-François de France
Résidence Palais des Tuileries, Palais du Louvre, Château de Versailles
Religion Catholicisme

Signature

Elle assure brièvement une régence en 1672 lors de la guerre de Hollande. Elle est la dernière reine de France à assumer une régence[2].

Famille

Elle est le huitième enfant de Philippe IV (1605-1665), roi d'Espagne, et de sa première épouse, Élisabeth de France (1602-1644). Elle est la seule qui survivra jusqu'à l'âge adulte.

Par son père, elle est la petite-fille de Philippe III (1578-1621), roi d'Espagne, et de Marguerite d'Autriche (1584-1611).

Par sa mère, elle est la petite-fille d'Henri IV (1553-1610), roi de France et de Navarre, et de Marie de Médicis (1575-1642).

Elle est la sœur de Baltazar-Charles d'Autriche (1629-1646) et la demi-sœur de Marguerite-Thérèse d'Autriche (1651-1673), future impératrice du Saint-Empire, de Philippe-Prosper d'Autriche (1657-1661) et de Charles II (1661-1700), roi d'Espagne.

À la cour d'Espagne

Jeunesse

Née le 10 septembre 1638, Marie-Thérèse est baptisée par le cardinal Gaspar de Borja y Velasco, le , avec pour parrain François Ier, duc de Modène et pour marraine, Marie de Bourbon, la princesse de Carignan et sœur du comte de Soissons. Elisabeth de France choisit Sainte Thérèse pour protéger sa fille cadette d’une série de naissances précoces. Elle lui donna alors le nom de Thérèse pour la protéger, soit Marie-Thérèse[3].

Elle fut élevée par la gouvernante royale Luisa Magdalena de Jesus[4]. L'éducation religieuse de Marie-Thérèse fut assurée par Jean de Palme[5], commissaire des Indes qui avait été le directeur d'Elisabeth de France, fut chargé par Philippe IV de soigner sa fille, comme il avait soigné la mère de la princesse. Enfin, dans les derniers temps ce fut le Père Vasquez, homme reconnu en Espagne pour sa grande éducation et sa grande vertu; c'était lui qu'on avait préposé à la direction spirituelle et religieuse de la jeune infante[6].

Sa mère Élisabeth de France (1602-1644), née princesse de France et souffrant beaucoup d'être éloignée de son pays natal, décrivait à la jeune infante les beautés de la France. Elle lui promit qu'elle se marierait avec son cousin Louis XIV. Le 6 octobre 1644, la reine succomba en couches et laissa un vide immense dans le cœur de Marie-Thérèse[7].

Elle a été élevée très strictement et religieusement dans le sens de la contre-réforme catholique et a reçu une éducation relativement modeste. Trois franciscains veillaient l'un après l'autre sur son éducation. À l'âge de cinq ans, elle est confiée au père Jean de la Palme, puis à André de Guadalupe et enfin à Alfonso Vázquez, qui l'accompagnera jusqu'en France.

La mort de Balthazar-Charles d'Autriche, le 9 mars 1646, fait de Marie-Thérèse l'héritière présomptive du trône d'Espagne et de ses possessions coloniales. Bien qu'il soit reconnu aux femmes le droit de monter sur le trône, Philippe IV redoute que l'absence d'un héritier masculin puisse engendrer des troubles profonds susceptibles de déstabiliser la Monarchie catholique. Il se remarie alors en 1649 avec sa nièce Marie-Anne d'Autriche (1634-1696), l'union étant destinée à poursuivre l'alliance matrimoniale et politique entre les Habsbourg d'Autriche et les Habsbourg d'Espagne. La proximité de l'âge entre Marie-Anne et Marie-Thérèse favorisa une affection et une amitié profonde entre elles.

Le 12 juillet 1651, la nouvelle reine accouche de Marguerite-Thérèse d'Autriche. Marie-Thérèse devient sa marraine et les deux sœurs resteront très proches, notamment par correspondance, jusqu'à la mort de Marguerite-Thérèse en 1673.

La naissance de son demi-frère Philippe-Prosper d'Autriche le 20 novembre 1657 marque un tournant pour l'infante, qui n'est alors plus l'héritière présomptive du trône d'Espagne et se retrouve en seconde position. Ses relations avec sa belle-mère se tendent alors et une rivalité naît entre les deux princesses.

Projets de mariage et traité des Pyrénées

Marie Thérèse d'Autriche, adolescente par Vélasquez

Pour les mêmes raisons qui ont poussé son père à se remarier au sein de la Maison des Habsbourg, Marie-Thérèse est un temps promise à son cousin (et frère de sa belle-mère), Ferdinand de Habsbourg (1633-1654), archiduc d'Autriche, élu Roi des Romains puis, au décès de celui-ci, à son frère Léopold de Habsbourg (1640-1705), futur Empereur élu du Saint-Empire romain germanique.

Cependant, les aléas de la politique empêchent cette union d'aboutir. En effet, le Royaume d'Espagne et le Royaume de France sont en guerre depuis 1635. En 1658, alors que la guerre avec la France commençait à s'achever, une union entre les familles royales d'Espagne et de France a été proposée comme moyen d'assurer la paix. Le roi d'Espagne tardant à réaliser ce projet, Jules Mazarin (1602-1661), cardinal et principal ministre de Louis XIV, fait courir le bruit que le roi de France envisage de se marier à Marguerite-Yolande de Savoie. Lorsque Philippe IV d'Espagne entend parler d'une réunion à Lyon entre les maisons de France et de Savoie en novembre 1658, il s‘exclamé en parlant de l'union franco-savoyarde que « cela ne peut pas être et ne sera pas ». Philippe envoie ensuite un ambassadeur à la cour française, qui dira à Mazarin : « Le mariage savoyard n’est pas digne du roi de France, Philippe IV roi d’Espagne propose sa fille, l'infante Marie-Thérèse qui a toutes les qualités pour devenir l’épouse de Louis XIV ». La France et l'Espagne ouvrent alors des négociations pour la paix et un mariage royal.

Bien qu'elle demeure une puissance européenne de premier ordre, l'Espagne appauvrie, ne parvient pas à l'emporter durant les négociations et est contrainte de signer le traité des Pyrénées (1659) avec Louis XIV. Outre les changements territoriaux dont la plus grande partie profite au Roi-Soleil, un projet de mariage est engagé pour sceller la paix.

Diego Vélasquez (1599-1660), Peintre de la Chambre du roi Philippe IV, peint un portrait de l'infante qui est ensuite envoyé à la Cour de France, sur lequel elle porte une perruque brune. Alors que l'on se demande quelle la couleur naturelle de ses cheveux, une mèche blonde est envoyée.

Mariage

Mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche par Jacques Laumosnier, musée de Tessé.

L'infante se marie par procuration le 3 juin 1660 à Fontarrabie. Le 7 juin, son père et toute la cour espagnole l'accompagnent à l'île des Faisans, une île située dans la rivière Bidassoa qui sert de frontière entre la France et l'Espagne. Elle y rencontre pour la première fois son mari, ainsi que la cour française.

Marie-Thérèse dit alors adieu à son père, Philippe IV, sachant tous deux qu'ils ne se reverront plus jamais ; leurs adieux sont déchirants. Mais le roi d’Espagne insiste auprès de sa fille sur le fait qu’elle est désormais Française avec ces termes : « Vous devez oublier que vous avez été infante pour vous souvenir seulement que vous êtes reine de France »[8].

Le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse a lieu le 9 juin 1660, en l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz (ville près de la frontière entre l'Espagne et la France où elle demeura à la maison Joanoenia, dite désormais « maison de l'Infante »).

Alors que Louis XIV voulait rapidement consommer le mariage après le dîner, elle exprima d'abord ses hésitations à sa belle-mère Anne d'Autriche à l'idée de coucher immédiatement avec son mari. Mais après que le couple fut arrivé à la maison qui leur était destinée, la mariée annonça que le roi l'attendait et déjà à moitié déshabillée, elle pressa ses dames d'honneur pour qu'elles finissent de la dévêtir. Le lendemain matin, les deux époux semblaient complètement satisfaits.

La nouvelle reine avait auparavant renoncé à ses droits à la Couronne d'Espagne. Son statut d'héritière était par ailleurs caduc depuis la naissance de son demi-frère Philippe-Prosper d'Autriche. Cependant, sa dot de 500 000 écus d'or, « payable en trois versements », est la condition pour rendre définitive la renonciation de ses droits sur la monarchie catholique. La chose n'étant pas réglée, la France considère donc que Marie-Thérèse a toujours ses droits de succession sur le trône espagnol, ce qui provoque la guerre de Dévolution (1667-1668).

Plus tard, après son mariage, on demanda un jour à Marie-Thérèse si elle avait éprouvé quelque penchant de jeune fille lorsqu'elle était encore en Espagne. « Mais non bien sûr, répondit-elle avec candeur, il n'y avait qu'un seul roi et c'était mon père ! ».

À la cour de France

Début du règne

Portrait de Marie-Thérèse d'Autriche par Nocret, 1660.

Le 26 août 1660, le couple royal fait son entrée à Paris, où la reine s'est fait accueillir par la noblesse, les dignitaires ecclésiastiques et les professeurs de la Sorbonne. Une fois à la Cour de France, sa belle-mère (et tante paternelle), Anne d'Autriche (1601-1666) la prend sous son aile. Marie-Thérèse apprend avec elle son métier de reine, les coutumes françaises ainsi que le français. Marie-Thérèse conservera cependant un fort accent espagnol jusqu'à la fin de sa vie.

La reine mère Anne d'Autriche s'occupa de la jeune reine comme s'il s'agissait de sa propre fille et essaya de la protéger des intrigues de la cour. Une amitié étroite mutuelle se développa. Marie-Thérèse se retirait souvent dans le cercle de sa belle-mère, où elle pouvait parler en espagnol et boire du chocolat chaud, loin du regard inquisiteur de la Cour. Ensemble, elles priaient, pratiquaient des œuvres de bienfaisance, faisaient des dons pour les pauvres et visitaient des monastères et des églises.

La première fois que la reine vit le château de Versailles fut le 25 octobre 1660. À cette époque, ce n'était qu'une petite résidence royale qui avait été le pavillon de chasse de Louis XIII non loin de Paris.

Durant les premiers mois, le mariage semble heureux et Louis XIV porte beaucoup d'attention à son épouse, mais il finit par se lasser et, peu à peu, le roi n’échange plus que des banalités avec son épouse. De plus, la reine a du mal à s'habituer à la Cour de France, où l'étiquette est très différente de celle de Madrid, ce qui la pousse à se mettre en retrait.

Au début de l'année 1661, à la grande joie de la Cour française, Marie-Thérèse tombe enceinte. Elle reste alors la plupart du temps dans son lit et se déplace exclusivement en chaise à porteurs. En effet, la reine a peur de mourir comme sa mère, disparue des suites d'une fausse couche[9].

Mais, durant l'été 1661, Louis XIV profite de l'immobilité de son épouse et se rapproche de sa belle sœur, la duchesse d'Orléans Henriette d'Angleterre, avant de tomber sous le charme d'une de ses filles d'honneur : Louise de La Vallière. On a d'abord tenté de cacher les infidélités de Louis XIV à Marie-Thérèse pour éviter une dispute en pleine grossesse, mais, se doutant que quelque chose se tramait, la reine réussit à force de questions à faire avouer une de ses suivantes. Elle se plaint alors à Anne d'Autriche qui intervient auprès du roi, sans succès[7].

Marie-Thérèse accouche d'un fils très attendu le 1er novembre 1661, Louis de France dit le Dauphin. Son demi-frère Philippe-Prosper d'Autriche meurt le même jour, mais heureusement pour la Monarchie Catholique, la reine Marie-Anne d'Autriche accouche six jours plus tard d'un fils, Charles II. Cependant, le nouvel héritier est contrefait et souffreteux.

La reine, d'une dévotion intense, passe l'essentiel de son temps aux soins aux malades, aux pauvres et aux déshérités. Elle fréquente l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye. Elle soulage même les « pauvres honteux » en accordant des dots aux filles de nobles pauvres. Malgré sa piété, Marie-Thérèse ne néglige pas son rôle de reine ; elle est par ailleurs la dernière reine de France à conduire la parade monarchique[7].

Louis XIV continue ses aventures extra-conjugales, et Marie-Thérèse ne veut pas rester les bras croisés. Elle utilise alors ses suivantes, notamment ses servantes espagnoles, pour espionner le roi et ainsi savoir comme il s'y prend pour aller chez ses maîtresses (en effet, le roi cache ses relations adultères pour ne pas choquer Anne d'Autriche). La première dame d'honneur de Marie-Thérèse, Suzanne de Navailles essaye alors d'empêcher l'accès au roi à la chambre de ses conquêtes, en allant même jusqu'à placer des barreaux aux entrées secrètes des chambres. Louis XIV devient furieux et la bannit de la cour, malgré les vives protestations de Marie-Thérèse et Anne d'Autriche.

La première campagne de construction du château de Versailles (1664-1668) a commencé avec les Plaisirs de l'Île enchantée de 1664, une célébration d'une semaine à Versailles tenue officiellement en l'honneur des deux reines de France, la mère et l'épouse de Louis XIV. En réalité, les festivités sont dédiées à Louise de La Vallière[10].

Le 17 septembre 1665, Philippe IV meurt, laissant le trône à son fils Charles II. Louis XIV en profitera pour demander une part d'héritage (guerre de Dévolution). En effet, comme la dot de Marie-Thérèse n'a pas été payée, la reine est toujours considérée comme ayant des droits de succession sur le trône espagnol. Marie-Thérèse approuve Louis XIV et ne semble pas inquiétée par le fait que la France fasse la guerre à son pays natal.

La mort d'Anne d'Autriche le 20 janvier 1666 est un coup dur pour Marie-Thérèse ; elle perd alors un soutien important à la cour. En effet, lorsqu'il y avait une dispute au sein du couple royal, la reine-mère prenait souvent le parti de sa belle-fille.

Dernières années de règne

Marie Thérèse D'Autriche, reine de France en 1680 (musée Carnavalet).

Marie-Thérèse souffre beaucoup des adultères du roi, en effet, depuis la mort d'Anne d'Autriche, Louis XIV ne veut plus prendre la peine de cacher ses aventures aux yeux de la reine. D'autant plus que le roi est tombé à l'automne 1666 sous le charme de Madame de Montespan. Son orgueil, son arrogance et son esprit vif tranchent avec la première maîtresse, la sensible Louise de La Vallière, qui prenait soin d'éviter de blesser la reine. Marie-Thérèse ne put résister longtemps face à la nouvelle favorite et dut s'éclipser après quelques éclats de colère.

Une période de cohabitation débute alors entre la reine et les deux favorites. Louis XIV force Marie-Thérèse à prendre comme dames de compagnie Louise de La Vallière et Madame de Montespan. De plus, il voyage ouvertement avec son épouse et ses deux maîtresses. Confronté à ce spectacle, le peuple murmure, goguenard ou affligé, « Le roi promène les trois reines ». Marie-Thérèse utilise alors les privilèges dus à son rang pour mener la vie dure à ses rivales.

Elle souffre également, à partir de 1667, des légitimations successives des enfants naturels de son mari. La reine fit de nombreux reproches à son mari sur sa conduite, en vain.

La nuit du 1er mars 1672 vers 22 h, elle trouve en sueur sa seule fille survivante, Marie-Thérèse de France, qu'elle voulait faire reine d'Espagne. La petite meurt peu de temps après dans ses bras, emportée par la tuberculose, c'est un énième coup dur pour la souveraine[7].

Durant la guerre de Hollande en 1672, Louis XIV lui confie les rênes du pouvoir. Pendant la régence, Marie-Thérèse reçoit les courriers du roi, qui la tient au courant de l'avancée des troupes et elle transmet ensuite les nouvelles aux ministres. Elle assume la fonction d'ordonnateur suprême des finances de l'État, peut lever des troupes et reçoit les ambassadeurs et les correspondances des monarques étrangers. La reine préside également le conseil des ministres.

Ses contemporains furent étonnés de l'application de la reine durant la régence. Jacques-Bénigne Bossuet dira : « Cette régence dura peu mais servit à prouver la capacité de la reine dans les affaires, et toute la confiance que le Roi avait en elle »[11].

En 1673, Marie-Thérèse se rebelle contre Louis XIV, qui a prévu de renvoyer toute sa suite espagnole. Elle obtient finalement le droit de conserver une seule de ses dames espagnoles grâce au soutien inattendu de sa rivale, Madame de Montespan[8].

En 1674, au grand étonnement de la Cour, Louise de La Vallière, première favorite de son mari, convertie et repentante, lui demande publiquement pardon avant de se retirer au couvent des Carmélites du faubourg Saint-Jacques. La reine, miséricordieuse, accepte ses excuses et lui rendra souvent visite par la suite.

La jalousie de Marie-Thérèse vis-à-vis des favorites de son époux laisse peu à peu place à la résignation et elle finit par se replier sur elle-même. Elle supporte son sort avec dignité et ne fait plus de scène à son mari, qui continue à lui faire tous les honneurs dus à sa position et s'assure que Madame de Montespan ne lui manque pas de respect. La reine se réfugie alors dans la religion et se rend de plus en plus au carmel Sainte-Thérèse, rue du Bouloi, qu'elle avait fondé en 1664[12].

L'Affaire des poisons éclate en 1679 et Madame de Montespan ainsi que d'autre femmes de la haute noblesse sont inquiétées. Les rumeurs disent que Madame de Montespan aurait participé à des messes noires et qu'elle aurait essayé d'attenter à la vie du roi. La Chambre ardente, fut créée et l'affaire fut étouffée. Au grand soulagement de Marie-Thérèse, la marquise tombe peu à peu en disgrâce après plus de dix années de règne informel.

Le 7 mars 1680, le roi marie à la hâte le Dauphin à Marie-Anne de Bavière sans la consulter, car il était épris d'une autre femme. Marie-Thérèse fut très en colère car elle souhaitait qu'il épouse Marie-Antoinette d'Autriche, la fille de sa demi-sœur, l’impératrice Marguerite-Thérèse d'Autriche. La reine devient alors jalouse de sa belle-fille, d'autant plus qu'elle trouvait que les festivités données pour son mariage étaient moins grandioses que ce que l’on avait fait pour la dauphine[8].

À partir de l'été 1680, sous l'influence de Madame de Maintenon, Louis XIV se rapproche de son épouse, qu'il avait publiquement délaissée. « La reine est fort bien à la cour », remarquera Madame de Sévigné. Marie-Thérèse, comblée de bonheur et émue par les attentions inattendues de son volage époux dira : « Dieu a suscité Madame de Maintenon pour me rendre le cœur du roi ! Jamais il ne m'a traitée avec autant de tendresse que depuis qu'il l'écoute ! ». En signe de reconnaissance, la reine se montre alors très bienveillante vis à vis de Madame de Maintenon.

Le 6 mai 1682, la Cour s'installe définitivement à Versailles. Marie-Thérèse est alors bientôt grand-mère d'un petit duc de Bourgogne qui naît le 6 août 1682.

Mort

Tombeau de Marie-Thérèse d'Autriche à la basilique Saint-Denis, où la plupart des monarques français sont inhumés.

Mais Marie-Thérèse ne profita guère de ce regain de faveur. Le 20 juillet 1683, au retour d'une tournée royale des forteresses édifiées par Vauban en Bourgogne, un abcès à son bras gauche lui a été découvert. Violacé et purulent, il n'est pas incisé mais combattu vainement par des saignées et des emplâtres humides, qui affaiblissent Marie-Thérèse[13].

Le , à 3 h de l'après-midi la reine succombe sans qu'on ait eu le temps de lui administrer l'extrême onction. Ses derniers mots sont : « Depuis que je suis reine, je n'ai eu qu'un seul jour heureux ». Louis XIV aurait dit de cette mort : « Voilà le premier chagrin qu'elle me cause »[14].

Marc-Antoine Charpentier compose pour ses funérailles une fresque musicale grandiose (H.409, H.189, H.331). Lully fait entendre son Dies irae et son De profundis, Bossuet prononce son oraison funèbre. Guère plus de deux mois après ces grandes cérémonies, le roi épouse secrètement sa dernière maîtresse qu'il surnommait dans le privé « sainte Françoise » : Madame de Maintenon. Cette dernière affecte de porter le deuil et de montrer une mine déconfite, alors que le roi renoua presque aussitôt avec les divertissements[15].

Lorsque les tombes royales de la basilique Saint-Denis furent saccagées pendant la Révolution française, elles furent ouvertes et pillées, le 15 octobre 1793, et les restes enterrés dans une fosse commune à l'extérieur de l'église. Lors de la restauration des Bourbons, après 1815, les ossements et les cendres enterrés dans les deux fosses à l'extérieur de la basilique ont été récupérés et, ne pouvant plus être attribués nominativement, ont été inhumés ensemble dans un ossuaire de la crypte.

Après la mort de la reine, l'atmosphère change radicalement à la Cour ; les fêtes s'espacent et disparaissent peu à peu et, sous l'influence de Madame de Maintenon, la Cour devient beaucoup plus pieuse et stricte. La duchesse d'Orléans, Élisabeth-Charlotte de Bavière, se plaint de cette situation dans ses lettres[16].

Profil et caractéristiques

Personnalité

Anne d'Autriche avec la reine Marie-Thérèse par Simon Renard de Saint-André.

Marie-Thérèse était timide, charitable, gourmande et superstitieuse. D'un caractère effacé, elle passait la plupart de son temps libre avec ses dames de compagnie qui l'ont suivie depuis l'Espagne, ses nains, ses petits chiens et son chocolat. Elle chaussait des talons très hauts pour compenser sa petite taille mais ils la faisaient souvent tomber, elle persistait pourtant à les porter, ce qui lui attirait les moqueries des courtisans.

Contrairement à son mari, elle ne s'intéressait pas à la politique, aux beaux-arts et à la littérature, elle préférait les actes de dévotion et jouer aux cartes avec ses dames de compagnies. Son goût pour le jeu devient peu à peu une addiction, et elle se mis à perdre des sommes considérables, obligeant parfois Louis XIV à intervenir[7].

Marie-Thérèse était amoureuse de Louis XIV et elle faisait tout pour être une épouse dévouée. Elle se pliait à la mode de la Cour de France pour plaire au roi et elle le suivait dans ces déplacements. Louis XIV était reconnaissant de sa fidélité et même au plus fort de ses relations amoureuses, il lui montrait beaucoup d'amitié et il finissait toujours ses nuits dans son lit. Par ailleurs, à chaque fête le couple royal ouvrait le bal avec quelques pas de danses, bien que Marie-Thérèse se retirât rapidement en raison de sa maladresse[11].

Malgré sa timidité, la reine ne se laissait pas faire. Elle tenait tête à sa belle-mère Marie-Anne d'Autriche à la Cour d'Espagne, et bien qu'elle suivît la plupart du temps les décisions du roi, quand celles-ci allaient à l'encontre de ses intérêts, elle se mettait en colère. Elle résistait aussi tant bien que mal aux maîtresses de son mari en rappelant son rang et ses origines[11].

Marie-Thérèse prit son rôle de mère au sérieux, ce qui est rare à l'époque. Elle apporte son soutien à Jacques-Bénigne Bossuet, chargé de l’instruction du dauphin, comme en témoigne leur correspondance : « Ne souffrez rien, Monsieur, dans la conduite de mon fils, qui puisse blesser la sainteté de la religion qu’il professe, et la majesté du trône auquel il est destiné »[17].

La reine craignait les esprits. La nuit, même avec le roi à ses côtés, une femme lui racontait des histoires pour l'endormir et lui tenait la main toute la nuit. Cette femme restait présente même lorsque le roi souhaitait remplir son devoir conjugal[15].

Le roi de France avait une confiance absolue envers son épouse, qu'il savait loyale. Contrairement à d'autres reines d'origine étrangère, comme Anne d'Autriche dans sa jeunesse, Marie-Thérèse ne complotera jamais contre les intérêts de la France[18].

Physique

Marie-Thérèse était une petite femme joufflue, qui était tout à fait dans les standards de beauté de l'époque, à savoir une peau claire et des cheveux blonds. Grâce à sa mère, de la famille des Bourbons, elle a échappé aux traits typiques du visage des Habsbourg espagnols provoqués par des générations de mariage consanguin (prognathisme habsbourgeois). La reine avait de mauvaises dents puisqu'elle aimait manger des sucreries et boire du chocolat chaud[11].

Contrairement aux autres enfants légitimes de Philippe IV qui souffraient de maladies héréditaires, elle jouissait d'une bonne santé qu'elle conserva jusqu'à sa mort.

Hommages

Maison de l'Infante où Marie-Thérèse et sa suite séjourneront avant son mariage.

Elle a reçu de la part du pape Clément IX la rose d'or en 1668 pour la naissance de son fils, le Dauphin[19].

La rue Thérèse dans le 1er arrondissement de Paris a été nommée en son honneur.

La Maison de l'Infante ainsi que la rue de l'Infante et le quai de l'Infante à Saint-Jean-de-Luz ont aussi été nommés en son honneur.

Dans la culture populaire

Apparition dans l'art

Sa première apparition dans une œuvre cinématographique a lieu dans Si Versailles m'était conté..., où elle est jouée par Jany Castel.

En , Marie-Thérèse est jouée par l'actrice Nathalie Cerda dans le film Vatel, un banquet pour le roi, de Roland Joffé. La reine a aussi été jouée par l'actrice française Elisa Lasowski dans la série télévisée Versailles en .

Elle a aussi était peinte de nombreuses fois en sa qualité d'infante d'Espagne puis de reine de France. Les peintures d'elles les plus célèbres sont les portraits réalisés par Diego Vélasquez au début des années 1650. Un de ces tableaux avait été envoyé à Anne d'Autriche pour lui montrer à quoi ressemblait sa jeune nièce. Ces portraits sont exposés dans les plus grands musées du monde comme le Metropolitan Museum of Art à New York, le Musée d'art de Philadelphie ou encore au Louvre, à Paris.

Légende de la Mauresse de Moret

Selon une hypothèse travaillée par les écrivains du XIXe siècle, dont Victor Hugo, Marie-Thérèse aurait été la mère d'une nonne noire, Louise Marie Thérèse, dit la Mauresse de Moret. Elle se prétendait être de sang royal et cette femme reçut beaucoup d'honneur de la part de Louis XIV pour une simple religieuse. La théorie est que le troisième enfant de la reine, Marie-Anne de France, était noire. Le père serait un nain noir de la reine, « Nabo ». Pour cacher le scandale, la fille est déclarée morte mais elle est en réalité confiée à un couvent.

Cependant, il est aujourd'hui admis que Marie-Thérèse n'a pas pu être mère de la Mauresse de Moret. En effet, avec l'éducation très stricte et religieuse qu'elle a reçu, il lui était impensable de faire un enfant avec une autre personne que le roi. De plus, les accouchements des reines se faisaient en public, et aucun ambassadeur étranger n'a mentionné une fille noire. Il est évident que si la reine avait réellement accouché d'une fille noire, la nouvelle se serait diffusée à travers toute l'Europe par l'intermédiaire de ces derniers[20].

En réalité, Marie-Anne était née à la suite d'un accouchement très difficile pour la reine. À la suite d'une dispute avec Louis XIV, elle accouche à seulement 8 mois de grossesse le 16 novembre 1664[21]. La petite princesse, très chétive et prématurée, était violacée à cause de difficultés respiratoires (ce qui est à l'origine des rumeurs qu'elle serait noire). Mère et fille sont toutes deux victimes de violentes convulsions. On craint alors que les deux princesses décèdent, et c'est finalement la petite Marie-Anne qui meurt d'une crise de convulsion[7].

Aujourd'hui, les historiens s'accordent à dire que la Mauresse de Moret est soit une fille illégitime de Louis XIV, soit une fille parrainée par le couple royal.

Postérité culturelle

Dans la postérité, Marie-Thérèse étant morte prématurément fut éclipsée par le long règne de son époux Louis XIV. De plus, après avoir tant écrit sur les maitresses de ce dernier, ce n'est qu'en 1992 que parut le premier livre biographique lui étant dédié: « Madame Louis XIV Marie-Thérèse d'Autriche », par Bruno Cortequisse[22]. Par la suite, l’intérêt à ce personnage de l’histoire de France ne cessa d’inspirer des historiens à maintes reprises, son empreinte politique en tant que reine de France fut source d'intérêt avec notamment en 2005, « La régence de Marie-Thérèse (23 avril-31 juillet 1672) », par Bernard Barbiche[23].

Descendance

La reine Marie-Thérèse et son fils le Dauphin de France, Charles Beaubrun, 1663-1666.

Marie-Thérèse et Louis XIV ont eu six enfants ensemble en 23 ans de mariage, trois fils et trois filles :

  1. Louis de France (1661-1711) dit le « Grand Dauphin » (1er novembre 1661 - 14 avril 1711) ;
  2. Anne-Élisabeth de France (18 novembre 1662 - 30 décembre 1662) ;
  3. Marie-Anne de France (16 novembre 1664 - 26 décembre 1664) ;
  4. Marie-Thérèse de France (1667-1672), dite « Madame Royale » (2 janvier 1667 - 1er mars 1672) ;
  5. Philippe-Charles de France (11 août 1668 - 10 juillet 1671), duc d'Anjou (1668-1671) ;
  6. Louis-François de France (14 juin 1672 - 4 novembre 1672), duc d'Anjou (1672).

Seul l'aîné atteindra l'âge adulte en raison de la consanguinité entre les deux époux. En effet les deux époux sont doubles cousins germains; le père de Louis XIV (Louis XIII) est le frère de la mère de Marie-Thérèse (Élisabeth de France) et la mère de Louis XIV (Anne d'Autriche) est la sœur du père de Marie-Thérèse (Philippe IV).

Elle est la grand-mère paternelle de Philippe de France, duc d'Anjou (1683-1746), qui succède à Charles II sur le trône d'Espagne, en 1700, sous le nom de Philippe V, grâce aux droits de succession qu'elle transmet à la Maison de Bourbon.

L'arrière-petit-fils de Marie-Thérèse, Louis XV est devenu roi de France après la mort de Louis XIV en tant qu'héritier mâle direct, puisque les héritiers précédents, son grand père le Grand Dauphin, son père le duc de Bourgogne et son frère aîné, Louis de France, étaient déjà décédés à cette époque.

Ascendance

Notes et références

  1. D’Autriche car issue de la Maison de Habsbourg en Espagne, ],
  2. « Marie-Thérèse d’Autriche », sur Château de Versailles, (consulté le )
  3. Henri (1815-1900) Auteur du texte Duclos, Madame de La Vallière et Marie-Thérèse d'Autriche, femme de Louis XIV : avec pièces et documents inédits / par M. l'abbé H. Duclos,..., , 6 p. (lire en ligne)
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  7. Bruno Cortequisse, Madame Louis XIV : Marie-Thérèse d'Autriche, Paris, Perrin, , 195 p. (ISBN 2-262-00876-0)
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  22. Bruno Cortequisse, Madame Louis XIV: Marie-Thérèse d'Autriche, (Perrin) réédition numérique FeniXX, (ISBN 978-2-262-08872-9, lire en ligne)
  23. Bernard Barbiche, Jean-Pierre Poussou et Alain Tallon, Pouvoirs, contestations et comportements dans l'Europe moderne: mélanges en l'honneur du professeur Yves-Marie Bercé, Presses Paris Sorbonne, (ISBN 978-2-84050-400-9, lire en ligne), « La régence de Marie-Thérèse (23 avril-31 juillet 1672) », p. 313-325

Annexes

Bibliographie

  • Lucien Bély (dir.), Dictionnaire Louis XIV, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1405 p. (ISBN 978-2-221-12482-6)
  • Henri-Louis Duclos, Madame de La Vallière et Marie-Thérèse d'Autriche, femme de Louis XIV : avec pièces et documents inédits, Paris, (lire en ligne)
  • Simone Bertière, Les Femmes du Roi-Soleil, Éditions de Fallois, 1998 (ISBN 2-253-14712-5).
  • Joëlle Chevé, Marie-Thérèse d'Autriche : épouse de Louis XIV, Paris, Pygmalion, , 561 p. (ISBN 978-2-85704-949-4 et 2-85704-949-8, OCLC 253376026, lire en ligne)
  • Antonia Fraser et traduit de l'anglais par Anne-Marie Hussein, Les femmes dans la vie de Louis XIV, Paris, Flammarion, (ISBN 978-2-08-122050-8 et 2-08-122050-4, OCLC 690497565),
  • Bernard Barbiche, Pouvoirs, contestations et comportements dans l’Europe moderne, Paris, PUPS, (ISBN 2-84050-400-6, lire en ligne), « La régence de Marie-Thérèse (23 avril-31 juillet 1672) », p. 313-325
  • Jean-Pierre Rorive (dir.), Petites histoires des grands de France, Jourdan Editeur, , 549 p. (ISBN 2-930359-35-8)
  • Bruno Cortequisse, Madame Louis XIV : Marie-Thérèse d'Autriche, Perrin, , 164 p. (ISBN 2262018561)

Articles connexes

Liens externes

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