Astolphe de Custine

Astolphe Louis Léonor, marquis de Custine, né le à Niderviller et mort le à Saint-Gratien, est un écrivain français, surtout connu pour son ouvrage La Russie en 1839, parfois considéré comme le pendant russe de l’essai De la démocratie en Amérique de Tocqueville.

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Astolphe de Custine
Titre de noblesse
Marquis
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activités
Père
Mère
Parentèle
Œuvres principales

Biographie

Origines familiales et jeunesse

Il est le second fils d’Armand de Custine et de Delphine de Sabran. La famille de Custine est sévèrement affectée par la Révolution : son grand-père, le général révolutionnaire Adam Philippe de Custine, est guillotiné en août 1793 et son père en janvier 1794 ; sa mère reste incarcérée à la prison parisienne de Sainte-Pélagie, puis aux Carmes jusqu'à la chute de Robespierre en juillet 1794.

En 1795, la famille de Custine retourne en Lorraine. Astolphe passe alors sous la responsabilité morale de son précepteur alsacien, nommé Bertoecher. Delphine de Custine, connue pour son intelligence et sa grande beauté, fréquente les salons littéraires, se lie d'amitié avec Germaine de Staël qui lui dédie son roman Delphine et noue une relation amoureuse avec François-René de Chateaubriand en 1802.

La disgrâce d’un des amis les plus chers de Delphine de Custine, Joseph Fouché, ministre de la Police de Napoléon, provoque la rupture avec le régime impérial en 1810. Commence alors un périple européen qui mène la mère et le fils en Allemagne et en Suisse (1811), puis en Italie. En 1814, ils rejoignent à Bâle le roi Louis XVIII et le comte d’Artois qui préparent la Restauration.

La Restauration

Astolphe entre alors dans l'armée et le corps diplomatique, assistant au congrès de Vienne aux côtés de Talleyrand.

Après plusieurs tentatives de fiançailles arrangées en vain par sa mère (notamment avec Albertine de Staël, fille de Germaine de Staël et Clara de Duras, la cadette de Claire de Duras), il épouse, malgré son homosexualité, Léontine de Saint-Simon de Courtomer, en 1821. Un fils, Enguerrand, naîtra de cette union, en juin 1822. L'été de la même année, il entreprend un voyage en Angleterre au cours duquel il rencontrera l’homme de sa vie, Edward, dit Édouard de Sainte-Barbe, un jeune homme de quatre ans son cadet[1]. La mort de Léontine, le , de la tuberculose, laisse Astolphe libre de vivre sa passion avec Édouard de Sainte-Barbe.

Le , alors qu'il se rend à un rendez-vous galant avec un jeune soldat, il est attaqué par les compagnons d'armes de celui-ci, battu, dénudé et abandonné inconscient sur le pavé. Sa mésaventure, bientôt connue du Tout-Paris, entache sa réputation et associe pour longtemps le nom de Custine à l’homosexualité, que la société de l’époque qualifie d’« infâme ». Un conseil de famille décide de l'éloigner de la capitale : accompagné de Sainte-Barbe, Custine rejoint le domaine familial de Fervaques en Normandie.

La monarchie de Juillet

En 1832, il achète à Mme de Neuflize, le Belvédère, un petit château construit en 1816 à Saint-Gratien. Il le réaménage et y reçoit de nombreux artistes : Honoré de Balzac, Victor Hugo, Frédéric Chopin, Eugène Delacroix, François-René de Chateaubriand, intimement lié à sa mère pendant vingt ans, Alfred de Musset, Jules Barbey d'Aurevilly, George Sand et Alphonse de Lamartine[2].

Les années suivantes sont passées dans la mouvance romantique avec plus ou moins de succès. Heinrich Heine qualifie Custine de « demi-homme de lettres ». La princesse Mathilde, fille de Jérôme Bonaparte, passait ses étés tout d'abord au château Catinat en tant que locataire du marquis de Custine, avant d’acheter, en 1853, le château construit par le comte de Luçay [3].

Astolphe gagne quelque reconnaissance grâce à ses récits de voyage en Espagne. En 1838, il réside quelques mois à Annecy-le-Vieux et à Duingt autour du lac d'Annecy et publie L'Espagne sous Ferdinand VII.

Le voyage en Russie et ses suites

Ignacy Gurowski

En 1839, il entreprend un voyage en Russie, principalement à Saint-Pétersbourg mais aussi à Moscou et Iaroslavl. Une des causes de ce voyage est la publication, en , par Alexis de Tocqueville de De la démocratie en Amérique dont le dernier chapitre prophétise que le futur appartient aux États-Unis et à la Russie. Une autre explication réside dans l'arrivée à Paris, d'un jeune comte polonais de 23 ans, Ignacy Gurowski, qui emménage au domicile parisien de Custine et Sainte-Barbe. Custine aurait entrepris son voyage en Russie pour convaincre le tsar de mettre fin à la disgrâce du jeune homme.

Custine compose son ouvrage trois ans après son retour au cours d'un voyage en Italie, alors que de son côté, Ignacy Gurowski, après de nombreux scandales mondains, se rend célèbre en enlevant dans son couvent et en épousant l’infante Isabelle d’Espagne (1842).

La Russie en 1839, dont des extraits ont déjà paru sous le nom de Lettres de Russie, est publié en et rencontre un grand succès : six rééditions verront le jour. Le livre est aussi publié en Angleterre et en Allemagne, mais interdit en Russie. Il s'agit d'une collection de détails sur les mœurs de la Cour, de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie, ainsi que sur l'état de l'administration, des sciences et des coutumes populaires. La description qu'il fait de l'empereur Nicolas Ier est peu flatteuse. Il écrit entre autres :

« Si le tsar n'a pas plus de pitié dans son cœur qu'il n'en exprime dans sa politique, je plains la Russie. En revanche si ses sentiments sont supérieurs à ses actes, je plains le tsar. »

Ses critiques déplaisent fortement à Saint-Pétersbourg, mais son livre ne cessera jamais d'être imprimé clandestinement et de circuler sous le manteau en Russie[4],[5].

Le Second Empire

Astolphe de Custine meurt le et est enterré dans la petite chapelle de Saint-Aubin-sur-Auquainville[6], près de Fervaques. Sa famille intente un procès en nullité contre le testament par lequel il lègue sa fortune à son ami Sainte-Barbe. Ce dernier meurt un peu plus d'un an après Custine, le , mais obtient néanmoins gain de cause à titre posthume.

Filmographie

Œuvres

  • Aloys ou le Religieux du mont Saint-Bernard, 1829.
  • Mémoires et voyages, ou lettres écrites à diverses époques, pendant des courses en Suisse, en Calabre, en Angleterre et en Écosse, Paris, 1830, rééd. Éditions François Bourin, 1993, puis Mercure de France 2012.
  • Béatrix Cenci, théâtre, 1833.
  • Le Monde comme il est, 1835.
  • L’Espagne sous Ferdinand VII, 1838.
  • Ethel, 1839.
  • La Russie en 1839, 1843.
  • Romuald ou la Vocation, 1848.
  • Lettres au marquis de la Grange (date de parution inconnue), publiés en 1925 par M. de Luppé.
  • Souvenirs et portraits (date de parution inconnue), publiés en 1956 par P. de Lacretelle[7].

Bibliographie

Éditions de La Russie en 1839

  • (en) Astolphe de Custine, Journey For Our Time : The Journals of the Marquis de Custine. éd. Phyllis Penn Kohler, Washington 1987.
  • (en) Astolphe de Custine, Journey For Our Time: The Journals of the Marquis de Custine. éd. Phyllis Penn Kohler, Londres, 1951.
  • (en) Astolphe de Custine, Empire of the Czar. A Journey Through Ethernal Russia, Aukland, 1989.
  • La Russie en 1839, Editions Solin 1990, repris en 2005, Actes Sud, collection thésaurus, édition intégrale, préf. d'Hélène Carrère d'Encausse ; notes, éclaircissements et postf. de Michel Parfenov.
  • Résumé du Voyage en Russie en 1839, Paris, Allia, , 112 p. (ISBN 2-904235-95-7)
  • Astolphe de Custine, La Russie en 1839, éd. Véra Milchina et Alexandre Ospovate, Paris, Classiques Garnier, 2015.

Autres éditions

  • Astolphe de Custine, Le Monde comme il est suivi de Ethel, éd. Alex Lascar et Marie-Bénédicte Diethelm, Paris, Classiques Garnier, 2019.

Ouvrages sur Astolphe de Custine

  • Virginie Ancelot, « Le Salon du marquis de Custine », dans Les Salons de Paris : Foyers éteints, Paris, Éditions Jules Tardieu, , 245 p. (lire en ligne), p. 235-245.
  • Tatiana Antolini-Dumas, « Paradoxes et subjectivité, l'itinéraire pictural de Quinet et Custine en Espagne », dans Écrire la peinture entre XVIIIe et XIXe siècles, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Biaise Pascal, 2003, p. 311-320.
  • Albert de Luppé, Astolphe de Custine, Monaco, .
  • Pascal Pia, Romanciers, poètes, essayistes du XIXe siècle, Paris, Denoël, .
  • Julien-Frédéric Tarn, Le Marquis de Custine ou les Malheurs de l'exactitude, Paris, Fayard, , 815 p. (ISBN 978-2-213-01548-4).
  • Olivier Gassouin, Le marquis de Custine. Le courage d'être soi-même, préface de Hugo Marsan, Paris, Lumière & Justice, 1987, 92 p.
  • Francine-Dominique Liechtenhan, Astolphe de Custine voyageur et philosophe, Paris, .
  • Claude Le Roy, « La Mère et le fils », dans Delphine de Custine - reine des roses, Milon-La-Chapelle, H&D, , 346 p. (ISBN 978-2-9142-6623-9), p. 197-285.
  • Jonathan de Chastenet, L'Expression de la marginalité aristocratique dans les œuvres du marquis de Custine, mémoire de DEA, université d'Angers, 2003.
  • (de) Christian Sigrist, Das Russlandbild des Marquis de Custine. Von der Zivilisationskritik zur Russlandfeindlichkeit, Francfort, .
  • (en) George F. Kennan, The Marquis de Custine and His Russia in 1839, Londres, .
  • (en) Irena Grudzinska Gross, The Scar of Revolution, Custine, Tocqueville, and the Romantic Imagination, Berkeley, .
  • Anka Muhlstein, Astolphe de Custine (1790-1857) : Le dernier marquis, Paris, Grasset, , 349 p. (ISBN 978-2-246-49211-5).

Articles

  • Samantha Caretti, « Mémoire et Imagination : la Normandie dans l'œuvre et la correspondance de l'écrivain Astolphe de Custine, châtelain de Fervaques », Revue de la Société historique de Lisieux, juin 2019.
  • Samantha Caretti, « Astolphe de Custine épistolier : paradoxes d’un « mondain » intime », Le Magasin du XIXe siècle, n°10 « Réseaux », octobre 2020.
  • Samantha Caretti, « La vérité et l'idéal : Astolphe de Custine, lecteur de George Sand », Cahiers George Sand, n°41, septembre 2019.
  • Samantha Caretti, « Peindre vrai : enjeux esthétiques et poétiques du récit de voyage chez Custine et Stendhal », HB Revue internationale d'études stendhaliennes, n° 23, 2019.
  • Remigiusz Forycki, « Métamorphoses de l’Europe dans les voyages d’Astolphe de Custine », L'Europe et ses intellectuels, 0, p. 59–67 (lire en ligne, consulté le )

Notes et références

  1. (en) Andrew J. Counter, The Amorous Restoration : Love, Sex, and Politics in Early Nineteenth-Century France, Oxford, Oxford University Press, , 328 p. (ISBN 978-0-19-108910-7, lire en ligne), p. 155.
  2. Le château sera rasé en 1860 par ses héritiers.
  3. Aujourd'hui appelé « château de la princesse Mathilde ».
  4. Livre tombé dans l'oubli, en Occident, pendant une centaine d'années, jusqu'à ce qu'au moment de la guerre froide, on remarque que les jugements de Custine sur la Russie impériale étaient transposables à la Russie soviétique.
  5. Quentin Jacquet, « Custine, un mondain sur les terres du despotisme », sur PHILITT, (consulté le )
  6. Jean-Claude Féray, « Pèlerinage : Saint-Aubin, l'ultime demeure d'Astolphe de Custine », Bulletin mensuel Quintes-feuilles, , p. 6-8 (lire en ligne)
  7. Laffont-Bompiani, Dictionnaire des œuvres, volume VI, p. 241.

Liens externes

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