Mentonasque
Le mentonasque (ou mentonnais) est le parler de Menton et des communes environnantes, dans les Alpes-Maritimes. Il est considéré comme intermédiaire entre l’occitan (vivaro-alpin) et le ligure intémélien, mais il possède des traits vivaro-alpins structurels[1] et il est revendiqué localement comme occitan[2],[3],[4]
Mentonasque, mentonnais Mentounasc | |
Pays | France |
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Région | Menton |
Classification par famille | |
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Classification
Décrit pour la première fois de façon scientifique par James Bruyn Andrews à la fin du XIXe siècle[5], il fait l'objet d'études plus récentes[6],[7],[8] qui confirment son positionnement dans l’espace occitan, malgré les hésitations de Werner Forner[9].
Le mentonasque est enseigné, en fonction des règles françaises en vigueur dans l'Éducation nationale, comme une variété d’occitan-langue d’oc (niçois — langue d'oc), ce qui n'empêche pas d'en respecter les traits spécifiques.
En mentonasque, on nomme ce parler [u meⁿtu'naʃk] et on l'écrit localement ou mentounasc (norme mistralienne)[10], plus rarement o mentonasc, selon la norme classique de l'occitan[11].
Aréologie
Le mentonasque est parlé non seulement à Menton, mais aussi dans les villages de son canton, à savoir Gorbio, Sainte-Agnès et Castellar. On peut aussi y rattacher Castillon, Sospel et Moulinet. Le parler de Roquebrune-Cap-Martin est généralement considéré comme du mentonasque ou une variante par la plupart des auteurs, même s'il présente des particularités qui peuvent en faire un parler distinct — cette remarque étant par ailleurs valable pour chaque village du canton. Il s'agit néanmoins d'une aire dialectale bien délimitée « qui se distingue nettement tant de ses voisines occidentales (aire du provençal de type niçois et îlot linguistique ligure de Monaco) que de sa voisine orientale (aire du ligure [intémélien]) » (Alain Venturini, in Lou Sourgentin, no 56, avril 1983).
Le mentonasque présente de fortes similitudes par les traits alpins communs (absence de D intervocalique, L intervocalique devenant r) avec les parlers de transition vers le ligurien alpin tels que le royasque (vallée de la haute Roya et de la Bévéra, notamment Sospel, Breil et Saorge) ou le pignasque (Pigna, dans la province d'Imperia).
Il se distingue assez nettement, surtout à l'oreille, des parlers ligures côtiers , comme ceux de Vintimille (Intémélien) ou de Monaco (monégasque).
Le rattachement du mentonnais à la langue d'oc (en relation avec sa variante niçoise parlée dans le Comté de Nice) est assumé par les associations locales comme la Société d'art et d'histoire du Mentonnais (SAHM) qui a édité le Lexique français-mentonnais (Caserio & al. 2001). Cette société est d'ailleurs affiliée au Félibrige et à l'Institut d'études occitanes, les deux principaux mouvements militants pour la langue d'oc[3].
L'apocope même partielle et une seconde diphtongaison tardive (comme dans pònt ou pouant ['pwaⁿt] pour le mot « pont »), ainsi que le vocabulaire, donnent effectivement au mentonasque des traits externes de langue d’oc. Selon la théorie de la propagation linguistique (ou des ondes), on aurait un courant linguistique majoritairement occitan[1] jusqu'à Menton, « large ondée qui s'est brisée contre les Baoussé Roussé » (Bauces Rosses, i Balzi Rossi, (I Bàussi Russi) les rochers qui forment aujourd'hui la frontière littorale franco-italienne) pour reprendre l’image de Werner Forner.
Littérature
Le mentonasque n'a pas le prestige littéraire des dialectes voisins. Il existe néanmoins quelques textes et chansons publiés récemment en mentonnais (pour la plupart au XXe siècle) et il est désormais régulièrement enseigné dans l'académie de Nice, dans les cantons de Menton. Parmi les différentes publications, A Lambrusca de Paigran (la Vigne vierge de Grand-père) par Jean-Louis Caserio, illustrations de M. et F. Guglielmelli, SAHM, Menton, 1987. Brandi Mentounasc, livret de poésies bilingue de Jean Ansaldi, 48 p. 2010 Ou Mentounasc per ou Bachelerà, le mentonasque au baccalauréat, choix de textes par J.-L. Caserio, 5e éd., 36 p. 2008, etc.
Références
- Jean-Philippe Dalbera, Les parlers des Alpes Maritimes : étude comparative, essai de reconstruction [thèse], Toulouse: Université de Toulouse 2, 1984 [éd. 1994, Londres: Association Internationale d’Études Occitanes]
- Jean-Louis Casério, "A r'estrema pouncha dou levant de r'Occitania se dressa Mentan…" in Ou mentounasc per ou bachelerà, SAHM, 2000
- . La Société d'art et d'histoire du Mentonnais (SAHM), qui a édité le Lexique français-mentonnais (Caserio & al. 2001) est affiliée au Félibrige et à l'Institut d'études occitanes, les deux principaux mouvements militants pour la défense de l’occitan-langue d’oc.
- « C’est de notre rencontre avec le doyen Jean Ansaldi, qu’a germé l’idée de cette grammaire du mentounasc. Qui mieux que Jean Ansaldi, locuteur, auteur scientifique, poète de langue d’oc et universitaire, pouvait se lancer dans cette tâche difficile ? », Présentation de la Gramàtica dou Mentounasc de Jean Ansaldi sur le site de la SAHM.
- (en) "Il dialetto di Mentone, in quanto egli tramezzi ideologicamente tra il provenzale e il ligure", in Archivio Glottologico Italiano XII, 1890/92, p. 97-106
- Jean-Philippe Dalbera, "Interférences entre provençal et ligurien dans la genèse du […] mentonnais", Bulletin du Centre de romanistique et de latinité tardive 4-5, Nice, 1989, p. 89-97
- « Les parlers de Menton et de Sospel représentent donc le stade 0 des dialectes occitans, où il n'y a pas de clitique sujet. » Michèle Olivieri, Frontières linguistiques
- Werner Forner, "L'Intemelia linguistica", in Intemelion 1, Sanremo, 1995, p. 67-82
- « Le mentonnais entre toutes les chaises ? », in Lexique français-mentonnais (Caserio & al. 2001)
- À noter l'article défini spécifique o/ou (devant une consonne, trait présent jusqu'à La Turbie et Peille) comme en ligure, et non l'article habituel lo/lou de l'occitan général. La forme entière lo/lou réapparaît après en donnant en lo (en français : dans le). On retrouve en mentonasque le lexique pan-occitan comme totun/ toutun (en français : de toute manière), comme en niçois, languedocien ou gascon (mais pas en provençal), des traits pan-occitans existent tels que le renforcement d'attaque : dam(b)é (en français : avec) comme en gascon garonnais dam(b)é. Des traits phonétiques archaïques sont exceptionnellement présents : davanch/ enanch (de l'occitan médiéval davantz/ enantz, en français : avant dans l'espace/ avant dans le temps) alors qu'en niçois c'est avant/ denant.
- Aüra, vos cal parlar o Mentonasc perqué mi non capisho ren de çò que me disé Le hameau de Piaggia, Une identité brigasque sur la défensive
Annexes
Bibliographie
- Jean-Louis Caserio et la Commission du vocabulaire mentonnais, Lexique français-mentonnais, Société d'Art et d'Histoire du Mentonnais (SAHM), Menton, 2001 et Lexique mentonnais-français (SAHM), Menton, 2006 ; Lexique français-mentonnais (SAHM) Menton, 3e édition 2016.
- Jean-Philippe Dalbera, Les parlers des Alpes Maritimes : étude comparative, essai de reconstruction [thèse], Toulouse: Université de Toulouse II, 1984 [éd. 1994, Londres: Association internationale d’études occitanes]
- Werner Forner, “Le mentonnais entre toutes les chaises ? Regards comparatifs sur quelques mécanismes morphologiques” [Caserio & al. 2001: 11-23]
- Louis Caperan-Moreno, Jean-Louis Caserio, Hubert Barberis et Mauri Osicki Ou Mentounasc à Scora, SAHM, 2021, 4e édition revue et corrigée.
- Ou Mentounasc per ou Bachelerà (le mentonasque au baccalauréat), choix de textes présentés par Jean-Louis Caserio, professeur de langue et culture régionales, 7e édition, SAHM, 2011
- Gerhard Rohlfs, « Entre Riviera et Côte d'Azur : à propos du mentonnais » in Mélanges de philologie romane à la mémoire de J. Boutière, éd. I. Cluzel - F. Pirot, vol. II, Liège, 1971 (p. 883-891) et « Entre Riviera et Côte d'Azur (II) » in Mélanges de philologie romane offerts à Ch. Camproux, vol. II, 1978, p. 971-978.
- Jules Ronjat, Grammaire istorique [sic] des parlers provençaux modernes, 4 vol., 1930-1941 [rééd. 1980, Marseille : Laffitte Reprints, 2 vol.]
- Alain Venturini, « Le parler mentonasque » in Lou Sourgentin no 56, [rééd. in Caserio & al. 2001: 25-30]
Lien externe
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