Molopospermum peloponnesiacum

Le Moloposperme du Péloponnèse (Molopospermum peloponnesiacum) ou « couscouil » (nom régional, du catalan roussillonnais coscoll)[1] est une espèce végétale de la famille des Apiacées, la seule du genre Molopospermum, présente dans les Alpes du Sud et les Pyrénées.

Molopospermum peloponnesiacum
Moloposperme du Péloponnèse
Classification
Règne Plantae
Sous-règne Tracheobionta
Division Magnoliophyta
Classe Magnoliopsida
Sous-classe Rosidae
Ordre Apiales
Famille Apiaceae
Sous-famille Apioideae
Tribu Annesorhizeae
Genre Molopospermum

Espèce

Molopospermum peloponnesiacum
(L.) W.D.J.Koch, 1824

Classification phylogénétique

Clade Angiospermes
Clade Dicotylédones vraies
Clade Astéridées
Clade Campanulidées
Ordre Apiales
Famille Apiaceae
Sous-famille Apioideae
Tribu Annesorhizeae
Genre Molopospermum

Synonymes

  • Cicutaria peloponnesiaca L.
  • Cicutaria verticillata Moench
  • Ligusticum brancionis Schrank
  • Ligusticum cicutarium Lam.
  • Ligusticum peloponesiacum L.
  • Molopospermum cicutarium Lam.
  • Pleurospermum cicutarium Lam.

Statut de conservation UICN


LC  : Préoccupation mineure
France

D'une taille de 1 à 2 m de hauteur, c'est une plante hémicryptophyte présente dans les étages montagnard à subalpin.

Elle est consommée dans les Pyrénées-Orientales.

Taxonomie

L'espèce est originellement décrite par Linné sous le nom de Ligusticum peloponnesiacum en 1753[2]. Le genre Molopospermum et l'espèce Molopospermum peloponnesiacum sont créés par le botaniste allemand Wilhelm Daniel Joseph Koch en 1824[3].

En 1979, la botaniste Isolde Ullmann divise l'espèce en deux sous-espèces[4],[5] :

  • Molopospermum peloponnesiacum subsp. peloponnesiacum
  • Molopospermum peloponnesiacum subsp. bauhinii I. Ullmann, 1979

La différence principale entre les deux sous-espèces est liée à un composé chimique : Molopospermum peloponnesiacum subsp. peloponnesiacum est de type "apiol" : ce composé donne la couleur jaune des fleurs et des fruits. Molopospermum peloponnesiacum subsp. bauhinii est de type "terpenaldehyde", donnant quant à lui une couleur blanche des fleurs et fruits[5].

Tous les synonymes sont rattachés à Molopospermum peloponnesiacum subsp. peloponnesiacum[2],[4] :

  • Cicutaria peloponnesiaca Kuntze, 1891
  • Cicutaria verticillata Moench, 1802
  • Ligusticum brancionis Schrank
  • Ligusticum cicutarium Lam., 1779
  • Ligusticum peloponense Vill., 1787
  • Ligusticum peloponesiacum L., 1753 (basionyme)[6]
  • Molopospermum cicutarium DC., 1830
  • Molopospermum cicutifolium Bubani, 1899
  • Pleurospermum cicutarium D.Dietr., 1840

Nom

Le nom du genre Moloposperme signifie « graine meurtrie », du grec molops, meurtrissure, et sperma, graine[7], en référence aux sillons qui marquent les fruits (à graine unique) dans toute leur longueur[8].

Le qualificatif de peloponnesiacum signifie du Péloponnèse et est attribué par erreur par Linné qui en croit la plante originaire. Lamarck lui-même admet plus tard n'en avoir jamais vu dans cette région ni ailleurs en Grèce, ainsi que le rapporte Alphonse Pyrame de Candolle, à l'origine des Lois de la nomenclature botanique adoptées en 1867 et qui spécifient notamment qu'un nom impliquant une erreur géographique évidente doit être modifié. Malgré les avis de divers botanistes en ce sens par la suite, le nom n'a pourtant pas été changé[9].

Du fait de son classement d'origine dans le genre Ligusticum et de la même manière que Ligusticum scoticum est encore connue en français sous le nom de Livêche d'Écosse, l'espèce était jadis surnommée Livêche du Péloponnèse[10].

L'ancien qualificatif cicutarium signifie à feuilles de ciguë[11] (Cicuta est l'ancien genre de la grande ciguë[12] et de la petite ciguë[13]).

Le nom vernaculaire d'angélique sauvage est souvent employé abusivement en Roussillon pour désigner en français le Moloposperme du Péloponnèse. Le naturaliste Louis Companyo signale déjà cette appellation vulgaire en 1845[11] et s'en plaint encore en 1864[14]. Cet usage perdure de nos jours, quoi que ce nom désigne en réalité une autre espèce d’Apiacées, mais d'un genre différent : Angelica sylvestris[8]. De la même manière dans le Gard en 1856, le capitaine de Pouzolz mentionne le « nom vulgaire patois » d’angélica de mountagna usité pour désigner cette espèce[15].

Description

Le Moloposperme du Péloponnèse peut atteindre un à deux mètres de hauteur[16]. C'est une plante hémicryptophyte, ce qui signifie que ses parties enterrées et basses sont vivaces, tandis que les parties aériennes meurent à la mauvaise saison[6].

Description d'Hippolyte Coste (1858 - 1924) : « Plante vivace de 1 à 2 mètres, glabre, aromatique, à racine épaisse ; tige grosse, creuse, striée, à rameaux supérieurs opposés ou verticillés ; feuilles inférieures très grandes, tripennatiséquées, à segments lancéolés, longuement acuminés, incisés-dentés ; fleurs blanchâtres, en ombelles grandes, à 30-40 rayons serrés, allongés ; involucre à 6-9 folioles inégales, lancéolées, entières ou incisées-dentées ; calice à 5 dents foliacées, ovales-obtuses ; pétales lancéolés-acuminés, entiers, à pointe ascendante ; styles divariqués, plus longs que le stylopode ; fruit ovoïde, comprimé par le côté, non enflé, sillonné, glabre ; méricarpes à bords contigus, à 5 côtes ailées, inégales, les latérales de moitié plus étroite. »[7]

Les deux sous-espèces se distinguent par la couleur de leurs fleurs et fruits : jaune pour Molopospermum peloponnesiacum subsp. peloponnesiacum et blanche pour Molopospermum peloponnesiacum subsp. bauhinii[5].

Distribution et habitat

Distribution

Le Moloposperme du Péloponnèse est présent dans les parties centrale et orientale des Pyrénées[17], en Andorre, en Espagne et en France, puis en remontant vers le nord jusque dans les Cévennes, ainsi que dans les Alpes du Sud, aussi en Allemagne, en Italie, en Suisse et en Slovénie[4],[18].

En France, le Moloposperme du Péloponnèse est présent de manière certaine dans les départements suivants : Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Ardèche, Ariège, Aude, Gard, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Hérault, Lozère, Pyrénées-Orientales et Var[2].

La distribution des deux sous-espèces est la suivante[5] :

  • Molopospermum peloponnesiacum subsp. peloponnesiacum : Pyrénées, Massif central, Cévennes, Alpes-Maritimes et Var ;
  • Molopospermum peloponnesiacum subsp. bauhinii : Alpes méridionales et orientales.

Molopospermum peloponnesiacum subsp. bauhinii s'est également acclimatée en Scandinavie[19]. Elle est considérée comme une espèce envahissante au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède depuis 2011[20].

Habitat

De par sa taille, le Moloposperme du Péloponnèse est une plante de mégaphorbiaie (grandes herbes), pouvant vivre dans les étages montagnard à subalpin[6].

Reproduction

Le Moloposperme du Péloponnèse est une plante hermaphrodite qui fleurit de juin à juillet[21]. Sa pollinisation se fait par entomogamie (par les insectes)[6]. Les fruits, ensuite dispersés par le vent, nécessitent de geler[8].

Statuts de protection, menaces

L'espèce n'est pas considérée comme étant menacée en France. En 2021 elle est classée Espèce de préoccupation mineure (LC) par l'UICN. Toutefois localement l'espèce peut se raréfier: elle est classée en Danger (EN) en région Rhône-Alpes. Elle figure sur la Liste des espèces végétales protégées en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur : Article 1[2].

Utilisation

Dans les Pyrénées-Orientales, la tradition de consommer du couscouil remonte à plusieurs siècles. Très populaire, sa présence est signalée sur les marchés de Perpignan en 1808[22]. Le botaniste suisse Alphonse Pyrame de Candolle en signale le mode de consommation en 1815[10] :

« En Roussillon on recueille les jeunes pousses étiolées qu'on nomme couscouils, et qu'on mange en salade à peu près comme du céleri. »

En 1845, Louis Companyo décrit aussi son usage culinaire dans les Pyrénées-Orientales[11] :

« (...) on la mange crue, en salade ; elle est très recherchée, malgré l'odeur de punaise qui lui est propre. »

Les pétioles du Moloposperme du Péloponnèse, jeunes, sont consommés de différentes manières : la plus courante est en salade après avoir épluché puis fendu les tronçons en quatre et les avoir laissé tremper dans de l'eau fraîche ; on peut également les faire macérer quelques jours dans l'alcool avec divers aromates pour élaborer des liqueurs ; enfin, l'usage d'en faire des confitures a jadis existé mais est tombé en désuétude[8].

Le couscouil est également consommé, de manière plus marginale, dans l'Alt Empordà (en Catalogne), comarque frontalière des Pyrénées-Orientales[23].

Les feuilles peuvent être confondues avec celles de l'Aconit napel, une espèce de Renonculacées toxique et même souvent mortelle. Ces deux plantes se distinguent par contre facilement lorsqu'elles sont en fleurs[16]. En , une telle confusion a causé la mort d'un habitant des Pyrénées-Orientales et l'intoxication grave de deux autres[24].

Feuilles de couscouil, à gauche, et d'Aconit napel, à droite. (Pyrénées-Orientales)

Culture populaire

Croyances

Dans certaines régions, le Moloposperme du Péloponnèse était faussement réputé narcotique et pouvant même provoquer des maladies graves, notamment la gangrène, ce qui explique qu'il n'était pas consommé en ces lieux[25].

Fête

La commune de Sahorre en Conflent possède depuis 2008 une fête du coscoll qui a lieu au début du mois de juin[26],[27].

Notes et références

  1. Christian Camps et Renat Botet, Dictionnaire nord-catalan, Canet-en-Roussillon, Éditions Trabucaire, , 400 p. (ISBN 978-2-84974-151-1, BNF 43582443), p. 84.
  2. (fr) Référence INPN : Molopospermum peloponnesiacum (L.) W.D.J.Koch, 1824
  3. Koch, W.D.J. (1824) Nova Acta Physico-medica Academiae Caesareae Leopoldino-Carolinae Naturae Curiosorum Exhibentia Ephemerides sive Observationes Historias et Experimenta 12: 108.
  4. (en) Référence Catalogue of Life : Molopospermum peloponnesiacum (L.) W. D. J. Koch (consulté le )
  5. (de) Isolde Ullman, « Verbreitung, Standortcharakter und infraspezifische Gliederung bei Molopospermum peloponnesiacum (L.) Koch (Apiaceae). », Flora, vol. 179, no 4, , p. 253-270 (lire en ligne, consulté le ).
  6. (fr) Référence Tela Botanica (France métro) : Molopospermum peloponnesiacum (L.) W.D.J.Koch, 1824
  7. Hippolyte Coste, Flore descriptive et illustrée de la France, de la Corse et des contrées limitrophes, vol. 2, Paris, Librairie des sciences et des arts, , 627 p. (lire en ligne), p.223
  8. Myriam Pied, Le Coscoll, la plante sauvage comestible des catalans, in Alain Pottier (dir.) (ill. Paul Schramm, photogr. Michel Castillo), À la conquête des plantes à parfum, aromatiques et médicinales du Roussillon, Canet-en-Roussillon, Éditions Trabucaire, , 189 p. (BNF 45410783)
  9. Émile Burnat, François Cavillier et John Briquet, Flore des Alpes Maritimes : Catalogue raisonné des plantes qui croissent spontanément dans la chaîne des Alpes maritimes, y compris le département français de ce nom et une partie de la Ligurie occidentale, t. 4, Genève, Georg & Cie, , 303 p. (BNF 31891662, lire en ligne), p. 83-85.
  10. Alphonse Pyrame de Candolle, Flore française : Descriptions succinctes de toutes les plantes qui croissent naturellement en France, t. 5, Paris, Desray, , 662 p. (BNF 45331054, lire en ligne), p. 509.
  11. Louis Companyo, « Itinéraire de quelques vallées du département des Pyrénées-Orientales, suivi du catalogue des quarante-trois premières familles naturelles des plantes observées dans cette contrée », Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, vol. VI, no 2, , p. 219 (lire en ligne, consulté le ).
  12. (fr) Référence Tela Botanica (France métro) : Conium maculatum L., 1753
  13. (fr) Référence Tela Botanica (France métro) : Aethusa cynapium L., 1753
  14. Louis Companyo, Histoire naturelle du département des Pyrénées-Orientales, Perpignan, impr. de J.-B. Alzine, 1861-1864, XXXI-448, 939, 942, in-8 (BNF 30262524), T2, p. 285, lire en ligne
  15. Capitaine de Pouzolz, Flore du département du Gard : Description des plantent qui croissent naturellement dans ce département, t. 1, Nîmes, B.-R. Garve, , 659 p. (BNF 31144962, lire en ligne), p. 443.
  16. « La coscollada », Société mycologique et botanique de Catalogne Nord
  17. Marcel Saule, La grande flore illustrée des Pyrénées, Toulouse/Tarbes, Éditions Milan - Randonnées Pyrénéennes, , 765 p. (ISBN 2-86726-739-0 et 2 905521 47 3)
  18. « Molopospermum peloponnesiacum (L.) W. D. J. Koch », sur www.infoflora.ch (consulté le )
  19. (fr+en) Référence GBIF : Molopospermum peloponnesiacum subsp. bauhinii I. Ullmann, 1979
  20. (en) « Molopospermum peloponnesiacum », sur Invasive Species Compendium, (consulté le ).
  21. Louis Companyo, Histoire naturelle du département des Pyrénées-Orientales, Perpignan, impr. de J.-B. Alzine, 1861-1864, XXXI-448, 939, 942, in-8 (BNF 30262524), T2, p. 309
  22. Société d'agriculture du département de la Seine, Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique, 1808
  23. (en) Montse Parada, E. Carrió et Joan Vallès, « Ethnobotany of food plants in the Alt Emporda region (Catalonia, Iberian Peninsula) », Journal of Applied Botany and Food Quality, no 84, , p. 11-25 (lire en ligne, consulté le ).
  24. Sébastien Berriot, « Dans les Pyrénées-orientales, un randonneur décède après avoir consommé une plante toxique », France Bleu Roussillon, (lire en ligne, consulté le ).
  25. Henri Baillon, Histoire des plantes, vol. 7, t. 1 : Monographie des Mélastomacées Cornacées et Ombellifères, Paris, L. Hachette, , 256 p. (BNF 30047731, lire en ligne), p. 181.
  26. Jean Anrich, « Fête du « coscoll » à Sahorre », Espace de Jean Anrich, (lire en ligne, consulté le ).
  27. « Sahorre : Fête du coscoll », L'Indépendant, (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Myriam Pied, Le Coscoll, la plante sauvage comestible des catalans, in Alain Pottier (dir.) (ill. Paul Schramm, photogr. Michel Castillo), À la conquête des plantes à parfum, aromatiques et médicinales du Roussillon, Canet-en-Roussillon, Éditions Trabucaire, , 189 p. (BNF 45410783)
  • (de) Isolde Ullman, « Verbreitung, Standortcharakter und infraspezifische Gliederung bei Molopospermum peloponnesiacum (L.) Koch (Apiaceae). », Flora, vol. 179, no 4, , p. 253-270 (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Vanessa Andreu, A. Amiot, M. Safont, A. Levert et C. Bertrand, « First Phytochemical Characterization and Essential Oil Analysis of the Traditional Catalan Wild Salad: “Coscoll”(Molopospermum peloponnesiacum (L.) Koch) », Med Aromat Plants, vol. 4, no 4, (ISSN 2167-0412, lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes

Liens externes

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